Programmes d’amélioration génétique bovine par l’insémination artificielle
Physiologie embryo-maternelle et les mortalités embryonnaires chez les bovins
Dans les élevages bovins laitiers, les pertes de gestation constituent les causes majeures de pertes économiques car sans production de veaux il n’y a pas de rentabilité économique de l’élevage et donc pas d’intensification de la production (Gatsinzi, 1989). Ces pertes de gestation regroupent les mortalités embryonnaires (ME), les avortements cliniques dûment constatés par l’éleveur ou le vétérinaire et les retours en chaleur de l’animal ou encore le diagnostic de non-gestation posé par le vétérinaire (Hanzen, 2008b). Dans ce chapitre, nous évoquerons les principales phases du développement embryonnaire et les mécanismes de maintien de la gestation.
Définition et fréquences des mortalités embryonnaires tardives (MET)
La période embryonnaire est classiquement définie comme la période comprise entre la fécondation et la fin de l’organogénèse qui correspond au 42ème jour de gestation (Gayrard et al., 2003). Cette date considérée comme marquant la fin de la période embryonnaire est estimée au 45ème jour par Ayalon (1978). Il précise que plusieurs auteurs incluent dans cette période les échecs de fécondation au même titre que les échecs après la fécondation dus surtout à la mortalité embryonnaire. On distingue deux (2) types de mortalité embryonnaire: La mortalité embryonnaire précoce (MEP) et la mortalité embryonnaire tardive (MET). La première fait référence à la période pour laquelle on ne dispose d’aucun moyen de diagnostic de gestation soit les 20 premiers jours après l’insémination (Hanzen, 2008a). Cliniquement, on observe un retour en chaleur de l’animal 18 à 24 jours après la mise à la reproduction. La durée normale du cycle n’est donc pas modifiée. La seconde correspond à une perte embryonnaire ayant lieu entre le 16ème et le 42ème jour après l’insémination (Figure 1). Cliniquement, on constate un retour en chaleurs décalé entre 25 et 35 jours après l’insémination. En effet, l’embryon a alors eu le temps d’émettre un signal de maintien du corps jaune, dû à l’action antilutéolytique de l’IFNτ ce qui entraîne un allongement du cycle sexuel (Ledoux et al., 2006). Figure 1 : Définition des échecs de gestation. (Source: Dizier, 2008) Une grande part des pertes de gestation a lieu durant la période embryonnaire, c’est-à-dire dans les 42 premiers jours après insémination (Inskeep et Dailey, 2005). Les pertes d’embryon compteraient pour 30-40 % des pertes post-fécondation. La fréquence de la MEP varie entre 11,0 % à 81,6 %, pour une moyenne de 36,6 %(Inskeep et Dailey, 2005). Cette large fourchette peut être expliquée par les différences de méthodologie utilisée et par des conditions d’échantillonnage propre à chaque étude (Kevin, 2010). Des estimations du taux de MET chez les vaches laitières sont comprises entre 10 et 20% selon les études Silke et al., (2002) et de Inskeep (2004).
Principales phases du développement embryonnaire
La progestation correspond à la période pendant laquelle l’œuf issu de la fécondation mène une vie libre dans l’utérus. Elle comprend trois phases : la traversée tubaire, la phase préimplantatoire et la nidation ou implantation.
Traversée tubaire
Elle correspond au transit de l’œuf depuis le lieu de la fécondation jusqu’à l’utérus grâce aux contractions de la trompe et des battements des cils de l’épithélium tubaire. Pendant cette période la nutrition de l’œuf est assurée par les sécrétions de l’oviducte.
Phase pré-implantatoire
Chez les ruminants, la durée de vie libre de l’embryon est relativement longue et dépend des sécrétions utérines riches en sucres, en protéines et en vitamines. Durant cette phase préimplantatoire, l’embryon migre de l’ampoule tubaire vers l’isthme pour se loger dans l’utérus. A chaque stade du développement correspond un emplacement de l’embryon qui baigne dans des sécrétions dont la composition correspond à ses besoins. Si cette correspondance entre le stade du développement n’est pas respectée l’embryon ne peut survivre. Ainsi, tout embryon qui prend du retard dans son développement est perdu (Piko et Clegg., 1982). Le développement embryonnaire pré-implantatoire comprend trois phases : les premières divisions cellulaires, la sortie de pellucide et l’élongation.
Premières divisions cellulaires
Une trentaine d’heures après la fécondation, il y a la formation des deux premiers blastomères. Cette étape est considérée comme critique pour le développement ultérieur de l’embryon. En effet, une augmentation de quelques heures du délai de reprise de cette division cellulaire entraîne un développement moindre des embryons jusqu’au stade blastocyste (Betteridge et Flechon, 1988). En revanche, les embryons qui atteignent le stade 2 cellules 36 heures après la fécondation (Van Soom et al., 1992), voire le stade 4 cellules, 48 heures après la fécondation se développent davantage que les autres jusqu’au stade blastocyste (Lonergan et al., 1992; Lonergan, 1994). Les divisions cellulaires aboutissent à la formation d’une morula (32-36 cellules) qui va être l’objet du phénomène de compaction le plus souvent observé 5 à 6 jours après la fécondation (stade 64 cellules) (Van Soom et al., 1992). La compaction aboutit à la formation d’une cavité blastocoelique et à l’expansion du blastocyste (Figure 2). En effet, les divisions suivantes sont asynchrones (Massip et al., 1983) et aboutissent à la formation de deux populations cellulaires: l’une de petite taille appelée bouton embryonnaire (Ziomek et Johnson, 1981) et l’autre de grande taille appelée trophoblaste (Fehilly et Willadsen ,1986).
Sortie de pellucide et phase d’élongation
Le jeune blastocyste comprend une centaine de cellules (Picard et al., 1986). Son diamètre est de 160 microns et l’épaisseur de sa zone pellucide de 12 microns (Linares et King, 1980). L’expansion du blastocyste par accumulation de liquide entraîne une augmentation de 60% de son diamètre. La zone pellucide s’amincit jusqu’à sa rupture. Il s’agit donc de l’éclosion qui a lieu vers le 9ème – 10ème jour après fécondation (Figure 3). In vitro, un durcissement de lazone pellucide empêchant toute éclosion est parfois observé. Cela aboutit à la mort de l’embryon (Thibault ,1966). La phase d’élongation se déroule entre le 2ème et le 14ème jour après la fecondation. Le trophoblaste atteint une longueur de 2,5 cm en moyenne au 16ème jour de gestation (Hanzen et al., 1999a). A 19ème jours l’embryon est long de 3-4 cm, le tube neural se ferme et le cœur commence à battre (Gayrard et al., 2003). Figure 3 : Eclosion du blastocyste. (Source: Thibault, 1966)
Implantation
Déroulement
L’implantation débute le 19ème jour. Il s’agit d’une interaction entre l’utérus et le trophectoderme aboutissant à la formation des structures placentaires. Elle se déroule en plusieurs étapes: orientation et accolement du blastocyste à l’endomètre, apposition et adhésion. Une réduction de la taille des microvillosités des cellules du trophoblaste favorise l’adhésion aux cellules endométriales. Les cellules trophoblastiques binucléées envahissent l’épithélium utérin et fusionnent avec les cellules utérines formant ainsi un syncytium (Leiser, 1975 ; Cook et Hunter, 1978). Pour que l’implantation réussisse, il doit y avoir une synchronisation précise entre le stade du développement du blastocyste et l’état de réceptivité endométriale. Un asynchronisme de ces phases pourra entraîner la perte de l’embryon (King et al., 1980).
Régulation
Les follicules ovariens en croissance produisent des œstrogènes qui permettent de préparer la maturation endométriale tandis que le corps jaune secrète de la progestérone en quantité croissante, hormone indispensable à l’implantation. Avant l’implantation, l’embryon émet divers signaux tels que: Prostaglandine E2, PSPB (Pregnancy Specific Protein B), bPAG (bovine Pregnancy Associated Glycoprotein), PSP60 (Pregnancy Serum Protein 60). Ces signaux pourraient avoir un rôle dans les mécanismes implantatoires. Cependant, la PSPB, bPAG et PSB60 sont les plus précocement détectées dès 20-25 jours de gestation dans le sang. Leur concentration augmente progressivement au cours de la gestation (Chemli et al., 1996).
Mécanismes immunologiques
Au moment de l’implantation, de fortes quantités d’interleukines (IL) sont secrétées dans l’utérus. Les plus importantes chez les ruminants sont l’IL-1, le TGF-β (Transforming Growth Factor β), le CSF (Colony Stimulating Factor) et le LIF (Leukemia Inhibitory Factor) maternel. Cette sécrétion conduit à une régulation de l’adhésion et de l’invasion trophoblastique (Poll, 2007). Après l’implantation, le développement embryonnaire se poursuit et se termine vers le 43éme jour moment à partir duquel la vie fœtale commence.
Mécanisme du maintien de la gestation
Maintien du corps jaune
Après l’ovulation, la cavité folliculaire se remplit d’un caillot de sang, les cellules de la granulosa du follicule rompu envahissent le caillot de sang et se transforment en cellules lutéales ou lutéiniques, pour former le corps jaune qui va sécréter la progestérone. En absence de fécondation, il se produit une lyse du corps jaune sous l’action de la prostaglandine F2α (PGF2α) secrétée par l’endomètre vers J16-J17 : c’est la lutéolyse. Par contre, lorsqu’il y a fécondation, la sécrétion de progestérone par le corps jaune persiste (Hanzen et al., 1999a). Ce maintien de la fonction lutéale est le résultat de deux mécanismes : l’inhibition de la production de PGF2α et la diminution de la sensibilité du corps jaune grâce à l’action lutéolytique de la PGF2α. Cela est possible grâce à un facteur anti-lutéolytique sécrété par le conceptus appelé Interféron tau (IFNτ). Ce facteur entraine une diminution du nombre de récepteurs endométriaux aux œstrogènes et à l’ocytocine. De plus, il contribuerait à diminuer l’amplitude et la pulsatilité de la sécrétion de PGF2α en stimulant la synthèse par l’endomètre d’un inhibiteur de la prostaglandine synthétase, EPSI (Endometrial Prostaglandin Synthetase Inhibitor) (Hanzen et al., 1999a). La progestérone est absolument nécessaire au maintien de la gestation chez toutes les espèces de mammifères pourvues d’un placenta. Celui-ci est une structure cellulaire résultant du contact entre la muqueuse de l’utérus et le chorion (enveloppe la plus externe de l’embryon). Il assure les échanges fœto-maternels pendant la gestation (Sousa et al., 2002) Le placenta joue un rôle capital au cours de la gestation, il rempli deux types de fonctions. Dans sa fonction métabolique, il favorise le transport de nutriments (eau, oxygène, minéraux et des matières organiques de la mère au fœtus d’une part, et le transfert des déchets ( urée et gaz carbonique) du fœtus à la mère d’autre part. Sa fonction endocrine intervient dans le maintien de la gestation par sécrétion de la progestérone, d’œstrogène et la préparation de la lactation (Sousa et al., 2002).
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