EFFETS DE L’EMIGRATION SUR LA SCOLAISATION DES ENFANTS DES MENAGES D’ORIGINE

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Tendances de la migration interne et externe

D’une manière générale, les conditions climatiques et la situation socioéconomique du Mali (la désertification, la sécheresse, le manque d’emplois et le faible niveau de salaires) sont considérées comme les principales causes des migrations maliennes qui se manifestent suivant deux types en fonction des destinations : migration interne et migration internationale. Pour mieux saisir leur nature profonde, la présente section fait une analyse dynamique du phénomène migratoire à partir des données des différents RGPH 12 et de deux enquêtes d’envergure nationale ayant traité de façon assez détaillée des migrations à savoir l’EMOP en 2011 et l’EMMU en 1993. Elle est subdivisée en trois sous sections. La première s’intéresse aux migrations internes pendant que la seconde traite des migrations internationales et la troisième présente les caractéristiques des migrants actuels.

Les migrations internes

Définie comme un déplacement de la population à l’intérieur du territoire national pour une durée d’au moins six mois, la migration interne est généralement appréhendée par les enquêtes13 à l’aide de deux approches. La première compare, pour les personnes de nationalité malienne, leur lieu de naissance (région ou cercle) à celui de résidence actuelle. Il s’agit dans ce cas des migrants « durée de vie », c’est-à-dire des individus qui ont effectué une migration, à un moment donné de leur vie. La deuxième méthode consiste à comparer la résidence antérieure à l’intérieur du pays à la résidence actuelle. Dans le cas où une personne a effectué plusieurs changements de résidence, son épisode le plus récent de mobilité est appelé dernière migration qui peut être récente quand il a lieu au cours des cinq années précédentes ou lointaine dans le cas contraire.

La migration durée de vie

Le tableau 2 présente la répartition par région des individus qui sont enquêtés dans une autre région que celle de naissance et son évolution de 1976 à 2009. Il montre que l’effectif de la population résidente vivant en dehors de sa région de naissance a régulièrement augmenté en passant de 373 448 en 1976 à 1 357 384 en 2009, soit une hausse annuelle moyenne de 4,0 %. La migration interne est particulièrement dominée par l’exode rural, c’est-à-dire le déplacement de la population rurale vers le milieu urbain probablement sous l’effet des aléas climatiques. L’économie dans le milieu rural étant essentiellement basée sur l’agriculture pluviale, les conditions de vie sont donc étroitement liées aux exigences climatiques. C’est ainsi que le pays a enregistré depuis 1976 des déplacements non négligeables des ruraux se traduisant par une hausse continue de la proportion de la population urbaine (cf. dernière ligne du tableau 2)14. L’augmentation de la proportion de la population migrante entre 1976 et 1993 semble également indiquer un accroissement du phénomène au cours de cette période qui correspond à celle des déficits pluviométriques15. La proportion de la population résidant en dehors de sa région de naissance a légèrement baissé en 1998. Cette baisse pourrait s’expliquer d’une part par les retours amorcés suite au retour à la normale de la pluviométrie au milieu de la décennie 1990 et d’autre part par les nouvelles trajectoires migratoires orientées vers l’extérieur.
En 2009, 9,4 % de la population résidente ont été recensées en dehors de leur région de naissance, soit une hausse de 1,5 point de pourcentage par rapport à 1998. Contrairement aux années antérieures, cette augmentation de la population migrante ne s’est pas accompagnée d’une progression du taux d’urbanisation. Les migrations internes se seraient donc intensifiées à la fin des années 2000 en raison des sécheresses et des attaques des criquets mais cette fois du milieu rural vers d’autres zones rurales moins touchées par ces aléas.
Quelle que soit la période, en dehors de Bamako, les régions de Koulikoro, Sikasso et Ségou reçoivent les plus fortes proportions de personnes nées en dehors de leur région de résidence (au moins 5 %). Elle dépasse même le dixième de la population résidente en 2009 à Koulikoro. Il faut noter que ces trois régions sont les plus arrosées du pays et ont moins subi les effets des sécheresses récurrentes. La région de Kidal accueille une proportion non négligeable de personnes vivant en dehors de sa région de naissance. Elle croît même entre les deux recensements. Il s’agit probablement des fonctionnaires de l’administration déconcentrée et les travailleurs des Organisations Non Gouvernementales. La création de la région de Kidal, au début des années 1990, a nécessité l’ouverture des services de l’administration aussi bien dans la capitale régionale que dans les différents cercles dont le fonctionnement a exigé des mutations vers ces localités.
La comparaison de la région de résidence à celle de naissance ne permet pas d’appréhender les migrants internes de retour. La deuxième approche qui consiste à comparer la région de résidence actuelle et celle de résidence antérieure, permet de comptabiliser cette catégorie lorsqu’on considère également la région de naissance.

La migration interne de retour

L’effectif des migrants de retour a presque doublé durant la période intercensitaire 1998-2009 en passant de 137 000 à 262 000 (cf tableau 3). Ce sous ensemble de la population est majoritairement composé d’hommes aussi bien en 1998 qu’en 2009. La grande majorité des migrants de retour (près de deux tiers) réside en milieu urbain (cf. tableau A1 en annexe). Proportionnellement, ils ne représentent que 1,8 % de l’ensemble de la population résidente en 2009. Cette proportion est sensiblement égale à celle de 1998. Les hommes et les femmes sont concernés pratiquement dans les mêmes proportions par le phénomène des migrations de retour. Il en est de même pour le milieu de résidence. Par rapport aux régions, Ségou, Koulikoro et Mopti ont enregistré, en 2009, le pourcentage de migrants de retour dans la population résidente le plus élevé. Le retour au bercail est moins marqué dans les régions du Nord du pays, particulièrement à Gao et à Kidal. Aussi bien en 2009 qu’en 1998, les migrants de retour représentent au plus 1 % de la population résidente dans ces deux régions.
Une bonne majorité des migrants de retour résidait à Bamako. En effet, la capitale est la région de résidence antérieure de plus de 142 000 migrants de retour, soit 54,2 % de l’ensemble de cette catégorie de la population. Cette proportion a substantiellement augmenté par rapport à 1998 où elle est évaluée à 44,4 %. Ce qui suggère une accélération au cours de la période du processus de retour de la capitale vers les régions d’origine probablement du fait des difficultés de la vie quotidienne dans l’agglomération et la normalisation de la pluviométrie. Après Bamako, les régions de Ségou et Sikasso constituent les principaux pôles de résidence antérieure des migrants internes de retour avec respectivement 10,8 % et 9,8 % du sous groupe de population concernée.

La dernière migration interne

En 2009, le RGPH a enregistré 1 402 896 personnes dont la région de résidence antérieure était différente de celle actuelle. Il faut noter que cet effectif comprend à la fois les migrants de retour et les personnes qui vivent dans une région autre que celle de naissance. Il a connu une croissance annuelle moyenne de 3,0 % par rapport à 1998 où il était de 1 016 160 (cf. tableau 5). Quelle que soit la période, les derniers migrants représentaient le dixième de la population résidente. Près d’un tiers de la population du district avait changé de résidence avant le recensement. La capitale est suivie des régions de Koulikoro et Kidal où un habitant sur dix a effectué au moins une migration. Ces migrants sont moins nombreux au sein de la population dans les autres régions (entre 3,3 % à Gao et 6,6 % à Ségou).
Les derniers migrants sont proportionnellement plus nombreux en milieu urbain par rapport au milieu rural : plus d’un cinquième de la population urbaine a changé de résidence au moins une fois pendant qu’ils ne sont que 6,0 % au sein des ruraux, et ce quelle que soit la période.
L’analyse de la migration interne par comparaison des régions de naissance, résidence actuelle ou antérieure ne permet pas de rendre compte des mouvements à l’intérieur des différentes régions qui sont non négligeables. Pour la suite, nous considérons comme migrant toute personne ayant effectué un déplacement en dehors de son cercle. En 2011, l’EMOP a appréhendé la migration interne à travers la question suivante : « [NOM] a-t-il résidé dans une autre localité16 du Mali pendant plus de six mois ? ». Cette méthode permet de comptabiliser toutes les personnes qui ont connu, au moins une fois, une expérience migratoire à l’intérieur du pays. Les résultats montrent qu’en 2011, plus de trois millions d’individus avaient effectué un séjour de plus de six mois, au moins une fois, dans une autre localité du pays, soit 18,9 % de la population résidente. Il s’agit principalement des personnes qui vivent en dehors de leur lieu de naissance, des migrants internes de retour (c’est à dire ceux qui sont revenus à leur lieu de naissance après un séjour dans une autre localité du pays) et les migrants internationaux de retour mais qui ont également vécu une expérience migratoire à l’intérieur du pays.
Le RGPH 2009 a enregistré 22,5 % de résidents de 6 ans ou plus dont le cercle de résidence antérieure est différent du cercle de résidence actuelle. Cette proportion a connu une hausse de 10 points de pourcentage par rapport à 1998 où on n’avait dénombré que 12,5 %. Elle était de 19,9 % en 1993. En 2011, la population résidente de 6 ans ou plus ayant séjourné plus de six mois dans une autre localité du pays était estimée à 18,9 %. Ainsi, on note que d’une manière générale un cinquième de la population résidente a changé de résidence au moins une fois au cours de son existence.
La proportion des derniers migrants est plus importante pour le district de Bamako. Dans les régions de Ségou, Gao et Kayes, on enregistre plus d’un quart des résidents âgés de 6 ans ou plus dont les cercles de résidence actuelle et antérieure sont différents. La mobilité est plus fréquente au sein de la population urbaine où plus d’un tiers des individus de 6 ans ou plus ont changé de résidence en 1993. Il en est de même en 2009. Cette proportion était de 28,5 % en 1998. Par contre en 2011, on ne note pas de différence significative selon le milieu de résidence.
Dans l’ensemble, les derniers migrants effectuent généralement leurs déplacements en dehors de la région de tutelle de leur cercle. La proportion de migrants en dehors de la région varie entre 9,2 % et 14,4 % au cours de la période 1993 – 2011. Les personnes ayant au moins une expérience migratoire interne résident partout dans le pays avec cependant des disparités selon les régions. Le graphique 1 révèle que cette forme de la migration interne est plus prononcée dans les régions de Ségou, Mopti et Kidal où plus d’un cinquième des résidents a séjourné plus de six mois dans une autre localité du pays. Cette proportion est sensiblement égale quel que soit le milieu de résidence.

Les migrations internationales

Le Mali est un pays d’émigration par excellence. Cependant, il accueille depuis plus de deux décennies de plus en plus de personnes d’origine étrangère, provenant essentiellement des pays de la sous région ouest africaine. En 2009, le RGPH a dénombré près de 500 000 immigrés dont 56,5 % étaient originaires des quatre pays limitrophes que sont le Burkina Faso (20,1 %), la Côte d’Ivoire (16,9 %), la Guinée Conakry (14,9 %) et le Sénégal (4,6 %) (Cissé et Doumbia, 2012). Après avoir doublé entre les recensements de 1976 et 1998, la population étrangère résidant au Mali a triplé au cours de la période intercensitaire 1998 – 2009 (cf. graphique 2 ci-dessous). Cette hausse de la population immigrante sur le territoire malien pourrait s’expliquer par la stabilité que le pays a connue au cours de cette période pendant que l’instabilité politique et les conflits sévissaient dans plusieurs pays de l’Afrique de l’Ouest. Le Mali a ainsi accueilli des réfugiés en provenance des pays comme la Mauritanie (suite au conflit qui l’a opposé au Sénégal en 1989), la Côte d’Ivoire (suite à la crise politique à partir de 2002), la Sierra Leone (suite aux conflits internes au cours des années 1990). Selon le Haut-commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés, le Mali a accueilli en 2008 environ 6 000 réfugiés mauritaniens, surtout dans la région de Kayes, 2 000 réfugiés ivoiriens et 1 000 réfugiés sierra léonais (Ballo, 2009).
Par ailleurs, depuis le début des années 2000, le Mali est devenu un important espace de transit pour les migrants subsahariens souhaitant rejoindre l’Europe. Cette situation est favorisée par la position charnière du pays entre l’Afrique subsaharienne et le Maghreb et l’existence des conventions de libre circulation au sein de la CEDEAO et d’accords bilatéraux d’établissement et de circulation des personnes avec certains pays d’Afrique centrale et du Maghreb (Cameroun, Algérie et Maroc).
Malgré l’accroissement important de leur effectif, les immigrants représentent un faible pourcentage de la population résidente, probablement du fait de la forte croissance démographique consécutive au taux de fécondité toujours élevé au Mali. Après une baisse de 1,2 % en 1976 à 0,8 % en 1987, la proportion de la population étrangère a connu une hausse régulière pour atteindre 3,4 % en 2009 après 1,7 % en 1998.
En plus des étrangers établis, on dénombre également des Maliens qui, après un séjour de plus de six mois à l’extérieur, sont revenus s’installer au pays. Ils sont appelés migrants internationaux de retour.

Les migrants internationaux de retour

La proportion de Maliens qui résidaient antérieurement à l’étranger a augmenté de 1,5 point de pourcentage entre 1998 et 2011 (cf. tableau 6). Ce qui montre un accroissement de processus de retour des migrants maliens. Cette vague de retour s’explique principalement par l’instabilité politique et la montée de la xénophobie dans certains principaux pays d’accueil. Quelle que soit la période, la proportion de migrants de retour est plus élevée dans le district de Bamako où elle est passée de 4,4 % à 7,9 % de la population résidente. Ce résultat peut suggérer que certains migrants de retour choisissent de s’installer dans la capitale plutôt que de retourner dans leur localité d’origine. Selon les résultats de l’EMOP, 5,9 % de la population malienne avaient effectué au moins un séjour à l’extérieur. Cette proportion est plus élevée dans les régions de Mopti, Sikasso et Gao dont les migrations sont particulièrement orientées vers d’autres pays africains.
A côté des migrants de retour, on dénombre des personnes de nationalité malienne qui sont nées à l’extérieur. Elles représentent environ 2,0 % de la population résidente. Cette proportion n’a pas fondamentalement varié dans le temps. Toutes les régions accueillent des enfants issus de l’émigration. Cependant, la proportion est plus élevée dans le district de Bamako et ce quelle que soit la période.

Les migrants internationaux récents

En 2009, il a été dénombré plus de 108 000 personnes ayant quitté le pays pour s’installer à l’étranger au cours des cinq années précédant le recensement (INSTAT, RGPH 2009, nos calculs). Les pays africains restent les principales destinations des émigrés maliens : 72,3 % d’entre eux résident en Afrique dont 46,1 % pour les pays de l’Afrique de l’Ouest (tableau 8). Près d’un tiers des migrants s’est établi en Côte d’Ivoire qui reste le principal pays de destination malgré un fléchissement par rapport à 1993 où elle accueillait plus de la moitié (53,5 %) des émigrés internationaux maliens (RMMU, 1996). Ce pays est la destination de six émigrés sur dix originaires de Sikasso et Mopti. S’agissant de la France, elle accueille un migrant malien sur dix, particulièrement en provenance de Kayes et Bamako.

Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE I : MIGRATIONS ET TRANSFERTS : UN ETAT DES LIEUX
Introduction
1. Mesure des migrations au Mali
2. Tendances de la migration interne et externe
2.1 Les migrations internes
2.2 Les migrations internationales
2.3 Les émigrations actuelles (internes et internationales)
3. Caractéristiques des migrants internes et externes
4. Principales destinations des migrants internes et externes
5. Transferts et migration, montant et contribution aux conditions de vie
5.1. Mesure des transferts : méthodologie et montant
5.2 Contribution des transferts aux conditions de vie des ménages
Conclusion
REFERENCES
CHAPITRE II : EFFETS DE L’EMIGRATION SUR LA SCOLAISATION DES ENFANTS DES MENAGES D’ORIGINE
Introduction
1. Revue de la littérature
2. Description des données
3. Méthodologie
4. Analyse des résultats
Conclusion
REFERENCES
CHAPITRE III : EVALUATION DE L’IMPACT DE L’EMIGRATION SUR LA PRODUCTIVITE AGRICOLE
Introduction
1. Revue de la littérature
2. Sources des données
3. Migration et agriculture au Mali : une analyse descriptive
3.1. Migration et caractéristiques sociodémographiques des exploitations agricoles
3.2. Migration et techniques de production
3.3. Migration et production agricole
4. Modélisation et techniques d’estimation
4.1. Le cadre général du modèle
4.2. Description des variables
5. Estimation et analyse des résultats
Conclusion
REFERENCES
Annexe
CHAPITRE IV :LA MIGRATION DE RETOUR ACCROIT-ELLE LES CHANCES D’INSERTION SUR LE MARCHE DU TRAVAIL MALIEN ? UNE ANALYSE EMPIRIQUE A PARTIR DES DONNEES DE L’EMOP
Introduction
1. Revue de la littérature
2. Méthodologie et modèles économétriques
2.1 Méthode d’analyse de l’orientation sectorielle.
2.2 Méthodes d’analyse de l’impact de la migration sur des revenus.
3. Statistiques descriptives
3.1 Répartition spatiale des 15 ans ou plus suivant leur statut migratoire
3.2 Caractéristiques individuelles et statut migratoire
3.3 Situation dans l’emploi des migrants de retour
4. Résultats de l’analyse multivariée
4.1 Allocation sectorielle
4.2 L’impact de l’expérience migratoire sur les revenus d’activité
4.3 L’influence du statut migratoire sur les revenus d’activité par secteur d’activité.
REFERENCES
CONCLUSION GENERALE

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