MODELISATION REGIONALE REALISTE: LE GOLFE DE GASCOGNE

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Conditions atmosphériques typiques

La circulation atmosphérique du Golfe de Gascogne est principalement contrôlée par l’activité d’un système anticyclonique au sud de 40°N centré à proximité de l’archipel des Açores (l’ « anticyclone des Açores ») et d’un système dépressionnaire, la « dépression d’Islande », centré sur l’Islande et le Groenland, à environ 60°N. Le régime des vents dans le Golfe de Gascogne est très fluctuant car ils dépendent des positions respectives de l’anticyclone des Açores et de la dépression d’Islande fortement variables dans le temps et l’espace. La climatologie des vents dans la zone a donc un caractère saisonnier très marqué (Fig. I.4).
En hiver, on assiste au creusement de la dépression d’Islande vers le sud du bassin ce qui a pour effet de repousser légèrement l’anticyclone des Açores au sud. Ceci favorise un régime de vents forts orientés à l’ouest/sud-ouest; à l’origine de perturbations qui se déplacent vers l’est, accompagnés d’une forte houle. On peut distinguer trois types de régimes:
– Un flux d’ouest/sud-ouest, le plus fréquent en cette saison. Il se caractérise par des perturbations très fréquentes, qui se forment le plus souvent sur l’Atlantique et traversent ensuite le golfe d’ouest en est. Elles sont accompagnées de vent d’ouest souvent très violents.
– Un flux de nord-ouest qui apporte au Golfe de Gascogne des masses d’air d’origine arctique, beaucoup plus froid que la température de la mer.
– Un flux de nord-est, durant lequel l’anticyclone est centré sur la Scandinavie et s’étend jusque dans la zone des Açores. Le courant perturbé atlantique se trouve bloqué et rejeté vers le nord. Le temps est donc moins perturbé, et accompagné d’air froid.
En été, la dépression d’Islande se comble, l’anticyclone des Açores remonte légèrement au nord/nord-ouest et s’étend vers le Golfe de Gascogne. Les vents prennent alors une direction ouest/nord-ouest et sont moins intenses et plus réguliers. On distingue deux types de temps en cette période:
– beau temps d’été: ce régime est caractérisé par la présence de l’anticyclone des Açores débordant sur le golfe; le temps est sec sur la zone et les vents variables et faibles.
– temps perturbés: si les hautes pressions nord-atlantique se décalent au sud, le flux perturbé d’ouest atteint le Golfe de Gascogne; le temps est alors frais et humide avec des vents orientés au nord-ouest. Dans un flux de sud-sud est, des orages peuvent aussi éclater sur le nord des Pyrénées au contact de l’air humide océanique et l’air chaud remontant d’Afrique.

Circulation et processus dans le Golfe de Gascogne

Dans cette section nous montrons dans quel contexte de la circulation Atlantique Nord le Golfe de Gascogne se situe. Puis, nous nous intéresserons exclusivement au golfe et à sa dynamique locale.

Hydrologie

Les masses d’eau présentes dans l’Atlantique Nord Est au voisinage du Golfe de Gascogne se caractérisent par la présence de trois couches (Van Aken (2000) ; et Fig.I.5): Fig. I.5 – Profils hydrologiques typiques du Golfe de Gascogne : température et salinité LEVITUS94 moyennées sur la zone étudiée. La courbe en trait plein représente la couche de mélange hivernale entre 0 et 400 m et la courbe en pointillés la thermocline saisonnière estivale de 20 à 90-100 m environ, surplombée par la couche de mélange en été. En-dessous, jusqu’à 600 m, se trouve l’Eau Centrale Nord-Atlantique. Puis, de 600 à 1500 m, l’eau Méditerranéenne, au-dessus de l’Eau Profonde Nord-Atlantique et de l’Eau Antarctique de Fond (extrait de la thèse d’Ivane Pairaud (2006)).
– La couche supérieure : elle s’étend sur 500 m, constituée de la couche de mélange, de la thermocline saisonnière et de l’Eau Centrale Nord-Atlantique.
– La couche intermédiaire : de 500 à 1500-2000 m, constituée de l’Eau Méditerranéenne et de l’Eau Intermédiaire Sub-Arctique.
– La couche inférieure : plus profonde, qui est occupée par l’Eau Profonde Nord-Atlantique et l’Eau Antarctique de Fond.

La couche supérieure.

Les propriétés hydrologiques des couches superficielles de l’océan varient saisonnièrement. En hiver, l’atmosphère se refroidit et les eaux de surface sont brassées sous l’influence des dépressions atmosphériques plus fréquentes. La couche de mélange de surface est donc plus froide et plus épaisse. Au printemps, le réchauffement atmosphérique entraîne un flux de chaleur vers l’océan, conjointement à la turbulence induite par le vent qui homogénéise la température sur une quarantaine de mètres. Cette couche de mélange estivale se réchauffe au printemps et surtout en été, où elle surplombe la thermocline saisonnière très marquée vers 50 m de profondeur. Puis cette couche de mélange s’épaissit et se refroidit jusqu’a l’hiver suivant. La masse d’eau qui se trouve en-dessous de la couche supérieure, est constituée de l’Eau Centrale Nord-Atlantique (ECNA). Elle est localisée à des profondeurs allant jusqu’à 600 m et se caractérise par des températures et des salinités comprises respectivement entre 10.5 et 12.5°C et entre 35.60 et 35.75 ‰ (cf Tab. 1). En hiver, la couche de mélange atteint de grandes profondeurs et sa partie inférieure est intégrée dans l’Eau Centrale Nord-Atlantique. Une branche subpolaire de l’ENAC est formée au sud de la Dérive Nord Atlantique et progresse vers le Sud Est pour pénétrer dans le Golfe de Gascogne (Pollard et al, 1996). Une branche subtropicale, au Nord du courant des Açores, se déplace vers le Nord-Est en direction des côtes espagnoles (Pingree, 1997) (cf Fig. I.6).
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Fig. I.6- Structure des courants de surface (flèches en trait épais : dérive nord Atlantique –NAC-, courant des Açores –AC-) avec circulation au sein du Golfe de Gascogne (flèches en trait fin), et du sous-courant méditerranéen (flèche blanche –MW-) et sa continuité dans le golfe (flèche en tirets). La zone grisée correspond à la zone de formation d’eaux intermédiaires par convection en hiver (issue de Gonzalez-Pola et al., 2005).

La couche intermédiaire.

La couche située entre 600 et 1500 m de profondeur est constituée de l’Eau Méditerranéenne (MW), l’Eau Sub-Arctique intermédiaire de l’Atlantique Est (EASAIW), et l’Eau de la Mer du Labrador (LSW). Il s’agit d’une langue d’eau méditerranéenne remontant vers le nord en suivant les côtes européennes. La partie supérieure de cette masse d’eau est caractérisée par une faible décroissance de la température et un accroissement de la salinité en profondeur (cf Tab.1). Sa partie inférieure est caractéristique de l’océan profond. Entre les deux, vers 1000 m, la salinité atteint un maximum et le gradient de température est inversé. Au nord-ouest, à la frontière du Golfe de Gascogne, on distingue une masse d’eau entre 600 et 1500 m qui est caractérisée par un minimum de salinité vers 800 m qui se distingue de l’Eau Méditerranéenne : l’Eau Sub-Arctique Intermédiaire. Vers 1500 m, on retrouve aussi une eau riche en oxygène dissous, particulièrement froide et peu salée : l’Eau de la Mer du Labrador (LSW), présente au Nord de la zone (OSPAR, 2000). La faible salinité de cette masse d’eau est masquée par le mélange avec la MW sus-jacente.

La couche inférieure

Enfin, les eaux de fond au-delà de 1500 m de profondeur sont relativement homogènes. Ce sont des eaux froides (2 à 4°C) constituées de l’Eau Profonde Nord-Atlantique (NADW) qui s’écoule depuis la mer de Norvège et de l’Eau Antarctique de Fond (ABW) (pour des profondeurs supérieures à 4000 m) qui s’écoule depuis le sud et longe le relief le long du talus ibérique avant d’entrer dans le Golfe de Gascogne à l’ouest du banc de Galice, après quoi elle rejoint la plaine abyssale.

Circulation générale du Golfe de Gascogne

Comme nous l’avons vu en section I.1, le golfe de Gascogne peut être découpé en trois zones bien distinctes: la plaine abyssale, le talus continental et le plateau continental. Les circulations qui s’y développent sont spécifiques et leur occurrence non systématique. Elles présentent pour la plupart une forte variabilité saisonnière mais aussi interannuelle. La figure I.7 donne une vue schématique de la dynamique générale du golfe.

Circulation dans la plaine abyssale

Les courants dominants du Golfe de Gascogne appartiennent au système de dérive Nord Atlantique et décrivent globalement une circulation anticyclonique. Ainsi, la branche la plus au sud de cette dérive, qui porte à l’est, s’infléchit au sud de la Bretagne vers le sud-est, s’écoule dans le Golfe de Gascogne le long des côtes françaises puis longe les côtes espagnoles en portant vers l’ouest. En surface, des mesures de courant fournies par des flotteurs dérivants (Pingree, 1993) ont permis de montrer que de manière générale, les courants au-dessus de la plaine abyssale sont relativement faibles (1 à 2 cm/s). D’après Pingree et Le Cann (1995), ceci s’explique d’une part par la localisation de la zone d’étude, située à mi-latitude entre la zone d’influence du courant des Açores au sud et celle du courant Nord-Atlantique au nord et d’autre part par le fait que le Golfe de Gascogne est semblable à une baie océanique semi-fermée. A partir de résultats fournis par des bouées dérivantes, Van Aken (2002) met quant à lui en évidence une saisonnalité des courants moyens dans le golfe: en été, la circulation de surface dans la zone profonde est orientée au sud/sud-est (vitesse moyenne ~1,7cm/s). En hiver, le flux moyen est orienté à l’est (vitesse ~1,5cm/s). Cette circulation grande échelle de faible amplitude est masquée par la dynamique méso-échelle et plus particulièrement par la présence de tourbillons cycloniques et anticycloniques tels que les SWODDIES (Pingree and Le Cann, 1992) formés par les instabilités d’un courant qui longe la pente continentale. Nous décrirons plus en détail ces structures et leur mécanisme de formation dans la section qui suit. Globalement on peut donc considérer que la circulation est globalement anticyclonique dans la partie profonde et tend à devenir cyclonique le long du talus.

Circulation le long du talus et sur le plateau

La dynamique le long du talus et sur le plateau continental est beaucoup plus variable que celle observée en plaine abyssale. Le long du talus, les courants résiduels sont plus forts et majoritairement orientés vers le pôle (Pingree and Le Cann 1990). Ils montrent de nombreuses fluctuations à toutes les échelles de temps. Sur le plateau continental, la circulation et les divers processus qui s’y développent sont fortement dépendants des effets conjugués de la marée, du vent, et des apports fluviaux.

Le courant de pente

Fig. I.8 – Schéma des courants de surface et de pente, (A) en période estivale et pendant une période de faible courant de pente, et (B) en période hivernale avec une forte intrusion du courant de pente (D’après Durrieu de Madron et al., 1999).
Le long du talus continental, on relève la présence d’un courant géostrophique (10-20 cm/s) dirigé vers le pôle, qui sépare la dynamique du plateau de celle de l’océan profond. Il s’agit de l’Iberian Poleward Current (IPC). La pente du niveau de la mer qui lui est associée est provoquée par un flux d’est généré en réponse au gradient de densité méridien de grande échelle (Huthnance, 1984). Sa structure de surface et de subsurface ainsi que sa variabilité ont été étudiées en détails par Pingree et Le Cann (1989, 1990, 1995a) et Koutsikopoulos et Le Cann (1996). Bien que le gradient de densité soit le forçage dominant, le courant de pente est également sensible au vent. Ainsi, à plus petite échelle, le courant de pente est soumis aux effets de la marée et du vent à l’origine de variations locales rapides du courant telle que des inversions occasionnelles de sa direction (Thorpe, 1987 ; Pingree and Le Cann ,1990). A plus grande échelle, il se caractérise par une variation saisonnière bien marquée, attribuée à la distribution saisonnière du vent à la péninsule Ibérique: en été (Fig. I.8A), le régime de vent principalement du nord-est est favorable à l’établissement d’upwellings. Par ailleurs, le courant de pente est faible. En hiver (Fig. I.8B), la composante sud du stress du vent se relaxe et permet le développement du courant vers le pôle. L’amplitude du courant est alors maximum car il est en accord avec la direction voulue par le forçage en densité de plus grande échelle décrit plus haut. A partir d’observations multi-annuelles de courants, Pingree and Le Cann (1990) ont ainsi mesuré une vitesse résiduelle vers le pôle de quelques centimètres par seconde et une augmentation du transport vers le nord (environ 3.5 m3.s-1) le long des talus Celtique et Armoricain. Du fait de sa direction sud/nord, les eaux qu’il advecte sont des eaux chaudes et salées, qui contournent la péninsule Ibérique et s’introduisent plus ou moins selon les années dans la partie sud du golfe en longeant le talus. Sur sa trajectoire, le courant rencontre des incidents bathymétriques qui le rendent instable: il se détache alors de la pente continentale, forme des méandres, et engendre des tourbillons d’eau chaude anticycloniques accompagnés de cyclones. Ces structures sont appelées SWODDIES (Slope Water Oceanic eDDIES) et se forment au niveau des canyons du Cap Ortegal, du Canyon du Cap Ferret ou au niveau du canyon de Santander (Garcia-Soto et al., 2002). Le plus souvent, ils migrent vers l’ouest avec une vitesse de quelques centimètres par seconde entraînant les eaux du talus vers l’océan plus profond. Certains peuvent persister jusqu’à l’été suivant. L’occurrence de ces tourbillons varie d’une année sur l’autre selon l’intensité du courant de pente. Ainsi, Pingree and Le Cann (1992b) et Pingree (1994) ont montré que la formation de deux tourbillons durant l’hiver de 1989/1990 coïncidait avec un transport vers le nord particulièrement intense des eaux chaudes de surface le long de la côte atlantique de la péninsule ibérique. Ils nomment cette intensification épisodique du courant de pente de surface le « courant de Navidad ». Il a été ainsi nommé par Pingree et Le Cann (1992a) car il apparaît à la période de Noël (« Nativité » en espagnol). La variation interannuelle du développement de la Navidad pourrait être corrélée à l’oscillation Nord Atlantique (Garcia-Soto et al., 2002).

Les courants de marée

Du fait de sa configuration géographique et topographique, le Golfe de Gascogne fait partie des régions du monde où la marée est la plus forte. En effet, les obstacles que constituent le talus et les plateaux continentaux intensifient les courants de marée en transformant l’énergie potentielle en énergie cinétique et en mélange turbulent (Jezequel et al., 2002). De cette façon, on observe des courants de marée relativement faibles sur la plaine abyssale (quelques cm/s) mais intensifiés en arrivant sur le plateau. Sur certaines zones très resserrées, telles que le raz de Sein ou le raz d’Ouessant, ils peuvent atteindre 2m/s.
L’amplitude de la marée est le résultat de la somme de plusieurs ondes sinusoïdales de différentes fréquences. On distingue les ondes à composante semi-diurne tels que l’onde M2 et S2 qui engendrent deux pleines mers et deux basses mers respectivement par jour lunaire (24h50min) et par jour solaire (24h); et les ondes à composante diurne telles que l’onde K1 et O1 qui engendrent une pleine mer et une basse mer respectivement par jour solaire (24h) et par jour sidéral (23h56min). Dans certaines zones, il faut additionner jusqu’à une centaine de ces ondes pour obtenir une prévision précise de la marée. Dans le Golfe de Gascogne, l’onde principale est M2 mais il ne faut pas négliger l’onde non linéaire quart diurne M4 (Le Cann, 1990). Les courants de l’onde M2 sont maximum lorsque le plateau est le plus large, ils augmentent donc du sud vers le nord et atteignent un maximum à l’entrée de la Manche.
Les courants de marée ont un impact sur la circulation du plateau continental. A un instant donné, on observe des courants « instantanés » qui peuvent être très importants à certains endroits. A plus long terme, l’effet est plus subtil. En effet, au cours d’une période de marée, les effets des courants de marée vont avoir tendance à s’annuler. Mais ceci n’est pas vrai partout et des courants « résiduels » permanents de quelques cm/s peuvent apparaître, qui sont globalement orientés vers le nord-est en période de flot et vers le sud-ouest en période de jusant. A l’entrée de la Manche, leur direction générale est nord-sud au voisinage de Sein et Ouessant. Ils sont par contre orientés est-ouest à l’entrée de la Manche.
Outre l’effet sur la circulation, les courants de marée ont également un effet sur le mélange. Celui-ci peut être déterminant dans les zones de relief accidenté (forts courants de marée instantanés) : la colonne d’eau est homogénéisée par le mélange des eaux de surface avec celles du fond (par ex : front d’Ouessant).
Par ailleurs, lorsque la colonne d’eau est stratifiée (en été notamment), l’interaction de la marée avec le talus continental peut engendrer des ondes internes: l’interface entre les eaux chaudes et froides oscille verticalement. La partie du talus située au sud-ouest de la pointe bretonne est un site particulièrement actif de génération de telles ondes. Ces ondes vont se propager de part et d’autre du talus, et donc en particulier vers le plateau. Elles ont pour effet une modification des conditions de stratification en modifiant les conditions de mélange. Elles s’accompagnent également de courants pouvant atteindre deux ou trois dizaines de centimètres par seconde. Les caractéristiques majeures des ondes internes ont été observées par Pingree and New (1995) et modélisées par le modèle barocline isopycnal MICOM (Pichon and Correard, 2006). Durant son travail de thèse, I. Pairaud a analysé la marée barotrope et la marée barocline dans une configuration de SYMPHONIE proche de la nôtre. Elle a montré que le modèle était capable de fournir une représentation réaliste de la marée, notamment en comparaison avec les données issues de la campagne MINT94 (Pairaud et al., 2008 ; Pairaud et al., 2010)

La circulation due au vent

Bien que les courants de marée sur le plateau puissent devenir localement dominants à de faibles profondeurs, sur la majeure partie du plateau, à des profondeurs supérieures à 30 m, les masses d’eau sont mises en mouvement principalement par les vents. Les courants qu’ils induisent, variables en intensité et en direction, constituent le principal facteur du transport et du renouvellement des eaux sur le plateau continental. En hiver, les courants de surface sont plutôt dirigés vers le nord sous l’effet des vents d’ouest à sud-ouest dominants (Pingree and Le Cann, 1990) alors qu’ils se dirigent vers le sud au printemps et en été, sous l’influence des vents dominants de nord-ouest. Toutefois, ces schémas de circulation ne représentent qu’une moyenne. A court terme, ils dépendent de l’alternance des régimes météorologiques.
Upwelling
Plus localement, les effets du vent à proximité d’une côte sont à l’origine du mécanisme d’upwelling: Un vent qui souffle parallèlement à la côte (côte à sa gauche dans l’hémisphère nord) va générer, sous l’effet de la force de Coriolis, un courant vers le large. Le transport associé (transport d’Ekman) est compensé par une remontée locale d’eaux froides le long de la côte (Fig. I.9). Dans le Golfe de Gascogne, les upwellings côtiers constituent le processus hydrodynamique le plus significatif de la période estivale (d’Avril à Octobre) (Wooster et al., 1976 ; Fiuza et al., 1982). Les vents dominants étant de nord à cette période, on les observe principalement le long de la côte ouest ibérique. Néanmoins, on les signale également entre les caps Finisterre et Breton le long de la côte nord ibérique en présence de vent persistant de nord-est (Lavin et al, 1998) et le long des côtes Landaises par vents du nord/ nord-ouest (Jegou et Lazure, 1995) (Fig. I.9). Outre le refroidissement des eaux côtières, les systèmes d’upwelling sont également responsables d’un transport de masses d’eaux du plateau continental vers le large concentré dans les filaments d’upwelling qui s’étalent perpendiculairement aux côtes (Haynes et al., 1993).
Phénomènes inertiels
En période stratifiée, l’action du vent sur la surface de l’eau peut générer des phénomènes à fréquences quasi-inertielles (période proche de 17,5 h à nos latitudes): lorsqu’une masse d’eau de surface est soumise à l’action du vent, elle est mise en mouvement. Si le vent s’arrête soudainement, le courant ne cesse pas immédiatement et continuera à être soumis à la force de Coriolis. Le courant aura alors tendance à prendre une trajectoire circulaire, d’une période égale à la période d’inertie (qui varie en fonction de la latitude). Un tel mouvement est nommé « courant inertiel ».
Fig. I.10 – Exemple de spectre de puissance de passe-haut (HF, lignes pleines) et passe-bas (LF, lignes en pointillées) des composantes de vitesses filtrées, sur une période de 83 jours (2000h) de données d’une bouée dérivante près du talus armoricain (a) et sur la plaine abyssale près de 46°N 9°W (b). La position des fréquences semi-diurne (M2) et inertielle f) est indiquée par une ligne verticale. Les données utilisées sont sur la période juillet à octobre 1995 (Van Aken, 2002).
Ces courants sont essentiellement concentrés en surface et se propagent ensuite sur l’horizontale et la verticale. Ils contribuent ainsi à l’échange de propriétés entre les couches superficielles de l’océan et l’océan plus profond. En effet, dans les zones où les ondes inertielles se concentrent, le mélange en surface est augmenté en raison du cisaillement vertical, entrainant de l’eau présente sous la couche de mélange (donc plus froide) dans la couche de mélange.
La génération de courants inertiels est favorisée lors de passages de fronts froids ou de dépression intense de petite échelle (~100 km). La vitesse de déplacement de ces fronts ou tempêtes conditionne la répartition spatiale des courants inertiels. En effet, Pollard et Millard (1970) et Gonella (1971) ont remarqué que la durée d’un coup de vent par rapport à la période inertielle était un facteur important pour l’amplitude des ondes inertielles en surface. Ce qu’ils observaient n’était rien d’autre que ce que l’on allait appeler plus tard « résonnance due au vent » et qui est un phénomène classique de résonnance. Ce phénomène a été étudié plus en détails par Klein et Coantic (1981), Crawford et Large (1996). Ainsi, Van Aken et al., (2002) ont montré que dans le Golfe de Gascogne, proche du talus Armoricain, les ondes inertielles consistaient l’un des mouvements les plus énergétiques (après la marée) (cf. Fig. I.10). Une forte variabilité saisonnière des mouvements proche inertiel et de leur distribution verticale durant l’année 2009 a également été mise en évidence par Rubio et al., (2011) à partir de données radar haute fréquence et de deux bouées, situés dans le sud est du golfe.
Phénomène de surcote
Lors d’événements atmosphériques extrêmes, l’effet du vent sur la surface de l’eau combiné à celui de la pression atmosphérique peut provoquer une élévation « anormale » du niveau de la mer à la côte.
Anormale dans le sens où la hauteur du niveau de la mer mesurée à la côte est différente du niveau de la marée astronomique calculé. On nomme ce phénomène une surcote. Lors du passage de la dépression, le niveau de la mer s’élève car l’atmosphère qui surplombe la surface de la mer est plus légère. C’est l’effet du « baromètre inverse ». Il se combine fréquemment avec l’effet du vent. Une fois la surcote formée, elle peut se propager vers la côte et se superposer à l’onde de marée: on parle dans ce cas de marée de tempête. La forme de la côte va également intervenir dans l’ampleur de la surcote: une baie, un estuaire ou un golfe favorisent le phénomène (baie de Somme, rade de Brest, estuaire de la Gironde) alors qu’un cap le réduit (pointe de Penmarc’h, cap Fréhel). De même, un plateau continental peu profond produira probablement une surcote plus importante qu’un plateau plus profond. D’autres éléments, difficiles à appréhender, peuvent avoir un effet significatif sur l’élévation du niveau de la mer : les états de mer (mer du vent et houles), les précipitations, le débit des fleuves et rivières.

Les panaches fluviaux

Les eaux douces déversées sur le plateau continental du Golfe de Gascogne par la Loire, la Gironde et dans une moindre mesure l’Adour et la Villaine, peuvent induire des courants de densité. Selon des simulations de modèles réalisées par Lazure and Jegou (1998) ces courants seraient significatifs et de l’ordre de 10 cm.s-1. La forme et l’extension spatiale des panaches associés à ces courants vont être sous l’influence de la géostrophie, qui tend à dévier les eaux douces vers le nord, et du régime des vents. Ainsi, en hiver, période à laquelle les débits des fleuves sont les plus importants, les vents de secteur SW, dominants en cette saison, vont favoriser la dérive des panaches vers le nord et les maintenir à la côte tout en diminuant leur stratification verticale (Jegou et Lazure, 1995). Au printemps, les débits des fleuves chutent et les vents dominants deviennent du nord jusqu’à la fin de l’été. Les plumes changent alors de direction et sont entrainées au large ou vers le sud. Cette variabilité saisonnière des panaches a récemment été confirmée par l’analyse de mesures hydrologiques in situ (Puillat et al., 2004). On l’observe également très bien à partir d’images AVHRR dans le visible et les infrarouges (Froidefond et al, 1998). La figure I.11 montre la propagation de la plume de la Gironde en fonction de la direction des vents.
Par ailleurs, sous certaines conditions, on observe la formation de lentilles d’eau douce détachées des panaches de la Loire et de la Gironde. Elles se forment sous l’effet de forts vents de NW à NE, ou soufflant sur une longue période (> la semaine), qui déplacent les eaux de surface vers le large, associés à une baisse de débit qui ne permet plus d’alimenter le panache en eau douce (source : IFREMER).
Fig. I.11 -Images NOAA-11 AVHRR (reflectances proche IR) qui montrent la propagation de la plume de la Gironde sous (A) un vent faible et un fort courant de densité et (B) un vent du nord et un courant relativement faible (OSPAR, 2000).

Résumé des caractéristiques de la dynamique et de l’hydrologie de la zone en hiver, notre période d’étude.

Au cours de cette thèse, mon étude se concentre principalement sur des processus qui apparaissent en hiver. Je vais donc faire ici un bref résumé des caractéristiques de la dynamique du Golfe de Gascogne à cette période.
Comme décrit en section II, les vents dominants en hiver sont de secteur SW ce qui conduit à un flux moyen dans la partie profonde du Golfe de Gascogne orienté vers l’est. Les vitesses sur le talus sont comprises entre 3.5 cm/s et 7 cm/s (Charria et al., 2011, Fig. I.14). La température de l’ensemble des masses d’eaux présentes sur le plateau est homogène de la surface au fond, bien que les apports des fleuves apportent localement des hétérogénéités, comme cela est illustré sur les cartes de la figure I.13 issues de la climatologie BOBYCLIM de l’IFREMER (Vandermeirsch et al., 2010). Elles varient en moyenne de 10 à 15°C du nord au sud avec un minimum localisé sur le plateau continental. La partie sud du golfe est réchauffée par l’apport d’eau chaude le long du talus et sur le plateau provenant des régions plus au sud (Fig. I.12 et Fig. I.13 a et b). En effet, les vents dominants de SW renforcent le courant de pente (IPC) qui peut alors s’écouler librement vers le nord le long des côtes portugaises puis s’insérer vers l’est le long des côtes nord espagnoles. Selon les années, la pénétration de l’IPC dans le golfe est plus ou moins marquée vers l’Est ; lorsque l’IPC s’étend le long des côtes cantabriques, on parle de phénomène « Navidad » comme nous l’avons mentionné précédemment (section III.2.2). Nous le décrivons plus en détail dans la partie 2. Les instabilités de ce courant au voisinage des reliefs sous-marins accidentés (cap et canyons) sont à l’origine de la formation de tourbillons (SWODDIES), plus ou moins persistants (Fig. I.12). Proche de la côte, la dynamique est aussi dominée par les plumes des rivières (Fig. I.12 et Charria et al., 2011, Fig. I.14). Enfin, la dynamique générale peut être perturbée par le passage de tempêtes, favorables à la génération de courants inertiels et/ou de surcote, par effet conjugué des vents, des basses pressions et de la marée.
Fig. I.13 – Cartes climatologiques de la température (°C) (a, b) et de la salinité (c, d) en surface (gauche) et à 100m (droite) ; moyennées sur le mois de janvier d’après BOBYCLIM (@ifremer) (Vandermeish et al., 2010).
Fig. I.14 – Climatologie de la circulation de surface dans le Golfe de Gascogne en hiver estimée à partir de données de bouées lagrangiennes sur la période 1992-2009 : (a) d’octobre à décembre et (b) de janvier à mars. Les lignes noires indiquent les isobathes 500 m, 200 m, 100 m et 50 m (Charria et al., 2011).

Table des matières

INTRODUCTION
PARTIE I – MODELISATION REGIONALE REALISTE: LE GOLFE DE GASCOGNE
Résumé
Chapitre 1 Le Golfe de Gascogne: Présentation générale
I. Description générale
I.1. Caractéristiques géographiques et bathymétriques
I.2. Fleuves
II. Conditions atmosphériques typiques.
III. Circulation et processus dans le Golfe de Gascogne
III.1. Hydrologie
III.1.1 La couche superieure
III.1.2 La couche intermédiaire.
III.1.3 La couche inférieure
III.2 Circulation générale du Golfe de Gascogne
III.2.1 Circulation dans la plaine abyssale
III.2.2 Circulation le long du talus et sur le plateau
a) Le courant de pente
b) Les courants de marée
c) La circulation due au vent
d) Les panaches fluviaux
IV. Résumé des caractéristiques de la dynamique et de l’hydrologie de la zone en hiver, notre période d’étude.
Chapitre 2 Stratégie de modélisation
I. Présentation du modèle SYMPHONIE
I.1 Equations primitives du modèle
I.2 Equations de conservation de la température et de la salinité
I.3 Schéma de fermeture de la turbulence
I.4 Les conditions aux limites
I.4.1 A la surface libre
I.4.2 Au fond
I.4.3 Aux frontières latérales
I.4.4 A l’embouchure des fleuves
I.5 Discrétisation des équations
I.5.1 La grille du modèle
I.5.2 Discrétisation temporelle
I.5.3 La séparation des pas de temps
II. Configurations Golfe de Gascogne
II.1 BAOBIS_G0
II.2 BAOBIS_G1
III. Contexte national de la modélisation dans le Golfe de Gascogne.
PARTIE II – ETUDE DE LA VARIABILITE HAUTE FREQUENCE DU COURANT DE PENTE A PARTIR DE DONNEES ALTIMETRIQUES, D’OBSERVATIONS IN SITU ET D’UNE SUMULATION NUMERIQUE
Résumé
Introduction de la partie II
Chapitre 1 Principe de l’altimétrie et problématique en zone côtière
I. Principe de l’altimétrie
I.1. L’altimètre
I.2 Une mesure, des phénomènes
I.2.1 Anomalie du niveau de la mer
I.2.2 Courants géostrophiques
I.3 Analyse de la forme d’onde
II. Les corrections, un gage de précision
II.1 Les corrections instrumentales
II.2 Les corrections atmosphériques
II.3 Les corrections d’état de mer
II.4 Les corrections de la marée
II.5 La réponse haute fréquence aux forçages atmosphériques
II.5.1 Problème de l’approximation du baromètre inverse
II.5.2 Correction de de-aliasing
III. Les limites de l’altimétrie à l’approche des côtes
III.1 Hétérogénéité des formes d’onde et « décrochage » de l’altimètre
III.2 Dégradation de la correction de troposphère humide
III.3 Imprécision de la correction de troposphère sèche à proximité ou sur les continents
III.4 Dégradation de la correction de réfraction ionosphérique.
III.5 Imprécision de la correction du signal de marée.
III.6 Signaux dus à l’effet des vents et de la pression atmosphérique.
III.7 Complications pour la correction du biais d’état de mer.
IV. Présentation de la chaine XTRACK du CTOH-LEGOS, dont est issu le jeu de données utilisé pour cette étude.
IV.1 Objectifs
IV.2 Principales caractéristiques des traitements effectués sur la mesure altimétrique
IV.3 Le jeu de données utilisé dans cette étude
Chapitre 2 Article publié au JMS : Signature of the coastal circulation variability in altimetric data in the southern Bay of Biscay during winter and fall 2004
I. Présentation de l’étude
I.1 Outils utilisés
I.2 L’ IPC
II. Article publié au Journal of Marine Systems.
Conclusion de la partie II
PARTIE III – REPONSE DE L’OCEAN AU PASSAGE DE LA TEMPETE KLAUS A PARTIR D’OBSERVATIONS IN SITU ET D’UNE SIMULATION NUMERIQUE
Résumé
Introduction de la partie III
Chapitre 1 Observations in situ et simulation numérique
I. Observations
I.1 Température de surface (SST)
I.1.1 AVHRR/MODIS
I.1.2 OSTIA
I.2 Données de bouées.
I.2.1 Puertos del Estado.
I.2.2 AZTI
I.2.3 Météo-France
I.2.4 AGL
I.3 Profils EN3
I.4 Marégraphes
II. Simulation numérique : BAOBIS G1
II.1 Changement de version du code: de BAOBIS_G0 à BAOBIS_G1
II.1.1 Schéma d’advection des traceurs
II.1.2 Equation d’état
II.2 Changement de configurations et détermination de la configuration ‘finale’
II.2.1 Constat d’anomalies de stratification de subsurface – Biais en sel sur les conditions initiales
II.2.2 Tests sur le mélange vertical
a) Effet des variations des paramètres du mélange
b) Effet de la viscosité horizontale
c) Comparaison des coupes en T/S à 3.8°W et 7°W
d) Comparaison avec les profils EN3
II.3 Conclusion
II.4 Récapitulatif sur la configuration utilisée dans l’étude
Chapitre 2 La tempête Klaus: contexte atmosphérique
I. Klaus, une tempête exceptionnelle
II. Chronologie des évènements.
III. Klaus d’après le modèle ALADIN
III.1 Vent et pression atmosphérique
III.2 Température de l’air à 2m
III.3 Précipitations
III.4 Flux de chaleur net
Chapitre 3 Réponse de l’océan à la tempête Klaus
I. Surcote
I.1 Description du phénomène
I.2 Signal mesuré aux marégraphes lors de Klaus
I.2.1 Extraction du signal de surcote du au vent
I.2.2 Modélisation de la surcote
I.2.3 Analyse du signal de surcote dû au vent aux 4 marégraphes et comparaison avec le modèle.
II. Réponse en courant
II.1 Modélisation de la réponse en courant de surface
II.2 Analyse du courant de surface d’après les observations
II.3 Comparaison modèle-observations
II.4 Profils verticaux
II.5 Génération de mouvements inertiels
III. Réponse en température et salinité
III.1 Variations de la SST
III.1.1 Réponse en SST simulée par le modèle
III.1.2 Comparaisons avec les produits de SST OSTIA
III.1.3 Comparaison avec les séries temporelles de SST aux bouées
III.2 Variations de la salinité de surface.
III.3 Variations de la température et salinité en subsurface.
III.3.1 Comparaison avec les profils AZTI
III.3.2 Profils verticaux en deux autres points
III.3.3 Comparaison avec les profils EN3.
III.3.4 Conclusion
IV. Variations de la CMO
IV.1 Approfondissement de la couche de mélange dans le modèle
IV.2 Mélange vertical dans le modèle
IV.3 Mélange vertical dans les observations
Conclusion de la partie III
CONCLUSION
PERSPECTIVES
Liste des Figures
Liste des tableaux
Bibliographie
Annexe A: Le signal de marée dans le modèle
A.1. Introduction
A.2. Un outil d’analyse harmonique: le « comodo-detidor »
A.3. Comparaison aux marégraphes
A.4. Comparaison à l’altimétrie
A.5. Fronts de marée
A.6. Conclusion sur la marée barotrope dans le modèle
A.7. Quelques réflexions sur le filtrage de la marée

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