APPORT DE LA BROMOCRIPTINE DANS LA PRISE EN CHARGE DE LA CARDIOMYOPATHIE DU PERIPARTUM
ETHIOPATHOGENIQUE
Plusieurs hypothèses ont été décrites dans la littérature, mais aucune d’entre elles n’a pu être affirmative. Il y’aurait vraisemblablement une association de plusieurs facteurs. Facteurs Hémodynamiques [8] : La grossesse et l’accouchement entrainent d’importantes variations hémodynamiques. Pendant la grossesse il existe une augmentation du débit cardiaque entre 30 et 50%, avec un maximum au cinquième mois. Cette augmentation du débit cardiaque est due à deux facteurs : – Baisse des résistances artérielles périphériques – Tachycardie et augmentation de la contractilité Le débit cardiaque ne se normalise pas avec l’accouchement et reste élevé pendant quelques jours dans le post-partum. Il a été décrit une diminution de la performance cardiaque dans les 30 premiers jours du post-partum. Ainsi la cardiomyopathie du péripartum serait la prolongation en fin de grossesse et dans le post-partum d’une insuffisance myocardique latente due aux conditions hémodynamiques imposées par la grossesse et l’accouchement. 8 Théorie Génétique [20]: Une prédisposition génétique a été suspectée devant la description de formes familiales liées à des mutations de la troponine, des chaines lourdes de la myosine ou des canaux sodiques. De plus on a démontré que l’hyperexpression des protéines au niveau des cellules myocardiques augmente significativement le risque de développement de CMPP, et que l’inhibition de ces récepteurs diminue significativement ce risque. Théorie inflammatoire : Elle a été proposée devant la constatation sur des biopsies myocardiques de lésions caractéristiques de myocardite aigue dans 60 à 75% des cas [21]. Il existe des perturbations de la réponse inflammatoire au cours de la grossesse, avec une élévation des taux de cytokines pro-inflammatoires (TNF, IL1, IL6) pouvant contribuer à la constitution de lésions myocardiques en réponse à un stress, notamment infectieux [18]. L’hypothèse d’un facteur infectieux initiateur ou aggravant de cette réaction inflammatoire inappropriée a été avancée, certains auteurs, retrouvant par exemple une corrélation entre les taux d’anticorps antiChlamidiae ou anti-Coxsackies et la survenue d’une CMPP. Théorie infectieuse et immunologique : Plusieurs études [22, 23, 24] ont suggéré une origine infectieuse en particulier virale (coxsackie B, PV 19, HHV 6. EBV, HCMV) dans la genèse des CMPP. Une origine auto-immune a également été suggérée, liée à la production d’anticorps orientés contre les fragments de tropocollagène, de myosine et d’actine utérins, notamment libérés au cours de l’accouchement, et présentant une affinité croisée pour les cellules contractiles myocardiques [18]. Pour d’autres auteurs les modifications immunitaires en fin de grossesse (perte de la tolérance immunologique du fœtus tandis que persistent des antigènes fœtaux circulants) pourraient être à l’origine d’une réponse dysimmunitaire responsable de l’atteinte cardiaque [10]. 9 Théorie hormonale : Elle a été proposée récemment, avec des éléments de preuves expérimentales solides et des implications thérapeutiques prometteuses [25]. Il s’agit de l’activation, secondaire au stress oxydatif, d’une protéase (cathepsine D) qui clive la prolactine en une forme de petits poids moléculaire possédant des propriétés anti-angiogénèse et apoptotique, la 16KDa-prolactine. Cette protéine est responsable chez l’animal de dysfonction endothéliale, d’anomalies vasculaires myocardiques, et de dysfonction des cardiomyocytes [26]. Le fort taux d’œstrogènes circulants pendant la grossesse (majoritairement synthétisées par le placenta) jouerait un rôle cardioprotecteur par ses effets hypertrophiants (augmentation des chaines lourdes de la ß-myosine et diminution des chaines lourdes de la myosine), de diminution de la calcium-ATPase sarcoplasmique, d’augmentation de la synthèse de peptides natriurétiques atriaux et de la transcription de signaux cellulaires protecteurs. La brusque chute des taux d’œstrogènes en postpartum (dès l’expulsion placentaire) serait à l’origine d’un soudain déséquilibre entre les facteurs protecteurs œstrogènes – dépendants et les effets cardiotoxiques de la cascade stress oxydatif – cathepsine D – 16KDa prolactine (figure1).
Rôles des perturbations ioniques
Certains auteurs ont remarqué la présence d’une hypokaliémie associée à une perte excessive de potassium urinaire au cours du postpartum [27]. Ce bilan potassique négatif pourrait provoquer une dépolarisation excessive de la membrane cellulaire myocardique et ainsi une atonie cellulaire par épuisement [27]. Ce déséquilibre ionique serait causé par les variations endocriniennes importantes survenant particulièrement en fin de grossesse, avec une élévation marquée des glucocorticoïdes et de l’aldostérone [27, 28]. Rôle du déficit en sélénium : Le déficit en sélénium a été évoqué par plusieurs auteurs comme trouble métabolique pouvant favoriser le développement de CMPP. La relation entre déficit en sélénium et cardiomyopathie dilatée a été établie pour la première fois dans la maladie de Keshan (cardiomyopathie endémique des adolescents en Chine). Le sélénium est un oligoélément antioxydant jouant un rôle clé dans la lutte contre le stress oxydatif. La première étude mettant en jeu une relation directe entre déficit en sélénium et CMPP a été réalisé par Cénac et al au Benin [29]. Ces auteurs ont trouvé des taux plasmatiques de sélénium significativement plus bas chez les femmes atteintes de CMPP par rapport à un groupe témoin (48 ± 25 ng/ml contre77 ±16 ng/ml ; p <0,0001). De plus, un taux très bas (<45 ng/ml) a été constaté chez 14 des patientes atteintes de CMPP (40 %) contre 0 % dans un groupe témoin (p < 0,0001). Cette carence serait expliquée par plusieurs mécanismes : une excrétion accrue du sélénium dans le lait maternel; l’accumulation de sélénium dans le placenta pouvant atteindre une concentration quatre fois plus élevée que la concentration sanguine [30]; l’accumulation du sélénium dans le liquide amniotique pouvant atteindre une concentration 10 à 100 fois plus élevée que la concentration sanguine [23]; l’éventuelle interaction entre la prolactine et le sélénium par mécanisme autoimmun et/ou génétique. Cependant, le retentissement cardiaque du déficit en sélénium est variable selon les individus et selon l’appartenance géographique et ethnique. Le rôle de ce déficit a été mis en doute par certains auteurs. Rôle de la baisse de la sécrétion de corticoïdes et des œstrogènes : L’augmentation des corticostéroïdes en fin de grossesse a été également incriminée par Meadows .De même, l’incidence significativement élevée de la CMPP associée aux grossesses gémellaires laisse suspecter une origine métabolique. En effet, ce type de grossesse se caractérise par une sécrétion plus importante de corticostéroïdes entrainant une rétention hydrosodée plus importante et une augmentation de la post charge VG plus significative . D’autres modifications hormonales ont été mises en cause. Cenac et al [36] évoquent la chute brutale du taux d’œstrogènes en fin de grossesse, privant le myocarde de l’effet inotrope, alors que la masse volumique est toujours en excès. En effet l’œstrogène a une action inotrope positive par effet direct sur les protéines contractiles du myocarde et augmente la rétention d’eau et de sel . Rôle de l’anémie : L’anémie joue un rôle aggravant dans l’atteinte myocardique. Elle entraine des variations hémodynamiques importantes quand le taux d’hémoglobine est inférieur à 8 g/dl. Quoi que nombreuses et différentes, ces hypothèses ne se contredisent pas et on peut y voir une origine multifactorielle de la CMPP. La figure résume les principaux mécanismes physiopathologiques contribuant à la survenue d’une cardiomyopathie du péripartum.
Evolution
Eléments de surveillance
L’évolution sera suivie sur le plan clinique, électrocardiographique et échocardiographique.
Modalités évolutives
L’évolution est variable et imprévisible et peut se faire vers la guérison, la stabilisation avec persistance d’un ou de plusieurs signes d’atteinte cardiaque ou vers l’aggravation aboutissant au décès dans un délai variable. Les publications récentes rapportent un taux de mortalité à 25% et environ 40 à 75% des patientes récupèrent une fonction VG correcte [1, 49]. Les progrès thérapeutiques sont probablement à l’origine de l’amélioration du pronostic de la CMPP. Les critères de guérison : Il s’agit de la disparition complète au bout de quelques mois de traitement des signes cliniques, électrocardiographiques avec confirmation à l’échocardiographie. Cette normalisation de la taille et de la fonction systolique ventriculaire gauche apparait pourtant discutable comme en témoigne la possibilité de récidive lors de grossesses ultérieures. Ceci rend compte de la persistance de l’atteinte cardiaque malgré la guérison apparente [1]. L’absence de guérison : Elle peut se traduire chez : – Une patiente cliniquement symptomatique ; – Ou une patiente cliniquement stable avec persistance d’un bruit de galop à l’auscultation cardiaque, de la cardiomégalie à la radiographie ou des troubles de la repolarisation à l’électrocardiogramme. Dans tous les cas il existe un aspect de cardiomyopathie hypokinétique à l’échocardiographie. 23 Complications : – Thromboemboliques : Elles sont les plus fréquentes dans la CMPP et restent les plus redoutées du fait de leur conséquence dramatique [38, 40]. Le statut prothrombogène du péripartum, associé à la dilatation, à l’hypocinésie ventriculaire gauche et à un état inflammatoire exposent la patiente à tout type d’embolie systémique (accident vasculaire cérébral, embolie coronaire, infarctus mésentérique) [19]. L’embolie pulmonaire est la complication la plus décrite au cours de la CMPP [42, 51]. – Hémodynamique : Choc cardiogénique – Insuffisance cardiaque chronique – Troubles du rythme supra-ventriculaire: La fibrillation atriale est une complication qui aggrave l’insuffisance cardiaque, favorise les embolies systémiques. – Troubles du rythme ventriculaire : Les extrasystoles ventriculaires sont fréquentes d’où l’intérêt de l’holter. Les récidives : Le risque de récidives au cours d’une nouvelle grossesse est variable selon les études à 100%, il semble plus élevé en cas d’insuffisance cardiaque séquellaire . Ainsi la Société européenne de cardiologie [55] préconise de déconseiller toute grossesse en cas d’insuffisance cardiaque persistante, de la contre-indiquer si la FEVG reste inférieure à 50% en raison du risque de décompensation cardiaque, de réaliser une échocardiographie de dépistage au troisième trimestre chez les patientes aux antécédents de CMPP complétement récupérée ou en cas d’antécédent familial de CMPP chez une apparentée de premier degré.
INTRODUCTION |