Généralités sur la microbiologie alimentaire
La microbiologie alimentaire consiste en l’étude des microorganismes qui habitent ou contaminent les aliments. Les microorganismes sont nombreux et très diversifiés au plan taxonomique. Ils ont en plus de grandes capacités métaboliques et occupent tous les milieux en quantité importante. Certains facteurs influencent le développement des microorganismes. Pour empêcher ou ralentir leur développement qui provoque l’altération des aliments et qui peut être nuisible et dangereux pour l’homme, il importe de connaître les facteurs qui favorisent le développement ou la destruction des microorganismes. Les facteurs les plus importants sont : la température, l’eau, la présence d’oxygène, l’acidité et la composition chimique du milieu (FAO, 2007).
La présence de microorganismes dans les aliments peut résulter soit d’une contamination des matières premières utilisées pour leur préparation, soit d’une insuffisance de leur protection lors de l’élaboration et/ou de leur stockage jusqu’à la consommation. Les matières premières utilisées dans la production de ces aliments sont parfois souillées et peuvent, de ce fait, contribuer à leur contamination microbienne dans le cas où les conditions de cuisson sont insuffisantes ou inefficaces. L’une des principales causes de contamination microbienne des matières premières d’origine végétale (fruits, légumes-feuilles, etc.) est l’utilisation d’engrais organiques (humains ou animaux) non traités. La situation peut être aggravée lorsque ces produits ne sont pas correctement lavés dans une eau propre (FAO, 2007). Par exemple, dans l’industrie alimentaire, d’autres microorganismes vivant dans les aliments peuvent s’y retrouvés grâce à la contamination de l’environnement dans les chaînes de production.
Les affections encourues après consommation d’un aliment contaminé, varient en fonction du type de microorganismes et du niveau de contamination. Les maladies microbiennes d’origine alimentaire peuvent atteindre une ou plusieurs personnes à la fois. Il s’agit de maladies infectieuses, parasitaires et d’intoxications alimentaires.
Les bactéries sont capables de provoquer une toxi-infection alimentaire collective qui est une intoxication alimentaire définie par les deux points suivants :
Elle doit apparaître chez au moins deux personnes présentant les mêmes symptômes, Et correspondre à la consommation par ces personnes d’un même aliment contenant les bactéries pathogènes à l’origine de la maladie.
Généralités sur Bacillus cereus
Caractères généraux : Bacillus cereus est une bactérie à gram-positif, en forme de bâtonnet, formant des spores, et anaérobie facultative. Elle est ubiquitaire dans les aliments et dans l’environnement (Delbrassinne et al., 2015). Elle mesure environ 5 μm de long et 1 μm de large, possédant une ciliature péritriche d’une longueur supérieure à 3 microns et d’un diamètre moyen de 1,4 μm (Senesi et al., 2002). Il est également capable de se développer à la température optimale d’environ 28-35 °C, ainsi qu’à la température minimale d’environ 4-5°C. Elle s’adapte bien dans une large gamme de pH allant de 4,9 à 9,3 et de concentration de sel allant jusqu’à 7,5% (Batt et Tortorello, 2014). Cela leur permet de contaminer et de se développer sur une gamme d’aliments présentant des pH légèrement acides à des pH alcalins. Egalement, leur tolérance aux sels leur permettra de contaminer et de se développer sur des aliments ayant une certaine teneur en sel. Lorsqu’ils sont exposés à un stress acide faible, les micro-organismes peuvent s’adapter et développer une réponse de tolérance, appelée acido-tolérance. Cette tolérance pose d’énormes problèmes, car les mécanismes de protection induits par la bactérie lui permettent de survivre, mais également de s’adapter et de croitre dans des conditions acides plus hostiles (Thomassin et al., 2006). Elle peut également contaminer les aliments crus ou transformés. Les souches pathogènes de B. cereus peuvent causer une gamme d’infections chez l’homme, dont l’intoxication alimentaire de type émétique (intoxication) ou diarrhéique (toxico-infection) (Berthold-Pluta et al., 2015). Cependant, certains patients pourraient éventuellement présenter deux syndromes en même temps, en raison de la présence des deux toxines (Batt et Tortorello, 2014).
Sporulation de Bacillus cereus
Afin de résister à un environnement qui n’est plus favorable à leur développement, certaines bactéries sont capables de sporuler. Ainsi, lors d’une baisse des nutriments, d’une baisse de l’activité de l’eau ou encore d’une variation importante de température, les bactéries du groupe B. cereus produisent des spores ultra résistantes par rapport à la forme végétative (Griess, 2013). En industrie agroalimentaire, les spores des bactéries résistent aux traitements thermiques classiques. Ainsi, il n’est pas rare de retrouver de nombreuses traces de ces dernières sur les surfaces de travail ou encore dans les produits commercialisés (Collado et al., 2003). Suite à leur activation, les spores germent sous forme végétative pouvant se développer dans un produit en l’absence de flore compétitive (Samapundo et al., 2011). Certaines bactéries à Gram positif telle que Bacillus, ont la capacité de sporuler lorsqu’elles se trouvent dans des environnements de stress comme le manque de nutriments dans le milieu (Leggett et al., 2012).
Les étapes morphologiques de la sporulation sont similaires chez toutes les espèces du genre Bacillus (Hilbert et Piggot, 2004). La figure 2 présente les étapes de la sporulation.
L’étape 0 correspond à la phase où les cellules végétatives se préparent à la sporulation. Elle correspond généralement à la fin de la phase exponentielle de croissance.
L’étape I désigne la formation d’un filament de chromatine axial, où deux copies de chromosomes se condensent et s’allongent pour former un filament axial qui s’étend le long de la cellule (Hilbert et Piggot, 2004).
L’étape II commence par la formation d’un septum qui correspond à une division asymétrique donnant naissance à deux cellules de tailles différentes, une petite appelée pré-spore qui deviendra la spore dormante et une autre, de plus grande taille appelée cellule mère. Cette dernière se lyse à la fin du processus pour libérer la spore mature (Hilbert et Piggot, 2004).
Juste après la division asymétrique, vient l’engloutissement de la pré-spore par la cellule mère. Cette étape III est semblable au processus de phagocytose et est entrainée par des protéines de la cellule mère facilitant la migration de la membrane autour de la pré-spore par élimination enzymatique du peptidoglycane (de Hoon et al., 2010). Après l’achèvement de l’engloutissement, la pré-spore est entièrement entourée de ses deux membranes interne et externe (Abbas, 2014). L’étape IV de la sporulation désigne la formation d’une structure de peptidoglycane, déposée entre les deux membranes interne et externe, appelée cortex (Driks, 2002). En parallèle à la formation du cortex, la paroi cellulaire formée également de peptidoglycane est synthétisée entre la membrane interne et le cortex (Abbas, 2014).
A la suite de l’étape IV, une structure complexe composée de protéines de la surface externe de la pré-spore appelée tunique de la spore est construite ; ceci correspond à l’étape V de la sporulation (Hilbert et Piggot, 2004).
L’étape VI du développement de la spore appelée maturation se produit avec peu de changements morphologiques, car au cours de cette étape, les propriétés de résistance, de dormance et de germination se développent (Abbas, 2014). L’étape VII est l’étape de libération de la spore mature après lyse de la cellule mère.
Impact de Bacillus cereus dans l’industrie agroalimentaire
Parmi les microorganismes nuisibles aux industries agroalimentaires, B. cereus occupe une place de premier plan. Sa capacité à croître rapidement, à sporuler et à former des biofilms, en a fait une préoccupation suscitant l’intérêt des industries agroalimentaires (Bartoszewicz et al., 2008). En effet, les spores sont connues comme une des formes de vie les plus résistantes et leur inactivation complète est souvent impossible sans altérer la qualité de l’aliment, comme c’est le cas de B. cereus. Ceci serait en partie dû au fait que les spores possèdent une forte hydrophobicité, une surface très peu chargée et une morphologie particulière. Ce caractère hydrophobe marqué, souvent attribué à l’abondance de protéine de surface est fréquemment cité à l’origine de la forte capacité d’adhésion des spores. Leur adhésion aux surfaces alimentaires et leur développement sous forme de biofilms ou au sein de biofilms multi-espèces peut entraîner des risques importants pour la santé des consommateurs (Daryaei et al., 2013).
Les spores de B. cereus sont ubiquistes et peuvent contaminer les aliments via les matières premières. Elles sont capables de résister aux traitements thermiques ainsi qu’à d’autres procédures telles que la déshydratation, la dessiccation, la désinfection et autres facteurs environnementaux, qui empêchent le développement d’autres bactéries capables de rentrer en compétition avec elles. Ce pathogène alimentaire peut ainsi causer de sérieux problèmes tels que le changement de texture et le développement de saveurs indésirables dans l’industrie alimentaire. Aussi, compte tenu de sa psychrotolérance, cette bactérie constitue un potentiel pathogène émergent des produits réfrigérés prêts à la consommation (Bartoszewicz et al.,2008).
Par ailleurs, les températures basses utilisées en industrie agroalimentaire ont sélectionné des souches psychrotrophes qui posent de réels problèmes, de la production jusqu’à la distribution, même lorsque la chaîne du froid est respectée. Enfin, les spores présentent des capacités d’adhésion aux surfaces particulièrement fortes leur permettant de s’installer en biofilms dans les installations en inox, les rendant ainsi très difficiles à éliminer du procédé.
Outre les problèmes d’ordre économique qu’elles posent en industrie agroalimentaire, ces bactéries font l’objet d’un regain d’attention ces dernières années, notamment parce qu’elles sont productrices de toxines très diversifiées (Merzougui et al., 2013).
Pathogénicité de Bacillus cereus
Les toxi-infections alimentaires collectives (TIAC) à B. cereus sont généralement bénignes, néanmoins quelques épisodes mortels ont été décrits montrant que la virulence de B. cereus n’est pas à négliger (Lund et al., 2000 ; Dierick et al., 2005).
Les toxi-infections alimentaires (TIA) à B. cereus se manifestent par deux types de syndrome : le syndrome émétique et le syndrome diarrhéique. Ces deux types de syndromes sont causés par différents facteurs de virulence (Arnesen et al., 2008).
B. cereus est parmi les micro-organismes le plus souvent isolées des cas de détérioration des aliments et provoque des maladies gastro-intestinales ainsi que des infections non gastro-intestinales provoquées par la toxine émétique cereulide, les entérotoxines, et un groupe de facteurs de virulence de tissus destructeurs. Ce pathogène opportuniste est de plus en plus associé à des infections cliniques souvent mortelles en particulier chez les nouveau-nés et les personnes immunodéprimées.
Table des matières
INTRODUCTION
1ère PARTIE : SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE
I. Généralités sur la microbiologie alimentaire
II. Généralités sur Bacillus cereus
II.1. Caractères généraux
II.2. Taxonomie
II.3. Sporulation de Bacillus cereus
II.4. Impact de Bacillus cereus dans l’industrie agroalimentaire
II.5. Pathogénicité de Bacillus cereus
II.6. Ecologie de Bacillus cereus
II.6.1. Réservoir primitif
II.6.2. Incidence dans la chaîne de production des aliments
II.7. Mécanismes de résistance de Bacillus cereus dans les aliments
II.7.1. Effet de la température
II.7.2. Effet du pH
II.7.3. Effet de l’activité de l’eau (Aw)
III. Généralités sur l’analyse microbiologique des aliments
III.1. Milieux de culture
III.2. Méthode d’interprétation des résultats de l’analyse
2ème PARTIE : MATÉRIEL ET MÉTHODES
I. Présentation du cadre d’étude
I.1. Matériel de laboratoire
I.2. Matériel végétal
I.3. Méthodes
I.3.1. Méthode de dénombrement des B. cereus
I.3.1.1. Préparation des milieux de cultures
I.3.1.2. Dilution, ensemencement et incubation
I.3.1.2.1. Préparation de la suspension mère
I.3.1.2.2. Dilutions décimales
I.3.1.2.3. Ensemencement et incubation
II. Etude statistique des résultats obtenus
III. Méthode de lecture des résultats
3ème PARTIE : RÉSULTATS ET DISCUSSION
I. Résultats du dénombrement de Bacillus cereus dans les aliments
I.1. Répartition de la contamination
I.2. Fréquence de la contamination des aliments
II. Discussion
II.1. Contamination des aliments étudiés
II.2. Fréquence de contamination
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES