Télécharger le fichier original (Mémoire de fin d’études)
Propriétés Observationnelles des galaxies à grand décalage spectral
Distribution Spectrale d’Energie
La Òcassure de LymanÓ
Les objets à z < 3.0 les plus propices à l’observation sont les galaxies formant des étoiles. En effet, d’une part l’histoire du taux de formation stellaire montre un max-imum pour z < 1.5 (Fig. 1.8) et d’autre part le continuum spectral dans l’ultraviolet, dominé par les populations d’étoiles jeunes (de type spectral O ou B) se retrouve dans le domaine visible (0.4 à 0.8 µm) qui est le plus accessible depuis les télescopes au sol et pour lequel les développements instrumentaux ont été les plus importants pendant les dernières décénies.
Le spectre intégré de ces étoiles chaudes, combiné à la présence d’hydrogène neu-tre en grandes quantités dans le milieu interstellaire, provoque une ÒcassureÓ dans le continuum à la limite de la série de Lyman ( < 912 ûA), en-deücà de laquelle les photons ionisants sont complètement absorbés par l’hydrogène atomique. L’u-tilisation de cette Òcassure de LymanÓ (Lyman-Break) comme critère de sélection photométrique (cf section 1.2.4) par Steidel et al. (1996) et ses collaborateurs a marqué un tournant important dans les années 1995-2000 pour la compréhension de l’Univers distant : les Galaxies Lyman-Break (ou LBGs) sont devenues le type d’objet le plus étudié et caractérisé à 3 < z < 5.
Parmi les propriétés physiques mises en évidence sur les LBGs, on peut citer :
Ð L’étude détaillée du spectre ultraviolet au repos (domaine 900 4000 ûA). Les raies du milieu interstellaire permettent de contraindre les paramètres physiques (abondances, métallicité) des objets individuels (Shapley et al., 2003)
Ð La mesure de raies d’émission des régions HII dans le domaine visible au repos (Pettini et al., 2001)
Ð Les effets de regroupement à grande échelle des LBGs (Giavalisco & Dickinson, 2001)
Ð L’histoire du taux de formation stellaire cosmique à z 3 4 d’après la fonction de luminosité intégrée dans l’ultraviolet (Steidel et al., 1999)
Ð Les populations stellaires et l’extinction en combinant les observations dans le visible et l’ultraviolet au repos (Shapley et al., 2001)
La foröet Lyman-
La présence de systèmes d’hydrogène neutre sur la ligne de visée d’une source à grand z va créer une série d’absorptions dans le domaine spectral 912-1216 ûA au repos, qui s’ajoutent à la cassure de Lyman. En effet, le phénomène de diffusion résonnante dans la raie Lyman- (1216 ûA au repos) va entraö’ner une chute impor-tante du ßux au décalage spectral de chaque absorbant : le continuum ultraviolet prend alors une forme très discontinue dans cette plage de longueur d’onde, appelée foröet Lyman- (Lynds, 1971). Cet effet est plus important à plus grand décalage spectral, car on y trouve davantage d’absorbants sur la ligne de visée par l’effet géométrique de distance. Le möeme comportement existe pour les autres raies de Lyman (Lyman- 1026 ûA, Lyman- 972 ûA, …) qui ampliÞent l’absorption en y jux-taposant d’autres ÒforöetsÓ. L’absorption moyenne du spectre prenant en compte les foröets de Lyman a été modélisée par Madau (1995).
A plus grand décalage spectral, cet effet d’absorption va dominer le spectre dans la région 912-1216 ûA , jusqu’à former une discontinuité du continuum au niveau de la raie Lyman- : on parle alors de Òcassure Lyman- Ó.
Pour les sources observées au-delà du décalage spectral marquant la Þn de la période de réionisation(zre), l’hydrogène neutre du milieu intergalactique va avoir un effet similaire aux foröets de Lyman, en formant une dépression absorbante dans le spectre, appelée dépression de Gunn-Peterson (Gunn & Peterson, 1965), du cöoté bleu de chaque raie de Lyman de la source (Fig. 1.9). La mesure précise de la largeur de ces dépressions est un moyen d’évaluer zre (Haiman & Loeb, 1999).
Modélisation du spectre ultraviolet des premières sources
Comme la majorité des éléments lourds (métaux) sont synthétisés au sein des étoiles, les modèles actuels (Bromm et al., 2002) considèrent que les nuages qui ont donné lieu à la première génération stellaire étaient composés de matière pri-mordiale, contenant exclusivement de l’hydrogène et de l’hélium. Les étoiles ainsi formées, dites de Population III, ont par la suite enrichi rapidement le milieu intergalactique en métaux dès l’apparition des premières supernovae. Ceci permet d’expliquer la présence d’une faible métallicité (Z 0.003 Z ) dans les absorbants Lyman- jusqu’à z 5 (Songaila, 2001).
Les conditions physico-chimiques de la fragmentation du gaz préstellaire sont gérées par la masse de Jeans et les mécanismes de refroidissement par l’hydrogène moléculaire. Dans le cas des nuages de métallicité nulle, les modèles indiquent que la Fonction Initiale de Masse des étoiles formées sera très différente d’une fonction de Salpeter classique, avec un biais vers la formation d’étoiles très massives : 1 M à 100 M (Nakamura & Umemura, 2002), voire extröemement massives (de plusieurs centaines à 1000 M , Larson (2000); Baraffe et al. (2001)). Une autre conséquence de l’absence de métaux dans les étoiles de Population III est que leur température effective et leur efficacité d’ionisation sont beaucoup plus fortes (Tumlinson & Shull, 2000; Bromm et al., 2001) que les étoiles riches en métaux (Population I, voir Fig. 1.10).
Massive
Longueur d’onde
Fig. 1.10: A gauche : évolution de la séquence principale d’age zéro (ZAMS), pour des étoiles de Population III (métallicité Z = 0). On observe un biais systématique vers les hautes températures effectives Teff . A droite : évolution du spectre ultraviolet observé pour un amas de telles étoiles à z = 10, suite à la transition entre une IMF classique de Salpeter et une IMF privilégiant les étoiles massives. D’après Bromm et al. (2001).
La modélisation des propriétés observées d’un objet composé d’étoiles de Popu-lation III doit prendre en compte la contribution du continuum spectral nébulaire. Celle-ci devient en effet non négligeable lorsqu’on étudie des objets avec des ßux d’ionisation aussi élevés, dont une fraction ne s’échappe pas directement de la galaxie et est absorbée puis réémise par le gaz environnant (transitions de type libre-lié et libre-libre). Les modèles de Schaerer (2002) prédisent cet effet sur le continuum ultraviolet, ainsi que les ßux attendus dans les raies d’émission de l’hydrogène et de l’hélium (Fig. 1.11). Outre les transitions usuelles de Lyman et de Balmer, la présence des raies He ii 1640 dans l’ultraviolet et He ii 4686 dans le visible car-actérise ces spectres à Z = 0. Cependant, ces transitions de l’hélium dépendent fortement des hypothèses faites sur l’IMF des objets et diminuent rapidement, en métallicité Z = 0. A gauche : population de la séquence principale d’öage zéro (ZAMS), montrant l’écart entre le spectre purement stellaire (tirets) et la prise en compte de l’émission nébulaire (trait plein). Les principales raies d’émission de l’hydrogène et de l’hélium sont indiquées. A droite : évolution temporelle de ce möeme spectre pour des agesö de 0 à 4 millions d’années. Les raies de l’hélium s’estompent rapidement. D’après Schaerer (2002).
Autres signatures
En complément de l’observation directe du spectre ultraviolet pour des objets individuels, d’autres méthodes permettent de contraindre leurs propriétés globales et d’étudier l’époque de la réionisation.
En particulier, l’excès de fond diffus infrarouge, mis en évidence par les observations de COBE et de IRTS dans le domaine 1.2 à 4 µm (Wright, 2001; Mat-sumoto et al., 2004), aurait pour origine le rayonnement d’étoiles de Population III ou l’accrétion de gaz sur des trous noirs à très grand décalage spectral (Santos et al., 2002; Madau & Silk, 2005). Cependant, il est encore difficile d’évaluer la contribu-tion des autres sources situées en avant-plan, notamment les poussières du système solaire. Les contraintes actuelles données sur l’efficacité de conversion des baryons en étoiles, f , sont de l’ordre de 10 à 50 % (Salvaterra & Ferrara, 2003).
Certains modèles prédisent également l’existence d’un fond diffus X, ayant pour origine les AGNs à très grand décalage spectral, et les produits de la formation stel-laire intense : des binaires X massives (Helfand & Moran, 2001), le bremsstrahlung et l’effet Compton inverse dans les restes de supernovae. Ceux-ci pourraient dominer le rayonnement de fond X et produire un effet inverse par rapport au rayonnement ultraviolet qui photodissocie l’hydrogène moléculaire : les électrons libres formés par l’ionisation supplémentaire sont un catalyseur important pour les réactions de création de H2 (Glover & Brand, 2003).
Si la formation stellaire est biaisée vers les étoiles massives à grand décalage spec-tral, le taux de supernovae générées devient lui aussi très important, les durées de vie de ces objets étant très courtes. Les supernovae jouent un röole dominant pour l’enrichissement en métaux du milieu interstellaire et l’évolution de la for-mation d’étoiles (Wada & Venkatesan, 2003). De plus, l’énergie mécanique qu’elles apportent permet d’expulser une partie des matériaux stellaires formés dans le mi-lieu intergalactique. L’observation d’un grand nombre de ces supernovae est prédit pour l’avènement du futur James Webb Space Telescope (JWST) vers 2010 (Ferrara & Marri, 1998).
EnÞn, les sursauts gamma (Gamma Ray Bursts, ou GRBs), observés principale-ment dans les régions de formation d’étoiles (Djorgovski et al., 2001b), seraient liés à la mort d’étoiles très massives (MacFadyen & Woosley, 1999). Compte tenu de l’IMF prédite par les modèles de galaxies, le taux de sursauts correspondant et leur très forte intensité ouvrent une toute nouvelle voie d’étude de la formation stellaire à très grand décalage spectral (Gorosabel et al., 2001).
Estimations de la densité numérique d’objets
D’après les mesures de la fonction de luminosité et les comptages des LBGs à z 4 (Steidel et al., 1999) le nombre de sources envisagé jusqu’à des profondeurs en magnitude4 de R 25 est de 1 à 2 objets par minute d’arc carrée.
A partir de la fonction de masse des halos de matière noire, dérivée par des modèles semi-analytiques ou un formalisme du type Press-Schechter (voir la Section 1.1.4), on peut estimer la densité de sources potentiellement observables par un instrument. Oh et al. (2001) ont procédé à cette étude pour le cas de la détection des raies de l’hélium dans le spectre de galaxies à métallicité nulle à l’aide du JWST. L’hypothèse la plus simple est de considérer que les halos ayant une température virielle Tvir > 104 K transforment une fraction constante f de leur masse baryonique en étoiles, au cours d’un sursaut d’une durée intrinsèque t . Le nombre de halos dN susceptibles d’öetre observés par tranche de décalage spectral dz est normalisé par le facteur temporel t (1 + z)/tH où tH(z) est le temps cosmique
Une autre approche, utilisée par Stiavelli et al. (2004a,b), permet d’exprimer à un décalage spectral donné la densité surfacique d’objets selon leur ßux observé, en se servant de modèles semi-analytiques. L’intéröet de cette représentation est de pouvoir directement identiÞer la région explorée par un sondage (paramétré par sa profondeur et sa taille de champ) dans des diagrammes densité surfacique – magni-tude (Figure 1.13).
Deux limites en brillance de surface se superposent dans ces diagrammes :
Ð Une limite supérieure, au-delà de laquelle le nombre d’étoiles formées produit une quantité de métaux trop importante par rapport à ce qui est observé à z 5, notamment dans le spectre des quasars.
Ð Une limite inférieure, en-deücà de laquelle le nombre de sources ionisantes est trop faible pour arriver à réioniser signiÞcativement le milieu intergalactique.
Le nombre de sources détectables obtenu est du möeme ordre de grandeur que pour la première approche.
La raie d’émission Lyman
La raie Lyman- , située dans l’ultraviolet à 1216 ûA au repos, constitue le meilleur outil pour la conÞrmation spectroscopique des galaxies à très grand décalage spec-tral, car on peut l’observer avec un rapport signal sur bruit beaucoup plus élevé que le continuum sous-jacent dans les domaines du visible et du proche-infrarouge, si elle est en émission.
Cette transition spontanée entre les deux premiers niveaux d’énergie de l’atome d’hydrogène, a pour origine le refroidissement du gaz et la recombinaison de l’hy-drogène dans les régions ionisées, qui accompagnent tous deux la formation d’étoiles. Au moment de son émission, c’est la plus intense des raies de recombinaison (Os-terbrock, 1989), mais elle a également une section efficace d’absorption très élevée. Par conséquent, si le milieu intergalactique est composé d’une part importante d’hy-drogène neutre, les photons Lyman- seront continuellement absorbés puis réémis par un mécanisme de diffusion résonante. Au lieu d’une émission concentrée dans la région centrale de formation stellaire, un halo diffus beaucoup plus étendu va dimin-uer fortement la détection de la raie (Loeb & Rybicki, 1999). De plus, leur longueur de trajet augmentant, les photons auront une probabilité plus forte d’öetre absorbés par la poussière, möeme présente en petite quantité.
La détection d’un raie de Lyman- en émission dans les observations de galaxies à z 6.5 (Kodaira et al., 2003; Hu et al., 2002a,b) porterait à croire que l’U-nivers serait déjà fortement réionisé à cette époque. Cependant, la modélisation plus détaillée du transfert radiatif au travers du milieu intergalactique montre que si on suppose la présence de super-vents dans le halo de la galaxie, on peut expliquer l’observation de la raie à z > 6, y compris à des taux d’ionisation très faibles (Santos, 2004).
Ces vents, en combinaison avec l’expansion des échelles d’origine cosmologique (écoulement de Hubble), entraö’nent par ailleurs un décalage en fréquence des pho-tons à chaque diffusion, produisant une raie avec un proÞl asymétrique de type P-Cygni (Ahn et al., 2003) : l’émission du cöoté rouge sera moins sensible à la diffu-sion résonante par l’hydrogène neutre et à l’aborption. On observe donc les photons émis par réßexion sur l’arrière de l’enveloppe de gaz environnante, et la longueur d’onde centrale de la raie présente un décalage systématique du cöoté rouge par rap-port au décalage spectral de la galaxie (Fig. 1.14). Ce type de proÞl a été observé de manière quasi-systématique dans les émetteurs Lyman- à z > 4.
Les mécanismes de transfert radiatif mis en jeu dans l’étude de la transition Lyman- dépendent ainsi d’un nombre important de facteurs liés à l’environnement local de la source émettrice, ce qui rend actuellement impossible la modélisation des propriétés physiques d’un objet individuel avec cette seule raie. Son intéröet principal réside dans la conÞrmation et la détermination précise du décalage spectral.
Méthodes Observationnelles
D’une manière génerale, la connaissance de l’information spectrophotométrique de toutes les sources présentes dans une région du ciel nécessite l’échantillonnage complet de l’espace des positions et des longueurs d’onde (Δ , Δ , Δ ) des photons reücus. Cependant, les détecteurs permettant cette mesure étant à l’heure actuelle bidimensionnels, on a généralement une perte d’information par intégration suivant une des dimensions (spatiale ou spectrale), qui dépend de la méthode instrumentale choisie (Fig. 1.15).
Pour pallier à cet inconvénient, la recherche d’objets distants ne va pas se limiter à une technique particulière, mais va les combiner. Ce fut le cas au cours de cette thèse, pour laquelle nous avons adopté des approches techniques assez différentes, en combinaison avec l’utilisation des lentilles gravitationnelles (voir Section 1.3).
Sélection en dehors du domaine visible ou proche-infrarouge
Historiquement, la recherche de galaxies les plus distantes fut synonyme de celle des quasars, des radiogalaxies, et des galaxies lumineuses dans les domaines in-frarouge ou submillimétrique (Stern & Spinrad, 1999). Ces objets sont en effet in-trinsèquement beaucoup plus brillants : les quasars sont des sources ponctuelles liées à l’accrétion de gaz sur un trou noir supermassif au noyau d’une galaxie souvent masquée par une telle luminosité. Les radiogalaxies ou galaxies ultra-lumineuses en infrarouge sont des systèmes massifs beaucoup plus évolués que les galaxies clas-siques. Cependant, la densité numérique de tels objets reste assez faible et d’autres techniques permirent de franchir des décalages spectraux z > 1 d’une manière plus efficace. Au début de 2004, 30 galaxies sont découvertes et conÞrmées à z > 5 et les recherches se multiplient (Spinrad, 2004). La conÞrmation du décalage spectral des objets à z > 2.3 est facilitée dans le cas d’une raie Lyman- intense dans le domaine visible.
Sélection photométrique
En utilisant certains traits particuliers du spectre des galaxies, comme une brus-que discontinuité de ßux au niveau du continuum, il est possible de déÞnir un critère d’estimation du décalage spectral basé uniquement sur de la photométrie. De telles mesures, effectuées à l’aide de Þltres en bande large (d’une valeur typique de 0.5 à 1.0 µm), se comportent comme un spectre à très basse résolution. On parle « généralement de Distribution Spectrale en Energie ou DSE (en anglais : SED). Un choix judicieux des caractéristiques de ces Þltres permet de discriminer un domaine de décalage spectral spéciÞque, comme c’est le cas pour les LBGs (voir Sect. 1.2.1) : en effet, la discontinuité dans le spectre provenant de la cassure de Lyman (en com-binaison avec la foröet Lyman- à mesure que l’on s’approche des grands décalages spectraux) se pröete bien à cette technique de sélection avec seulement trois Þltres. Dans un diagramme couleur-couleur5 , qui combine l’évolution relative du ßux entre ces trois Þltres, la région de sélection correspondant à la discontinuité est bien délimitée (Figure 1.16). La conÞrmation du grand décalage spectral des objets sélectionnés par cette méthode, à l’aide d’observations spectroscopiques, montre un taux d’efficacité supérieur à 70 % (Steidel et al., 2003).
Cette approche de sélection photométrique multi-bandes n’est certes pas anci-enne, puisque elle fut utilisée historiquement par Baum (1957, 1962) aÞn d’évaluer le décalage spectral d’amas de galaxies distants. D’une manière plus générale, il est possible d’améliorer l’estimateur du décalage spectral en combinant des mesures de photométrie dans un nombre plus important de Þltres, couvrant un domaine spec-tral plus large. On regroupe ce genre d’études sous le terme générique de redshift photométrique. Il en existe deux approches principales :
Ð L’ajustement de la DSE observée à l’aide de spectres de référence. Ces derniers peuvent öetre issus d’observations ou de modèles synthétiques
Ð Un ajustement empirique d’une loi donnant une estimation du décalage spec-tral z÷(Ci) en fonction des couleurs Ci observées entre les Þltres successifs.
L’intéröet principal d’utiliser cette méthode est qu’elle est moins coöuteuse en temps d’observation que la spectroscopie, pour une möeme surface de champ. Cependant, la conÞrmation du décalage spectral nécessite d’observer un spectre complémen-taire des objets présélectionnés par des critères photométriques, sauf lorsque le taux de conÞrmation du critère photométrique s’est avéré très élevé (ce qui est le cas pour les LBGs).
Spectroscopie à fente
La majorité des spectrographes utilisent une ou plusieurs fentes, placées sur le chemin optique entre la source et l’observateur, qui permettent d’isoler une petite région du ciel dans le champ de vue au voisinage de chaque source à étudier. Ceci réduit fortement la contamination du spectre de l’objet par celle du ciel environ-nant : une fente plus étroite augmentera la capacité de séparer les raies d’émission atmosphériques qui limitent la sensitivité spectrale, notamment dans la partie rouge du visible et le proche-infrarouge où une résolution instrumentale de l’ordre de 2000 est nécessaire. Toutefois, le nombre de pixel correspondant à la largeur de la fente doit rester signiÞcatif, en vue d’échantillonner correctement l’intervalle Δ de la résolution instrumentale.
La conÞguration spectroscopique la plus simple est celle d’une fente longue, qui s’étend sur une des dimensions du champ de vue de l’instrument. Cependant, elle ne permet d’étudier simultanément qu’un ou deux objets spéciÞquement sélectionnés, pour des raisons évidentes d’alignement. Les instruments les plus performants possè-dent un mode de spectroscopie multi-objets (ou MOS) : un ensemble de fentes cour-tes placées chacune sur une source, en évitant le chevauchement des différents spec-tres sur l’image Þnale du détecteur. Chacun des ces objets peut öetre préalablement sélectionné dans le champ selon d’autres critères (par exemple de la photométrie multi-bandes). Cette capacité de multiplexage augmente l’efficacité des observations spectroscopiques par rapport à la fente longue, en permettant d’étudier un nombre typique de N 30 50 sources de manière simultanée.
Pour ce qui concerne la recherche d’objets distants, ces techniques visent princi-palement à mesurer la raie d’émission Lyman- . Pour les sources à décalage spectral modéré (z < 5) les plus brillantes, on peut aussi envisager la détection de cette möeme raie si elle est présente en absorption, ou celle de la cassure dans le continuum spectral due à la foröet Lyman- du cöoté bleu ( û < 1216 A). D’autres raies d’absorption métalliques, d’éléments comme le carbone ou le silicium, sont également observées dans le spectre des LBGs à ces décalages spectraux. EnÞn, si on se trouve en présence d’un noyau actif au cÏur de la galaxie, on peut voir apparaö’tre d’autres raies d’émission énergétiques, comme NV ou CIV . A l’avenir, on imagine également pouvoir détecter la raie de l’hélium He ii 1640 dans les objets primordiaux (de Population III, voir la section 1.2.1).
Filtres en bande étroite
Ce sont des Þltres dont la bande passante se situe dans des fenöetres atmosphéri-ques très étroites (de l’ordre de l’ordre de 100 ûA), pour lesquelles la sensitivité spectrale est beaucoup plus importante gröace aux faibles émissions des raies du ciel. Utilisés en photométrie, ils permettent de sélectionner des objets ayant un ßux anormalement élevé, par comparaison avec un Þltre en large bande dans le möeme domaine spectral, à cause de la présence d’une raie d’émission intense.
On déÞnit la largeur équivalente W d’une raie comme :
W = 1 d (1.48)
Δλ fc
où fλ est le ßux monochromatique de l’objet, fc la valeur moyenne du continuum ÒsousÓ la raie (estimée à partir des régions adjacentes), et Δ la plage de longueur d’onde contenant la raie d’émission. La largeur équivalente mesure donc l’intensité d’une raie en rapport à celle du continuum.
Les objets sélectionnés en comparant la photométrie dans un Þltre en bande étroite (dominée par le ßux dans la raie) avec celle d’un Þltre en large bande (dominée par la valeur fc) seront donc ceux ayant des largeurs équivalentes W les plus impor-tantes. L’identiÞcation d’une raie détectée dans un Þltre en bande étroite, et donc le décalage spectral correspondant, nécessite de connaö’tre d’autres mesures de la DSE, à cause des différentes origines possibles (Hα, Hβ, [OIII], Lyman- , …).
Cette technique a permis de découvrir beaucoup d’émetteurs Lyman- à grand décalage spectral, essentiellement dans les fenöetres atmosphériques correspondant à z 4.5, z 5.7 et z 6.5. A cause de l’étroitesse de la zone spectrale explorée, elle est généralement appliquée à des sondages couvrant une large région du ciel, comme le relevé Large-Area Lyman Alpha Survey (LALA) par Rhoads & Malhotra (2001); Rhoads et al. (2003), ou dans les recherches avec le télescope Subaru (Kodaira et al., 2003; Ajiki et al., 2003).
Des solutions hybrides ont été proposées par d’autres groupes, comme des com-binaisons de Þltres en bandes étroites dans le cas du Wide Field Imager Lyman-Alpha Search (WFILAS) (Westra et al., 2005), ou l’utilisation de Þltres de largeurs intermédiaires (Ajiki et al., 2004).
Spectroscopie IFU
Les instruments de spectroscopie intégrale de champ (ou IFUs) fournissent un spectre en chaque position d’un champ de vue (Figure 1.15, e). Ils explorent ainsi un cube complet dans l’espace ( , , ) : on parle également de spectroscopie 3D. Ce type d’instruments est très utile pour étude spectroscopique des objets en re-lation avec leur morphologie (visible sur les images). Ils sont relativement récents (le premier spectrographe intégral de champ a été lancé par Vanderriest (1980)) et beaucoup de projets sont en développement dans ce domaine.
La technique générale consiste à transformer le plan focal bidimensionnel, en reprojetant le signal mesuré le long d’une pseudo-fente en entrée d’un spectrographe classique, qui va produire un spectre sur le détecteur. Les deux approches les plus courantes utilisent :
Ð un réseau de Þbres optiques, chacune d’entre elles placée à une position ( , ) du plan focal.
Ð un découpeur de champ (image slicer) : un ensemble de miroirs sélectionnant une région rectiligne du plan focal (mini-fente) pour la réimager le long de la pseudo-fente du spectrographe. Autres techniques diverses
Plusieurs approches spéciÞques ont été mis en place par les groupes recherchant des objets distants, parmi lesquelles on peut citer :
Ð La suppression des raies de OH : aÞn de limiter la contamination des spectres par les raies d’émission du ciel dont les longueurs d’onde sont biens connues, cette technique consiste à Þltrer les zones correspondantes dans un spectre à très haute résolution, puis à le reconcentrer à plus basse résolution sur le détecteur. Elle est utilisée dans l’instrument COHSI (Piche et al., 1997).
Ð Les fenöetres multi-fentes : c’est une méthode hybride, qui combine la spectro-scopie multi-fentes et l’utilisation d’un Þltre en bande étroite. Elle permet de couvrir toute la surface du détecteur par des spectres non contaminés par les raies d’émission du ciel (Martin & Sawicki, 2004).
Ð Les grismes sur le télescope spatial : celui-ci n’étant pas inßuencé par l’émission atmosphérique, on peut y effectuer de la spectroscopie sans fente avec un grisme à basse résolution. Ce dispositif est mis en place sur la caméra ACS, et a permis notamment de conÞrmer la détection d’une surdensité de galaxies à z 6 dans le champ UDF (Malhotra et al., 2005).
Ð La recherche ciblée de sources autour d’un objet distant, notamment à prox-imité des quasars. En effet, les quasars sont généralement liés à des galaxies très massives, autour desquelles on s’attend à trouver une concentration plus importantes d’objets par effet de gravité. Cette méthode a été appliquée lors des premières tentatives recherchant des émetteurs Lyman- par Djorgovski et al. (1985), et aussi dans les premiers champs de recherche des LBGs (Steidel & Hamilton, 1992; Steidel et al., 1995)
Lentilles Gravitationnelles
Historique
Le phénomène de lentille gravitationnelle est un des effets prévus par la théorie de la Relativité Générale, selon lequel la trajectoire d’un rayon lumineux subit une déviation au cours de son passage à proximité d’une masse M. Cette déviation est liée à la modiÞcation de la courbure de l’espace-temps et par conséquent de la géométrie des géodésiques. L’angle de déßexion prédit par Einstein (1915a) est de : = 4GM (1.49) rc2 où r représente le paramètre d’impact du rayon lumineux par rapport à la position de la masse (Figure 1.17). L’expédition historique de Sir Arthur Eddington, au cours de l’éclipse de Soleil de 1919, permit de mesurer le déplacement des étoiles d’arrière-plan au voisinage du bord du disque solaire, et la valeur obtenue de 1.61Ó 1.98Ó (Eddington, 1919) apporta la première preuve expérimentale à la théorie d’Einstein.
La Relativité prédit en détail les différents effets de la masse déßectrice sur les objets situés en arrière-plan : les images de sources ainsi formées sont ampliÞées, déplacées, distordues, parfois multipliées, et subiront un décalage temporel.
Les possibles applications cosmologiques de ce phénomène furent mises en avant par Zwicky (1937a,b), à la suite de ses travaux sur la mesure de la masse de l’a-mas de Coma (voir la section 1.1.3). En effet, pour résoudre l’incertitude existant sur cette masse, il imaginait pouvoir effectuer la démarche inverse d’Eddington : à partir de la mesure de la déviation des sources, arriver à déduire une valeur de la masse déßectrice. En outre, il fut aussi le premier à percevoir l’avantage d’utiliser ces amas massifs comme des télescopes gravitationnels permettant de détecter des galaxies distantes au moyen de l’effet d’ampliÞcation.
Ce phénomène fut considéré comme une simple curiosité jusqu’à ses premières observations directes. Walsh et al. (1979) détectèrent deux images du möeme quasar, séparées de 6Ó, formées par une galaxie-lentille plus proche. Cette galaxie identiÞée peu de temps après (Stockton, 1980) conÞrma l’hypothèse d’un mirage gravitation-nel. Une nouvelle percée observationnelle eut lieu par la suite, avec la découverte des premiers arcs géants dans les amas de galaxies Abell 370, Abell 2218 et Cl2244-02 (Lynds & Petrosian, 1986; Soucail et al., 1987a,b), interprétés eux aussi comme des effets de lentille gravitationnelle gröace à la mesure du décalage spectral de l’arc d’Abell 370 situé à z = 0.724 (Soucail et al., 1988).
Le champ d’étude du lensing, selon sa dénomination anglaise, prit alors tout son essor, et constitue actuellement une technique utilisée dans de nombreux domaines de l’astrophysique et de la cosmologie. Selon le degré d’amplitude de ses effets on distingue :
Ð L’effet de lentille forte (strong lensing) : il correspond aux ampliÞcations les plus importantes, aboutissant parfois à la formation d’images multiples et d’arcs gravitationnels, notamment au cÏur des amas de galaxies. Son applica-tion principale est le télescope gravitationnel.
Ð L’effet de lentille faible (weak lensing) : il est mesuré de manière statistique sur l’ensemble des sources d’arrière-plan situées à de plus grandes distances de la masse déßectrice, et permet essentiellement d’étudier la distribution en masse de la (ou des) lentille(s).
Ð L’effet de micro-lentille (micro lensing) : il étudie le cas d’une source et d’une lentille compactes et permet notamment la recherche et la détection de ce type d’objets dans notre galaxie ou ses proches voisines.
Outre l’utilisation de l’ampliÞcation pour la recherche et l’étude de galaxies dis-tantes, qui fait l’objet de ce travail de thèse, on peut citer parmi les applications cosmologiques des lentilles gravitationnelles :
Ð L’évaluation de la masse pour différents types d’objets, de la proportion de matière noire et de sa distribution dans les amas de galaxies (Kneib et al., 2003).
Ð Les contraintes sur la valeur de la contante de Hubble H0, obtenues en mesurant les décalages temporels entre des images multiples d’une source variable (Courbin et al., 2002).
Ð La détermination des paramètres cosmologiques Ωm et ΩΛ en utilisant les po-sitions relatives des images multiples dans les amas lentilles (Golse et al., 2002; Soucail et al., 2004).
Table des matières
1 Notions théoriques utilisées
1.1 Cosmologie
1.1.1 Introduction
1.1.2 Principe cosmologique et Relativité Générale
1.1.3 Modèles d’Univers et Paramètres cosmologiques
1.1.4 Formation des premiers objets de l’Univers
1.1.5 Taux de formation stellaire cosmique – Fonction de Luminosité
1.2 Propriétés des galaxies à grand z
1.2.1 Distribution Spectrale d’Energie
1.2.2 Estimations de la densité numérique d’objets
1.2.3 La raie d’émission Lyman-!
1.2.4 Méthodes Observationnelles
1.3 Lentilles Gravitationnelles
1.3.1 Historique
1.3.2 Equation des lentilles
1.3.3 Propriétés de l’amplification
1.3.4 Cas des amas de galaxies
1.3.5 Etude des galaxies faibles et / ou distantes par effet de lentille forte
2 Emetteurs Lyman-! à 4.5 < z < 6.5 65
2.1 Introduction
2.2 Observation et réduction des données
2.2.1 Stratégie d’observation
2.2.2 Procédure de réduction des données spectroscopiques
2.2.3 Recherche et pré-identification des raies d’émission
2.2.4 Candidats obtenus
2.3 Bilan des observations
2.3.1 Relevé spectroscopiques de tous les objets identifiés
2.3.2 Identification du décalage spectral pour les objets extraits
2.3.3 Procédure utilisée pour la confirmation des candidats émetteurs Lyman-!
2.3.4 Bilan du relevé
2.3.5 Sources particulières
2.4 Fonction de luminosité Lyman-!
2.4.1 Calcul de l’amplification des sources d’arrière-plan
2.4.2 Mesure du covolume et de la sensitivité de l’étude
2.4.3 Contraintes sur la densité numérique d’émetteurs Lyman-! à 4.5 ! z ! 6.7
2.5 Discussion
3 Paramètres physiques des galaxies à grand z
3.1 Introduction
3.2 Etude d’une galaxie à z » 7 amplifiée par l’amas Abell 2218
3.2.1 Détection et configuration lensing
3.2.2 Données photométriques
3.2.3 Données spectroscopiques
3.2.4 Ajustement de la DSE par des modèles
3.2.5 Discussion
3.2.6 Propriétés physiques de cette source
3.3 Autres sources à z » 6 détectées par Spitzer
4 Sélection photométrique de galaxies à très grand z
4.1 Introduction
4.2 Simulations
4.2.1 Ingrédients pris en compte dans les simulations
4.2.2 Propriétés photométriques
4.2.3 Propriétés spectroscopiques
4.3 Observations et Réduction des données photométriques
4.3.1 Observations
4.3.2 Réductions de données “standard” dans le proche-infrarouge
4.3.3 Améliorations
4.3.4 Comparaison avec d’autres procédures de réduction
4.3.5 Réductions de données dans le visible
4.4 Photométrie
4.4.1 Alignement des images et astrométrie
4.4.2 Détections et mesures avec SExtractor
4.4.3 Evaluation des erreurs photométriques
4.4.4 Niveaux de complétude et taux de fausses détections
4.4.5 Diagrammes couleur-couleur
4.5 Sélection de candidats à grand z
4.5.1 Construction du catalogue d’objets non-détectés dans le visible
4.5.2 Discussion complémentaire sur la réalité des objets
4.5.3 Diagrammes couleur-couleur des objets sélectionnés
4.5.4 DSEs et redshifts photométriques
4.5.5 Sources particulières
4.5.6 Amplification des candidats
4.6 Observations et Réduction des données Spectroscopiques
4.6.1 Stratégie
4.6.2 Procédure de réduction
4.7 Interprétation des données spectroscopiques
4.7.1 Sources à faible décalage spectral
4.7.2 Sources potentielles à grand décalage spectral
4.8 Propriétés globales des candidats
4.8.1 Nombre de candidats
4.8.2 Corrections d’amplification
4.8.3 Abondance d’objets observés par rapport aux modèles
4.8.4 Fonction de Luminosité
4.8.5 Taux de formation stellaire cosmique
5 Discussion Générale
5.1 Comparaison des méthodes utilisées
5.2 Contraintes communes sur la réionisation
5.2.1 Présence de la raie Lyman-! à grand z
5.2.2 Taux de formation stellaire cosmique
5.2.3 Nature des sources ionisantes
6 Conclusions et Perspectives
6.1 Conclusions
6.2 Futurs développements instrumentaux
6.2.1 Domaine du proche-infrarouge
6.2.2 Autres domaines de longueur d’onde
6.3 Lensing, ou pas Lensing ?
Revues à comité de lecture
Comptes-rendus de conférences et colloques
Rapports techniques
Communiqués de presse
A Magnitudes et systèmes photométriques
A.1 Flux et magnitudes
A.1.1 Système de Véga
A.1.2 Système AB
A.1.3 Système ST
A.2 Erreurs photométriques, Couleurs
A.3 Magnitudes absolues
B Relevé spectroscopique autour des lignes critiques
C Développement du simulateur d’EMIR
C.1 Vue d’ensemble
C.2 Ingrédients des simulations
C.2.1 Propriétés physiques des sources
C.2.2 Fond de ciel et conditions d’oservations
C.2.3 Instrument
C.3 Interface utilisateur
C.4 Exemples de simulations
D Article Santos et al. 2004
E Article Kneib et al. 2004
F Article Egami et al. 2005
G Article Richard et al. 2003
H Article Pello et al. 2004a
I Article Richard et al. 2005
Liste des tableaux
Liste des figures
Bibliographie