Impact sur la relation hôte-pathogène de l’interaction entre l’hélicase UPF1 et les transporteurs rétroviraux, Rex d’HTLV-1 et Rev d’HIV-1
UPF1 : au cœur du métabolisme des ARN et de l’ADN A
Les UMD : UPF1-Mediated Decay Si la fonction d’UPF1 la mieux caractérisée est celle au cœur de la mécanistique du Nonsense Mediated Decay (NMD), UPF1 est également le facteur central de plusieurs voies de dégradation de l’ARNm regroupées sous le terme d’UMD (UPF1-Mediated Decay). Actuellement, les UMD comprennent les voies du Nonsense-Mediated Decay (NMD), du Staufen-Mediated Decay (SMD), du Histone-replication dependent-Mediated Decay (HMD), du Regnase 1-Mediated Decay (RMD), du Structured-mediated RNA Decay (SRD), du TudorStaphylococcal/micrococcal-like Nuclease- Mediated Decay (TSN-mediated Decay ou TumiD) ainsi que du Glucocorticoïd receptor-Mediated Decay (GMD). Les éléments initiateurs de ces différentes UMD sont multiples et davantage sous la dépendance de l’architecture du transcrit : la séquence de l’ARNm, son organisation et/ou la composition en facteurs des RNP sont autant d’éléments qui semblent favoriser le recrutement et/ou la stabilisation d’UPF1. Les étapes initiatrices des différents processus ont en commun la stabilisation et/ou l’activation d’UPF1 sur l’ARN. Cette stabilisation d’UPF1 sur l’ARN ciblé va favoriser le recrutement d’autres facteurs aboutissant à la dégradation de l’ARN. Ces différentes voies sont donc autant définies par les transcrits ciblés que par les facteurs recrutés, certains spécifiques, d’autres communs, engendrant potentiellement des modulations fonctionnelles importantes (cf. Figure 10). En effet, comme introduit plus tôt, UPF1, seule, n’a que peu de fonctionnement intrinsèque et son activation repose sur ses interactions avec différents facteurs (May and Simon, 2021; Lavysh and Neu-Yilik, 2020; Kishor et al., 2019a; Kim and Maquat, 2019; Karousis and Mühlemann, 2019). 1. Le Nonsense-Mediated Decay (NMD) a. La mécanistique du NMD La voie de dégradation du NMD est un processus co-traductionnel. Dans un contexte de terminaison de la traduction dit « typique » ou normal, UPF1 a été déplacée par le ribosome en cours de traduction et s’accumule sur l’ARNm, dans la région 3′UTR (UnTranslated Region) (Hurt et al., 2013; Kurosaki and Maquat, 2013; Zünd et al., 2013) (Figure 8a). S’il n’est pas encore établi qu’UPF1 joue un rôle direct dans la terminaison de la traduction, c’est, quoi qu’il en soit, un facteur indispensable à l’initiation du NMD. Aussi, il est admis que le NMD s’initie dans un contexte de terminaison de la traduction atypique, où le ralentissement des étapes de terminaison de la traduction favoriserait la stabilisation et/ou les interactions d’UPF1 avec les facteurs stimulateurs du NMD. Par exemple, un ribosome rencontrant prématurément un codon stop (PTC), comme présenté dans la figure 8b, est un des contextes atypiques initiateurs du NMD (Karousis and Mühlemann, 2019; Kishor et al., 2019a). La mécanistique proposée dans la figure 8 montre une vue globale de la voie du NMD, au moment où le ribosome rencontre le codon stop prématuré jusqu’à la dégradation du transcrit. – 30 – Figure 8. Mécanistique du Nonsense Mediated Decay (NMD). (1) Stabilisation d’UPF1 ; (2) Recrutement de la kinase SMG1 et phosphorylation d’UPF1 ; (3) Remodelage des complexes associés à l’ARNm ; (4) Déphosphorylation d’UPF1 et dégradation du transcrit (1) Stabilisation d’UPF1 : L’étape initiatrice résulterait de l’interaction d’UPF1 avec d’une part le facteur eRF3 associé à eRF1 (facteurs de terminaison de la traduction associés au ribosome) et d’autre part avec UPF3B, composant de l’EJC. Il est d’ailleurs suggéré qu’UPF3B, en interagissant également avec eRF3, serait directement impliquée dans la terminaison de la traduction in vitro (Neu-Yilik et al., 2017). Quoi qu’il en soit, ces interactions permettent une stabilisation d’UPF1 au niveau du codon stop (Karousis and Mühlemann, 2019; Kishor et al., 2019a). (2). Le recrutement de la kinase SMG1 et phosphorylation d’UPF1 : Le recrutement de la kinase SMG1 (PI3K)31 permet la constitution du complexe initiateur du NMD, appelé SURF pour SMG1-UPF1-release factors (indiqué par le cerclage noir des facteurs sur la figure 8, b). Ce recrutement serait favorisé par la stabilisation du complexe UPF1-UPF3B au niveau du ribosome terminateur et permet l’activation d’UPF1 par phosphorylation (Durand et al., 2016; Yamashita, 2013; Kashima et al., 2006; Yamashita et al., 2001). La phosphorylation d’UPF1 par 31 De la famille des phosphorylases liées à la phosphatidylinositol 3-kinase. – 31 – SMG1 est d’ailleurs particulièrement stimulée par le recrutement d’UPF2 et de l’hélicase DEAH-box DHX34 (Melero et al., 2016; Hug and Cáceres, 2014; Chamieh et al., 2008). La temporalité de l’interaction d’UPF2 avec UPF1 n’est pas clairement établie : bien qu’il soit montré qu’UPF2 peut être recrutée à proximité d’UPF1 par une interaction avec UPF3B, le fait qu’UPF2 interagit avec UPF1 en amont de la formation du complexe SURF n’est pas démontré (Melero et al., 2016, 2012; Schell et al., 2003). Enfin, il est également proposé que les sous-unités SMG8 et SMG9, qui régulent l’activité kinase de SMG1, soient parties prenantes du complexe SURF (Karousis and Mühlemann, 2019; Yamashita et al., 2009). (3). L’hyperphosphorylation d’UPF1 et remodelage des complexes associés à l’ARNm : Comme introduit plus tôt, la liaison d’UFP2 à UPF1 induit un changement de conformation d’UPF1 nécessaire au déclenchement de ses activités ATPase et hélicase (cf I.) (Chakrabarti et al., 2011). UPF1 pourrait ainsi permettre un remodelage des complexes associés à l’ARNm et favoriser l’accessibilité du transcrit aux enzymes dégradatives (Kanaan et al., 2018). En effet, l’hyperphosoprylation d’UPF1 proche des domaines CH et SQ va créer des plateformes de recrutement pour les facteurs favorisant la dégradation l’ARNm, tels que l’endonucléase SMG632 (Durand et al., 2016). SMG6 va permettre un clivage dit endonucléolytique : en clivant l’ARN à proximité du codon stop, des fragments d’ARN 5′ et 3′ non protégés vont être produits puis dégradés par XRN1 (5′-3′ exoribonucléase) et l’exosome (Franks et al., 2010). L’hyperphosphorylation d’UPF1 peut également recruter l’hétérodimère SMG5-SMG733, qui est directement lié à l’activité de déadénylation (dégradation de la queue poly(A)) par le recrutement du complexe CCR4-NOT. Enfin, la phosphorylation d’UPF1 permet également le recrutement de PNRC2 qui, avec SMG5/7, sont également liés au decapping (dégradation de la coiffe) via le recrutement des sous-unités DCP1A et DCP2 du complexe de decapping (Cho et al., 2013b; Loh et al., 2013; Unterholzner and Izaurralde, 2004). (4). Dans la dernière étape, UPF1 est déphosphorylée par PP2A, la sérine/thréonine-protéine phosphatase 2A, et se dissocie de la mRNP cible (Ohnishi et al., 2003). Plutôt bien caractérisé in vitro, le séquentiel in vivo des étapes nécessaires, notamment à l’activité enzymatique d’UPF1, n’a pas encore été entièrement élucidé. En effet, cette cascade du NMD repose sur la formation de complexes protéiques dynamiques compliquant considérablement la détermination d’une temporalité des évènements (Karousis and Mühlemann, 2019; Kishor et al., 2019a). De plus, l’initiation du NMD présente une grande flexibilité mécanistique puisque d’autres voies alternatives sans UPF2 ou UPF3B sont décrites (Yi et al., 2021). Enfin, il a été récemment montré que les kinases de la famille AKT pouvaient aussi phosphoryler UPF1 dans un contexte NMD, élargissant encore les possibilités mécanistiques (Cho et al., 2022; Palma et al., 2021). 32 Phosphorylation de la T28 serait responsable du recrutement de SMG6. 33 Phosphorylations de S1076, S1096 et S1116 seraient responsables du recrutement de SMG5/7. – 32 – b. Les éléments déclencheurs et la régulation du NMD : une question de contexte UPF1 étant présent sur tous les ARNm, selon la description faite ci-dessus, tout codon stop dès qu’il est lu par le ribosome, pourrait être capable d’initier le NMD. C’est donc le contexte dans lequel UPF1 se retrouve stabilisée qui détermine l’initiation du NMD. Deux grands types de contextes peuvent être définis comme : dépendant de la présence d’un Complexe de Jonction Exon-Exon (EJC) (1), et indépendamment de la présence d’un EJC (2). (1). La présence d’un EJC est un paramètre critique : lorsqu’il est situé en aval du codon stop (au moins à 50 nucléotide de distance), l’EJC favorise l’enrichissement de la région 3′UTR en facteurs du NMD tels que UPF3B et UPF2, conduisant à une forte stimulation du NMD (Dyle et al., 2020; Karousis and Mühlemann, 2019; Kishor et al., 2019a). La présence d’un EJC a également été décrite comme favorisant l’endonucléolyse médiée par SMG6 (Kashima et al., 2010). De plus, différentes compositions de l’EJC ont été observées et sont associées à une modulation de l’efficacité du NMD (Mabin et al., 2018). Par exemple, une réduction de l’efficacité du NMD est notamment observée lorsque le facteur de l’EJC, RNPS134 est remplacé par MNL5135 (Michelle et al., 2012). De même, il est montré que lorsque l’EJC se compose d’UPF3A préférentiellement à UPF3B, l’efficacité du NMD est réduite (Kunz et al., 2006). (2). Indépendant de l’EJC : D’autres ARNm peuvent être ciblés par le NMD de manière indépendante de l’EJC (mais pas nécessairement d’UPF2 et d’UPF3A/B) (Yi et al., 2021; Metze et al., 2013). Actuellement, la sensibilité de ces ARNm au NMD est notamment expliquée par l’absence de motifs de liaison aux éléments inhibiteurs du NMD. Par exemple, lorsque la protéine PTBP136 est associée à l’ARN en aval d’un codon stop, elle inhibe le NMD en empêchant le recrutement d’UPF1 (Ge et al., 2016). PTBP1 se lie à une séquence spécifique connue sous le nom d’ « élément de stabilité de l’ARN » (RSE), d’abord identifié dans l’ARN du virus du sarcome de Rous (RSV) (Barker and Beemon, 1994). Récemment ces éléments ont été retrouvés dans de nombreuses séquences proches du codon de terminaison dans la région 3’UTR d’ARN cellulaires (Balagopal and Beemon, 2017). La protéine hnRNPL37, un facteur de régulation de l’épissage alternatif, semble également être inhibitrice du NMD : les ARNm, lorsqu’ils sont liés par hnRNP, sont montrés comme pouvant échapper à leur dégradation par la voie du NMD (Kishor et al., 2019b). La sensibilité de ces ARNm au NMD est également expliquée par la distance entre le codon stop et les motifs de liaison aux facteurs inhibiteurs du NMD, définissant des ARN dits « longs 3’UTRs ». Plusieurs études montrent que plus la distance entre le codon stop et la queue poly(A)38 est grande, plus le taux d’initiation du NMD est important (Toma et al., 2015; Singh et al., 2008; Eberle et al., 2008). Cette distance, associée à une longue région 3’UTR39, stimule l’initiation du NMD notamment via l’éloignement de 34 RNA-binding protein with serine-rich domain 1. 35 Metastatic lymph node 51, appelé aussi CASC3. 36 Polypyrimidine tract-binding protein 1. 37 Ribonucléoprotéine nucléaire hétérogène L. 38 Située en 3’UTR de l’ARNm. 39 750 nt en moyenne chez l’humain (Hurt et al., 2013). – 33 – PABPC40, qui normalement favorise la terminaison de la traduction et s’oppose au recrutement stable d’UPF1 (Hurt et al., 2013; Zünd et al., 2013; Kurosaki and Maquat, 2013; Hogg and Goff, 2010). Il est également montré que des structures secondaires de l’ARN qui permettent un rapprochement de la queue poly(A) et la réduction de cette longueur en 3’UTR, induisent une inhibition du NMD (Eberle et al., 2008; Singh et al., 2008). L’initiation du NMD présente donc une grande flexibilité mécanistique, mais reste organisée autour d’un retard de terminaison de la traduction, d’une stabilisation d’UPF1 suivie de son activation et du recrutement des facteurs de dégradation. Kishor et al., proposent que la composition de la mRNP en facteurs stimulateurs et inhibiteurs soit à l’origine d’une balance modulatrice du NMD. Le déclenchement du NMD résulterait alors davantage d’un “déséquilibre” de cette balance en faveur de son initiation, favorisé par une architecture de la mRNP permettant la stabilisation d’UPF1 (Kishor et al., 2019a). c. Les fonctions du NMD : l’importance des cibles Si le NMD devrait aboutir dans tous les cas à la dégradation de l’ARNm, deux fonctions principales lui sont généralement associées selon le type de transcrits ciblés : le contrôle de la qualité de l’ARN (a) et la régulation de l’expression génique au niveau post-transcriptionnel (b) (Kurosaki et al., 2019). Etant donné que certains transcrits viraux présentent des déterminants architecturaux les rendant sensibles au NMD, une troisième fonction a récemment émergé pour le NMD : celle de barrière antivirale (c) (Popp et al., 2020)(Figure 9). (a). Historiquement, le NMD a été décrit comme un processus de contrôle de la qualité de l’ARN, dégradant l’ARNm avec un codon de terminaison prématuré (PTC) (Lykke-Andersen and Jensen, 2015; Lykke-Andersen et al., 2000). Il est estimé que ce type d’ARN représente 5 à 10 % des transcrits humains : en effet, la protéine tronquée qui résulterait de cette traduction peut être délétère pour la cellule puisqu’elle est non fonctionnelle, voire avoir un effet négatif dominant. Les PTC sont présents à l’intérieur du cadre de lecture ouvert (ORF) et peuvent résulter de mutations génomiques (non-sens, décalage de cadre de lecture), d’un épissage alternatif défectueux (environ 30 % des événements d’épissage alternatif) ou d’erreur de traduction (Figure 9). Les PTC peuvent également créer un long 3’UTR lorsque la mutation est présente dans le dernier exon, par augmentation de la distance entre le codon stop et l’environnement normal de terminaison de la traduction. Une altération des sites de polyadénylation peut également générer une distance anormale entre la région 3’UTR et PABPC (cf. paragraphe précédent). Qu’ils se retrouvent en amont d’un EJC ou fasse advenir un long 3’UTR, les PTC vont stimuler le déclenchement du NMD et conduire à l’élimination de l’ARNm (Karousis and Mühlemann, 2019; Kishor et al., 2019a; Lykke-Andersen and Jensen, 2015). (b). Outre la fonction de contrôle qualité par laquelle le NMD dégrade les ARNm aberrants, le NMD peut également réguler des ARNm spécifiques : il est d’ailleurs montré que le NMD serait impliqué dans la régulation de près de 10 % des ARNm physiologiques, non aberrants (Mendell et al., 2004). Cette sensibilité intermittente au NMD est basée sur une modification 40 Protéine de liaison Poly(A), appelée aussi PABP. – 34 – localisée de l’architecture du transcrit, qui peut être influencée par plusieurs paramètres : L’uORF (upstream Open Reading Frame en 5’ de l’ARNm), l’épissage alternatif ou encore les décalages programmés du cadre de lecture (PRF ou programmed Ribosomal Frameshift) (Figure 9). L’uORF est susceptible de déclencher le NMD par la présence d’un EJC en aval du codon stop de l’uORF (devenant un PTC). L’ARNm CREB-2/ATF4 en est un bon exemple (Mendell et al., 2004; Vattem and Wek, 2004). L’épissage alternatif peut également soit augmenter la longueur du 3’UTR soit produire périodiquement des isoformes porteuses d’un PTC. D’ailleurs, plusieurs types de facteur de réparation de l’ADN ou de l’épissage, comme les protéines SR, sont régulés de cette manière, illustrant l’impact que peut avoir le NMD sur la régulation post-transcriptionnelle (Ge and Porse, 2014; Weischenfeldt et al., 2012; Saltzman et al., 2008; Lewis et al., 2003). Enfin, les décalages programmés du cadre de lecture redirigent le ribosome vers un autre cadre de lecture, qui dans plus de 95% des cas présentent un PTC, comme cela a été montré avec l’ARNm du récepteur des chimiokines CC (CCR) de type 5, ainsi qu’avec plusieurs interleukines (Belew et al., 2014). Par la régulation de la stabilité de ces ARN non aberrants, il est montré que le NMD contribue à la régulation de l’expression des gènes, notamment ceux impliqués dans l’hématopoïèse, l’apoptose et la prolifération cellulaire, ou encore l’inflammation et la réponse immunitaire (Kurosaki et al., 2019)
CHAPITRE I : LE TRANSPORT NUCLEO-CYTOPLASMIQUE |