LES PRODUITS HALIEUTIQUE ARTISANALEMENT SUR LE LITTORAL
ESPECES TRANSFORMEES
Tous les produits de la mer sont concernés par la transformation artisanale. En effet, les invendus et les espèces nobles plus ou moins détériorées sont revalorisés par l’une ou l’autre des méthodes décrites plus haut et replacés dans les circuits de vente. Néanmoins, certaines espèces sont plus particulièrement recherchées par les artisans, probablement parce qu’à l’état frais leur intérêt économique est négligeable ou bien parce qu’elles s’adaptent plus facilement aux techniques traditionnelles de la transformation artisanale pratiquée dans notre pays. Elles sont alors recherchées par le consommateur et le gastronome non seulement pour leur goût mais aussi pour leurs qualités nutritives. Elles permettent de pallier, à des prix abordables, certaines carences qui risquent d’affecter les populations éloignées des régions marines et qui n’ont pas généralement les faciltés, pour des raisons diverses, d’y accéder. Dans ce contexte, il nous a paru nécessaire de nous intéresser à chacune de ces espèces et de présenter sous une forme condensée les caractéres les plus significatifs à notre disposition. Dans ce qui suit, no~s nous sommes· intéressée d’abord aux invertébrés, m~llusques gastéropodes et lamellibranches ainsi qu’aux crustacés, puis aux vertébrés téléostéens et élasmobranches utilisés comme matières premières dans la transformation artisanale des produits halieutiques au Sénégal.
Les Invertébrés
Les Mollusques
Les mollusques sont des métazoaires triploblastiques à symétrie fondamentalement bilatérale. Ils forment un Embranchement très hétérogène par la dissemblance de leur morphologie, par leur organisation interne, leur habitat, leur mode de vie et même leurs dimensions qui varient de quelques millimètres à plusieurs mètres comme certains calmars géants. Le nombre d’espèces recensées à l’heure actuelle est de 80 000 environ. Leur existence est très ancienne; elle remonte probablement au Cambrien inférieur. Ils ont connu des périodes d’intense diversification (Ammonites du Jurassique), mais leur origine reste énigmatique. Certains auteurs les rapprochent des vers plats, les Turbellariés. On décèle aussi des ressemblances ou des analogies avec les Annélides Polychètes ou même avec les Arthropodes. Ainsi on établit difficilement un plan d’organisation général d’un archétype qui correspondrait exactement aux caractéristiques des différents groupes de Mollusques. Néanmoins, en faisant référence aux Gastéropodes actuels, on peut concevoir un modèle hypothétique .dont les transformations évolutives conduisent au plan d’organisation des différentes classes. 46 Par définition, le corps du Mollusque est mou et non segmenté. Il comprend trois parties fondamentales : une tête, un pied et une masse viscérale enveloppée dans un manteau ou pallium qui sécrète la coquille. La tête porte la bouche et les organes sensoriels, tentacules et yeux. La masse viscérale est située au-dessus du pied et le manteau qui l’enveloppe ménage vers l’arrière un repli palléal assez vaste où se situent les branchies: c’est la cavité palléale. La cavité palléale contient les branchies, les osphradies et les cavités hypobranchiales. On y trouve également anus et orifices excréteurs. L’appareil digestif se complique surtout dans sa portion antérieure par la différenciation de mâchoires et surtout d’un appareil radulaire servant à la collecte des aliments. Le coelome se réduit à une cavité génitale et une cavité péricardique. Le manteau sécrète la coquille qui suit l’emoulement de la masse viscérale chez les Gastéropodes et devient valve gauche et valve droite chez les Lamellibranches. La coquille est inexistante chez les limaces. D’une êxtrême variété, excellent critère de systématique, la coquille peut être considérée comme un squelette externe. Elle a une origine ectodermique. Son activité relève de la marge du manteau qui dessine une gouttière périphérique. Les sels de calcium se déposent selon les espèces sous forme de calcite, aragonite, etc. L’Embranchement des Mollusques comprend 5 classes dont celle des Gastéropodes et des Lamellibranches qui nous intéressent plus particulièrement puisque quelques espèces sont utilisées dans la transformation artisanale. Cette description sommaire de !’Embranchement des Mollusques ainsi que celle de la Classe des Gastéropodes et de la Classe des Lamellibranches résultent d’une synthèse faite à partir d’ouvrages généraux que nous avons consultés (BEAUMONT, 1972); (FISCHER, et al., 1981); (MAISSIAT, et al., 1996)).
LES GASTÉROPODES
Les Gastéropodes sont organisés selon le plan général de l’archétype mais ils subissent au cours de leur organogenèse des modifications anatomiques très profondes qui bouleversent les rapports anatomiques de leurs organes. Il s’agit, pour l’essentiel, de mouvements de flexion et de torsion auxquels s’ajoutent un emoulement à droite (coquille dextre) ou à gauche (coquille senestre). Les mouvements de flexion et de torsion prennent place au cours de la métamorphose de la larve véligère. 47 Les Gastéropodes ne présentent pas de symétrie bilatérale, mais possèdent une coquille d’une seule pièce enroulée en hélice autour d’un axe ou columelle. L’ensemble de la coquille forme la spire qui présente un nombre de tours variable. L’extrémité du cône forme le sommet. La base est constituée par le dernier tour, très large, qui délimite une ouverture circulaire ou ovale. L’animal a une tête bien distincte portant deux tentacules oculaires et un pied ventral, aplati et bien developpé permettant la reptation. La masse viscérale, dorsale, est enroulée en hélice. Un repli dorsal des téguments forme le manteau délimitant une cavité palléale, en communication avec le milieu extérieur, renfermant en général les organes respiratoires et dans laquelle débouche l’anus. Il existe environ 20 000 espèces de Mollusques Gastéropodes marins, dont beaucoup vivent en eau pro.fonde. Quelques éentaines d’entre elles sont suffisamment grandes et abondantes pour être consommées et présenter un intérêt économique. D’après (FISCHER, et al., 1981), il y aurait environ 1270 espèces dans les eaux marines qui s’étendent du Maroc à l’Afrique du Sud nord-occidentale. On en dénombre plus d’une trentaine au long de la côte du Sénégal, dont une dizaine sont utilisées pour la transformation par fermentation suivi de séchage. Présentation des espèces Charonia nodifera Lamarck, 1816 Figure 18 Noms vernaculaires. – Triton noueux ; knobby triton ; touffa. Figure 18 : Charonia nodifera, Caractères généraux et mode de transformation. – C. rwdifera est connue de toutes les côtes du bassin méditérranéen et possède une vaste répartition en Atlantique depuis le détroit de Gibraltar jusqu’en Angola. Cependant elle n’est pas abondante sur les côtes Sénégambiennes. L’espèce habite les zones voisines de la côte à la profondeur de 50 m environ, sur des fonds de natures variées, souvent détritique ou coralligène. On la capture avec les filets calants, mais aussi avec des engins travaillant sur le fond comme le chalut. La LT est de 300 mm d’après (FISCHER, et al., 1981), la largeur peut atteindre 130 mm. Des exemplaires de tailles diverses ont été observés au long de la côte du Sénégal et notamment de la côte des rivières du Sud. L’animal débarrassé de sa coquille est fermenté-séché pour la production du touffa sur les sites de la presqu’île du cap Vert, de la petite Côte, dans les régions du Saloum et de Casamance. PugiliTUZ morio Linnaeus, 1758 Figure 19. Noms vernaculaires. – Mélongène noire; giant hairy melongena; tÔuffa. Figure 19: ESPECES DE GASTEROPODES UTILISES POUR FABRIQUER DU TOUFFA: (1) P.morio; (2) M. comutus; (3) Conus sp.; (4) M. duplex 49 Caractères généraux et mode de transformation. – P. morio (fig 18- 1) a une répartition amphiatlantique. Au long de la côte ouest de l’Afrique, l’espèce est signalée de la Mauritanie à l’Angola. En Atlantique occidental, on la retrouve de Trinidad au Brésil (FISCHER, et al., 1981). Au Sénégal, l’espèce habite les zones côtières et elle est commune dans les eaux des mangroves du Sine-Saloum. On la capture avec les filets calants et les plongeurs en apnée en ramènent souvent de nombreux spécimens. La LT est de 150 mm (FISCHER, et al., 1981). Les spécimens que nous avons observés sont sensiblement plus petits. P. morio est utilisé pour la production du touffa dans les régions du littoral sénégalais où on les récolte. Murex duplex Rooing, 1789 (Figure 19-4) Synonyme. – Murex hoplites Fischer, Noms vernaculaires. – Rocher duplex; duplex murex; touffa. Caractères généraux et mode· de transformation. – M. duplex semble exclusivement rencontrée sur la côte de l’Atlantique oriental tropical depuis le détroit de Gibraltar jusqu’en Angola. L’espèce habite les zones côtières du large jusqu’à une profondeur de 100 m environ, sur des fonds durs en général, le plus souvent rocheux mais parfois détritiques ou coralligènes. Elle est capturée avec les filets calants et par les plongeurs. La LT est de 200 mm (FISCHER, et al., 1981). Les exemplaires ramenés par les pêcheurs de Ouakam étaient en majorité de grande taille. Comme l’espèce précédente, M. duplex est utilisée pour la production du touffa dans les mêmes régions du littoral sénégalais. Murex comutus (Fig.18-2) Nom vernaculaire: Touffa La LT peut atteindre 210 mm Les Cymbium spp. Le genre Cymbium a fait l’objet d’une étude importante par (Marche-Marchad, et al., 1978) Cymbium cymbium (Linnaeus, 1758) Noms vernaculaires. – Volute trompe de cochon; Pig’s volute snout; yète Caractères généraux et mode de transformation. – C. cymbium semble exclusivement rencontrée sur la côte de l’Atlantique oriental tropical. L’espèce habite les zones côtières du large jusqu’à plus de 100 m environ, sur des fonds sableux à sablo-rocheux On la prend avec les filets calants et des arts traînants comme le 50 chalut ou les sennes. Les plongeurs en apnée rapportent peu d’exemplaires. La LT est de 150 mm (FISCHER, et al., 1981) mais les exemplaires que nous avons observés sur le littoral sénégalais sont en général de taille sensiblement inférieure. La reproduction de C. cymbium et de toutes les espèces congénères comporte, comme l’écrit (A YESSOU, 1996) « une particularité rare chez les Mollusques, et les Invertébrés en général: la gestation. Les femelles possèdent une poche intrapédieuse dans lesquelles se développent des larves qui, à terme, seront libérées dans le milieu lors d’une mise bas ». La fécondation est interne malgré l’absence chez les femelles d’une bourse copulatrice et d’un canal non fonctionnel. Le pénis des mâles est en position latérale facilitant l’accouplement qui dure longtemps, sans interrompre pour cela les fonctions de la cavité palléale (A YESSOU, 1996). C. cymbium est utilisé pour la fabrication du yète. Le pied est débarrassé de la coquille. Il est ensuite fendu, puis fermenté et séché. L’espèce est exploitée sur tous les sites du littoral où elle est débarquée, mais c’est au niveau de la petite Côte, Mbour et Joal, que cette exploitation est maximum (GUEYENDIA YE, 1993). Cymbiumglans (Gmelin, 1791) Noms vernaculaires. – Volute trompe d’éléphant; Elephant’s volute snout; yète Caractères généraux et mode de transformation. – C. glans est exclusivement signalée sur la côte est de l’Atlantique du Sénégal en Angola. L’espèce habite les zones côtières du large jusqu’à plus de 100 m environ, sur des fonds exclusivement sableux. On la capture avec les filets calants et des arts traînants comme le chalut ou les sennes et par les plongeurs en apnée, mais elle est plutôt rare. La LT est de 350 m (FISCHER, et al., 1981)et ce serait la plus grande des Cymbium spp., mais aussi la moins fréquemment capturée, dans les eaux qui bordent la presqu’île du cap Vert d’après(AYESSOU, 1996). Peut-être aurait-elle fait l’objet d’une surpêche? C. glans subit, dans les mêmes sites, les mêmes traitements que l’espèce précédente. Cymbium marmoratum Link, 1807 Noms vernaculaires. – Volute marbrée; marmorate volute; yète. Caractères généraux et mode de transformation. – C. marmoratum n’est signalée qu’au large des côtes marocaine et sénégalaise. Dans nos régions, l’espèce habite les zones côtières du large jusqu’à plus de 50 m environ, sur des fonds sableux et sablo-rocheux. On la pêche à l’aide des filets calants et des arts traînants comme le chalut ou même les sennes, mais elle ne semble pas recherchée par les plongeurs en apnée, probablement du fait tie sa petite taille relativement. En effet, elle ne dépasse guère 200 mm LT (FISCHER, et al., 1981). Les exemplaires ramenés sur la plage de Ouakam atteignaient au maximum 100 mm LT. C. marmorata est exploitée de la même manière que ses congénères, tout en restant peu abondante sur les sites de transformation.
INTRODUCTION |