Structuration par le professeur des connaissances
construites par des élèves ayant travaillé en autonomie
La Réforme et les conséquences
La réforme 1999 des programmes de science au lycée s’est produite dans un contexte social de crise de l’enseignement scientifique (Ourisson, 2002). Elle a mis surtout l’accent sur le questionnement des élèves lors d’un apprentissage en autonomie. (Davous et al. 2003). D’après Eduscol, un des objectifs qui a présidé à l’élaboration de ces programmes est d’orienter un nombre croissant d’élèves vers les filières scientifiques à l’issue de la classe de seconde, mais aussi d’initier à la poursuite d’études scientifiques dans l’enseignement supérieur à l’issue du cursus secondaire. En classe de seconde, les élèves se déterminent pour l’orientation de leurs études, scientifiques ou non. Pour certains, la pratique des sciences s’arrêtera là. Le programme a donc été conçu de façon à faire sens par lui-même. Comme le décrit le bulletin officiel de l’éducation national (BO numéro 6 du 12 aout 1999 volume 2 programmes des sciences) « L’enseignement des sciences au lycée est d’abord conçu pour faire aimer la science aux élèves, en leur faisant comprendre la démarche intellectuelle, l’évolution des idées, la construction progressive du corpus de connaissances scientifiques. » La logique pédagogique que soustendent ces nouvelles approches postule que le développement des sciences doit être favorisé par un va-et-vient entre l’observation et l’expérience d’un côté, la conceptualisation et la modélisation de l’autre, et que l’exposé axiomatique de la science existante ne correspond pas au mouvement de la science en train de se faire. La science n’est pas faite de certitudes mais de questionnements et de réponses qui évoluent et se modifient avec le temps. Tout ceci montre qu’il faut privilégier avant tout l’enseignement de la démarche scientifique incluant l’apprentissage de l’observation et de l’expérience. Les instructions précises des programmes scientifiques ont demandé de mettre en place un enseignement scientifique basé sur la démarche d’investigation. Des conséquences visibles sur les pratiques enseignantes résultant de la nouvelle démarche pédagogique sont apparues. La modification de pratique engendrée par la suppression d’un exposé préalable des connaissances, remplacée par une activité réalisée par les élèves, une démarche d’investigation, ou autres, a été suivie d’études sur l’élaboration et l’évaluation de l’activité, mais à notre connaissance, la séance de travail qui la suit n’a pas donné lieu à une investigation de type recherche didactique. Notre travail se place dans cette nouvelle optique et permet une compréhension de nouveaux aspects des séquences d’enseignement. 21 Dans ce qui suit, nous allons donner une vue générale du but de la science et précisément de la chimie en seconde, et nous allons nous intéresser à l’importance de l’enseignement expérimental d’une part dans les travaux de recherche et d’autre part dans le curriculum après la réforme L’enseignement de la chimie au Lycée L’enseignement des sciences au lycée est important et comme le décrit le bulletin officiel de l’éducation national (BO numéro 6 du 12 aout 1996 volume 2 programmes des sciences), « les objectifs de l’enseignement de chimie et de physique au lycée répondent à plusieurs exigences : offrir à chacun, futur scientifique ou pas, une culture de base dans un domaine de la connaissance indispensable à la compréhension du monde qui nous entoure, et ceci à une époque où nous sommes confrontés à des choix de société, notamment en matière d’environnement, faire comprendre ce qui différencie la science des autres domaines de la connaissance, par une pratique de la démarche scientifique, faire apparaître les liens entre l’activité scientifique et le développement technologique qui conditionne notre vie quotidienne, permettre à chaque lycéen de s’orienter, selon ses goûts, vers des études scientifiques jusqu’au baccalauréat et au-delà, en tentant d’enrayer une certaine désaffection pour la physique, constatée récemment dans plusieurs pays occidentaux. » C’est en effet au lycée qu’il faut amener les élèves à comprendre, d’une part que le comportement de la nature se traduit à l’aide de lois générales qui prennent l’expression de relations mathématiques entre grandeurs physiques bien construites, et à donner une importance à l’expérimentation qui est une démarche essentielle des sciences. Une expérience correspond toujours à une interrogation du type : si, dans telle situation, je fais ceci, que va-t-il se passer et pourquoi ? Apprendre à formuler de telles questions fait déjà partie de l’apprentissage des sciences et ne doit pas privilégier la manipulation mathématique. Enfin signalons qu’une place privilégiée est accordée aux activités expérimentales, qui doivent avoir pour objectifs, d’apprendre aux élèves à observer, à se poser des questions et à confronter les conséquences de leurs représentations personnelles à la réalité. Elles les aideront aussi à acquérir des connaissances, des savoir-faire et surtout une méthode d’analyse et de raisonnement leur permettant de formuler avec pertinence des jugements critiques. De tels apprentissages ne peuvent être conduits que par des méthodes actives car, sans elles, la plus grande partie des élèves mobilise difficilement ses capacités d’abstraction et de concentration. De ce fait, un enseignement formel et abstrait des sciences physiques 22 conduirait de plus en plus à l’échec. C’est aussi pour cela que cet enseignement doit comporter une large part d’activités expérimentales. L’enseignement expérimental
Les activités expérimentales et leur place dans les nouveaux programmes
Cette partie est issue du bulletin officiel de l’éducation national (BO numéro 6 du 12 août 1999, volume 2 programmes des sciences). Elle montre la place importante accordée aux activités expérimentales dans les nouveaux programmes et précisément après la réforme en 1999. « Les activités expérimentales jouent un rôle important dans l’enseignement. Celles-ci peuvent s’articuler autour de deux pôles distincts : l’expérience de cours, la séance de travaux pratiques au cours de laquelle l’élève doit manipuler seul ou en binôme. Pourquoi un enseignement expérimental ? 1 – Il offre la possibilité de répondre à une s i t u a t i o n – p r o b l è m e par la mise au point d’un protocole, la réalisation pratique de ce protocole, la possibilité d’aller-retour entre théorie et expérience, l’exploitation des résultats. 2 – Il permet à l’élève de confronter ses représentations avec la réalité. 3 – Il apprend à l’élève d’observer en éveillant sa curiosité. 4 – Il développe l’esprit d’initiative, la ténacité et le sens critique. 5 – Il lui permet de réaliser des mesures, de réfléchir sur la précision de ces mesures, d’acquérir la connaissance de quelques ordres de grandeur. 6 – Il aide l’élève à s’approprier des lois, des techniques, des démarches et des modes de pensée. Ainsi, les activités expérimentales établissent un rapport critique avec le monde réel et incontournable, où les observations sont parfois déroutantes, où des expériences peuvent échouer, où chaque geste demande à être maîtrisé, où les mesures – toujours entachées d’erreurs aléatoires, quand ce ne sont pas des erreurs systématiques – ne permettent de déterminer des valeurs de grandeurs qu’avec une incertitude qu’il faut pouvoir évaluer au mieux. L’expérience de cours permet d’établir un rapport entre le réel et sa représentation. Les travaux pratiques sont le seul moyen d’appropriation de techniques et de méthodes. Deux conditions sont nécessaires pour que cet enseignement expérimental remplisse pleinement son rôle : 23 les élèves doivent savoir ce qu’ils cherchent, anticiper (quitte à faire des erreurs) un ou des résultats possibles, agir, expérimenter, conclure et ainsi élaborer leurs connaissances, l’enseignant doit veiller à définir les objectifs de contenus et à limiter le nombre des compétences mises en jeu dans une séance de TP, afin de dégager les notions qu’il veut faire acquérir. Avant toute entrée dans le processus de résolution et d’expérimentation, il doit vérifier, lors du débat, que les élèves ont compris la question et/ou les termes du problème à résoudre. »
Les activités expérimentales dans les travaux de recherche
Bien que plusieurs travaux de recherche liés à l’enseignement de la chimie aient insisté sur l’importance des activités expérimentales dans l’apprentissage, il n’existe toujours pas de théorie largement acceptée sur l’enseignement qui soit compatible avec la théorie constructiviste (Williams et Hmelo, 1998, p. 266). Par contre les activités expérimentales ont été reconnues par leur importance au niveau des relations sociales entre les élèves (Hofstein & Lunetta ; 2002) : « It has been recognized that laboratory activities have the potential to enhance constructive social relationships as well as positive attitudes and cognitive growth », « but mismatches often occur between teachers’ perceived goals for practical work and students’ perceptions of such activities » (Hodson, 1993, 2001; Wilkenson & Ward, 1997).» Les activités expérimentales ne peuvent pas par elles-mêmes être en charge de l’ensemble de l’apprentissage. Même si elles ont été soigneusement conçues, les enseignants devraient considérer que l’apprentissage ne peut faire l’économie des séances d’avant et d’après les activités expérimentales, et des discussions qui les accompagnent. Pendant ces 15 dernières années, notre groupe de recherche a été impliqué dans l’élaboration de séquences d’enseignement (Buty et al. 2004) dont les caractéristiques sont de rendre explicites les relations entre les objets manipulés, les événements observés, et les modèles qui sont l’objectif de l’enseignement. Tout en intégrant d’autres expériences d’apprentissage métacognitives tels que « prévoir – expliquer – observer » des démonstrations, etc. (White & Gunstone, 1992), les activités expérimentales doivent intégrer la manipulation d’idées au lieu de se limiter à manipuler des objets et appliquer des procédures afin de promouvoir l’apprentissage de la science. Bien que les résultats de recherche montrent que les élèves semblent profiter d’un travail expérimental qui rattache le champ expérimental avec le monde des théories et modèles (Tiberghien, 1994), les enseignants expriment des difficultés lors de la mise en œuvre d’activités expérimentales de découverte. Notre hypothèse est que la connaissance n’est pas présentée de façon structurée et de manière formelle comme c’était le cas avec un enseignement transmissif classique. Le savoir est effectivement impliqué dans les séances de laboratoire, mais comme Chang et Lederman (1994) ou d’autres (par exemple, Wilkenson & 24 Ward, 1997) ont trouvé, les élèves n’ont pas les idées claires sur les objectifs généraux ou spécifiques de leur travail au cours des activités scientifiques expérimentales. Par conséquent, ils ne sont pas conscients qu’ils manipulent les connaissances qui sont l’objet de l’apprentissage.
Les deux types de situation d’enseignement
Pendant de nombreuses années, notre groupe de recherche a exploré, d’un point de vue constructiviste, la possibilité d’organiser des séquences d’enseignement où la relation enseignant / élèves est basée sur des activités expérimentales de découverte plus que sur des cours (Buty et al., 2004). Bien que cette approche de l’enseignement ait révélé que les étudiants mettent en jeu les connaissances objets de l’apprentissage, nous avons découvert de nombreux enseignants qui maintiennent un enseignement transmissif. Nous émettons l’hypothèse que l’organisation de la classe doit passer d’une situation satisfaisante pour l’enseignement à une situation satisfaisante pour l’apprentissage. Deux situations d’enseignement possibles sont présentées dans la figure 1. Au cours de la première, qui était classique avant la réforme des programmes, les enseignants sont en charge de la structuration et de la formulation de nouvelles connaissances lors d’un cours (ellipse dans la figure 1), puis les élèves sont chargés d’utiliser ces connaissances dans une activité expérimentale (TP) ou dans des exercices plus tard. Cette approche transmissive de l’enseignement a été largement critiquée du point de vue constructiviste, bien qu’enseignants, élèves et parents se sentent à l’aise avec elle. Depuis août 1999, cette situation n’est plus recommandée par le curriculum français. Une nouvelle organisation a donc pris place, en mettant des activités expérimentales au centre de l’enseignement. Ainsi au cours de ces situations, les nouvelles connaissances ont en premier lieu à être construites par des étudiants largement autonomes au cours des activités expérimentales (ellipse dans la figure 1) qui les guident dans leur démarche.
RESUME |