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Epidémiologie
Toutes les 40 secondes, une personne se suicide à travers le monde et bien plus tentent de mettre fin à leurs jours. Aucune région ni aucune tranche d’âge n’est épargnée. Toutefois la tentative de suicide touche particulièrement la tranche d’âge de 15 à 29 ans, chez qui il constitue la deuxième cause de mortalité à l’échelle mondiale (15).
Ceci a justifié l’adoption lors de la soixante-sixième assemblée mondiale de la santé en 2013 du premier plan d’action pour la santé mentale de l’OMS (6). La prévention du suicide fait partie intégrante dudit plan, l’objectif étant la réduction de 10% du taux de suicide dans le monde d’ici 2020.
En France, près de 11 000 personnes se donnent la mort volontairement chaque année (16). En Afrique, la fréquence des suicides et des tentatives de suicide est mal connue à cause de la rareté des travaux sur la question. Les données épidémiologiques restent parcellaires. Ainsi en Tunisie, l’étude de Khemakhem et al. (17) a montré que le suicide était la deuxième cause de mort violente après les accidents de la voie routière. En Côte d’Ivoire, les morts par suicide sont peu fréquentes. Dans l’étude de Yapo et al, elles représentent moins de 1% de l’ensemble des décès et seulement 4.36% des morts violentes (18). Selon Bouabdellah (19) 10.2% des patients qui ont ingéré des produits caustiques avaient une psychose connue, 2.6% étaient des toxicomanes, 1.3% présentaient un syndrome dépressif et 2% d’entre eux étaient traités pour une anxiété.
Dans la région de Dakar, selon Soumah (20) le suicide est à prédominance masculine. Les adultes jeunes dont l’âge varie entre 21 et 30 ans constituent la population la plus touchée avec un âge moyen de 32.7 ans.
PSYCHOPATHOLOGIE DU SUICIDE
Approches psychopathologiques
Les approches rapportées par Deshaies (21), citant plusieurs auteurs tels que Gall, Esquirol, Voisin, Pal Teuf, Bartel, ont rattaché les conduites suicidaires à une atteinte organique. Delmas, (22) quant à lui, a constaté dans la conduite suicidaire une perversion de l’instinct conservateur. Par conséquent, quelle que soit la pression exercée par les malheurs, pour qu’il y ait passage à l’acte suicidaire, il faut un terrain favorable, le plus souvent pathologique (22).
Henri Ey (23) a donné des caractéristiques de l’acte suicidaire en fonction de la pathologie mentale sous-jacente. Ainsi chez les mélancoliques, toutes les formes de l’affection, et à tout moment, peuvent pousser à faire des tentatives de suicides. La schizophrénie, par sa composante anxieuse, délirante ou hallucinatoire est pourvoyeuse de tentatives de suicide froides, détachées et violentes, sans motifs apparents. Le raptus anxieux peut aussi être à l’origine de conduites suicidaires.
On note que ces différents auteurs ont toujours rattaché la conduite suicidaire a une pathologie sous-jacente psychiatrique ou organique.
Le champ psychopathologique du geste suicidaire s’est enrichi par de nombreuses recherches et de nombreuses observations sur le phénomène de « crise suicidaire ». Ainsi, l’étude de Ringel (24) évoque l’existence prodromique d’une gêne existentielle pré suicidaire qui s’aggrave au fur et à mesure de l’évolution du processus. Elle se caractérise par plusieurs éléments précipitant de la crise suicidaire: un retournement des pulsions agressives inhibées contre soi, un envahissement des fantasmes suicidaires, une impression de coercition interne, le sentiment de ne plus pouvoir aller de l’avant, le désespoir au sein de la rencontre entre le Moi et le monde, et l’environnement coloré par la noirceur.
Ringel (24) en poursuivant toujours sa théorie observe une perte de ce qu’il nomme la « confiance originelle » au profit d’un sentiment de « défiance profonde » du monde.
Plusieurs années plus tard, les travaux de Quenard (25) vont préciser les différentes étapes de la phase pré suicidaire. Ainsi ils parlaient d’événement déclenchant suivi d’un accroissement de l’état de tension, ensuite le monde est vécu comme un péril interne et enfin il s’en suit une hausse de l’agressivité qui peut être dirigé contre soi-même.
L’entité clinique « crise suicidaire » est officiellement reconnue par les experts de la conférence de consensus et procède d’une volonté de distinguer la pathologie suicidaire comme un ensemble sémiologique à part entière, et non plus comme la complexification d’une pathologie psychiatrique.
Approche psychologique
Dans la conception psychanalytique du suicide, la libido joue un rôle important. Elle est insatisfaite par l’objet du désir, cause pour laquelle elle retourne son agressivité contre le moi, identifié à l’objet. Selon Freud (26) « Le moi ne peut se tuer que lorsque par suite du retour de l’investissement objectal, il en vient à se traiter lui-même comme un objet. Ainsi il arrive à actionner contre lui-même l’hostilité contre l’objet, hostilité qui représente la réaction primitive du Moi contre les objets du monde extérieur ». Ainsi, il théorise la Pulsion de mort appelé thanatos qui sous-tend le principe du plaisir. Elle représente la tendance propre à toute vie à viser un état où la tension et la quantité d’énergie est minimales. Elle est opposée à la pulsion de vie appelée éros, de nature libidinale, qui cherche à augmenter la tension et à promouvoir la vie.
Baechler (27) insiste sur la fonction de l’acte suicidaire. C’est ainsi qu’il distingue : les suicides escapistes, les suicides agressifs, les suicides ablatifs, les suicides ludiques. Dans les descriptions Baechler on note des termes qui ont une forte connotation judiciaire tels que : fuite, crime, vengeance, chantage. Cette caractérisation des formes de passage à l’acte suicidaire a tendance à émettre des jugements de valeur sur le suicidant, montrant cet aspect moral. Dans sa théorie figure l’ordalie qui est le fait de risquer sa vie pour s’éprouver soi-même ou solliciter le jugement des dieux. Ceci correspond à la tradition africaine pour désigner un coupable dans le cadre d’une justice voulue par les hommes, comme le cas du « Guendeul » chez les Wolofs. Le jeu qu’il décrit comme le fait de se donner la chance de mourir, dans le seul but de jouer avec la vie se retrouve dans des conduites qui sont d’actualité comme le « Binge Drinking » qui est une alcoolisation excessive sur une courte période.
Approche sociologique
Selon Halbwachs (28), la souffrance psychique qui sous-tend la tentative de suicide est d’ordre social (précarité, exclusion, conflits socio-familiaux). L’acte suicidaire est avant tout un fait social, c’est la résultante de plusieurs facteurs sociaux.
Trente ans plus tard E Durkheim (7) classe les conduites suicidaires en plusieurs catégories, en fonction des relations de l’individu avec la société, de son degré d’intégration ou de non-intégration. Ainsi il distingue le suicide égoïste, le suicide altruiste, le suicide anomique et le suicide fataliste. Selon sa théorie le suicide altruiste est déterminé par un excès d’intégration. Les individus ne s’appartiennent plus et peuvent en venir à se tuer par devoir. Il n’existe plus qu’une personnalité du groupe et une conscience collective. Cette description se retrouve dans l’histoire des femmes de « NDEER », au Sénégal, qui se sont brulées vives pour échapper à l’esclavage (12). Mais aussi on peut avoir ces formes de suicides dans l’armée comme dans les sectes.
Sa théorisation du suicide anomique qui pourrait être appelé suicide réactionnel ou situationnel correspond à la conduite suicidaire dans la crise psychosociale. La société exerce une action régulatrice sur les sentiments et sur les conduites des hommes. Il décrit également le suicide fataliste qui se définit par la prise en compte par l’individu d’un destin muré, immuable. Il a lieu dans les groupes sociaux où la régulation est forte. Il peut s’agir du suicide du kamikaze dont l’« avenir est impitoyablement muré ». Ces actes se retrouvent dans les attentats terroristes perpétrés à nos jours sous la bannière de groupes qui se réclament d’une appartenance religieuse.
Cette description de Durkheim des années 1960 ainsi que celle Halbwachs de 1930 restent toujours d’actualité avec l’importance de crises psychosociales qui sous-tendent les passages à l’acte suicidaire jusqu’à nos jours.
Selon les sociologues la société n’aime pas les conduites suicidaires car il constitue une remise en cause des normes. Ainsi sur le plan familial, le passage à l’acte suicidaire suscite un sentiment de honte chez les parents. La révélation des véritables causes peut constituer un risque pour la famille. Ainsi le sociologue intervient pour déclarer que l’individu a peu à voir avec son acte, la volonté de mourir vient de l’extérieur. La conduite suicidaire est une maladie de la société (29).
Facteurs
L’étude de Z. Rihmer (30) a mis en évidence différents facteurs dits de risque, de vulnérabilité, précipitant ou de protection. On appelle « facteur de risque » un facteur qui a été mis en relation statistique avec la survenue d’un suicide, au niveau d’une population donnée. Il ne s’agit donc en aucun cas, d’un facteur individuel. Les facteurs de risque suicidaire sont en interaction les uns avec les autres et l’importance de leur effet va dépendre de la présence ou de l’absence d’autres facteurs. Dans une perspective pragmatique et préventive, la même étude (30) a proposé de les classer en trois catégories
• les facteurs de risque primaires qui ont une valeur d’alerte importante, au niveau individuel, ils sont en forte inter action les uns avec les autres et peuvent être influencés fortement par les thérapeutiques. Ces facteurs sont : les troubles psychiatriques, les antécédents familiaux et personnels de suicide et tentatives de suicide, la communication à autrui d’une intention suicidaire, l’existence d’une impulsivité facilitant le risque de passage à l’acte.
• les facteurs de risque secondaires sont observables dans la population générale. Leur valeur prédictive est faible en l’absence de facteurs primaires. Ils ne sont que faiblement modifiables par les thérapeutiques. Ce sont : les pertes parentales précoces, l’isolement social (séparation, divorce, veuvage), le chômage ou l’existence d’importants facteurs financiers, les « événements de vie » négatifs sévères.
• les facteurs de risque tertiaires qui n’ont pas de valeur prédictive en l’absence de facteurs primaires et secondaires et ne peuvent être modifiés, ce sont : l’appartenance au sexe masculin, l’âge en particulier l’adolescence et la sénescence, certaines périodes de vulnérabilité (phase prémenstruelle chez la femme, période estivale…).
Les facteurs de vulnérabilité sont des éléments majorant les facteurs de risque et pouvant contribuer, dans certaines circonstances, à favoriser un passage à l’acte suicidaire sous l’influence de facteurs précipitants. Il s’agit d’événements de la biographie passée, survenus souvent au cours de pertes parentales précoces, de carences affectives, de violence, de maltraitance ou de sévices…
Les facteurs précipitants sont des circonstances précédent de peu le passage à l’acte ou déterminants dans la crise suicidaire : des événements de vie négatifs, tels une séparation, une maladie, un échec, etc. Il s’agit parfois d’événements anodins pour l’intervenant mais qui revêtent une importance affective d’autant plus grande pour la personne qu’ils réactualisent, à un moment donné, des problématiques liées au passé du sujet, sous-tendues par les facteurs de vulnérabilité précédemment décrits.
Les facteurs de protection sont essentiellement des facteurs psychosociaux tels un soutien familial et social de bonne qualité, le fait d’avoir des enfants, des relations amicales diversifiées. Bien que ceux-ci soient insuffisamment documentés actuellement, on peut citer également « la résilience », c’est à dire la capacité d’un individu à faire face à l’adversité.
Moyens utilisés
Dans les tentatives de suicide les procédés toxiques sont les plus utilisés et représente 83% (31). Parmi les intoxications l’utilisation des médicaments est à 55%. Les intoxications aux produits ménagers sont à 13,2 %. Les procédés traumatiques et asphyxiques retrouvés sont plus rares.
Classification des caustiques :
Les substances ingérées sont le plus souvent des produits ménagers qui peuvent être caustiques, irritants ou simplement moussants. Les différentier est essentiel puisque si les substances caustiques sont à l’origine de nécroses tissulaires profondes et irréversibles, les substances irritantes n’entraînent qu’une inflammation superficielle.
Parmi les produits caustiques ingérés, les oxydants (eau de javel, permanganate de potassium, crésyl…) sont le plus souvent en cause (38 % des cas) suivis des bases fortes telle que la soude caustique (34 %), puis des acides forts comme l’acide chlorhydrique ou sulfurique (32).
Actions des différents caustiques :
Les bases :
L’action des bases sur les muqueuses se déroule en trois phases (33-34) : L’action débute par la phase de nécrose de liquéfaction qui dure de 2 à 4 jours. La seconde phase ou phase de régénération débute entre le troisième et le cinquième jour après l’ingestion et dure jusqu’à la deuxième semaine. Elle est caractérisée par l’apparition d’un granulome inflammatoire associé à un dépôt de fibres collagènes ainsi qu’à une colonisation bactérienne. La troisième phase est la phase de cicatrisation, elle débute après la deuxième semaine, conduit le plus souvent à une sténose de l’œsophage.
Dans l’estomac, l’action alcaline des bases est tamponnée par le pH acide de cet organe, ce qui réduit leur action sur la muqueuse.
Les acides :
Les acides agissent au niveau de la muqueuse en provoquant une nécrose de coagulation des protéines. La coagulation limite par conséquent la pénétration du caustique dans les couches plus profondes. De plus, la faible viscosité des acides rend l’atteinte de la couche musculeuse exceptionnelle (34-35). Dans l’œsophage, le temps de contact est relativement bref, il est donc généralement épargné. Cependant, il peut tout de même être endommagé comme le montrent les études indiennes (36).
Par contre, l’estomac se trouve beaucoup plus exposé du fait de la stase au niveau de l’antre, une stase qui résulte du spasme du pylore provoque l’agression. Le rôle de ce spasme est d’éviter la diffusion de l’agent agresseur vers l’aval, en lui fermant les voies naturelles (37).
Les lésions du tractus digestif
Au cours des ingestions de caustiques, l’endoscopie digestive haute est le principal examen du bilan morphologique initial. Elle détermine le pronostic et la prise en charge thérapeutique (2). Cet examen doit toujours être réalisé car la gravité des lésions digestives n’est corrélée ni à la sévérité des lésions oropharyngées, ni à la symptomatologie clinique (38). La gravité des lésions est appréciée selon une classification endoscopique en 4 stades (figure 1) de gravité croissante (2) :
Prise en charge d’une ingestion de caustiques :
L’ingestion de produits caustiques nécessite une prise en charge rapide. Il s’agit d’admettre en urgence tout patient suspecté d’avoir ingéré une substance caustique dans une structure multidisciplinaire. Elle devrait disposer de services de chirurgie viscérale, d’anesthésie réanimation, d’une unité d’endoscopie digestive et bronchique, de chirurgien oto-rhino-laryngologiste et de psychiatre.
La conduite à tenir repose sur les résultats de la clinique, mais surtout de l’endoscopie digestive haute.
Le médecin généraliste est parfois le premier sur les lieux. Il se doit de connaitre la bonne conduite à adopter et de donner les meilleurs conseils afin d’accorder le maximum de chance au patient. Rien ne doit être fait pour aggraver le pronostic à court ou long terme.
Les premiers gestes :
Il convient de :
• placer le patient en position demi-assise
• mettre en place une voie veineuse, afin de pouvoir corriger une éventuelle déplétion volumique (39).
• nettoyer la bouche à l’aide de compresses sèches (36- 39).
• évaluer le niveau d’urgence par un examen clinique attentif.
Les gestes à proscrire :
Certaines idées reçues sont fausses. Certains actes doivent être interdits pour ne pas aggraver les éventuelles lésions :
• Boire de l’eau, du lait ou n’importe quel liquide ; en effet si l’idée de diluer le produit pour en diminuer la causticité peut être intellectuellement séduisante, l’expérience a montré qu’il n’en était rien. L’apport de liquide peut entrainer les caustiques à distance. La distension gastrique est source de régurgitations ou pire de vomissements responsables d’un second passage du produit, elle accélère la vidange gastrique ce qui amène le caustique en contact avec le duodénum (40). D’autre part, l’énergie dégagée, sous forme de chaleur par la mise en jeu de réactions physico- chimiques entre le caustique et le liquide ingéré, est susceptible de créer des lésions ou de renforcer celles qui ont débuté (41). Le lait ou les liquides opaques peuvent également perturber l’endoscopie en masquant des lésions.
• Effectuer un lavage gastrique, pour les mêmes raisons que ci-dessus.
• Induire des vomissements, quelle que soit la méthode, en raison du risque de second passage et /ou d’inhalation (39-40).
• Mettre en place une sonde nasogastrique, car elle ne réduit pas le risque de sténose et entraine au contraire un risque de vomissement et d’inhalation.
• Faire ingérer du charbon, car cela n’a pas d’autre effet que de perturber l’endoscopie en tapissant le tractus digestif supérieur de noir; il convient également d’éviter les pansements gastriques et autres antiacides per os. Les antidotes n’existent pas (40).
• Banaliser le geste ou en réduire sa portée, et ce d’autant plus qu’il s’agit d’un acte volontaire.
• Installer les patients en décubitus en raison du risque de vomissement et d’inhalation.
Indications chirurgicales
Les lésions de stade I, œsophagiennes ou gastriques, ne nécessitent pas d’intervention.
Elles cicatrisent toujours sans séquelle (42).
Les lésions de stade II sont susceptibles d’évoluer, dans un sens comme dans l’autre. En l’absence de dégradation clinique, une fibroscopie de contrôle est réalisée après une semaine de jeûne. En cas de persistance d’ulcérations étendues (stade IIb), l’évolution se fait le plus souvent vers la sténose. Le patient est alors mis en observation avec décharge digestive alimentation parentérale stricte pendant plusieurs semaines, et une jéjunostomie est posée.
Si la brûlure de stade III n’intéresse que l’estomac, avec des lésions œsophagiennes moins importantes, le geste réalisé est fonction de la vitalité œsophagienne. Si la section de l’œsophage abdominal est bien vascularisée à la section, le geste est alors une gastrectomie totale avec anastomose œso-jéjunale et jéjunostomie d’alimentation. Dans le cas d’une mauvaise vascularisation ou de lésions muqueuses sous-estimées par la fibroscopie, une recoupe œsophagienne de 3 à 4 cm, jusqu’en zone saine, peut être tentée, mais on est parfois amené à réaliser une œsogastrectomie totale.
Les lésions de stade IIIb et IV nécessitent une intervention en urgence.
Principes de la prise en charge psychiatrique
Cette prise en charge débute par le contact avec le suicidant (43). L’entretien doit se faire dans un endroit calme, en toute confidentialité. Il a pour premier but de travailler l’alliance thérapeutique. Il ne faut pas hésiter à laisser le patient exprimer ses émotions.
La conduite suicidaire doit être abordée par exemple avec des questions comme :
« avez-vous des idées de suicides ? » ou « avez-vous envie de mourir ? ».
Une souffrance tolérable doit être écoutée, si celle-ci est intolérable se manifestant par une agitation ou une perplexité anxieuse, il faut la soulager par des médicaments appropriés. Il ne faut pas banaliser des conduites suicidaires par ingestion de caustiques qui représentent une urgence médicopsychiatrique. A l’inverse, il ne faut dramatiser la situation et les patients doivent se sentir libre d’exprimer leur vécu et leurs idées. Il peut être utile de recevoir la famille pour expliquer la situation. On peut repérer des soutiens possibles dans l’entourage et proposer au patient de les appeler ou de les informer pour qu’ils puissent le soutenir. La recherche de soutien sera faite en cas de prise en charge ambulatoire comme en cas d’hospitalisation.
Il faut, dès ce premier contact, faire la distinction entre : une tentative de suicide dans un contexte de crise psychosociale et celle en rapport avec un trouble mental.
• La conduite à tenir dans l’urgence :
Apres une stabilisation avec des moyens de réanimation adaptés, l’urgentiste doit décider d’une hospitalisation pour stabiliser le patient dont le pronostic est engagé du fait de l’ingestion de produit caustique.
Le psychiatre doit faire l’évaluation de la psychopathologie, de la conduite suicidaire mais aussi de la décision de la prise en charge. Une éventuelle chimiothérapie sera adaptée à la pathologie (trouble de l’humeur, psychose). Une psychothérapie peut être indiquée pour la prise en compte des facteurs psychopathologiques de vulnérabilité.
• Les indications de l’hospitalisation :
L’hospitalisation s’impose car l’ingestion de produits caustiques représente un niveau d’urgence médicopsychiatrique élevée. Elle peut être libre ou à la demande d’un tiers.
Les objectifs de cette hospitalisation visent à limiter la récidive, à faciliter la résolution de la crise en travaillant sur les alternatives, à mettre en place un suivi ultérieur. Le travail sur les alternatives passe par une psychothérapie de soutien basée sur une relation de confiance, une verbalisation de la souffrance et la recherche d’une alliance thérapeutique. L’hospitalisation, n’empêchant pas les récidives, il faut prendre certaines précautions visant à limiter l’accès aux moyens létaux : suppression des points d’appui résistants au poids du corps, inventaire des affaires du patient et retrait des objets dangereux. Il faut également assurer une surveillance rapprochée dans une chambre proche de l’infirmerie. Le psychiatre de liaison est dans ce cas confronté à certaines spécificités (44). Selon cette étude, chez ces suicidants deux choix thérapeutiques se présentent. Le premier consiste à réaliser une œsogastrectomie avec pose d’une sonde de jéjunostomie puis reconstruction digestive après quelques mois. Le second consiste à une observation avec décharge digestive (alimentation parentérale stricte pendant plusieurs semaines) pour tenter d’éviter l’ablation de l’œsophage et/ou de l’estomac. D’ailleurs une dépression réactionnelle n’est pas rare au décours de l’intervention, lorsque le patient prend conscience du handicap considérable auquel il est désormais confronté.
Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : REVUE DE LA LITTERATURE
1. Historique et évolution des idées
2. Epidémiologie
3. PSYCHOPATHOLOGIE DU SUICIDE
3.1. Approches psychopathologiques
3.2. Approche psychologique
3.3. Approche sociologique
3.4. Facteurs
3.5. Moyens utilisés
3.5.1. Classification des caustiques
3.5.2. Actions des différents caustiques
3.5.2.1. Les bases
3.5.2.2. Les acides
3.5.2.3. Les lésions du tractus digestif
4. Prise en charge d’une ingestion de caustiques
4.1. Les premiers gestes
4.2. Les gestes à proscrire
4.3. Indications chirurgicales
4.4. Principes de la prise en charge psychiatrique
DEUXIEME PARTIE
1. METHODOLOGIE
1.1. Objectif général
1.2. Objectifs spécifiques
1.3. Cadre de l’étude
1.4. Type d’étude
1.5. Durée de l’étude
1.6. Critères d’inclusion et de non inclusion
1.7. Recueil des données
1.8. Limites
2. RESULTATS
2.1. Eléments sociodémographiques
2.2. Produits utilisés
2.3. Aspects évolutifs
2.4. Aspects thérapeutiques
2.4.1. Parcours de soins
2.4.2. Prise en charge organique
2.5. Aspects psychiatriques
2.5.1. L’existence d’antécédents psychiatriques
2.5.2. L’existence de pathologies psychiatriques sous-jacentes
2.6. Crise psychosociale
2.7. Prise en charge psychiatrique
3. DISCUSSION
3.1. Aspects épidémiologiques
3.2. Aspects psychopathologiques
3.3. Problématiques de la prise en charge
3.3.1. Retard des premiers soins
3.3.2. Vécu du circuit de prise en charge par les suicidants
3.3.3. Apport de la psychiatrie de liaison
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE