Le métabolisme énergétique cellulaire 

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Le métabolisme énergétique mitochondrial

Les dégradations primaires mentionnées auparavant permettent la production d’une quantité restreinte d’ATP en conditions anaérobies. Cependant, lorsque la cellule est en conditions aérobies, les métabolites que ces voies génèrent (acétylcoA, pyruvate …) et les équivalents réduits (NADH,H+ et FADH2) peuvent être utilisés par la mitochondrie pour fournir une quantité d’ATP nettement supérieure : 19 fois plus d’ATP par molécule de glucose.

La mitochondrie : structure

Les mitochondries sont présentes dans toutes les cellules des organismes eucaryotes et occupent 10 à 20 % du volume cellulaire. Leur taille est de l’ordre du micromètre et la plupart des cellules humaines contiennent entre 500 et 2000 mitochondries, mais ce nombre varie en fonction du type cellulaire et des besoins énergétiques. Une mitochondrie est formée de deux compartiments, délimités par une membrane interne et divisant la mitochondrie en quatre sous-parties (Figure 3) :
Figure 3 : Structure d’une mitochondrie vue en coupe. D’après site animal cell biology.
La matrice est le compartiment interne de la mitochondrie. Elle est le siège de nombreuses voies métaboliques telles que le cycle de Krebs ou l’oxydation des acides gras et contient donc toutes les enzymes nécessaires à ces deux voies. Elle renferme également l’acide désoxyribonucléique (ADN) mitochondrial, des mitoribosomes et des acides ribonucléiques (ARN) de transfert. La membrane interne diffère des autres membranes biologiques de par sa composition. Elle contient environ 80 % de protéines et seulement 20 % de phospholipides. La plupart de ces protéines sont des composants des complexes de la chaîne respiratoire ou de l’ATP-synthase, impliqués dans la production d’ATP (Becker et al., 2009). La membrane interne possède de nombreux replis qui forment les crêtes mitochondriales, augmentant considérablement sa surface d’échange. C’est au niveau de ces crêtes que sont préférentiellement enchâssés les complexes de la chaîne respiratoire mitochondriale et l’ATP-synthase. L’espace intermembranaire a une composition très proche de celle du cytosol. Il contient une forte concentration en protons qui lui confère une charge positive. La membrane externe est une bicouche lipidique composée d’environ 50 % de protéines et 50% de lipides.

La mitochondrie : fonctions

Les mitochondries sont les véritables « centrales énergétiques » de la cellule. Dans une cellule eucaryote aérobie, environ 90 % de l’énergie nécessaire est fournie par la mitochondrie (Rolfe et Brown, 1997). Les divers métabolites (acétylcoA, pyruvate …) et les coenzymes réduits (NADH,H+ et FADH2) issus des dégradations primaires peuvent être utilisés par les mitochondries pour fournir de l’ATP. Dans la mitochondrie, la dégradation de l’acétyl-CoA s’y poursuit. Cette molécule joue un rôle crucial dans le métabolisme car c’est le produit commun de la dégradation des nutriments et le principal substrat du cycle de Krebs.

Le cycle de Krebs

Dans les cellules aérobies, le cycle de Krebs est une plateforme commune de catabolisme des substrats énergétiques, qui a lieu dans la matrice mitochondriale. Le cycle de Krebs est un ensemble coordonné de huit réactions qui permet d’extraire l’énergie de l’acétyl-CoA en l’oxydant en deux CO2 (Figure 4). A chaque fin de cycle, un acétyl-CoA se condense avec l’oxaloacétate pour former du citrate. Le citrate est le premier d’une série de trois acides tricarboxyliques : pour cette raison, le cycle de Krebs est également appelé « cycle de l’acide citrique » ou « cycle tricarboxylique ». D’autres substrats peuvent entrer dans le cycle en aval de l’acétyl-CoA, tel l’α-cétoglutarate, le succinyl-CoA et le fumarate. Une molécule d’acétyl-CoA, dégradée en un tour de cycle, produit une molécule d’ATP, 3 NADH,H+ et 1FADH2, principaux substrats de la chaîne respiratoire (Hecketsweiler et Hecketsweiler, 2012).

La phosphorylation oxydative

Le système de phosphorylation oxydative comporte deux sous-ensembles, la chaîne respiratoire mitochondriale ou chaîne d’oxydoréduction et l’ATP-synthase.

Les éléments du système de phosphorylation oxydative

La chaîne respiratoire est un ensemble de quatre protéines enzymatiques, les complexes I (C I), II (C II), III (CIII), IV (CIV), enchâssées dans la membrane interne de la mitochondrie, et de deux éléments mobiles, l’ubiquinone ou coenzyme Q et le cytochrome c (Figure 5). Les complexes transmembranaires protéiques participent au transport des électrons. Le complexe V ou ATP-synthase est un complexe multiprotéique très élaboré, composé de deux parties, la partie F0 située dans la membrane interne et la partie F1, la tête enzymatique, qui fait saillie dans la matrice mitochondriale. Elle est formée de cinq protéines, α, β, γ, δ, ε (Hecketsweiler et Hecketsweiler, 2012). Les éléments mobiles assurent la continuité de la chaîne. L’ubiquinone est un lipide composé d’une benzoquinone et d’une chaîne isoprénoîde hydrophobe assurant sa mobilité au sein de la phase lipidique membranaire, entre CI et CII. Le cytochrome c est une petite protéine hydrosoluble, mobile sur la surface externe de la membrane interne, entre CIII et CIV.
Figure 5 : Représentation schématique de la chaîne de transfert des électrons, incluant la représentation du trajet des électrons (flèches bleues) et du pompage de protons (H+, flèches vertes) à travers la membrane interne, et le retour de ceux-ci dans la matrice. La différence de potentiel membranaire mitochondrial (PMM) de part et d’autre de la membrane interne est symbolisée par le triangle bleu.

L’oxydoréduction ou le transfert d’électrons

La chaîne respiratoire a pour fonction de procéder à l’oxydation contrôlée et progressive des équivalents réducteurs des coenzymes réduits NADH,H+ et FADH2, par transfert de leurs électrons sur un accepteur final, l’oxygène (Figure 5). Les électrons sont transférés de manière fragmentée, un par un, sur l’hème de chaque complexe. Ce transfert du complexe I au complexe IV intervient dans un ordre qui est déterminé par le potentiel rédox (E°’) de chacun des complexes de la chaîne de respiration. Il va donc s’établir le long de la chaîne respiratoire un gradient de potentiels d’oxydoréduction et les électrons vont transiter de molécules à faible potentiel (tels que le NAD+) vers des molécules à fort potentiel (tel que l’oxygène). Le transport des électrons d’un couple rédox au suivant, libère de l’énergie qui est ainsi progressive car fragmentée. Quand elle est suffisamment importante, l’énergie libérée au cours d’une dénivellation engendre un flux de protons de la matrice vers l’espace intermembranaire (H+ provient de l’eau cellulaire). Dans le cas contraire, l’énergie est transformée en chaleur contribuant à la thermogenèse. L’énergie générée par le transfert des électrons sur la chaîne d’oxydoréduction permet aux complexes I, III et IV de fonctionner comme des pompes à protons. A partir d’un NADH,H+, le transfert des électrons par la chaîne d’oxydo-réduction provoque trois flux de protons sortant de la matrice et deux flux à partir d’un FADH2, créant de part et d’autre de la membrane mitochondriale interne, un gradient électrochimique de protons.
Ce gradient comporte une différence de potentiel de membrane mitochondrial (PMM) et une différence de pH (1,4 à 1,5 unités de pH). Par rapport à l’espace intermembranaire et au cytosol, le pH de la matrice mitochondriale est plus élevé et sa charge électrique plus négative (Hecketsweiler et Hecketsweiler, 2012).

La phosphorylation oxydative

Le processus de phosphorylation oxydative repose sur la théorie chimio-osmotique de Peter Mitchell en 1961 et largement validé depuis, qui formule que l’ATP-synthase peut phosphoryler un ATP à partir d’un ADP (adénosine diphosphate) et d’un Pi (phosphate inorganique) grâce au gradient électrochimique de protons. Les protons éjectés dans l’espace intermembranaire, lors du transfert d’électrons sur la chaîne d’oxydoréduction, tendent à entrer à nouveau dans la matrice sous la pression du gradient électrochimique de protons (Figure 5). Compte-tenu de l’imperméabilité de la membrane interne, ils ne peuvent y pénétrer qu’en empruntant le canal du complexe V ou ATP-synthase. Le gradient électrochimique de protons à travers la membrane interne, ou force proto-motrice, fait tourner la partie F0 de l’ATP-synthase. Sa rotation entraîne un cycle de transconformations des protéines de la partie F1 de l’ATP-synthase. Les protéines β de la partie F1, activées tour à tour, fixent l’ADP et le Pi, assurent la réaction de synthèse de l’ATP et permettent sa libération dans la matrice mitochondriale (Schon et al., 2001). La partie F1 peut fonctionner à l’envers, déphosphorylant l’ATP en ADP et Pi, à condition que la partie F0 soit supprimée, d’où son ancien nom d’ATPase (Hecketsweiler et Hecketsweiler, 2012).
L’oxydation d’un NADH,H+ par la chaîne de respiration mitochondriale génère un flux de dix protons (quatre pour CI, quatre pour CII et deux pour CIV) et l’oxydation d’un FADH2 génère six protons. La formation d’un ATP nécessite un flux de quatre protons. Un NADH,H+ produit donc 2,5 ATP et un FADH2 produit 1,5 ATP. Or traditionnellement on admet que trois ATP sont produits lors de l’oxydation d’un NADH,H+ et deux ATP sont produits lors de l’oxydation d’un FADH2 (Hecketsweiler et Hecketsweiler, 2012). L’ATP produit dans la mitochondrie gagne le cytosol grâce à un transporteur mitochondrial qui l’échange contre l’ADP, l’ATP/ADP translocase.

Le bilan en ATP des substrats énergétiques

L’analyse des réactions cataboliques successives permet de calculer le bilan énergétique du glucose en molécules d’ATP synthétisées. L’oxydation aérobie d’une molécule de glucose produit :
– par la glycolyse, deux molécules d’ATP
– par l’oxydation de deux NADH,H+ issus de la glycolyse, six molécules d’ATP
– par l’oxydation de deux pyruvates en deux molécules d’acétyl-CoA, six molécules d’ATP
– par l’oxydation de deux molécules d’acétyl-CoA par le cycle de Krebs, 24 molécules d’ATP
Ainsi, grâce à la phosphorylation oxydative, une cellule aérobie produit 38 ATP, soit 19
fois plus d’ATP par molécule de glucose qu’une cellule anaérobie produisant uniquement deux
molécules d’ATP par la glycolyse (Hecketsweiler et Hecketsweiler, 2012).

Les phosphagènes

Les phosphagènes sont des dérivés guanidiliques, découverts dans le muscle en 1927 par Eggleton et dénommés phosphagènes car leur hydrolyse libère une molécule d’acide phosphorique.

Fonctions des phosphagènes

Les phosphagènes sont des réservoirs de « phosphate à haute énergie » typiquement utilisés par les cellules dont la demande en énergie est fluctuante et importante, tels que les muscles, les neurones ou les spermatozoïdes. De grandes quantités de phosphagènes peuvent être accumulées dans les cellules ou tissus (Eggleton et Eggleton, 1928) et leur concentration est plus élevée que celle des nucléotides adényliques (Beis et Newsholme, 1975). Les guanido-phosphagènes kinases (phosphotransférases) associées aux phosphagènes (système phosphagène/kinase) permettent de réguler les niveaux d’ATP intracellulaires, en stockant et libérant de l’énergie en fonction des besoins cellulaires (Kammermeier, 1987)(Kammermeier, 1993). Ces enzymes catalysent le transfert réversible du groupement γ-phosphate de l’ATP vers l’accepteur guanidilique générant de l’ADP et le phosphagène correspondant selon la réaction
suivante : MgATP2- + composé guanidilique ⇆ MgADP- + phosphagène
Les phosphagènes et leurs kinases sont également impliqués dans le transport d’énergie au sein de la cellule, formant un réseau de distribution d’énergie entre les sites de production d’ATP (mitochondrie et glycolyse) et les sites de consommation (ATPases) (Bessman et Geiger, 1981; Bessman et Carpenter, 1985). Le transport d’énergie par les phosphagènes a été étudié dans le système phosphocréatine/créatine kinase (Figure 6) : la créatine kinase mitochondriale, localisée dans l’espace intermembranaire, catalyse le transfert du groupement γ-phosphate de l’ATP vers la créatine. La phosphocréatine ainsi formée, plus petite que l’ATP, quitte alors la mitochondrie par diffusion. Ainsi la phosphocréatine véhicule « la liaison riche en énergie » jusqu’aux sites utilisateurs où la régénération de l’ATP est alors rendue possible par les kinases créatines cytoplasmiques. La créatine alors libérée peut rediffuser jusqu’à la mitochondrie, bouclant ainsi le circuit.
Une autre fonction du système phosphagène/kinase est le maintien du rapport ATP/ADP élevé au niveau des sites consommateurs d’énergie (Mainwood et Rakusan, 1982; Jacobus, 1985; Kammermeier, 1993). Inversement, un rapport ATP/ADP faible est maintenu par les enzymes au niveau des sites de synthèse d’ATP, stimulant ainsi sa production. Le système phosphagène/kinase est souvent trouvé dans les cellules polarisées (i.e., les sites de synthèse d’ATP sont localisés à une grande distance de diffusion des sites de consommation), chez lesquelles la diffusion seule de l’ATP ne permet pas le maintien d’un ratio ATP/ADP constant au niveau des ATP-ases et donc leur fonctionnement optimal (Jacobus, 1985; Kammermeier, 1987).

Répartition des phosphagènes dans le règne animal

Neufs phosphagènes sont actuellement connus : phosphocréatine, phosphoarginine, phosphoglycocyamine, phosphotaurocyamine, phosphohypotaurocyamine, phospholombricine, phosphoophéline et phosphothalassemine (Ellington, 2001).
La phosphocréatine et la phosphoarginine sont très largement distribuées au sein des métazoaires (Tableau 1). Les autres phosphagènes, limités au groupe des lophotrochozoaires (Robin, 1964 ; 1974), ont été découverts plus tardivement et semblent être issus d’un « phosphocreatine like-ancestor ». Certains groupes comme les mollusques contiennent uniquement un type de phosphagène, alors que d’autres groupes comme les échinodermes, possèdent différents phosphagènes. La phosphocréatine est le seul phosphagène présent chez les vertébrés.

Table des matières

Introduction
1. Le métabolisme énergétique cellulaire
1.1- La molécule d’ATP
1.2- Les réactions centrales du catabolisme cellulaire
1.2.1- Le métabolisme du glucose
1.2.1.1- La glycolyse anaérobie : du glucose au pyruvate
1.2.1.2- La glycolyse aérobie : du pyruvate à l’acétyl-CoA
1.2.2- L’oxydation des acides gras : des lipides à l’acétyl-CoA
1.2.3- Le catabolisme des acides aminés : des protéines à l’oxaloacétate
2. Le métabolisme énergétique mitochondrial
2.1- La mitochondrie : structure
2.2- La mitochondrie : fonctions
2.2.1- Le cycle de Krebs
2.2.2- La phosphorylation oxydative
2.2.2.1- Les éléments du système de phosphorylation oxydative
2.2.2.2- L’oxydoréduction ou le transfert d’électrons
2.2.2.3- La phosphorylation oxydative
2.3- Le bilan en ATP des substrats énergétiques
3. Les phosphagènes
3.1- Fonctions des phosphagènes
3.2- Répartition des phosphagènes dans le règne animal
4. Le métabolisme énergétique du spermatozoïde
4.1- Le spermatozoïde
4.2- Structure et fonctionnement du flagelle
4.3- Métabolisme du spermatozoïde
4.3.1- Métabolisme des espèces à fécondation interne
4.3.2- Métabolisme des espèces à fécondation externe
5. Modèle biologique, l’huître creuse Crassostrea gigas
5.1- Systématique, répartition et habitat
5.2- Origine de l’ostréiculture de l’huître creuse
5.3- Anatomie
5.4- Reproduction
5.4.1- La gonade
5.4.2- Déroulement de la gamétogenèse
5.4.3- La fécondation et le développement embryonnaire
5.5- Caractéristiques biologiques des gamètes de l’huître creuse
5.5.1- L’ovocyte
5.5.2- Le spermatozoïde
6. Problématique de l’étude
Chapitre 1 : Evolution des caractéristiques cellulaires et biochimiques au cours de la phase de mouvement du spermatozoïde d’huître creuse
Chapitre 2 : Rôle de la glycolyse et de la phosphorylation oxydative dans la production d’ATP
du spermatozoïde d’huître creuse
Chapitre 3 : Analyse des métabolites par RMN au cours de la phase de mouvement du spermatozoïde d’huître creuse
Chapitre 4 : Implication du métabolisme énergétique dans le succès à la fécondation du spermatozoïde d’huître creuse
Discussion générale et perspectives
Conclusion
Bibliographie
Annexes

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