Ecologie et lutte contre les Culicoides vecteurs de la peste équine et de la fièvre catarrhale ovine
REVUE DES CONNAISSANCES SUR LES CULICOIDES
Les Culicoides
Les Culicoides sont de petits moucherons hématophages. La première description d‟un Culicoides a été publiée par le révérend William Derham en 1713 en Angleterre (Reye & Lee, 1963; Mellor et al., 2000). Le genre Culicoides a quant à lui été formellement décrit par Latreille en 1809 avec comme espèce type Culicoides punctatus (Meigen). En région Afrotropicale, Culicoides schultzei (Enderlein) et Culicoides herero (Enderlein) sont les deux premières espèces décrites en Namibie par l‟entomologiste allemand Günther Enderlein en 1908 (Mathieu, 2011). 1.1. Position systématique Le genre Culicoides appartient au règne Animal, à la série des Invertébrés, à l‟embranchement des Arthropodes, à la classe des Insectes, à l‟ordre des Diptères, au sous-ordre des Nématocères, à la famille des Cératopogonidés, à la sous-famille des Cératopogoninés et à la tribue des Culicoidini. Il renferme plus de 1 300 espèces valides (Borkent, 2014) dont les femelles sont hématophages.
Caractères morphologiques
Le genre Culicoides est caractérisé au niveau alaire par la présence de deux cellules radiales subégales (sauf dans le sous-genre Trithechoides) (Figure 1 A). La costa n‟atteint jamais le tiers postérieur de l‟aile. Une nervure transverse r-m est toujours présente et la nervure médiane (M2) est pédonculée. Au niveau des pattes postérieures, l‟empodium, porté par le dernier segment du tarse, est rudimentaire (Kremer et al., 1987) (Figure 1 B). Les antennes sont longues, filiformes et constituées de 15 articles : scape + pédicelle + 8 articles courts + 5 articles longs chez la femelle et scape + pédicelle + 10 articles courts + 3 articles longs chez le mâle (Figure 1 C). Le quinzième article antennaire de Culicoides est dépourvu de micron (figure 1 D). 6 Figure 1 : Caractères morphologiques du genre Culicoides. A) représentation schématique d‟une aile de Culicoides et les principaux caractères taxonomiques. B) représentation schématique des pattes de Culicoides avec empodium rudimentaire au niveau de la patte postérieure. C) tête d‟une femelle de Culicoides. D) dernier article antennaire d‟une femelle de Ceratopogonidae avec présence d‟un micron (cliché et dessin: Jean Claud DELECOLLE). L‟identification des espèces du genre Culicoides repose en premier lieu sur le dessin de l‟aile (Figure 2). La forme et la disposition (voire l‟absence) des taches alaires apportent des informations majeures sur l‟identification de l‟espèce. Les yeux soudés ou séparés peuvent être nus ou pubescents. Les antennes, notamment le rapport antennaire (11éme article/ 10éme article) et l‟indice antennaire (les articles longs versus les articles courts) mais aussi les sensilles coèloconiques (nombre et disposition) et autres sensilles antennaires (forme, taille, présence ou absence) sont très importants aussi pour l‟identification de l‟espèce. Les palpes fournissent également des informations importantes notamment avec le rapport du troisième article sur les articles I + II, mais aussi la forme de la fossette sensorielle, sa taille et sa profondeur (Cornet, 1974). Le thorax, observé à l‟état frais sans alcool renferme des ornementations qui sont caractéristiques d‟espèce. Les derniers segments abdominaux portent les structures génitales mâles et femelles qui sont très caractéristiques d‟une espèce. Figure 2: Exemples des différents types d‟ailes. A) C. quinquelineatus, aile sombre à tâches claires ; B) C. pseudopallidipennis, aile claire à tâches sombres ; C) C. nigeriae, aile sans tâches (cliché : Moussa FALL 2012).
Bio-écologie
Les Culicoides adultes vivent généralement dans des endroits humides. Les mâles se nourrissent de sucs de végétaux tout au long de leur vie (Goetghebuer, 1952) et fréquentent préférentiellement le sommet des arbres (Rieb, 1982). Les sucres végétaux sont l‟unique source trophique des mâles. Les femelles sont hématophages mais peuvent également se nourrir de jus sucré. Elles prennent un repas sanguin tous les 3 à 5 jours, période nécessaire pour compléter leur cycle trophogonique (Holmes & Birley, 1987; Braverman, 1988). Cependant, certaines espèces comme Culicoides circumscriptus (Kieffer) et Culicoides belkini (Wirth et Arnaud) sont autogènes et ne nécessitent pas de repas sanguin pour la première ponte. Ces repas sanguins sont nécessaires pour la maturation des œufs. A la suite d‟une prise de repas sanguin, les femelles se reposent pour la maturation des œufs. La ponte a lieu, dans des conditions optimales de température (environ 28 °C), 2 jours après le repas (Balenghien & Delécolle, 2009). Le nombre d‟œufs pondus varie entre 30 à 450. L‟œuf de Culicoides mesure entre 350 et 500 µm de longueur et entre 65 et 80 µm de largeur. Les œufs sont déposés sur un substrat humide lors de la ponte. Les gîtes larvaires peuvent être saumâtres ou dulcicoles, multiples et très variés. Les larves sont trouvées aux bords des mares, des étangs, dans des trous d‟arbres, des fruits en décomposition, des tourbières, des excréments d‟animaux, dans des trous de crabe ou des creux de rocher riches en matière organique. De l‟œuf éclot une larve dans les 2 à 8 jours suivant la ponte sauf exception (Balenghien & Delécolle, 2009). La larve passe par quatre stades après trois mues (Figure 3). La vie larvaire peut durer deux semaines (pays tropicaux) à plus de sept mois (pays tempérés où l‟hibernation à lieu sous cette forme) (Rodhain & Perez, 1985; Balenghien & Delécolle, 2009). Les larves sont mobiles et peuvent nager librement dans le milieu aqueux ou s‟enfouir dans les premiers centimètres du substrat. Elles se nourrissent de débris organiques divers et/ou sont prédatrices de nématodes, bactéries, protozoaires, voire même de leurs propres congénères (cannibalisme) (Hill, 1947; Megahed, 1956; Chaker, 1983). La larve de stade IV devient une nymphe qui reste quasi immobile et munie de cornes respiratoires. La nymphe est localisée à la surface du milieu dans lequel le développement larvaire s‟est déroulé et à partir de laquelle émerge l‟imago mâle ou femelle. L‟émergence de l‟imago a lieu au bout de 2 à 10 jours. Les Culicoides adultes peuvent vivre jusqu‟à 90 jours en condition de laboratoire (Nevill, 1971; Boorman, 1991). Cette survie dépend étroitement de la température et est estimée optimale à des température comprise entre 18°C et 38°C pour C. imicola en condition de terrain (Ortega et al., 1998). L‟accouplement a lieu en vol et les femelles stockent les 8 spermatophores des mâles dans le ou les spermathèque(s). Il y a peu d’informations sur le comportement d’accouplement des Culicoides (Campbell & Kettle, 1979; Zimmer et al., 2008). Campbell et Kettle (1979) ont décrit le comportement d’accouplement de Culicoides brevitarsis (Kieffer), indiquant que des essaims de mâles et femelles se forment au dessus de courtes touffes d’herbe ou à proximité des bovins (< 10 m). Le comportement reproducteur dans des essaims a été bien décrit pour de nombreuses espèces de diptères (Downes, 1969). L’accouplement s‟effectue dans des essaims de nombreux mâles qui se forment autour de sites spécifiques au crépuscule et durent environ 20 minutes. Les femelles se rapprochent généralement de l‟essaim à la rencontre d‟un mâle pour la copulation. Une fois fécondée, les femelles partent en quête de leur premier repas sanguin nécessaire à la maturation des œufs. Les adultes des espèces d‟interêt vétérinaire se rencontrent principalement aux environs immédiats des exploitations de bétail, essentiellement à proximité de substrats humides ou d‟eaux stagnantes (Zimmer et al., 2008) et sont sensibles à la sécheresse. Ils fréquentent ainsi la face inférieure des feuilles ou des herbes situées dans les zones ombragées (Zimmer et al., 2008). La dispersion de ces moucherons se fait pour la plupart par vol actif et peut atteindre jusqu‟à 3 km du gîte d‟émergence (Lillie et al., 1985). Ces déplacements sont principalement effectués pour la recherche de l‟hôte pour prendre un repas sanguin. Cependant, sous l‟action du vent et des courants d‟air chaud, les Culicoides peuvent être dispersés sur de très grandes distances. Ces déplacements passifs peuvent s‟étendre de 1 à 700 km pour des vents allant de 10 à 40 km/h et des températures situées entre 12°C et 35°C (Sellers et al., 1977, 1978; Sellers et al., 1979; Gibbs & Greiner, 1994). Ce transport passif sous l‟effet du vent serait à l‟origine des épizooties de la fièvre catarrhale ovine (FCO) au Portugal en 1956, Chypre en 1977 et de la peste équine africaine (PEA) au Portugal en 1965-1966 et au Cap-Vert en 1943. Ces infestations se seraient produites via la diffusion de Culicoides infectées d‟origine africaine (Sellers et al., 1977, 1978; Sellers & Mellor, 1993).
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