Coût et tarification des services d’assainissement autonome urbain
CONNAISSANCES ANTÉRIEURES
En l’an 2000, les 193 États membres de l’Organisation des Nations Unies (ONU) et plusieurs organisations internationales, dont l’Union Africaine (UA), ont adopté huit objectifs de développement à atteindre pour 2015. Ces huit objectifs sont connus sous le nom d’objectifs du millénaire pour le développement (OMD). Ils comprenaient, les grands enjeux humanitaires comme : la réduction de la pauvreté, de la faim et de la mortalité infantile, la lutte contre des épidémies, l’accès à l’éducation, l’égalité des sexes et la durabilité de l’environnement (UN, 2000). Chaque objectif avait plusieurs cibles. L’objectif environnement humain durable comporte la « Cible 7.C concernant l’eau potable et l’assainissement à savoir : Réduire de moitié, à l’horizon 2015, le pourcentage de la population qui n’a pas accès à un approvisionnement en eau potable ni à des services d’assainissement de base » (BAD, 2011). Depuis l’adoption des OMD jusqu’aux ODD, le financement de l’assainissement a fait l’objet de nombreuses publications. Ces réflexions ont, pour l’essentiel, traité des questions financières de tarification, de gestion de l’offre et de l’architecture financière, notamment, comment obtenir davantage des sources de revenus, comment lever des fonds et à partir de quelles sources, quels mécanismes financiers innovants pourraient être développés. Presque tous ces travaux se sont concentrés sur les questions du financement de services particuliers tels que l’assainissement. Ainsi, Winpenny (2003) a fortement mis l’accent sur le financement des infrastructures d’assainissement indispensables à l’atteinte des OMD. Quant à Trémolet (2010), elle a plutôt traité du financement de l’assainissement autonome. Cette étude sur la tarification de l’assainissement vient sans doute contribuer à cette réflexion sur le financement du sous-secteur de l’assainissement. Dans ce premier chapitre nous avons introduit les théories microéconomiques et les mécanismes de gestions qui régissent la chaine de valeur de l’assainissement. Autant il est nécessaire de faire le parallélisme entre les services d’assainissement et les théories microéconomiques, qu’il est tout autant primordial de caractériser les services tout au long de la chaine de valeur de l’assainissement et de définir les mécanismes de gestion les plus usuels
Économie et Environnement
Les problèmes d’environnement et d’économie en vogue ces dernières années, ne sont pas nouveaux ; ils avaient déjà été soulevés au début des années 70, par le Rapport Meadows «Halte à la croissance», commandité par le Club de Rome (1972). Ce rapport tirait la sonnette d’alarme face aux périls que faisait encourir à l’humanité, « le paradigme de la croissance exponentielle » (Vaaub, 1991). La croissance d’une économie au taux de 5% ne pouvait que rencontrer rapidement des risques de pénurie de ressources, notamment par l’épuisement des réserves. Si le monde échappait à cette pénurie, disait le rapport, ce serait quelques décennies plus tard pour mieux mourir asphyxié par les diverses pollutions liées à une industrialisation et à une urbanisation aussi massives que négligentes des conséquences néfastes de leurs effluents et rejets (Chanel, 1993). Pourtant la crise de la stagflation des années 1970-1980 a quelque peu occulté des préoccupations, qui ont ré émergées fortement. Cette situation est vraie au niveau politique avec la montée des partis verts comme au niveau économique avec la création de l’écotaxe et des normes environnementales ou produits labellisés «écologiques» (PNUE, 2011). C’est également vrai au niveau international avec l’organisation du Sommet de Rio et la signature du protocole de Kyoto. Enfin, c’est vrai au niveau idéologique avec la pression des ONG comme au niveau scientifique avec les rapports et controverses sur les grands problèmes : pluies acides, réchauffement de la terre, diminution couche d’ozone etc. La réémergence de la question environnementale n’est d’ailleurs pas une simple réapparition à l’identique. La question environnementale est d’autant plus visible que les problèmes environnementaux sont plus nombreux et mieux connus tant par la communauté scientifique que du grand public. Dès lors, ils vont aussi interpeller l’économiste. Ce qui a donné lieu à un nouveau champ de ce savoir scientifique : l’économie de l’environnement et des ressources naturelles.
Classiques et reconnaissance des tensions écologiques
Les considérations naturelles et économiques de l’homme au monde ont été amorcées par les physiocrates et les économistes classiques depuis longtemps. Ainsi des principes et théories de même que des études ont émergées comme ce qui suit.
Principe de population de Thomas Malthus
Malthus s’est interrogé sur le progrès de l’humanité : est-il sans limite ou bien au contraire, y’a-t-il des obstacles à cette marche en avant de la civilisation ? Le principal obstacle au progrès est ce qu’il appelle le principe de population. «La nature écrit Malthus, (1803) a répandu d’une main libérale les germes de la vie dans les deux règnes, mais elle a été économe de place et d’aliments. Les plantes et les animaux suivent leur instinct, sans être arrêtés par la prévoyance des besoins qu’éprouvera leur progéniture. Le défaut de place et de nourriture détruit, dans ces deux règnes, ce qui naît au-delà des limites assignées à chaque espèce». La conclusion de Malthus est que la lutte pour la vie que se livrent les êtres vivants débouche nécessairement sur un équilibre naturel. Malthus inspirera fortement de nombreux naturalistes dont Darwin.
Loi des rendements décroissants de Ricardo
Reprenant une analogie proposée par Malthus, Ricardo (1817) compare la terre à une série graduée de machines propres à produire du blé et des matières brutes. Ces machines présentent des facultés impérissables et indestructibles. Du point de vue de leur fertilité, ces machines apparaissent parfaites, et il est possible de les classer par ordre décroissant de productivité. Au fur et à mesure de la croissance de la population et de l’augmentation des besoins alimentaires qui s’ensuit, des terres de moins en moins fertiles doivent être mises en culture. Ces terres présentent des coûts de production de plus en plus élevés. La production de la nourriture apparaît foncièrement différente de la production industrielle. Ricardo est alors convaincu que la production industrielle ne rencontrera aucune limite, ni écologique, ni économique.
Temps des ruptures
Jusqu’au début du 19ième siècle, l’économie humaine se pense dans les limites et les termes de ceux de la nature et, inversement, l’économie de la nature se conçoit métaphoriquement dans ceux de l’économie des hommes. Cette cohérence est le propre des sociétés largement dépendantes des rythmes et des cycles naturels. La vision de l’état stationnaire et linéaire va être battue en brèche par Darwin avec son paradigme d’une nature en évolution. L’homme appartient alors à une nature qui évolue, à une nature qu’il est susceptible de faire évoluer, à une nature qu’il est capable de transformer profondément (Diemer, 2004)
Révolution industrielle : une déclaration de guerre contre la nature
Après la défaite militaire des troupes napoléoniennes, une grave question agite les esprits patriotes à la recherche des causes de cet échec. Si la France était, la première puissance européenne, ce n’est plus le cas. La France est dépassée par d’autres puissances en ce qui concerne le volume de la production et l’avancée technologique. Depuis, la puissance militaire n’est plus suffisante pour dominer le monde, désormais, il faut disposer d’une puissance économique et industrielle. C’est l’ère de la révolution industrielle. (i) Révolution Carnotienne Sadi Carnot constitue la figure de la révolution technico-scientifique, socio-économique et écologique. Il voit bien que le feu des machines à vapeur prend le relais du feu des canons. Les machines à feu «paraissent destinées à produire une grande révolution dans le monde civilisé». La puissance motrice, créatrice du feu est mise au service de la richesse des nations. Cependant, même civilisé, le feu reste destructeur, et en étudiant les machines à feu, Carnot donne une première formulation du principe d’entropie, le principe de dissipation de l’énergie, la loi de la mort des systèmes. Le livre de Carnot constitue l’acte de naissance de la thermodynamique (Grinevald, 1976). (ii) Conscience des ruptures écologiques Épuisement des ressources naturelles : Les sources d’énergie qui approvisionnaient les machines froides se présentent sous forme de flux naturels tels que les courants d’air et d’eau. La source d’énergie fossile qui alimente les machines à feu est un stock, c’est à̀ dire une grandeur finie. Les premiers ingénieurs-économistes sont particulièrement conscients de cette finitude et de l’épuisement inéluctable des ressources énergétiques possédées (Rousseau 2002). Problème de l’effet de serre : Les réflexions portent également sur les répercussions environnementales qui interviendront en aval du processus économique et industriel. Avec les travaux de Fourier (1827) sur les effets de serre la thermodynamique acquiert une valeur paradigmatique universelle. La terre vue par Fourier, fait figure de machine thermique proche de celle décrite par Carnot. Ainsi, l’établissement et le progrès des sciences humaines, l’action des forces naturelles peuvent changer notablement et dans de vastes contrées l’état de la surface du sol, la distribution des eaux, et les grands mouvements de l’air.
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