Diversité taxonomique et valorisation de quatre (4) espèces de légumes-feuilles traditionnels de type Africain
Synthèse bibliographique sur 4 espèces de légumes-feuilles populaires
Hibiscus sabdariffa L. (bissap)
Origine et aire de répartition
Hibiscus sabdariffa (ou bissap) communément appelé Oseille de Guinée en Afrique de l’Ouest ou thé rose d’Abyssine est probablement originaire d’Afrique, où il pourrait avoir été domestiqué au Soudan il y’a environ 6000 ans, d’abord pour ses graines, ensuite pour la production de feuilles et de calices. Le bissap est présent actuellement dans toutes les régions tropicales. Mais des specimens d’apparence sauvage de l’espèce ont été récoltés au Ghana, au Niger et en Angola (Grubben et Denton, 2004). Les conditions climatiques de la localité étant déterminantes dans le développement de la plante, il a été rapporté que le bissap est sensible aux basses températures à tous les stades de son développement. Selon le même auteur, sa croissance est arrêtée à 14°C, température à laquelle elle meurt au bout de 15 jours. Les températures optimales de développement sont comprises entre 25 et 35 °C (ISRA-CDH, 1987). Quant à la photopériode, la floraison est favorisée par des journées courtes. Elle peut tout de même fleurir en jours longs. Mais une exposition à la lumière pendant 16 h par jour pourrait favoriser le développement végétatif (ISRA-CDH, 1987).
Caractères botaniques
Le bissap ou Oseille de Guinée est une plante à port buissonnant, prostré ou érigé selon les variétés. Elle s’élève à environ 1 m de haut mais peut atteindre 3 m dans les sols fertiles. La tige est cylindrique, fibreuse, vert clair ou rouge violacé foncé, parfois avec une ligne longitudinale, changeant de position à chaque entre-nœuds, glabre à légèrement hispide. 8 Les stipules filiformes à triangulaires-linéaires de 5 à 15 mm de long sont caduques à légèrement hispides. Les feuilles sont alternes, de forme et de dimension très variées. Cette variation de la morphologie foliaire en fait un critère de classification difficilement utilisable (Stevels, 1990). Les fleurs axillaires, solitaires sont hermaphrodites et régulières. Elles sont pédicellées (pédicelles longues de 5 à 11 mm à l’anthèse). Le bissap est une plante hautement autogame avec un taux d’allogamie presque nul (0,2 à 0,5 %). Sa fécondation peut être assurée par des insectes pollinisateurs : 17 espèces de l’ordre des Hyménoptères, 13 des Lépidoptères, 1 des Coléoptères et, 1 espèce d’orthoptère sont recensées comme pollinisateurs effectifs du bissap (Prandit, 1994). Le pollen serait viable seulement durant le jour de l’ouverture de la fleur et que le stigmate serait réceptif un jour avant l’ouverture de la fleur (Seck, 1997). Selon Bricage (1978) à l’état mature des grains de pollen, les étamines développées ne sont pas encore déhiscentes et que c’est à ce stade que les étamines doivent être enlevées si l’on désire éviter l’autofécondation. Le fruit est une capsule pentaloculaire, ovoïde à plus ou moins conique, entourée par le calice. Il est de couleur brun jaunâtre à brunâtre violacé, à déhiscence loculaire. Les graines sont réniformes grisâtre, parfois avec quelques poils. L’enracinement s’organise autour d’un pivot long d’une quinzaine de centimètres dont les racines adventices peuvent atteindre 1 à 1, 5 m de long (Stevels, 1990
Sélection variétale
Le CDH a sélectionné 3 variétés cultivées de bissap (Koor, Vert et Vimto). La Koor est caractérisée par des capsules rouge brillant, coniques et longues de 3 cm. Alors que la Vimto a des capsules rouge sombre, coniques pointus, très grosses, longs de 6 à 7 cm et a teneur élevée en colorant. La vert a des capsules vert clair, allongés et longs de 4 à 5 cm (ISRACDH, 1987 et Diouf, 1997). En plus des variétés sélectionnées par la recherche, il existe des variétés locales ou races locales sélectionnées, cultivées et conservées par les paysans. Ces variétés de bissap sélectionnées par la recherche sont peu utilisées pour la production de feuilles mais surtout pour leurs capsules et secondairement pour les feuilles. Les semences des variétés à calices rouges présentent une dormance embryonnaire (Seck, 1997).
Conduite de la culture
Système de culture Le bissap est régulièrement cultivé en association ou en bordure des grandes cultures. Il est rarement produit en culture pure. Dans le cas d’une monoculture, elle se fait sur de petites parcelles. Il est cultivé également dans les jardins de case. Il est de plus en plus cultivé du fait de ses coûts de production quasiment nuls et du revenu généré dans un délai relativement court surtout lorsqu’il s’agit des feuilles (Diouf et al., 1999).
Techniques culturales
Ttravail du sol
Le bissap est peu exigeant pour le type de sol, mais préfère les sols drainants (sablo-argileux, sablo-limoneux). Son rendement en feuilles, fibres et fruits est toutefois lié à la fertilité du sol. Il est tolérant par rapport au pH du sol, mais préfère ceux compris entre 5,5 et 6,8. Il n’est pas très sensible à la salinité (ISRA-CDH, 1987). 9 ² b. Besoins en eau Bien que le bissap soit tolérant à la sécheresse, une bonne production exigerait des arrosages réguliers surtout en saison sèche (ISRA-CDH, 1987). Le bissap pousse bien dans les régions recevant entre 800 et 1600 mm de pluie par an. Il a besoin d’au moins entre 100 à 150 mm par mois pendant sa croissance végétative, ou entre 300 et 400 mm répartis sur une période de 3 à 4 mois. Les périodes sèches au cours des derniers mois de croissance favorisent une bonne production de calices, tandis qu’une précipitation ou une humidité abondante sont susceptibles de faire baisser la qualité des calices (Grubben et Denton, 2004). c. Fertilisation minérale et organique Malgré son aspect rustique, le bissap est une plante qui répond favorablement à une fertilisation organo-minérale. Plusieurs auteurs ont rapporté que la croissance, le rendement en fibres, en calices et en fruits, la concentration en acides organiques, la teneur en anthocyanes dans les calices des variétés rouges de bissap sont accrus par une fumure azotée. La réponse à la fumure azotée diffère suivant les variétés et le stade de développement. Le bissap répond à la fumure azotée dès le stade jeune plant. En plus, d’autres auteurs ont rapporté que les doses supplémentaires d’azote favorisent le développement végétatif de la plante, ce qui est favorable à la production de fruits et de calices. Le sulfate d’ammonium ((NH4)2SO4) est la principale source d’azote utilisée. Les quantités appliquées varient entre 100-560 kg / ha, ce qui représente 18 à 100 kg de N / ha (ISRA-CDH, 1987). En ce qui concerne les besoins en phosphore, la quantité prélevée est proportionnelle à celle de l’azote. Celle-ci est estimée entre 18 à 50 kg / ha. Les besoins en potasse semblent être supérieurs à ceux en phosphore et azote. Les doses appliquées pourraient varier entre 40 et 160 kg / ha. La source de potasse utilisée est le chlorure de potasse (KCL) ou sulfate de potasse (K2SO4) (ISRA-CDH, 1987). La fumure d’entretien est apportée à 30, 50 et 90 jours après le semis, à raison de 2 kg d’engrais minéral NPK (10-10-20) pour 100 m² à incorporer par griffage. Pendant la période des journées courtes (saison sèche), l’arrêt de la croissance de la tige principale favorisera la ramification de la plante. Le bissap aurait besoin de 10 à 20 tonnes / ha de matières organiques pour son cycle de développement (ISRA-CDH, 1987). d. Semis Le semis peut se faire en direct par poquets de 2 à 4 graines à une profondeur de 2 à 3 cm. Il faut entre 30 et 50 grammes de graines pour emblaver 100 m². La production de calices nécessite un semis en lignes simples écartées de 0,8 à 1 m ou sur planches avec 2 lignes écartées de 0,6 à 0,8 m. La distance entre les poquets est de 0,4 à 0,6 m sur une ligne. Pour une production de feuilles, le semis se fait en pépinière sur lignes écartées de 0, 25 m sans repiquage mais en éclaircissant. e. Suivi de culture Le sarclo-binage doit être régulier particulièrement en début de culture et en saison chaude et humide période favorable au développement des mauvaises herbes. Quant au démariage, dans le cas d’une production de calices, il faut éclaircir à un pied quand les plants ont 10 cm de hauteur. Les feuilles des plants supprimés peuvent être utilisées dans l’alimentation. Le démariage est suivi par un arrosage. Il faut noter que plusieurs ennemis de culture tels que insectes, champignons et nématodes attaquent le bissap. Contrôle des ennemis de la culture Insectes Plusieurs chenilles de lépidoptères, larves de coléoptères, d’homoptères et d’hétéroptères rongent le feuillage, attaquent les fleurs et trouent les capsules. Les jassides provoquent le jaunissement et des nécroses sur les feuilles. Celles-ci se gaufrent et tombent. Ces jassides peuvent également apporter des virus. Pour lutter contre ces insectes, il faut dès leur apparition traiter avec des Pyréthrynoïdes de synthèse comme : la cyperméthrine, la deltaméthrine et la fenvéralate ou des organophosphorés tels que l’acéphate et le diméthoate (Defrancq, 1984). Champignons Le blanc causé par l’espèce de champignon Oïdium abelmoschi Thüm est caractérisé par des tâches poudreuses blanches sur les deux faces de la feuille. Par la suite, le feutrage blanc envahit tout le limbe, la feuille se dessèche et tombe. La cercosporiose, maladie des feuilles provoquée par un champignon du genre Cercosporia se manifeste par l’apparition de taches vert-jaunes à noirâtres. La nécrose des feuilles entraîne leur chute. Phytophtora parasitica Dast, un champignon très courant dans les sols tropicaux provoque le flétrissement de la plante. L’anthracnose est causée par Gloesporium sp., c’est une maladie du feuillage dont les symptômes débutent par les marges des feuilles ou la base du limbe. Ce sont des taches évolutives, noires, où le limbe fortement macéré se dessèche. Le centre des taches s’éclaircit et devient grisâtre à brun clair. Les feuilles se recroquevillent tandis que la pourriture gagne le pétiole. De nombreuses feuilles peuvent être atteintes. La plante perd ses feuilles et peut même dépérir. La proximité de plantes malades contribue à la dissémination de la maladie. Des pulvérisations de bouillies de manèbe permettent de contrôler la maladie. Le contrôle des champignons parasites est assuré par des fongicides tels que le soufre, le manèbe et le zinèbe. Nématodes Ils provoquent des galles au niveau des racines de la plante. Le genre le plus important est Meloidogyne. Cependant, le bissap serait plus ou moins résistant à certaines espèces de Meloidogyne comme M. incognita et M. javanica, mais serait très sensible à M. arenaria (Starr et al., 1990). Virus Plusieurs virus attaquent le bissap et provoquent des maladies comme le Leaf Curl du Cotonnier et le Yellow Vein Mosaic (Duke, 1983). La lutte contre les vecteurs (Bemisia tabaci, Jacobiasca lybica), l’arrachage mécanique des plantes et leur destruction par le feu sont recommandés pour contrôler les viroses. 11 ² 1.2.1.5. Production Le cycle total du bissap varie entre 120 et 180 jours. Les jeunes feuilles sont récoltées comme épinards, au fur et à mesure des besoins, surtout pendant la première partie du cycle végétatif. La récolte des calices se fait 35 à 45 jours après la floraison (octobre à janvier) pendant la saison sèche, elle débute en début de saison chaude et humide (juin), 130 jours après semis. Le rendement en feuilles varie entre 100 et 200 kg et 30 à 40 kg de calices frais et 5 à 6 kg de calices secs pour 100 m² de culture. Les feuilles et les calices frais ne sont pas conservés. Les calices séchés servent à confectionner des boissons, sirops et des concentrés (ISRA-CDH, 1987). La filière bissap ne bénéficie pas d’une organisation qui permet une estimation correcte de la production. Ceci entraîne une méconnaissance des superficies emblavées qui sont en relation avec les systèmes de cultures pratiqués dans les différentes régions productrices. La superficie occupée par le bissap est estimée à plus de 5000 ha pour une production nationale moyenne de 1200 tonnes de calices. La demande artisanale et domestique est estimée à 400 tonnes de calices séchés par an. Les quantités exportées sont estimées à 800 tonnes par an (Ternoy et al., 2006). Les exportations se font généralement à destination de l’Allemagne, l’Italie et la Suisse (Diaham et al., 1997).
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