SORTIES CONTRE AVIS MEDICAL EN PSYCHIATRIE
SOINS PSYCHIATRIQUES : HISTORIQUE DE LA REGLEMENTATION AU SENEGAL
Au Sénégal, durant la période coloniale à la fin du XIXe siècle, la fédération de I’AOF (Afrique-Occidentale française) formée, la population va connaître un double régime de gestion : les habitants des quatre communes sont citoyens, les ressortissants des territoires en dehors, régis par le code de l’indigénat (1887), sont sujets français et relèvent du pouvoir discrétionnaire des administrateurs. Deux dates importantes se dégagent en matière de contrôle social des aliénés : 1897 et 1938. La première correspond à la mise en place de la pratique du transfert vers la métropole d’aliénés de la colonie ; la seconde correspond à la création officielle d’un service d’assistance psychiatrique en AOF.(7)
Asiles psychiatriques tropicalises
Avant 1897, la logique dominante était policière : l’ordonnance de LouisPhilippe du 7 septembre 1840 qui créait les structures administratives de la colonie conférait au gouverneur des prérogatives de haute police qu’il pouvait évoquer pour prendre des mesures d’internement qu’il jugeait nécessaires en raison du danger que représente le comportement d’un fou ou de tout autre contrevenant à l’ordre public. Seule autorité habilitée à prendre une telle décision, le chef de la colonie prenait l’avis d’un médecin. Cette procédure sommaire et non spécifique ne s’embarrassait pas des considérations médicosociales de la loi de 1838, qui, en métropole, met en place un dispositif complet comprenant : les asiles départementaux, la constitution d’un corps spécialisé de praticiens, la définition légale et administrative des prises en charge des patients et des garanties de défense des intérêts de ces derniers. La logique policière va rapidement montrer ses limites et, après avoir été examinée par le Conseil général à Saint-Louis, fin 1896, la solution de l’évacuation de ces malades vers un asile de France retiendra l’adhésion des autorités. Le Sénégal conclut pour sa part un contrat d’une durée de neuf ans avec l’asile de Marseille en 1897, 6 convention renouvelée en 1905, la situation de la colonie étant entre-temps restée la même. Du premier convoi de malades, formé au terme de cette convention, jusqu’à la vieille de la Première Guerre, 144 Sénégalais (dont 41 femmes) furent déportés loin de leurs foyers africains. Cette transportation renouvelée à travers le temps va susciter de plus en plus de critiques et apparaître comme un pis-aller dont le Rapport Reboul-Régis va instruire le procès. Le Ministre des Colonies, par une dépêche du 26 janvier 1918 vint mettre fin au mouvement d’évacuation des malades mentaux du Sénégal vers la France. Cette pratique cependant se poursuivit bien plus longtemps en Afrique du Nord où elle avait connu une ampleur plus grande, notamment en raison de la présence permanente de la composante européenne de la population. Après cette évocation du recours aux asiles métropolitains pour pallier l’absence de dispositifs spéciaux, ou leurs faiblesses, des tentatives de refonte du système après le Congrès de Tunis voient le jour.(7)
Mise en place d’un service d’assistance psychiatrique
Par la signature le 28 juin 1938 de l’arrêté créant en AOF un service d’Assistance psychiatrique, le gouverneur général de Coppet vient mettre un terme à un long vide juridique, un siècle exactement après le vote de la loi du 30 juin 1838 en France. Ce texte qui reprend les recommandations de Cheneveau, approuvées par I’IGSSM (Inspection générale des Services sanitaires et médicaux), définit les modalités d’entrée et de sortie de l’hôpital fédéral (prévu à Thiès, Sénégal) en s’inspirant de la loi de 1838 qui distingue placement d’office et placement volontaire ; le procureur de la République qui a libre accès à tout moment à l’hôpital psychiatrique (HP) est chargé d’assurer le contrôle du bon fonctionnement de ces dispositions. Désormais tout est en place pour une ère nouvelle, médico-sociale, de la gestion moderne de la folie, telle qu’elle fut réclamée et pensée depuis 1912 par les médecins les plus informés des besoins en la matière. Tout était en place sauf la 7 clé de voûte du système : l’Hôpital Psychiatrique fédéral de Thiès n’a jamais vu le jour ! La guerre une nouvelle fois, et les problèmes budgétaires vont empêcher cette réalisation. L’après-guerre voit apparaître dans les rapports les noms des premiers médecins africains de la division neuropsychiatrique de l’hôpital central africain de Dakar : les Dr Seydou Tall à partir de 1951, Amoussou à partir de 1954. Leurs rapports font toujours état de l’exiguïté des locaux et de la précarité de leurs conditions de travail. C’est dans le cadre du Deuxième plan du Fonds d’investissement de développement économique et social (FIDES) que fut créé le service de neuropsychiatrie, premier élément du futur hôpital d’isolement pour contagieux et mentaux à Fann (banlieue de Dakar) qui reçoit ses premiers malades en octobre 1956. Mise en place pendant la période transitoire de la Loi-cadre des Territoires d’outre-mer, Fann va perdre peu après son statut fédéral avec l’indépendance des divers territoires pour constituer la base du dispositif psychiatrique sénégalais naissant que le professeur Henri Collomb marquera fortement de son empreinte pendant une vingtaine d’années d’activité (1959- 1978) à la tête de la première chaire de psychiatrie de l’Université et de la clinique psychiatrique de Fann où se développera une expérience originale de collaboration entre cliniciens et chercheurs en sciences sociales.(7) Une série de textes : arrêtés, décrets, circulaires, lois, situe le nouveau contexte institutionnel dont le Sénégal s’est doté depuis son accession à l’indépendance. La loi n° 75-80 relative au traitement des maladies mentales et au régime d’internement de certaines catégories d’aliénés (JORS, n° 4436, 21 juillet 1975) qui régit désormais la pratique psychiatrique au Sénégal, ainsi que la création d’un comité national de lutte contre l’envahissement de Dakar par les mendiants, colporteurs, lépreux et aliénés (arrêté 10 878 du 26 août 1971, JORS, n° 4186, 25 sept. 1971) s’inscrivent dans ce train de mesures constituant le cadre de l’exercice du psychiatre. L’organisation structurelle des services qui prévalait à Thiaroye en 1975 permettait donc l’hospitalisation sans mixité en service libre 8 d’une soixantaine de pensionnaires dans chacun des pavillons d’origine et d’environ une centaine (100 à 120) en service fermé (3e pavillon). Contemporain de l’avènement des neuroleptiques, de la psychothérapie institutionnelle, Thiaroye ne paraît pas avoir trouvé une identité structurale et fonctionnelle telle qu’il puisse se démarquer par rapport à son institution tutulaire le CHU de Fann et sa clinique de Psychiatrie. L’autonomie administrative récente (1972), loin de favoriser la transformation de l’image de l’institution auprès du public, de changer les rapports de l’environnement à la psychiatrie, semble au contraire avoir accentué dans une certaine mesure son caractère asilaire, accru sa fonction de « mauvais lieu » de repoussoir, de faire valoir pour le fonctionnement de Fann qu’il déleste à l’occasion des « mauvais malades » chroniques ou difficiles dans un contexte où les critères de rejet des malades sont de plus en plus lâches, la marge de tolérance du milieu de plus en plus étroite. Les nouvelles mesures légales, la loi 75-80 du 9 juillet 1975 et en particulier le décret 75-1092 du 23 octobre 1975 créant à Thiaroye un établissement spécialisé de type fermé destiné à l’internement des malades mentaux ayant fait l’objet d’une décision judiciaire (JORS, n°4456, 22 novembre 1975), viennent confirmer l’institution dans une vocation carcérale définie pour lui par les pouvoirs publics préoccupés au premier chef de police sociale
MODALITES D’HOSPITALISATION EN PSYCHIATRIE
Hospitalisation en service libre
La plupart des malades mentaux sont hospitalisés en «Service Libre », c’est-àdire qu’ils sont soumis au même régime que les patients hospitalisés en Médecine ou en Chirurgie. Pour cela, le malade doit accepter son hospitalisation et celle-ci se fait sans formalités particulières. S’il n’y a pas de mesure prise parallèlement, il conserve intégralement sa capacité civile. 9 Elle peut se faire dans les services libres des hôpitaux psychiatriques, dans les services psychiatriques des hôpitaux généraux, dans des lits en hôpital général, dans les cliniques privées, les maisons de santé, les village psychiatriques ( village de Kénia à Ziguinchor et celui de Botou à Tambacounda). Dans cette modalité , il existe un « accord » du patient pour l’hospitalisation libre. C’est une hospitalisation en service ouvert. Le patient se doit de respecter le règlement de l’administration et du service dans lequel il est hospitalisé. Lorsque le malade refuse l’hospitalisation alors même qu’il paraît présenter un réel danger pour lui-même ou pour l’entourage, une procédure d’internement devient nécessaire. Bien que cette mesure, autrefois fréquente, soit actuellement rare, il faille : en connaître les modalités, savoir en poser les indications, et savoir choisir le régime le mieux adapté. Il y a 2 modalités d’internement au Sénégal (le placement volontaire et le placement d’office). En effet, l’internement des malades mentaux est régi par la Loi n° 75-80 du 9 juillet 1975, relative au traitement des maladies mentales et au régime d’internement de certaines catégories d’aliénés, mettant le patient dans des conditions très différentes (entrée, séjour, sortie).
Hospitalisation à la demande d’un tiers (HDT)
Définition
Ce mode de placement, plus souple et plus fréquemment utilisé que le placement d’office, est régi par l’article 2 de Loi n° 75-80 du 9 juillet 1975 Sénégalaise. Il intéresse surtout les malades qui n’ont compromis ni l’ordre public, ni la sûreté des personnes, mais qui doivent être traités contre leur volonté. Elle requiert l’accord de leur famille qui signe une demande de placement. En cas d’absence ou de défaillance de la famille, la demande peut être formulée par toute personne de l’entourage social, surtout un travailleur social ou un 10 responsable administratif.. L’assentiment du patient est souhaitable mais pas juridiquement nécessaire.
Le dossier du placement volontaire
Il comprend : – Une demande d’admission manuscrite, rédigée sur papier libre, adressée au Directeur de l’Etablissement Psychiatrique par la personne qui demande le placement. Cette demande doit préciser le nom, prénoms, âge, profession et adresse, tant du malade que la personne qui demande le placement, et la nature des relations qui existent entre eux. La personne qui demande l’internement du malade doit présenter des pièces d’identité permettant de contrôler son état civil : l’identité du malade est contrôlée (pièce d’identité). – Le certificat médical de placement : il peut être rédigé sur papier libre, la loi ne mentionnant pas ces certificats médicaux parmi les actes assujettis au timbre. Le certificat d’internement doit être utilisé dans les quinze jours qui suivent sa rédaction : un certificat non daté n’a donc aucune valeur. Préambule : On doit tout d’abord mentionner l’identité et le domicile, tant du médecin que du malade : « Je soussigné, Docteur X.., demeurant à…, certifie avoir examiné ce jour, Monsieur Y… tel âge, telle profession, demeurant à… et qu’il présente…. » Contenu du certificat : On n’a pas à porter un diagnostic dans ce certificat, mais à décrire l’état mental du malade et sa traduction au niveau du comportement. Ce sera donc une énumération de symptômes, par exemple : « état dépressif avec idées de suicide, autoaccusation, idées de ruine ou d’incurabilité, insomnie, refus d’aliments, prostration ». On notera les troubles du comportement dont on est le témoin, les propos incohérents, entend des voix qui extériorisent un délire : « Tient des propos 11 incohérents, entend des voix qui l’injurient, répond à des ennemis invisible. A calfeutrer ses fenêtres car ses voisins lui envoient des gaz destinés à l’asphyxier. Dénonce des persécuteurs qui lui donnent des ordres à travers le profond. Précise : on m’en veut, il existe une machination contre moi, on m’espionne ». Lorsque l’entourage signale au médecin des fait graves, que lui-même n’a pas constatés et qui sont niés par le demande malade, il doit les mentionner avec discernement : « Nie avoir voulu frapper sa femme, reconnaît cependant avoir eu avec elle une altercation violente, alors qu’il tenait un couteau à la main ». Le certificat doit être signé. La légalisation de la signature du médecin n’est pas obligatoire, mais peut être exigée lorsque celle-ci n’est pas connue du Directeur de l’Etablissement psychiatrique.
Trois remarques importantes pour le certificat médical
L’examen du sujet : La rédaction de ce certificat étant la description des faits observés, elle implique l’obligation d’avoir effectivement examiné le patient au jour mentionné sur le certificat et ce même si le médecin connaît de longue date le malade. L’observation du secret médical : i. « Le rédaction d’un certificat médical d’internement, constitue l’une des dérogations légales au secret professionnel des médecins, mais il faut se garder d’outrepasser les prescriptions de la loi qui demande seulement l’attestation de l’état mental et des particularités de ce dernier ». ii. Les antécédents psychopathiques de l’entourage doivent être mentionnés avec discrétion. On parlera d’hérédité psychopathique, de « conflit familial », sans donner plus de précisions. Le médecin examinateur : Le certificat doit être établi par un médecin qui n’est ni attaché à l’établissement, ni parent ou allié au second degré inclusivement, des chefs ou propriétaires de l’établissement, ou de la personne qui demande le placement.
Le placement d’office ou hospitalisation d’office
Définition
Les pouvoirs publics peuvent ordonner l’autorité le placement dans un Etablissement spécialisé de tout sujet dont « l’état d’aliénation compromettrait l’ordre public ou la sûreté des personnes ». Ce type de placement est régi par l’Art. 7 à 14 de la loi du 9 Juillet 1975 Sénégalaise. En cas de danger imminent, attesté par le certificat d’un médecin ou par la notoriété publique, le Maire de la commune ou le Commissaire de Police ordonnent toutes les mesures provisoires nécessaires, à la charge d’en référer dans les 24 heures au préfet qui statuera sans délai.
Le dossier du Placement d’Office
Il comprend l’Arrêté du Préfet ordonnant le placement ou le réquisitoire du Maire ou du Commissaire de Police qui sera ratifié ultérieurement. Cet arrêté sera motivé soit par un procès-verbal du Maire ou du Commissaire de Police, mentionnant les témoignages et les faits qui permettent d’affirmer le trouble mental et ses conséquences (perturbation de l’ordre public et danger pour le malade ou pour autrui), soit par un certificat médical (qui n’est donc pas obligatoire). Lorsqu’il est établi, le certificat médical devra répondre aux mêmes critères que ceux qui sont exigés pour le placement volontaire. Il sera rédigé par le médecin traitant ou par un médecin requis par les autorités administratives, ou par un médecin de l’hôpital général où le malade a été conduit. La formule légale concluant à l’internement et terminant le certificat est la suivante : « Cet état rend le malade dangereux pour l’ordre public et la sûreté des personnes et Monsieur Y… doit être placé dans un Etablissement régi par la loi du 09 Juillet 1975.
INTRODUCTION |