Aménagement des milieux humides de la Guyane
française depuis le XVIIIème siècle jusqu’à nos jours
Les projets de culture en terres basse non réalisés
L’un des projets qui aurait pu améliorer les rendements des cultures des terrains noyées en Guyane au XVIIIème siècle, fut celui de l’apprentissage des méthodes d’assèchement que le Commissaire Général Maillard voulut initier en 1766. 46 Guyane française (1962), carte des sols des terres basses, 1/100000, Cayenne-Régina, n° de carte Sphaera 01735 80 8.1 Le projet d’apprentissage des techniques de dessèchement des terres basses Maillard, premier commissaire général de la marine, envoyé à Cayenne en 1766 eut à cœur d’élaborer des plans d’asséchement selon la méthode des Hollandais. Pour ce faire, il effectua un voyage au Surinam pour prendre connaissance de toutes les techniques relatives à la construction d’un polder (M.B. R47 .., 1827). Revenu en Guyane, il se proposait d’avancer et de distribuer des esclaves à ceux qui auraient voulu expérimenter cette nouvelle méthode de culture. En France, il présenta son mémoire à son ministre de tutelle avec les plans qu’il avait levés pour le desséchement des terres basses. Le ministre approuva ses vues mais ne tint pas compte de ce projet qui ne fut jamais exécuté puisque Maillard sera finalement envoyé en île de France (à cette époque, île Maurice) selon la déclaration faite par le Ministre : « le Roi vous nomme intendant de l’Ile de France »48 . Par conséquent, ce projet ne vit jamais le jour. La nomination de Maillard en Ile de France mit fin à ce projet car, localement personne ne prit le relais. Voilà un projet qui aurait pu améliorer la Guyane, classé par les autorités de cette époque. Cette colonie n’était certainement pas dans leur plan d’action en ce moment, puisque le Ministre ajoutera « on songera à la Guyane plus tard ». Cette attitude en effet pourrait traduire le fait que les autorités françaises ne croyaient sûrement pas à la réussite de l’entreprise guyanaise, et privilégiaient plutôt d’autres colonies. Etait-ce dû aussi aux nombreux échecs cités précédemment, l’échec de Kourou, Macouria, du polder de Rémire initié par Claude Macaye ? Une réponse positive à cette question n’est pas à écarter. Du point de vue financier, l’Etat avait fait des dépenses dont les résultats n’ont pas été atteints. De plus, la méconnaissance des procédés de mise en valeur des terres basses d’une part, et la nature du milieu non propice de par son climat et son état insalubre d’autre part, se présentaient comme des obstacles pour la Guyane française. Mais l’initiative de Maillard aurait pu être pris en compte en ce moment, puisque des années plus tard l’agriculture sous polder fut instaurée en Guyane. A partir de 1778, date à laquelle Malouet va introduire les techniques d’assèchement des terres par le biais d’un expert de la question, aucune personne ne reprit ce projet. Aucun de nos documents n’indique que ce sujet avait été même évoqué. L’activité agricole dans les terres noyées était toujours au stade embryonnaire, en dépit de quelques expériences réalisées, avec des techniques et des moyens méconnus. Mais, malgré l’ignorance de ces méthodes, les entrepreneurs planifiaient toujours de cultiver ces terrains dont les rendements étaient potentiellement voués à l’échec à cause de l’absence des ingénieurs agricoles habiles dans le domaine. La Guyane avait sûrement de l’argent pour investir dans ces milieux humides. Nous remarquons en effet qu’elle a toujours financé les projets qui soldés par des échecs. 8.2 Le projet des plantations d’épices Le ministre de la Marine, De Sartines, chargea Malouet, alors commissaire général de la marine et membre du comité de législation des colonies en 1777, d’examiner tous les projets des compagnies qui désiraient entreprendre dans les terres basses. Certes, Malouet n’avait jamais connu la Guyane française, mais il avait des connaissances précises sur le commerce et la culture des colonies qu’il avait acquises alors qu’il était propriétaire à Saint-Domingue où il aussi avait servi la France (Drohojowska, 1854). Il savait également le coût d’un nouvel établissement agricole, et les profits qu’un investisseur intelligent pouvait attendre d’un placement d’argent dans les terres basses de cette partie du monde. Cet examen des projest était un travail d’une grande importance, puisqu’il s’agissait d’appuyer ou de rejeter des demandes des concessions de terre. Les positions de Malouet suscitaient des débats. Ainsi, la compagnie Paultz, dirigée par le baron de Bessner, ne reçut pas l’approbation de mettre en pratique son projet d’épices. Après avoir reçu les propositions de cette dernière, Malouet ne trouva aucun argument convaincant qui aurait permis d’envisager une possible réussite de l’entreprise (Malouet, 1788). C’était un projet qui semblait irréalisable à Malouet, Représentant du pouvoir dans cette affaire, le commissaire général refusait que le gouvernement donne une fois de plus son accord à une entreprise vouée à l’échec. « Protecteur des fortunes particulières qui composent la fortune publique, le souverain doit rarement accorder son appui à des spéculations hasardées »49 . Malgré cela, le baron de Bessner ne voulut pas renoncer. Il écrivit un mémoire dans lequel il prenait exemple de l’établissement des Jésuites dans le Paraguay, celui qui avait réussi grâce à une main d’œuvre indienne qu’il voulait associer au projet. Dans ce mémoire se trouvait une carte sur laquelle on voyait tous les établissements projetés50 , « avec indications pour emplacement des villes et des bourgs, les plantations de la compagnie. Sur 49 MALOUET, 1802, tome II, p. 9 50 Nous n’avons pas retrouvé cette carte dans les archives, son existence est simplement mentionnée dans la littérature. 82 différents points de la carte, l’auteur avait semé la vanille, le cacao, le bois à épice » (Malouet, 1802). Le premier ministre semblait quant à lui être disposé en faveur du baron de Bessner et de ses rêveries, mais sans entêtement. Une fois de plus, Malouet réagit : « il est temps de mettre un terme à tous ces essais funestes ou infructueux, et d’arrêter sur la Guiane, en connaissance de cause, un plan d’opérations. C’est dans la colonie même, en interrogeant les habitants, en visitant les terres, en employant à cet examen des ingénieurs et des cultivateurs exercés, c’est surtout en comparant aux nôtres les procédés employés par les Hollandais, que vous arriverez à des résultats positifs. Vous n’aurez plus à craindre d’être séduit par des fables, par de fausses combinaisons, lorsque vous aurez fait constater d’une manière authentique, la nature du sol, les obstacles et les moyens de culture »51 . Le Gouvernement, suivant la proposition de Malouet, entreprit donc d’envoyer un homme éclairé et animé du désir sincère d’acquérir les connaissances nécessaires au développement agricole et de les faire profiter à la colonie. Etant donné que Malouet, au regard du Ministre de Sartine, était dévoué à la cause de la colonie, il fut donc choisi sous l’ordre du roi et fut chargé de vérifier sur le terrain, tout ce qui avait été dit par le baron de Bessner, sur la Guyane. Il s’agissait d’examiner la raison des échecs des entreprises antérieures et d’envisager les moyens à mettre en œuvre pour augmenter les chances de réussite des projets à venir. Le choix de Malouet était sûrement dû au fait qu’il contestait le projet du Baron, indiquant qu’il ne pouvait pas avoir de succès d’établissement en terres basses en Guyane française par de simples spéculations. Ce Baron de Bessner avait déjà entrepris un dessèchement des terres basses dans le but de créer un établissement de culture le long de la rivière de Tonnegrande. Mais il avait connu un échec aussi déplorable que celui de l’expédition de Kourou. Ce fut un argument fort pour s’opposer à son projet. Malouet fut donc envoyé en Guyane comme intendant, avec pour mission d’introduire de nouvelles connaissances concernant les méthodes de culture dans les zones humides à la manière des Hollandais. Toutes les premièrestentatives d’exploitation des terres basses, depuis 1763 avec les plantations de Kourou jusqu’en 1774 date de construction du polder de Rémire, se soldèrent donc par des échecs plus ou moins cuisant. Ceux-ci s’expliquent de plusieurs façons : 51 Malouet, 1802, Tome II, p. 17 83 – l’absence de connaissance précise des sols et de l’hydromorphie à partir d’un sondage par des spécialistes de la question pour évaluer la qualité des terres sur lesquelles ils se proposaient de cultiver d’une part, leur position par rapport aux marées pour prévenir les habitations des inondations, l’absence d’une main d’œuvre expérimentée d’autre part. Aucune littérature n’indique qu’un sondage avait été réalisé pour évaluer la qualité du sol et la position des terrains par rapport aux flux des marées. Des experts auraient certainement remarqués que ces secteurs étaient très bas, avec un taux de salinité très élevé, et qu’il était préférable de le laisser d’abord immerger dans de l’eau douce pour baisser ce taux de salinité, comme font les Hollandais. Car l’abondance des sels marins constitue une limite à la production. Les terrains bas sont généralement plus soumis aux débordements des eaux par rapport à ceux qui sont légèrement élevés au-dessus des marées. Les premiers nécessitent alors plus d’intervention du point de vue technique que les derniers. Mais à cette période, où aucun procédé d’aménagement des terres basses n’était acquis des Français en Guyane, les habitations dans ces secteurs ne pouvaient pas connaître de succès. Pour un bon plan de culture, il fallait d’abord mieux connaitre la position du sol par rapport aux marées. Or, les terrains de Kourou et Macouria étaient très bas, par conséquent très noyés pour pouvoir édifier un polder surtout quand on n’a pas des connaissances sur la question. La saison des pluies est mieux indiquée pour l’examen des terrains que l’on veut cultiver. Le débordement des eaux causé par les précipitations en cette période, permettent aux ingénieurs de localiser les terrains qui se trouvent vulnérables aux inondations par rapport aux autres. Donc, les relevés topographiques réalisés en saison sèche ne garantissaient pas la position des terrains à cultiver par rapport aux flux des marées et aux inondations. – Une main d’œuvre qualifiée pour sortir ces terrains des eaux à la manière des Hollandais était ce qu’il fallait obligatoirement privilégier. Mais les travaux de Kourou ne disposaient que des paysans incompétents, sans expérience en matière d’agriculture. Par conséquent, pour réussir de tels projets « il fallait réunir la carte détaillée de la colonie, la description raisonnée et constatée des différentes qualités des terres et de leur position » 52, et préparer une main d’œuvre capable de mener jusqu’au bout les travaux qu’on se proposait de réaliser. Mais « […] tous ces secours ont manqué à 52 Malouet, 1802, p. 248 84 messieurs de la compagnie et ils ont été trompé […]» par leur avidité. Le manque de connaissances relatives à ce type de culture ne permettait pas d’atteindre les résultats escomptés. – Le manque de connaissance technique que l’on n’a pas réussi à combler. Les projets étaient aussi restés au stade embryonnaire. Aucun d’entre eux ne fut réalisé malgré la pertinence de quelques-uns comme celui que le Commissaire Général Maillard. Ce projet aurait pu être considéré comme le point de départ du succès attendu. Mais il ne fut pas pris en compte par la France. – Le manque des financements ne peut pas être considéré comme un facteur majeur de l’échec de la mise valeur de cette colonie. Les projets échoués avaient toujours été financés. Le véritable problème de cette colonie, était certainement l’absence des procédés agricoles sous polder, la qualité des sols et des personnes qualifiées dans le domaine. Du moins, jusqu’à l’arrivée de Malouet. Mais l’acquisition des connaissances de valorisation des terres basses en Guyane, avec l’ingénieur des travaux Guisan, va changer la donne mais n’épargnera pas ce territoire l’insuccès agricole des terres noyées. Il sera alors nécessaire de se demander s’il n’existe pas d’autres facteurs qui ont présidés à cet échec. A partir de 1778, avec l’arrivée de Malouet, nouvel intendant de Guyane française, la mise en valeur des sols des terres basses va connaître une nette amélioration par rapport aux entreprises précédentes. 1778 – 1850 : des changements radicaux dans la mise en valeur des terres basses Après toutes ces tentatives de cultures en terres basses, qui se sont soldées par des échecs, a suivi à partir de la fin du XVIIIème siècle, une tentative sérieuse de développement impulsée par l’intendant Malouet qui ainsi a joué un rôle très important dans l’histoire agricole de la Guyane française. Il nous est utile d’évoquer brièvement son parcours, du fait qu’il soit au centre de l’histoire des terres basses de la Guyane française.Cité par Malouet lorsqu’il déplorait les différents échecs des Français dans l’entreprise des terres basses (Malouet, 1802 : 248. 85 Malouet avait été envoyé à Rochefort –sur – Mer en Charentes – Maritime pour y diriger les embarquements lors de la malheureuse expédition de Kourou (Drohojowska 1853). Puis il fut sous-commissaire à Saint-Domingue, et avait à son actif une étude de l’administration des Colonies. Il était commissaire général de la marine et membre du comité de législation lorsqu’il fut choisi pour expertiser les différents projets qui portaient sur l’agriculture des terres basses en Guyane française. Il fut alors nommé ordonnateur et commissaire général de marine, avec pouvoir d’intendant en Guyane. Drohojowska (1853) rapporte également que « la modération était le trait distinctif de son caractère, une qualité fort utile, voire plus nécessaire à la mission qu’il était chargé de remplir » 54 . Il partit donc pour Cayenne en septembre 1776 avec le projet de former, en terres basses, des établissements de culture (Malouet, 1802). Dès son arrivée à Cayenne, l’intendant constitua une assemblée extraordinaire de députés de la colonie et fit part de son plan pour un grand établissement agricole dans le but d’impulser la production des denrées coloniales. Il voulut savoir si parmi les membres de l’assemblée il s’en trouvait qui en soit capables d’indiquer les terrains favorables à ce type de culture. Aucun d’eux ne put dire qu’elles étaient les bonnes et les mauvaises terres, puisque personne ne s’était auparavant intéressé à l’analyse des sols des terres basses.Lors d’une « assemblée coloniale réunit en mai 1777 » 55, la discussion tourna autour de treize questions parmi lesquelles celle concernant la mise en valeur des terres basses : « Ne faudrait-il pas déserter les terres hautes, généralement peu productives et propres seulement à la culture des vivres, pour les terres basses, fertiles et desséchables ? » Cette question fut approuvée et permit à Malouet de faire asseoir son projet et d’atteindre son objectif. En 1777, date à laquelle les Français élaborent des projets de culture dans les terres basses à la manière des Hollandais. La colonie du Surinam avait déjà largement progressé dans ce type de culture. La France par contre essuyait de lourds échecs dans l’aménagement de leurs terres basses pour des raisons déjà évoqués. L’assèchement des terres basses était un travail qui nécessitait les forces et le courage. C’était un milieu qui, jusqu’au XVIIIème siècle en Guyane française, n’attiraient aucun investisseur du fait de leur qualité. En effet, des terrains 54 Drohojowska A., Histoire des colonies françaises : Antilles, Iles Bourbon, Guiane française, Bibliothèque numérique Caraïbe Amazonie plateau des Guyanes, « Manioc », Paris, 1853, p 247. 55 Mourie J.-F. H., La Guyane française ou notices géographique et historique sur la partie de la Guyane habitée par les Colons, au point de vue de l’aptitude de la race blanche à exploiter, de ses mains, les terres de cette colonie ; accompagnées des cartes de la Guyane, de la ville de Cayenne, des iles du salut et d’un aperçu sur la transportation, Bibliothèque numérique Caraïbe Amazonie plateau des Guyanes, « Manioc », Paris, 1874, considérablement inondés en saison des pluies, sur lesquels poussaient des herbes coupantes et qui n’offraient aucune possibilité de rendement agricole, ne pouvaient encourager personne à investir. Pourtant, les terres hautes ne répondaient plus au besoin du commerce de la colonie. L’exploitation des terres basses constituait donc une issue au commerce coloniale. Mais l’ignorance des méthodes employées pour réaliser ce type de culture se révélait être un handicap pour les habitants de la Guyane française. Alors, Malouet visita des terres basses de l’île de Cayenne et de ses alentours, accompagnés des hommes compétents (Mourié, 1874). Il parcourut toute l’île du nord au sud, en s’imprégnant de la qualité des terres et de l’état des établissements présents dans la colonie. Il rencontra beaucoup d’habitants-propriétaires installés sur les terres hautes, et dont les productions agricoles étaient médiocres. Malouet affirma que « la plupart étaient endettés, travaillant et vivant mal ». Mais, certains marquaient la différence par leur effort : « j’ai vu entre Sinnamari et Kourou dit Malouet, quelques hommes dont le travail et le succès m’ont étonné. Un nommé Gervais, cultive seul sept arpents56 de terre plantée en vivres et en coton. » 57 . Malgré ce succès, les terres hautes ne répondaient pas aux besoins du commerce colonial. Elles étaient « d’une exploitation plus facile, mais perdent au bout de quelque temps toute leur fertilité. Au départ riches, elles s’épuisent rapidement ; on les voit fournir deux, trois récoltes par an, mais après la troisième, elles ne produisent plus. Elles ont besoin de repos ». (Rivière, 1866). Devant cette réalité, Malouet proposa une suite de mesures à Monsieur de Sartines, Gouverneur de la Guyane : « Nous sommes arrivés aujourd’hui au complément d’épreuves nécessaires pour déterminer et régler avec sûreté de grands établissements en cultures, si l’on veut entreprendre. « Après avoir jugé, par les produits de cent années et par l’aveu même des plus entêtés colons qu’il y ait dans cet hémisphère, la qualité des terres hautes, l’assemblée a déclaré, de concert avec nous, que le seul espoir d’amélioration et de richesse que restât à la Guyane était dans ses terres basses si elles sont desséchables » 58 . Deux autres éléments vont contribuer aux changements de la stratégie dans la mise en valeur des sols de Guyane sous l’autorité de 56 Ancienne mesure agraire correspondant à 20 à 50 ares 57 Laboria 1843 :56 58 Le Baron de Malouet, (1862), Mémoires de Malouet, Bibliothèque numérique Caraïbe Amazonie plateau des Guyanes, « Manioc », Paris, p. 382 87 l’intendant Malouet : l’apport de l’expérience de la Guyane hollandaise et le développement des connaissances des sols des terres basses. 9.1 L’expérience de la Guyane hollandaise : un apport considérable à l’essor de l’expérience agricole des terres basses en Guyane française Les terres basses étaient de toute évidence l’issue de secours pour améliorer le commerce de la colonie. Cependant, il fallait une expérience dans la gestion de l’hydromorphie pour mieux engager le projet. La Guyane française n’avait aucune connaissance dans le domaine. Elle avait échoué dans tout ce qu’elle avait essayé d’entreprendre. Donc, l’élément primordial au lancement de cette nouvelle saison d’activité agricole dans les zones humides, était la connaissance des procédés de l’aménagement de ces sols. La Guyane hollandaise qui avait expérimenté avec un énorme succès la culture de ses terres noyées depuis le milieu du XVIIème siècle, était connue pour sa compétence dans les opérations d’assèchements de ce type de terrains. De toute évidence, elle était celle vers qui la Guyane française pouvait se tourner pour acquérir ces méthodes du fait qu’elles étaient voisines et bénéficiaient de même type de climat.
Les compétences agricoles de la Guyane hollandaise dans la culture des terres basses
Les Hollandais, après quelques essais de culture en terres hautes dès leur arrivée au Surinam au XVIIème siècle, avaient reconnu que ces terres ne pouvaient pas produire la quantité considérable des produits coloniaux dont ils avaient besoin pour leur commerce. Ils se sont donc très vite tournés vers la culture en terres basses, susceptibles de répondre à leur besoin. « Surinam n’est devenu une colonie importante que depuis que les Hollandais ont commencé à dessécher leurs terres basses » (Stedman, 1798). Cette entreprise n’était pas nouvelle pour les Hollandais. Ils étaient habitués à vaincre chez eux des difficultés similaires. Par conséquent, ils n’ont pas craint d’entreprendre les travaux nécessaires pour s’établir en secteurs noyés. Ils ont ainsi obtenu, au prix de gros efforts, de bons résultats en matière de production de denrées alimentaires. « Lorsqu’on jette un coup 88 d’œil sur les terres qui sont maintenant en culture dans la colonie de Surinam », dit Dufourgé (1839)59 , « sur l’abondance et la beauté des fruits qu’on y trouve, et que l’on se rappelle ce qu’étaient ces terres il y a peu de siècles, on s’étonne de ce qu’ont pu produire le génie, le travail et la persévérance des Européens qui vinrent les premiers se fixer dans cette contrée » 60 . « Ils avaient converti d’immenses marais en superbes plantations et avait animé les cultures en toutes sortes de denrées coloniales » 61. D’ailleurs Desmarchais écrivait en 1730 : « Tout le monde sait que ces pays (notamment la Guyane hollandaise), étaient des pays noyés, des marais impraticables et si malsains qu’on y prenait des maladies les plus dangereuses presqu’en y mettant pied à terre. Les Hollandais sont venus à bout par leur patience et par un travail assidu d’en faire un bon pays ; à force des canaux et de jetées ils ont desséché ces marais ; ils se sont ouvert des communications commodes ; ils ont retiré de la mer des pays gras et immenses ; ils y ont établi des manufactures de sucre ; ils y cultivent avec succès le coton, le tabac, le rocou, l’indigo, le cacao, le café »62 . La méthode et la technique hollandaises étaient un modèle pour la Guyane française. En effet, l’extrait de la carte de la colonie de Surinam dressée en XVIIIeme siècle (figure 33) montre une avancée considérable des polders en terres basses dans cette colonie au moment où Malouet montait les projets d’en construire en Guyane française et que toutes les autres tentatives n’avaient pas réussies. Cette carte a été dressée pour servir d’exemple à la colonie de Guyane française. A cette époque63, la colonie de Surinam compte 400 polders (Malouet, 1802) que nous observons sur la figure 33.
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