Images et imaginaires scolaires de la littérature française du XVI°siècle
Figure d’auteur (1) : D’Aubigné, ou l’engagement de la foi
Contrairement aux auteurs qui ont intéressé notre étude jusqu’ici, l’image scolaire de d’Aubigné apparaît moins sédimentée par le feuilletage des éléments doxiques repris de manuels en manuels, puisqu’il n’appartient pas à la catégorie des auteurs du XVIe siècle bénéficiant d’un chapitre à son nom dans les anthologies, de Lanson au Lagarde et Michard. Il existe bien, pourtant, une doxa qui circule dans les manuels à propos du poète et de son œuvre, constituée d’une série d’éléments biographiques et de différents jugements sur l’œuvre, qui viennent dès lors figurer l’image scolaire de l’auteur. Néanmoins, si l’on rapporte cette image à celle des classiques maximaux ou de Marot, il apparaît que la figure scolaire de d’Aubigné n’est pas construite de manière extensive tout au long du siècle, les notices de présentation se limitant à une page chez Lanson et à deux pages dans le Lagarde et Michard. Il convient dès lors d’envisager les éléments doxiques présents dans les manuels de 1981 à 2011 en lien avec le récit épibiographique construit d’une part par Lanson, d’autre part par Lagarde et Michard, afin que ces deux anthologies servent de points de repère pour l’étude diachronique de la modélisation scolaire de la figure du poète, et permettent d’évaluer les mutations de cette figure. Au même titre que Ronsard, Du Bartas, L’Hospital, Du Vair et la Satire Ménippée 26 , d’Aubigné est considéré par Lanson comme représentatif d’une littérature « militante », selon le titre du chapitre où il apparaît dans l’Histoire de la littérature française. Lorsqu’il présente les formes littéraires qui fleurissent durant la période des guerres civiles, Lanson fait de d’Aubigné le continuateur et en quelque sorte l’alter ego protestant de Ronsard, en affirmant que le poète est un « disciple de Ronsard » qui met « au service de ses irréconciliables haines une science des vers formée par les exemples de La Pléiade » (p. 232). De même que les Discours ronsardiens sont considérés par Lanson comme l’une des plus parfaites réalisations du poète, en raison de l’adéquation qui s’y dévoilerait entre l’inspiration, la forme et le moment historique27 , Les Tragiques sont à considérer comme un « chef-d’œuvre de la satire lyrique né des guerres civiles » (p. 232). Cette vision de l’œuvre est reprise et détaillée par Lagarde et Michard, qui indiquent bien plus que Lanson le caractère mélangé, inouï, de ce long poème narrant les persécutions subies par les protestants : Les Tragiques, ce long poème en VII livres, présente un double aspect : c’est un terrible cri de haine et de malédiction contre les catholiques et un hymne à la gloire des protestants persécutés et de leur dieu. La rancœur du poète se traduit par la verve satirique, par l’injure et l’anathème. (p. 175) Nourrie par l’expérience du poète et sa « rancœur », l’œuvre est caractérisée par sa dimension satirique, qui traduit la « haine » et la « malédiction » éprouvées par l’auteur à l’encontre des catholiques, et dont la violence est mise en exergue par le lyrisme de l’« hymne » dédié à la cause protestante. Le choix des formules « satire lyrique » et « verve satirique » pour définir les Tragiques chez Lanson et Lagarde et Michard indique dès lors à la fois le registre profondément polémique de l’œuvre et l’implication de l’auteur dans son texte. C’est ce dernier aspect que reprennent principalement les discours de présentation des manuels de 1981 à 2011, en indiquant que le poète est « une des figures de l’engagement politique et religieux » (Florence Randanne, 2011, p. 298), que son œuvre « manifeste son engagement aux côtés des réformés » (Jean-Marie Bigeard, 2005, p. 367), ou encore que « les dix mille vers des Tragiques résonnent du bruit et de la fureur des guerres de Religion » (Christophe Desaintghislain, 1998, p. 78). La récurrence des différentes formes du terme engagement (substantive, verbale, adjectivale) dans les notices de présentation souligne en outre la correspondance ou, en termes lansoniens, l’adéquation entre l’auteur, son œuvre et son sujet, au point que les Tragiques sont explicitement présentés comme l’équivalent littéraire des armes maniées par d’Aubigné sur le champ de bataille : Les Tragiques est une œuvre de combat dans laquelle d’Aubigné dépeint les malheurs de la France, en dénonce les responsables, puis évoque les souffrances des protestants avant d’annoncer la vengeance de Dieu et le Jugement dernier. (Daniel Stissi, 2000, p. 324) D’Aubigné s’engagea aux côtés du parti protestant dans la guerre civile et religieuse qui ensanglanta la France à partir de 1563. L’ample poème des Tragiques témoigne ainsi des souffrances et des luttes dans lesquelles fut pris son auteur. (Maryse Avierinos, 2001, p. 495) Dans Les Tragiques, le poète s’engage de toutes ses forces pour servir la cause des protestants. Il se déchaîne contre les princes et les juges catholiques qui ont plongé le royaume dans la misère. Il rappelle le martyre des protestants et évoque les batailles où il a combattu. (Christophe Desaintghislain, 2007, p. 289)
Figure d’auteur (2) : D’Aubigné, poète romantique et baroque
Présentant les Tragiques comme une « œuvre de combat », le discours scolaire tend à établir une identité entre l’activité poétique et l’activité militaire du poète, ce qui réactive la représentation proposée par Lanson de d’Aubigné comme poète-soldat, rédigeant son œuvre « dans le feu des combats, sous l’impression actuelle des vengeances réciproques […] ‘‘la botte en jambe’’, à cheval, ou dans les tranchées » (p. 232). Pour autant, le rapprochement entre les deux dimensions de l’engagement de l’auteur n’amène pas, comme chez Lanson, à un syncrétisme de la figure. Dans les manuels de 1981 à 2011, le discours scolaire se saisit en effet de la représentation héritée des analyses lansoniennes, mais pour mieux en distinguer deux facettes : d’une part, d’Aubigné est présenté comme un soldat, d’autre part comme un poète. Ainsi, les notices de présentations indiquent régulièrement que l’engagement de d’Aubigné n’est pas simplement littéraire, mais aussi militaire, et que l’inspiration des Tragiques naît directement de son expérience de soldat : Ami d’Henri de Navarre, [d’Aubigné] mène la vie d’un aventurier et d’un soldat. Sa bravoure lui vaut une grave blessure. C’est alors qu’il commence la rédaction d’un grand poème, Les Tragiques, publié près de quarante ans plus tard. (Bernard Valette, 1989, p. 55) Après avoir commencé très tôt de brillantes études humanistes, après avoir combattu dès seize ans dans les armées protestantes, d’Aubigné, continuant sa vie aventureuse, profite du repos que lui impose une blessure pour dicter à 25 ans, en 1577, le début de ses Tragiques. (Jacques Parpais, 1991, p. 111) Après la mort de son père au siège d’Orléans, [d’Aubigné] s’engage dans l’armée des huguenots et devient le compagnon d’Henri de Navarre. […] Mais, à vingt ans, blessé, il entrevoit le sens de sa mission et de son œuvre : il sera le témoin du martyr protestant. De nouveau blessé, il rédige les premiers vers des Tragiques. (Christophe Desaintghislain, 1998, p. 78) La reprise du biographème de la blessure va de pair, dans le discours doxique, avec la diffusion d’un autre élément autobiographique présenté comme origine même de insupportable. En ce sens, d’Aubigné peut tout à fait intégrer le cercle des auteurs « révoltés » et être présenté dans une séquence qui mettrait en regard des textes de Hugo, Éluard ou Aragon, pour ne citer qu’eux. 419 l’engagement du poète : la scène traumatique et originelle de la foi jurée devant les martyrs de la cause protestante. D’Aubigné est élevé par son père dans les principes de la religion réformée. […] À neuf ans, devant des corps de huguenots suppliciés, il jure de défendre la cause protestante. (Christophe Desaintghislain, 1998, p. 78) Adhérant aux idées du réformateur Calvin, d’Aubigné reste marqué à vie par le spectacle des guerres de religion, le jour où son père lui fit jurer fidélité au protestantisme devant les corps décapités de ses pairs. (Jean-Marie Bigeard, 2005, p. 367) La combinaison de ces deux éléments, constitutifs d’un récit épibiographique qui se donne comme véridique, conduit dès lors au déploiement d’une figure d’auteur qui tend, malgré une présentation qui souligne le caractère épique du poème, à orienter la lecture de l’œuvre vers la dimension testimoniale, voire autobiographique. Confronté enfant à l’horreur et la cruauté de la guerre, blessé au combat une fois adulte, d’Aubigné apparaît dès lors comme l’incarnation d’un poète qui se fait porte-voix des faibles et des opprimés, et dont la production poétique s’ancre dans l’expression de sentiments sincères et authentiques. Tout comme pour Ronsard ou Du Bellay, l’image du poète que construit le discours doxique s’appuie dès lors sur des représentations épibiographiques qui tendent à faire de l’œuvre le miroir de l’existence : paré ici des atours de l’engagement, c’est bien de nouveau le critère de sincérité qui fonde la valeur attribuée aux Tragiques dans le discours doxique. Qualifiée de « long cri de révolte et pitié » (Jean-Marie Bigeard, 2004, p. 254), l’œuvre est présentée comme la réalisation d’un poète dont la voix se fait l’écho des douleurs qu’il subit et dont il est le témoin : en ce sens, le discours doxique réactive, au gré des notices de présentation, une vision romantique du poètehéraut et prophète, proche dans cette perspective de la figure canonique de Hugo30. C’est d’ailleurs Hugo, figure maximalement classique au sein du corpus canonique de la littérature française, qui est convoqué par Lagarde et Michard comme point de comparaison pour présenter la singularité de l’œuvre, dont les anthologistes assurent qu’elle préfigure déjà le romantisme dans sa capacité à dépasser le témoignage pour hausser le récit au rang de mythe : Grâce à l’inspiration biblique, d’Aubigné a su conférer aux événements contemporains la valeur de mythes éternels. […] Il y a dans cette œuvre une puissance verbale rare et un don du rythme déjà romantique dans ses audaces : Hugo doit beaucoup à d’Aubigné. (Lagarde et Michard, p. 175)31 30 Nous aborderons plus en détail dans le chapitre VIII de notre étude l’importance de la figure du poète-héraut dans les représentations générales de la littérature du XVIe siècle. 31 Plus loin, présentant un extrait du livre VI (« Ainsi Abel offrait en pure conscience … en le tuant »), Lagarde et Michard proposent la même mise en parallèle : « D’Aubigné suit ici le texte de la Genèse mais il l’amplifie et le transfigure par la création d’un véritable mythe. On comparera avec le poème de Hugo, ‘‘La conscience’’ » (p. 183). 420 L’idée selon laquelle Hugo « doit beaucoup à d’Aubigné » rappelle, dans la présentation du poète, un mécanisme déjà analysé dans la construction de la modélisation de la figure de Du Bellay dans le Lagarde et Michard et qui tend à faire des poètes du XVIe siècle des précurseurs des romantiques, selon une perspective qui intègre au discours doxique la redécouverte de ces auteurs par les poètes romantiques eux-mêmes au XIXe siècle32. Cette vision de la poésie du XVIe siècle, marquée par la relecture romantique, se trouve largement reprise dans les manuels et rend compte des phénomènes généraux de réévaluation de la production poétique du siècle auxquels n’échappe pas l’œuvre de d’Aubigné. Ainsi, tandis que Lanson offrait aux Tragiques une place essentiellement mineure dans le corpus canonique du siècle, en nuançant fortement la qualification de « chef-d’œuvre de la satire lyrique » (p. 232) en affirmant que les sept livres du poème sont en réalité des « chefs-d’œuvre grognons et surannés » (p. 260) parus bien trop tard après les événements dont ils rendent compte33, dès Lagarde et Michard cette évaluation apparaît invalidée. En effet, là où Lanson voyait dans d’Aubigné l’incarnation de « tout le XVIe siècle individualiste, anarchique et lyrique » (p. 260) que ne peut accueillir le XVIIe siècle classique34, Lagarde et Michard nuancent cette vision en soulignant ce qui, dans les Tragiques, vaut qu’on sorte l’œuvre de l’oubli où l’âge classique l’avait ensevelie : Parue sous Louis XIII, au moment du triomphe de Malherbe, l’œuvre n’eut aucun succès : sa violence partisane et ses hardiesses littéraires paraissaient d’un autre âge. Elle ne fut pas goûtée avant Sainte-Beuve et le romantisme. Rien de moins classique en effet que cette poésie : des longueurs, des répétitions, des outrances, un réalisme, une rhétorique lassante ; le lecteur est rassasié d’horreurs. Mais aussi des traits fulgurants, des fresques puissantes, des visions apocalyptiques ; une poésie sans exemples, qui embrasse l’homme, la nature et Dieu, les mystères du monde et de l’au-delà ; une puissance verbale rare et un don du rythme déjà romantique dans ses audaces : Hugo doit beaucoup à d’Aubigné. Bref, un art original au service d’un tempérament puissant et d’une foi brûlante. Les défauts mêmes ne sont pas en général, comme nous pourrions le croire, des négligences, mais des recherches d’effet aujourd’hui vieillies : face au goût classique, d’Aubigné est le représentant le plus typique de notre littérature de goût baroque. (p. 176) Sans nier que l’œuvre n’obéit en rien aux règles de l’âge classique, et que ce fait explique sans doute sa position relativement mineure dans le corpus canonique du siècle (et plus 32 Voir à ce propos notre chapitre III, partie III.4. Pour aller plus loin sur cette question de la redécouverte des poètes du XVIe siècle par les romantiques, nous renvoyons à l’ouvrage de Claude FAISANT, Mort et résurrection de la Pléiade, Paris, Champion, 1998. 33 « Les protestants, il faut bien le dire, s’effacent de la littérature dès qu’ils désarment ; ils se perdent dans la masse catholique, tandis que leur d’Aubigné en qui revit tout le XVIe siècle individualiste, anarchique et lyrique, lâche, retiré en son coin, ses chefs-d’œuvre grognons et surannés » (Lanson, Histoire de la littérature française, p. 260). 34 Voir sur ce point notre chapitre II, partie I.4. 421 généralement de la littérature française) les anthologistes opèrent une inversion des jugements hérités de la tradition de l’histoire littéraire lansonienne en remplaçant la vision classicocentrée par le repère romantique ; en outre, ils introduisent dans le discours doxique une catégorie esthétique que ne mobilise évidemment pas Lanson, le baroque, et qui sert à rendre compte de la singularité de l’œuvre35 . C’est cette catégorie qui, reprise dans les manuels de la fin du XXe siècle et du début du XXIe siècle, dessine dès lors une ultime facette de l’image scolaire de l’œuvre et de l’auteur, présenté comme le précurseur d’un nouveau moment littéraire, distinct de l’humanisme d’une part et du classicisme d’autre part : La force de l’engagement personnel au service de la cause protestante, l’ampleur visionnaire de l’imaginaire et du style, incarnent et dépassent dans Les Tragiques une première forme du baroque où les premières années du XVIIe siècle, tournées vers la paix religieuses, ne se reconnaîtront pas. (Marie-Hélène Prat, 1997, p. 159) Par le foisonnement des images qui défilent au fil des tableaux et par le thème diversement décliné de l’instabilité, sa poésie militante et visionnaire relève du Baroque. Elle n’eut guère de succès à un siècle qui commençait à goûter la poésie plus sereine et plus classique d’un Malherbe, mais sa puissance fut reconnue plus tard par les Romantiques, dont Victor Hugo. (Jean-Marie Bigeard, 2005, p. 187) Agrippa d’Aubigné répond [au déchirement des guerres civiles] par une poésie imprégnée d’un style baroque exubérant que Malherbe, au début du XVIIe siècle, cherchera à canaliser après l’avoir, lui aussi, pratiqué un moment. (Dominique Rincé, 2011, p. 210) Traçant le lien entre la qualification de baroque et la perspective romantique réactivée dans le discours doxique, les notices s’inscrivent dans le sillage du jugement porté sur l’œuvre dans le Lagarde et Michard, et valorisent ainsi la figure de ce poète incarnant un dernier moment, un dernier âge du XVIe siècle. À l’inverse de l’optimisme enthousiaste de Rabelais ou de la légèreté badine de Marot, d’Aubigné figure dans le discours scolaire l’abandon de la perspective humaniste, les Tragiques exprimant une « réflexion sur l’homme, être, selon [d’Aubigné], plein de mensonge et de violence » (Jean-Marie Bigeard, 2007, p. 329). Faisant ressentir l’« ombre portée sur la poésie » (Christophe Desaintghislain, 1998, p. 81) par les guerres, d’Aubigné représente ainsi de manière exemplaire dans le corpus de la littérature du XVIe siècle un auteur « fin de siècle », dont l’étude peut servir de pendant à celle des auteurs 35 On peut remarquer, dans l’extrait choisi, que Lagarde et Michard soulignent l’écart historique qui sépare les « recherches d’effet aujourd’hui vieillies » et la réception du lecteur contemporain : pour autant, cet écart ne sert pas à condamner les « défauts » du textes mais à les resituer dans un contexte historique qui permet de rendre compte de la spécificité de l’œuvre. En ce sens, les critères de jugement ici mis en œuvre s’avèrent correspondre plus exactement à la réalité de la production de l’œuvre que ceux rencontrés le plus souvent dans notre étude. 422 maximaux et nuance en partie les représentations d’un « beau XVIe siècle »36 transmises à travers les discours doxiques construisant l’image maximale du canon. Par ailleurs, la catégorisation de son œuvre comme appartenant au mouvement baroque, sans que ceci nuise à la légitimité de son inscription dans le corpus canonique, indique l’évolution de la perspective générale de l’enseignement de la littérature, qui se détache de la périodisation séculaire héritée de l’histoire littéraire pour embrasser une conception pensée par catégories esthétiques. Cette mutation didactique, qui constitue un facteur exogène dans les mécanismes de hiérarchisation du canon, a cependant un effet direct sur la structure du corpus puisqu’elle permet, dans le cas de d’Aubigné, de relégitimer la place d’un auteur incarnant les premiers temps d’un mouvement littéraire qui clôt le siècle en figurant l’antithèse du classicisme, ce qui dans la tradition de l’histoire littéraire héritée de Lanson rendait l’œuvre nécessairement mineure. Tandis que Marot subit les effets conjoints des modifications structurelles qui affectent les programmes et de la permanence d’un discours doxique séculaire portant en germes les termes de sa dévaluation, d’Aubigné à l’inverse bénéficie de la réorganisation de l’enseignement de la littérature par objets d’étude remettant en partie en cause la périodisation séculaire. Insérée dans des séquences transéculaires sur les fonctions du poète, présentée comme l’une des premières formes du baroque qui n’est plus mis au ban de l’histoire littéraire comme simple antithèse du classicisme, l’œuvre de d’Aubigné trouve une place de choix dans le corpus de la littérature du XVIe siècle que transmettent les manuels de 1981 à 2011. Parallèlement à l’inflation quantitative du nombre d’extraits proposés aux élèves, et malgré la concentration du corpus classique des Tragiques autour de deux extraits (cf supra), le discours scolaire se saisit des représentations héritées du Lagarde et Michard pour construire la figure d’un poète engagé, présenté à travers la réactivation d’une imagerie romantique comme héraut et prophète de la cause protestante. Si Marot ne représente plus, dans les manuels de l’époque contemporaine, l’ouverture du siècle et le lien entre la Renaissance et le MoyenÂge, comme c’était le cas dans la tradition de l’histoire littéraire, d’Aubigné quant à lui incarne dorénavant essentiellement la fin du siècle, dont l’image est concentrée autour de l’horreur des guerres de religion, figurée par le passage d’une esthétique humaniste lumineuse et optimisme à une vision du monde baroque, sombre et angoissée
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