Analyse de la variabilité des traits architecturaux des formes de croissance dans les communautés végétales
La méthode architecturale est-elle efficace pour l’analyse de l’ensemble des formes de croissance?
En préparation pour soumission à Annals of Botany 12 Introduction L’étude de l’architecture des plantes est apparue au début des années 70 (Hallé et Oldeman, 1970 ; Hallé, Oldeman et Tomlinson 1978). C’est une discipline fondée sur l’analyse morphologique qui cherche à rendre compte de l’organisation spatio-temporelle de l’appareil végétatif des plantes. Plusieurs concepts ont été créés dont quatre se sont révélés particulièrement importants à l’usage : 1° le concept de catégorie d’axes qui constate que le corps des plantes est constitué de catégories caulinaires (Edelin, 1977) et racinaires (Atger et al. 1994) morphologiquement et fonctionnellement différenciées les unes par rapport aux autres. 2° le concept d’unité architecturale (Edelin, 1977 ; Barthélémy & al, 1991) qui reflète le fait que ces catégories sont disposées de manière hiérarchisée et forment des ensembles ramifiés fonctionnellement cohérents qui constituent l’architecture élémentaire de la plante, 3° le concept de réitération (Oldeman, 1974) qui correspond à un mode de ramification particulier par lequel l’unité architecturale est capable de se dupliquer totalement ou partiellement au cours de l’ontogenèse, 4°) le concept de stades de développement (Edelin, 1984 ; Barthélémy et Caraglio, 2007) qui définissent les étapes de l’ontogenèse de l’organisme végétal par des caractères morphologiques objectifs et simples.
Le concept de modèle architectural (Hallé et Oldeman, 1970) qui fut le premier à être émis et qui a été révisé à différents moments (Cremers et al., 1995 ; Hallé, 2004) s’est montré très pertinent pour une approche systématique (Keller, 1994 ; Cremers, 1977, 1992) et floristique des végétaux (flore d’Afrique du Sud), mais s’est avéré trop général pour comprendre l’organisation des arbres (Sachs et Novoplansky, 1995) avec le niveau de précision requis aujourd’hui, notamment si on veut modéliser leur développement. Les concepts architecturaux ont été découverts à partir de l’analyse quasi exclusive des arbres tropicaux et tempérés (e.g: Hallé et Oldeman, 1970, Veillon 1976, Edelin 1977, 1984, Grosfeld et al., 1999, Barthelemy et Caraglio, 2007) et c’est en général à ce type de plante qu’ils sont appliqués aujourd’hui (Barthélémy et Caraglio, 2007 ; Puntieri et al., 1998, 2010 ;Hill, 1997 ; Vester et Cleef, 1998 ; Ishii et al., 2007).
Quelques études ont été effectuées sur l’architecture d’autres formes de croissance : certaines plantes herbacées (Jeannoda-Robinson 1977 ; Castro dos Santos 1981 ; Bell, 1979, 1980 ; Tomlinson, 1990 ; Moulia et al 1999), des lianes (Cremers, 1974), ou plus récemment des buissons (Barret, 2003 ; Charles-Dominique 2010 ; Isnard et al, 2012) mais ces travaux sont rares et à l’exception des recherches les plus récentes, la plupart n’interprète la structure de ces plantes qu’en terme de modèle architectural et ne révèlent pas toutes les propriétés de leur architecture. Les descriptions morphologiques effectuées depuis le début du 18ème siècle ont apporté beaucoup d’éléments sur la connaissance des formes de croissance. Les travaux de Irmisch (1863), Sachs (1875), Goebel (1900), mais aussi Warming (1884), Raunkiaer, et plus récemment Troll (1925 à 1942) et Rauh (1937, 1939, 1950, 1979, 1988) en recèlent de nombreux exemples. Cependant ces observations représentent le plus souvent la structure de la plante à un moment précis de sa vie et/ou ne montrent que les premiers stades de leur ontogenèse (par ex. Rauh, Irmisch) ce qui ne permet pas de comprendre leur architecture.
Les recherches des botanistes et des écologues russes de ces dernières décennies (Rabotnov, 1950, 1969, 1975 ; Serebriakov, 1962 ; Serebriakova, 1969 ; Uranov, 1975 ; Gatsuk et al., 1998, Zhukova et al., 2001 ; Zhukova et Glotov, 2001 ; Smirnova et al., 2001 ; Komarov et al., 2003) semblent mieux refléter l’organisation et le fonctionnement des diverses formes de croissance, du moins pour les espèces des pays tempérés, car ils retracent dans les descriptions et la caractérisation des espèces en formes de croissance, la totalité de leur ontogenèse. Malheureusement, ils sont peu utilisables pour comprendre et analyser l’architecture des formes de croissance car en dehors des dessins ces travaux nous sont difficilement accessibles dans leur intégralité pour des raisons linguistiques.
En dehors des modèles architecturaux, pour lesquels nous possédons suffisamment d’informations pour avoir la certitude qu’ils se rencontrent ailleurs que chez les arbres, nous ne sommes pas sûrs que l’architecture des autres formes de croissance réponde aux mêmes lois qu’eux. En d’autres termes, les concepts architecturaux leur sont-elles applicables et si oui dans quelles limites ? Pour répondre à cette question nous avons engagé une série de recherches durant ces dernières années, dont nous présentons aujourd’hui les résultats. Les analyses ont été effectuées sur des arbustes, des arbrisseaux, des sous-arbrisseaux et des lianes. Dans un premier temps nous avons décrit leur structure à l’aide des descripteurs morphologiques habituellement employés pour les analyses architecturales puis nous avons cherché à les interpréter à l’aide des concepts architecturaux. Nous montrons que les plantes ainsi étudiées peuvent s’interpréter efficacement à l’aide des quatre concepts mentionnés précédemment suggérant que les règles d’édification et d’organisation de la structure des arbres pourraient être les mêmes pour l’ensemble des Spermaphytes. Cette constatation permet d’envisager une redéfinition des formes de croissance sur des critères plus précis et plus objectifs que ceux actuellement en usage.
Matériel et méthodes
Matériel végétal Pour répondre à notre question, nous avons sélectionné des espèces tempérées et tropicales, couvrant l’essentiel des formes de croissance (herbacées annuelles et pérennes, buissons, plantes rampantes, lianes) non arborescentes. Les analyses effectuées au cours de cette thèse se limitent à l’étude des sous arbrisseaux et des plantes herbacées annuelles et pérennes et nous avons décidé pour cette étude d’ajouter des formes de croissance que nous n’avons pas pu étudier ou que nous présentons déjà dans les autres chapitres de ce manuscrit. Pour cela nous avons intégré des résultats non publiés, obtenus dans le cadre des recherches du laboratoire de botanique tropical de l’institut de botanique et de l’UMR AMAP de Montpellier, par Thierry Coudurier, Sylvia Chamboredon, Estelle Forey, Damien Gineste et François Lagillier. Herbacée annuelle : Catapodium rigidum (L.) C.E.Hubb. syn. Scleropoa Rigida (L.) Griseb. Herbacée pérenne : Asphodelus cerasiferus L. (contribution de Gineste) Lianes : Bauhinia guianensis Aubl. (contribution de Coudurier), Hedera helix L. (contribution de Lagillier) Sous-arbrisseau :
Fumana thymifolia (L.) Sprach
Buisson : Ruscus aculeatus L. (contribution de Chamboredon et Forey) Sites d’étude Nous avons étudié ces espèces principalement en populations naturelles, dans des zones géographiques où elles sont abondantes, de manière à pouvoir trouver des populations suffisamment grandes qui présentent des individus à différents stades ontogéniques. Nous avons étudié B. guianensis en Guyane Française et les autres espèces en France métropolitaine. Les sites d’études de Guyane française sont situés sur la piste de Saint Elie (N 5°20’, W 53°06’) et autour du carbet de la station d’étude de Paracou (N 5°18’, W 52°53’). Les sites d’étude en France métropolitaine sont situés dans la région languedocienne. Asphodelus cerasiferus a été étudiée à Valflaunès (N 43°78’, O 3°83’), au nord de Millau sur le Puech d’Andan (N 44°12’, O 3°07) et à Saint Privat sur le Col du vent (N 43°74’, O 3°46’). Catapodium rigidum a été étudié dans les garrigues et les sur les bords de route du nord de Montpellier (N 43°64’, 3°87’). Fumana thymifolia a été étudié dans les garrigues et les sur les bords de route du 14 Nord de Montpellier (N 43°64’, 3°87’) et sur les flancs du Pic Saint-Loup autour de Saint-Martin de Londres (N 43°77’, O 3°81’). Hedera helix a été étudié dans la réserve du Lunaret et le long des berges de Lavalette à Montpellier (N 43°64’, O 3°87’). Enfin, Ruscus aculeatus a été étudié dans le bois de Montmaur (N 43° 64’, O 3° 86’) et dans les jardins de l’Institut de Botanique (N 43°61’, O 3°87’) à Montpellier Descripteurs morphologiques et échantillonnage Nous avons analysé la morphologie de l’appareil végétatif des six espèces à l’aide des descripteurs morphologiques utilisés dans la méthode architecturale afin de vérifier l’application des concepts architecturaux.
Pour cela nous avons échantillonné pour chaque espèce 100 individus à différents stades ontogéniques, allant de la plantule à l’individu sénescent puis décrit qualitativement la structure de la plante. La description des axes constituant le système ramifié a été réalisée de à l’aide descripteurs classiques en morphologie végétale destinés à définir le mode de croissance, le mode de ramification et la différenciation morphologique des tiges (Barthélémy et Caraglio, 2007). Nous avons ensuite résumé nos observations dans une série de schémas décrivant la structure et le mode développement de l’espèce..
Asphodelus ceraciferus L.
Asphodelus L. est un genre comprenant 16 espèces de la famille des Asphodelaceae qui est répandu des îles Canaries à l’Asie centrale et du Nord de la France, la Suisse et de la Bulgarie jusque dans la Sahara (Diaz Lifantes, 1996 ; Boatwright, 2012). Asphodelus cerasiferus est une géophyte rhizomateuse originaire du Sud de l’Europe, très commune dans les milieux ouverts rocailleux méditerranéens. Elle réalise son cycle de développement de l’automne (novembre) à la fin du printemps (fin juin, début juillet) et fleurit entre mi-mai et fin juin. L’inflorescence est constituée par une grande hampe florale et forme une grande grappe de fleurs trimères blanches. Ses racines tubéreuses étaient autrefois utilisées dans la région méditerranéenne française, sous forme de farine pour la confection de pains. L’analyse morphologique de cette espèce nous a permis de mettre en évidence l’organisation de sa structure au cours des grandes étapes de son développement. On peut distinguer trois niveaux d’organisation : le module, la série linéaire de modules et le complexe ramifié.
Le module Il s’agit d’une tige monocaule orthotrope à phyllotaxie spiralée et à croissance rythmique. Les feuilles sont séparées par des entrenœuds très courts (Fig. 1A). Les unités de croissance successives comportent deux types de feuilles : des feuilles-écailles suivies par des feuilles assimilatrices oblongues qui sortent du sol en formant une rosette. Le diamètre primaire de la tige, très fin la première année, s’accroît progressivement à chaque nouvelle phase de croissance jusqu’à parvenir à une épaisseur d’environ 2 centimètres. Au moment de la germination elle porte à sa base une racine primaire qui disparaît rapidement et est remplacée par des racines adventives dont le nombre s’accroît durant les premières années du développement jusqu’à parvenir à un nombre à peu près constant, une dizaine par unité de croissance. Ce sont des racines tractrices qui enfoncent chaque année le rhizome d’une 15 Figure 1|Architecture d’Asphodelus cerasiferus. A Module. B Série linéaire de modules. C Complexe ramifié. D Occupation spatiale au cours de l’ontogénèse. 16 valeur équivalente à la longueur de la nouvelle unité de croissance formée. Tout comme la tige ellemême, ces racines sont tubérisées et leur contenu est employé pour alimenter la future unité de croissance. Les parties les plus anciennes du rhizome meurent, se nécrosent et disparaissent après quelques années.
En fin de développement le rhizome fleurit terminalement. La série linéaire de modules Après la floraison, un bourgeon situé à l’aisselle de l’une des dernières feuilles immédiatement sous l’inflorescence donne naissance à un nouveau module qui lui est identique (Fig. 1B). Cependant il acquiert d’emblée un fort diamètre primaire et sa floraison intervient plus précocément que lui. La répétition de ce processus de ramification sympodiale monochasiale conduit au développement d’une série linéaire de modules dont la présence est rendue évidente en raison de l’absence de toute croissance secondaire. Comme au niveau du premier module, les parties les plus anciennes meurent et se dégradent laissant disparaître les modules les plus anciens de la série qui s’enfonce chaque année dans le sol sous l’effet des racines tractrices dernièrement apparues. Le complexe ramifié La série linéaire comprend moins d’une dizaine de modules. Après floraison du dernier de la série, deux relais sub-terminaux apparaissent à l’aisselle des feuilles situées juste sous l’inflorescence (Fig. 1C).
Cette ramification sympodiale dichasiale est à l’origine de deux séries linéaires de modules qui à leur tour formeront une fourche terminale. Ainsi se constitue un complexe ramifié sympodial polychasial par répétition de séries linéaires de modules. La mort et la nécrose des parties les plus anciennes séparent chaque série l’une de l’autre. Bien qu’elles ne soient plus reliées, elles poursuivent l’expansion latérale de l’individu qui présente alors une structure éclatée. Sur les modules les plus anciens de chaque série il arrive de trouver de petites pousses différées issues de bourgeons latents portés par des portions de tige encore vivantes mais entourées de tissus nécrosés. Ces bourgeons sont à l’origine d’une nouvelle série linéaire de modules semblable à celle issue de la graine, avec notamment la mise en place de modules de taille croissante.
Bauhinia guianensis Aubl
Avec 300 à 350 espèces (Sinou & al 2009), le genre Bauhinia est l’un des plus vastes de la sous-Famille des Cesalpinioideae (Fabaceae). Bauhinia guianensis est une liane commune de la forêt guyanaise. Comme d’autres espèces du même genre, sa tige a la forme d’un ruban ondulé, ce qui la rend facilement repérable, et lui a valu le nom créole « d’échelle tortue ». Les espèces américaines de Bauhinia dont 9 sont présentes en Guyane, sont pour la plupart des lianes. L’étude de l’architecture de B. guianensis nous a permis de mettre en évidence trois niveaux de complexité structurale : le module, le complexe ramifié, la plante entière. Le module Le module est un monopode constitué de 2 catégories d’axes à phyllotaxie alterne distique (Fig. 2B). L’axe primaire est long et aplati dans un plan perpendiculaire à ses deux orthostiques. C’est un axe mixte. Sa partie proximale est orthotrope et porte à sa base quelques feuilles transformées en crochets séparées par des entre-nœuds courts. Elles sont suivies par des feuilles assimilatrices bilobées puis des feuilles réduites parfois à leur seule gaine foliaire séparées par des entrenœuds de taille 17 Figure 2|Architecture de B. guianensis.
A Rameau court. B Séquence d’apparition des rameaux courts. C Ontogénèse A B C 18 croissante. La partie distale de l’axe est plagiotrope et porte uniquement des feuilles réduites non assimilatrices, séparées par des entrenœuds longs. Son apex meurt et se nécrose. L’axe primaire a une ramification continue. A l’exception des premiers nœuds, dont les feuilles axillent seulement des bourgeons latents, tous les autres portent des rameaux courts latéraux (Fig 2A). Ce sont des axes plagiotropes souvent même dirigés vers le bas qui émettent à la base deux à trois feuilles transformées en crochet puis quelques feuilles assimilatrices bilobées séparés par des entre nœuds courts. La ramification de l’axe primaire est immédiate mais les rameaux latéraux axillés par les feuilles les plus distales ont une vitesse de croissance plus rapide que ceux de la partie proximale de sorte que leur développement se déroule de façon basipète tout au long de l’axe porteur. Ce n’est en général que lorsque le module est fermement accroché que les rameaux latéraux entrent en croissance.
La série linéaire de modules A la mort de l’apex de l’axe primaire du module, un relais se forme par dédifférenciation d’un rameau court ou d’un bourgeon axillaire situé dans la zone de courbure séparant ses parties orthotrope et plagiotrope (Fig. 2C). Il est structuré comme le module dont il dérive et lorsqu’il meurt à son extrémité un nouveau module apparaît qui en assure le relais. La plante édifie ainsi une série sympodiale linéaire de modules mixtes monopodiaux qui peut compter jusqu’à 15 modules successifs. Le complexe ramifié Chaque série linéaire de modules se termine par une fourche née de la dédifférenciation de quelques rameaux consécutifs au niveau de la zone de courbure du dernier module, parfois avant même qu’il ait achevé son développement (Fig. 2C). Ils donnent chacun naissance à une nouvelle série linéaire qui se termine de manière identique. Ainsi naît un complexe ramifié polychasial dont les éléments successifs, peu nombreux chez cette espèce, sont de plus en plus courts.
La formation du complexe se produit lorsque la liane est déjà bien accrochée dans son environnement immédiat et qu’elle s’étend au sein de la canopée des arbres support. La plante entière A tout moment du développement de la liane, des bourgeons latents peuvent entrer en croissance et mettre en place de manière différée dans le temps des séries linéaires de modules ou des complexes ramifiés qui vont s’ajouter au complexe ramifié primaire en cours d’édification (Fig. 2C). Leur nombre et leur taille peuvent devenir si importants que chez la plante adulte ils constituent l’essentiel des grands axes qui structurent l’organisme. Leur abondance est vraisemblablement liée aux contraintes de l’environnement extrêmement changeant dans lequel croît la liane. Le développement de nouveaux complexes ramifiés à partir de bourgeons latents peut en effet compenser la perte d’une partie de la plante à l’occasion par exemple de la chute d’une branche de l’arbre support, ou permettre à l’organisme d’aller explorer des régions nouvelles de la canopée lorsque d’autres parties de la plante n’en rencontrent plus de support sur lesquels se fixer.
Catapodium rigidum (L.) C.E. Hubb.
Catapodium est un genre de la tribu de Poeae et de la sous-tribu Parapholiinae appartenant à la famille des Poaceae (Soreng et al., 2015). Catapodium rigidum est une plante herbacée annuelle qui accomplit son cycle de développement du printemps à l’été. C’est une espèce adventive largement répartie à travers le globe, des Amériques jusqu’à la région Irano-Touranienne, même dans les zones boréales et arctiques, mais pas dans les zones tropicales (Watson and Dallwitz, 1992). Cette espèce caractéristique des milieux ouverts, vit en petites colonies dans des micros habitats secs (Clarck, 1974). Son architecture repose sur la répétition d’un module fondamental. Figure 3|Architecture de C. rigidum. A Module. B Plante entière 20 Le module Après germination au printemps, l’individu est constitué d’un axe monopodial, orthotrope, à phyllotaxie alterne distique à floraison terminale (Fig. 3A).
Cet axe aux nœuds genouillés est composé en moyenne de huit feuilles dont la ligule est oblongue et déchirée, disposées selon 2 zones remarquables : une zone proximale, à la base du module portant 4 feuilles membraneuses, séparées par des entre-nœuds courts et une zone distale portant 4 feuilles assimilatrices séparées par des entre-nœuds longs. Le méristème apical de cet axe a un développement défini et fleurit au cours de l’été. L’inflorescence peut varier entre une simple grappe ou une panicule présentant jusqu’à trois ordres d’axes. Les épillets sont dressés, brièvement pédicellés, linéaires-oblongs, et portent de 5 à 11 fleurs persistantes, assez lâches, mesurant entre 1 et 2 mm. En cas de traumatisme de la plante, un bourgeon latent situé à l’aisselle de la feuille de chaque module la plus proche de la zone traumatisée donné naissance, par ramification différée à de nouveaux modules qui régénèrent la structure complète de l’organisme. La plante ramifiée Lors de la mise en place du premier axe, on constate quasiment simultanément l’apparition d’axes latéraux à croissance initialement lente provenant des bourgeons situés à l’aisselle des feuilles membraneuses de la zone à entre nœuds courts (Fig. 3B). Ces axes ont un développement intravaginal, c’est à dire qu’ils poussent à l’aisselle de leur feuille axillante sans transpercer sa gaine.
Le premier module latéral formé apparait donc à l’aisselle de la feuille la plus ancienne de la zone à entre-nœuds courts, et ainsi de suite jusqu’à ce que tous les nœuds portant une feuille membraneuse soient ramifiés. La structure de ces modules est similaire à celle de l’axe principal et comprend également 2 zones distinctes l’une à feuilles membraneuses et l’autre à feuilles rubanées. La zone proximale du module latéral est cependant plus réduite que celle du module initial dont les dimensions sont plus importantes. Ces modules latéraux peuvent portent à leur tour un module fils qui prend naissance à l’aisselle d’une feuille membraneuse de sa zone à entre-nœuds courts.
Fumana thymifolia (L.) Sprach
Le genre Fumana de la famille des Cistaceae comporte 25 taxons et a une répartition principalement circumméditerranéenne s’étendant jusqu’en Suède au Nord (île Oland) et en Asie centrale à l’Est. Fumana thymifolia est un petit ligneux vivant dans des zones sèches, rocheuses et parfois sablonneuses du pourtour méditerranéen (GBIF, 2015). L’analyse morphologique de Fumana thymifolia permet de reconnaître trois niveaux de complexité structurale : le module, le complexe ramifié, la plante entière. Le module Le module est la structure élémentaire de cette plante (Fig. 4A). Il se présente sous forme d’un petit monopode composé de trois catégories d’axes à phyllotaxie opposée-décussée : l’axe principal, orthotrope et de fort diamètre, se termine par une inflorescence apicale. Sa croissance et sa ramification sont rythmiques. Ses unités de croissance, séparées par quelques entrenœuds courts, portent des étages de rameaux longs à floraison terminale en position mesotone ; les rameaux courts sont situées sur la partie proximale et distale de l’unité de croissance. La symétrie de la ramification est radiale. Les axes longs sont des monopodes orthotropes de faible diamètre terminés par une inflorescence apicale. Leur croissance et leur ramification sont rythmiques. Leurs unités de croissance portent des étages de rameaux courts placés en position mésotone. Leur symétrie de ramification est radiale. Lorsque le méristème apical de l’axe principal et des axes longs passe à l’état floral, la phyllotaxie devient alterne 21 Figure 4|Architecture de F. thymifolia. A Module. B complexe ramifié. C Plante entière (complexe ramifié).
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