CONTRIBUTION A L’AMELIORATION DE LA PRODUCTION DU MANIOC
GENERALITES SUR LE MANIOC
Origine, domestication et dispersion du manioc
Originaire du Brésil et probablement du Mexique (Elias et al., 2001a; Allem, 2002), le manioc a été domestiqué en Amazonie par les cultivateurs Amérindiens, il y a plus de 7000 ans (Dickau et al., 2007). Même si initialement, le nord-est du brésil était considéré comme le centre de domestication, des études plus récentes (Olsen et Schaal, 1999 ; Olsen et Schaal, 2001 ; Léotard et al., 2009) ont montré que c’est dans le sud-ouest du bassin de l’Amazonie que le manioc a été domestiqué par les Amérindiens à partir des populations sauvages. Environ 40 espèces sauvages sur 98 appartenant au genre Manihot (Rogers et Appan, 1973) ont été identifiées au centre du Brésil qui abrite ainsi le plus grand réservoir de la diversité des espèces de manioc dans le monde. Selon Allem (1994), le plus proche parent sauvage de la forme cultivée du manioc M. esculenta subsp.esculenta est M. esculenta subsp. flabellifolia. Des études moléculaires sur des accessions d’espèces sauvages en collection ont permis aussi de confirmer le lien de parenté phylogénétique entre ces deux sous-espèces (Roa et al., 1997). D’autres travaux utilisant des marqueurs moléculaires ont également montré une affinité plus grande entre le manioc et les espèces sud- américaines, en particulier M. flahellifolia et M. peruviana, (Second et al., 1997). Aussi, il apparait à ce jour, que l’espèce cultivée M. esculenta proviendrait soit d’hybridations successives entre deux espèces sauvages M. esculenta subsp. flabellifolia et M. esculenta subsp. peruviana soit de l’espèce M. glaziovii. En effet, il a été signalé que des hybrides issus de M. esculenta et M. glaziovii sont aussi fréquentes dans le nord-est brésilien (Second et al., 1997). L’espèce cultivée de manioc, dénommée Manihot esculenta Crantz a pour principal centre de diversification le Brésil et l’Afrique étant le centre secondaire. C’est la seule espèce cultivée pour ses racines tubéreuses. Sa dispersion en Amérique a favorisé l’accroissement de sa diversité génétique dans cette zone (Charrier et Lefevre, 1998). Selon la carte de diffusion (Figure 1) mise au point par le CIAT, cette plante s’est répandue dans une grande partie de l’Afrique, l’Asie et l’Amérique du Sud et particulièrement dans plus de 60 pays dont la plus part sont en voie de développement (Adeyemo, 2009). Sur le continent asiatique, l’introduction du manioc semble s’être faite par les Philippines, l’Inde et l’Asie du Sud-est. Quant à l’Australie, la diffusion du manioc s’est faite à la fin du 19ème siècle. En Afrique, le manioc a été introduit vers la seconde et la fin du 16ème siècle vers 1570 par des navigateurs portugais sous forme de boutures (Jones, 1959 ; Cours et Fritz, 1961 ; Rogers et Appan, 1973). D’après Jones (1959), cette introduction s’est faite par le golfe de Guinée et dans l’embouchure du fleuve Congo au 4 cours de la première moitié du XVIIème siècle au niveau de l’Afrique centrale. Au cours de la deuxième moitié du XVIème siècle, par la région malgache (Kent, 1969 ; Jennings, 1976) puis par la côte africaine orientale au cours du XVIIIème siècle par les portugais à partir du Cap Vert et du Mozambique. Sa diffusion complète vers ce continent qui a duré plus de 400 ans s’est faite principalement par les populations eux-mêmes et dans les zones tropicales et subtropicales qui sont devenues par la suite des zones de prédilection de cette culture à travers le monde. Les voies historiques de cette diffusion du manioc en Afrique, ont fait l’objet de plusieurs hypothèses (Delètre, 2010) et les données recueillies ont permis d’identifier les axes probables de cette dispersion sur le continent africain (Cartel et al., 1992). Figure 1 : Carte de répartition du manioc dans le monde Source : Centro Internacional de Agricultura Tropical en Colombie (CIAT) Chaque point de couleur brune indique des superficies supérieures à 1000 ha emblavées en manioc.
Caractéristiques botaniques et écologie
Le manioc (Manihot esculenta Crantz) fait partie de la famille des Euphorbiacées. C’est une plante arbustive, pérenne et une dicotylédone qui présente une grande diversité à travers les différentes zones agroécologiques. Elle possède 2n=36 chromosomes comme toutes les espèces du genre Manihot. C’est une plante monoïque et son mode de reproduction est allogame. La pollinisation est aussi bien anémophile qu’entomophile. Sa multiplication se fait surtout par voie végétative sous forme de boutures mais celle-ci est aussi possible par voie sexuée. Les cycles de développement varient selon les variétés et les facteurs du milieu. Par ailleurs, le manioc possède deux glucosides cyanogéniques, la linamarine et la lotaustraline 5 (McMahon et al., 1995) qui selon leur teneur sont à l’origine de sa classification en variétés douces et variétés amères. C’est une culture des régions tropicales et subtropicales où la pluviométrie annuelle est supérieure à 500 mm et des températures supérieures à 20°C. Certaines variétés peuvent se cultiver jusqu’à 2000 m d’altitude ou dans des régions subtropicales où les températures sont basses même en dessous de 16°C. Elle peut aussi pousser dans des conditions de température élevée et de fort ensoleillement. Toutefois au-delà de la température optimale qui se situe à 30°C, des baisses significatives de la production ont été constatées. En effet, le taux maximum de croissance se situe entre 25 et 29°C. Disposant d’une capacité réelle à avoir de bon rendement même sur des sols peu fertiles, le manioc tolère bien les sols pauvres et acides et se cultive bien sur des sols légers, bien drainés et riches en potassium mais il est sensible aux périodes d’inondation prolongée. En définitive, il est peu exigeant, rustique et s’adapte à de nombreuses conditions de stress écologique (sécheresse, forte acidité, etc.) et à des types variés de sols et de niveau de fertilité. Des études récentes sur l’impact des changements climatiques sur les principales cultures en Afrique ont aussi montré que le manioc comparé à d’autres, s’adaptera mieux aux conditions climatiques extrêmes qui sont prévues en 2030. Cependant, même si cette culture possède une capacité élevée d’adaptation au niveau des écosystèmes divers, il demeure sans nul doute qu’il existe surtout en Afrique, quelques contraintes phytosanitaires qui sont à l’origine d’importantes baisses de rendement ou de destruction totale de la plante. Ces contraintes sont la mosaïque africaine, la bactériose, la cochenille farineuse et les acariens verts. En outre, des dégâts importants provoqués par des criquets et surtout des termites sont aussi souvent signalés.
Taxonomie
Bien connu dans le monde rural, divers noms lui sont attribués à savoir : mandioca, cassava, yuca, manioc, cassave et ngali. La classification de l’espèce cultivée du manioc est présentée dans le Tableau I. Tableau I: Classification du manioc cultivé Règne Végétal Super embranchement Rhizophytes Embranchement Spermaphytes Sous embranchement Angiospermes Classe Dicotylédone Subclass Archichlamydeae Ordre Euphorbiales Famille Euphorbiaceae Subfamily Manihotae Genre Manihot Espèce Manihot esculenta Crantz
Usages et valeurs nutritionnelles
Au niveau mondial en 1996, il a été estimé qu’environ 60 % de la production du manioc est destinée à la consommation humaine, 33% à la consommation animale et le reste au secteur industriel comme les textiles, la production d’éthanol, etc. (Soccol, 1996). En 2004, c’est plus de 70% de cette production mondiale qui est utilisée dans la consommation humaine (ElSharkawy, 2004). C’est la principale source d’énergie dans les régions tropicales (Cock, 1982 ; Cock, 1985). Sur le plan de la consommation humaine, aussi bien en Amérique latine, en Asie qu’en Afrique, plus d’une vingtaine de produits sont issus de la transformation des tubercules de manioc à savoir la farinha de mandioca, gari, foufou, cossettes, tapioca, kokonté, fécule, amidon, attiéké, cassave, chikwangua, myondo ou mambéré. Les jeunes feuilles de manioc sont aussi consommées dans beaucoup de pays africains sous forme de légumes après blanchiment et cuisson. Au Brésil, cette consommation se fait plutôt sous forme de poudre. Au niveau du goût, on distingue les variétés douces qui sont consommées sous forme bouillie, grillée ou frite. Quant à celles qui sont amères, la présence de fortes concentrations en glucosides cyanogeniques dans les racines, exige des opérations d’élimination de ces substances nocives. On note ainsi une grande diversité de préparations culinaires et d’usages de manioc à travers le monde. Les tubercules contiennent jusqu’à 35% d’amidon, des teneurs significatives en vitamine C, en thiamine, riboflavine et niacine mais très pauvres en protéines, environ 1,7 % selon Latham (1979). Ils sont déficients en acides aminés tels que la méthionine, la lysine et la cystéine. Cependant, des variétés hybrides dont les tubercules ont jusqu’à 5% de teneur en protéine ont été créées (Nassar et Ortiz, 2010). Par contre, les feuilles sont plus riches en protéines (plus de 25%) et renferment aussi du fer, du calcium, des vitamines A et B mais dont les teneurs baissent après les différents procédés de transformation (Latham, 1979 ; Achidi et al., 2008; Montagnac et al., 2009).
Production et importance économique du manioc dans le monde
Les régions tropicales et subtropicales d’Amérique Latine, des Caraïbes, d’Asie et d’Afrique sont les principales zones de production du manioc dans le monde. Depuis quelques années, on note une nette progression de cette production. Déjà de 1994 en 1995, cette production est passée de 160 à 165 millions de tonnes ce qui situait le manioc au 5ème rang des productions végétales alimentaires après le maïs, le riz, le blé et la pomme de terre. En 2010, l’Afrique représentait 51% de la production annuelle mondiale soit 200 millions de tonnes, l’Asie 34% et l’Amérique latine 15% (Nassar et Ortiz, 2010). Cette augmentation qui s’est faite de manière progressive est ainsi passée de 223 millions de tonnes en 2006 à 263 millions en 2012 soit 54%. Au cours de cette même période, les superficies emblavées ont également 7 progressé d’environ 18 millions d’hectares à 20 millions avec certains rendements de 11 t/ha à 13 t/ha (FAOSTAT, 2012). Ce qui confirme ce que Scott et al. (2000) ont suggéré que la production mondiale du manioc allait augmenter de plus de 50% au cours de la période allant de 1993 à 2020, à un taux annuel de croissance d’environ 2,5% en Afrique et 1,2% en Amérique Latine. Le Tableau II indique la moyenne de la production du manioc sur la période allant de 2006 à 2012 (FAOSTAT, 2013). Les principaux pays producteurs dans le monde sont le Nigeria, le Brésil, l’Indonésie, la Thaïlande et la RDC. Cette tendance de la production a été observée depuis quelques années (Tableau III) avec des variantes aussi bien au niveau des superficies emblavées et des productions que des rendements obtenus au niveau de ces pays. Particulièrement en Afrique, déjà en 1999, la production s’élevait à plus de 160 millions de tonnes de manioc (FAO, 2000). Deux pays se trouvent parmi les 3 producteurs mondiaux. Le Nigéria est le premier producteur au monde avec 31,4 millions de tonnes (poids frais), la RDC est le 3ème pays avec 18,9 millions de tonnes (FAO, 1995). En 2010, l’Afrique produisait plus de 51% de la production annuelle mondiale soit 200 millions de tonnes, l’Asie 34% et l’Amérique latine 15% (Nassar et Ortiz, 2010). Actuellement, la production au Nigeria est de 54. 831.600 t et en RDC 16.608.900 t. Comme le montre la Figure 2, Les principaux pays producteurs de manioc en Afrique sont de 2004 à 2014, dans l’ordre le Nigeria, la RDC, le Ghana et l’Angola (FAOSTAT, 2015). Le Nigeria est en même temps le plus grand producteur aussi bien au niveau mondial qu’en Afrique. Les superficies emblavées sont aussi les plus importantes au Nigéria. Cependant ces deux dernières années, il apparaît qu’après les 3 premiers pays cités plus haut, la Tanzanie et le Mozambique sont entrain de surpasser l’Angola (Afrique Agriculture, 2014). Plus de 90% de cette production sur le continent africain, sont utilisés pour la consommation humaine.
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