LE DARWINISME DANS L’EPISTEMOLOGIE
DE KARL POPPER
Le darwinisme
Pour répondre aux questions posées en biologie sur l’histoire, l’origine et la diversité des espèces vivantes, plusieurs théories ont été proposées parmi lesquelles le darwinisme. Cette théorie montre que les espèces vivantes n’ont pas été crées indépendamment les unes des autres. Contrairement à la théorie fixiste qui fut l’une des premières réponses proposées, le darwinisme défend la thèse selon laquelle les espèces descendent d’un petit nombre de formes primitives qui a vécu dans un passé lointain. En se propageant dans divers endroits de la terre au cours des millions d’années, les descendants de ces formes primitives se sont diversifiés progressivement en accumulant des transformations successives ou adaptations qui les ont rendus aptes à des modes de vie particuliers. « On comprend facilement- déclare Darwin- qu’un naturaliste qui aborde l’étude de l’origine des espèces et qui observe les affinités mutuelles des êtres organisés, leurs rapports embryologiques, leur distribution géographique, leur succession géologique et d’autres faits analogues, en arrive à la conclusion que les espèces n’ont pas été créées indépendamment les unes des autres, mais que comme les variétés elles descendent d’autres espèces. » 2 Cette réponse de Darwin à la question de l’origine et de la diversité des espèces s’oppose radicalement à la conception fixiste et créationniste qui considère la nature tout entière comme une création de Dieu. C’est une conception d’un monde fixe, inchangé depuis sa création. Toutes les espèces sont immuables, figées, elles ne se modifient pas. Ce qui fait dire à Etienne Gilson en parlant du fixisme que : « Conformément à ce que veut la méthode de la théologie qui va de Dieu aux choses, on déduisait de la nature de Dieu ce que devait être celle des choses. Une cause divine immuable ne pouvait créer que du définitif. » 3 Cette doctrine fixiste qui croit à la permanence et à l’immutabilité des espèces s’appuie sur l’autorité de la Bible et a longtemps guidé les biologistes et les savants. Elle va cependant être profondément ébranlée par la théorie darwinienne de l’évolution des espèces. Nous ne devons toutefois pas perdre de vue que même avant Darwin, le fixisme a été timidement remis en cause par certaines thèses scientifiques qui soutiennent la transformation et l’évolution des espèces. C’est en somme un ensemble de théories transformistes qui voit dans la diversité du vivant, le résultat d’une évolution continue des espèces. Nous retiendrons parmi les théoriciens de ce courant transformiste, le plus représentatif d’entre eux, à savoir le chevalier de Lamarck Jean Baptiste de Monet (1744-1829), botaniste français qui énonce dans ses deux ouvrages principaux Philosophie zoologique (1809) et Histoire naturelle des animaux sans vertébrés (1829) la première théorie cohérente de l’évolution des espèces. Le botaniste français développe l’idée selon laquelle l’infinie variété des espèces résulte d’une évolution des êtres les plus simples considérés comme originales et appelées « infusoires » aux êtres les plus complexes, les mammifères. Dans cette échelle de l’évolution, l’homme occupe une place prééminente et constitue même l’aboutissement de l’évolution. Il faut dire dans ce cas que les organismes les plus simples cheminent tous vers la perfection humaine. Pour Lamarck, la nature exerce des modifications sur les espèces en suivant un plan général. Ce plan rend compte de la composition progressive du vivant. La réponse de Lamarck à la question de l’origine des espèces est la suivante : « La nature dans toutes ses opérations, ne pouvant procéder que graduellement n’a pu produire tous les animaux à la fois : elle n’a d’abord formé que les plus simples, et passant de ceux ci jusqu’aux plus composés, elle a étalé successivement, en eux différents systèmes d’organes particuliers, les a multipliés, en a augmenté de plu en plus l’énergie, et les cumulant dans les plus parfaits, elle a fait exister tous les animaux connus, avec l’organisation et les facultés que nous leur observons. Or, elle n’a rien fait absolument, ou elle a fait ainsi. » 4 La nature ne fait donc pas de sauts, elle suit un ordre. Les espèces se succèdent ainsi dans le temps grâce à une série de transformations successives qui va du plus simple vers le plus complexe. C’est un processus de complexification croissante. Ce processus de complexification est dû selon le botaniste français aux variations de l’environnement du milieu de vie des espèces qui influent sur leur forme et leur organisation. Lamarck propose deux mécanismes pour expliquer les transformations progressives des espèces.
Le facteur de l’adaptation des espèces à leur environnement
En réponse à des changements spécifiques de leur environnement, les espèces modifient leur forme, leur proportion et leur fonctionnement. Les modifications du milieu agissent directement sur les organismes et entraînent ainsi des changements dans la nature des besoins des espèces qui pour survivre, doivent s’adapter à ces nouvelles circonstances. Autrement dit, le changement du milieu met les espèces en face de nouveaux besoins, d’où le dérèglement des mécanismes de l’organisme qui entraîne la transformation. Les nouveaux besoins créent l’organe indispensable à l’adaptation. Ainsi, les organes qui sont souvent sollicités se développent progressivement tandis que ceux qui ne sont pas utilisés s’atrophient et peuvent même disparaître. Les habitudes forment donc une seconde nature. Pour résumer ce premier facteur qui est celui de l’adaptation on peut dire que les espèces animales et végétales se sont diversifiées dans leur 4 Lamarck, J B M., Histoire naturelle des animaux sans vertébrés Ed Baillière 1835 p.105 10 comportement comme dans leur anatomie en s’améliorant par adaptations successives à des changements de leur milieu de vie.
Le facteur de l’hérédité des caractères acquis
Ce facteur indique que les modifications acquises sous l’action du milieu si petites soient-elles, vont être transmises aux descendants. Les caractères acquis au cours de l’adaptation sont héréditaires. Ces deux facteurs sont illustrés par l’exemple de la girafe que Lamarck se plait souvent à citer : Au cours de son existence, une girafe fait l’effort de tendre le cou, afin d’atteindre les feuilles sur les arbres. Sous l’effet de cet effort, son cou s’allonge progressivement. Elle transmettra à ses descendants cette modification acquise au cours de son adaptation. Lamarck a eu le mérite d’avoir intégré de manière systématique l’idée d’évolution des espèces dans sa théorie. Il se démarque ainsi du courant fixiste qui était jusque là en vogue. Sa pensée reste cependant finaliste dans la mesure où toute adaptation peut être lue comme une finalité. Les organes naissent, se développent d’eux -mêmes afin de satisfaire aux besoins de l’organisme. Comme toute nouvelle théorie, la théorie lamarckienne de la transformation des espèces n’a pas manqué de susciter des critiques. Elle avait eu du mal à s’imposer parce que les biologistes de l’époque n’étaient pas préparés à comprendre et à accepter l’idée d’une évolution continue du vivant. En effet, le botaniste français fut sévèrement contesté par Cuvier qui rejeta en bloc ses thèses. Cependant, même si la théorie du chevalier de Lamarck n’a pas connu le succès qu’elle méritait à cette époque, elle a été par la suite d’un apport considérable dans le développement de la biologie Les thèses de Lamarck sur l’évolution vont être revues et corrigées par Charles Darwin qui élabore une théorie qui non seulement va réfuter un certain nombre d’idées émises par son prédécesseur mais apportera également une réponse plus complète à la thèse de l’évolution des espèces
La Théorie de l’évolution de Darwin
Charles Robert Darwin (Shrewsbury 1809- Down 1882 ) est un naturaliste anglais qui formula à la suite de Lamarck la théorie de l’évolution des espèces. Avec la publication de son ouvrage majeur L’origine des espèces, Charles Darwin opère une véritable révolution scientifique comparable du point de vue de sa portée à la révolution cosmologique opérée par Copernic. Jean Marc Drouin note à ce propos : « Darwin instaure un changement dans la pensée dont l’impact dépasse largement le seul champ de l’histoire naturelle. Par sa portée ce changement a pu être comparé d’une part à la révolution héliocentrique, liée aux noms de Copernic et de Galilée et d’autre part à la mise en scène de l’inconscient par la psychanalyse de Freud… » 5 Le voyage que Darwin a effectué sur le navire royal Le Beagle lui révèle l’extraordinaire richesse de la flore des côtes sud américaines. Aux îles Galapagos, Darwin constate une grande diversité des espèces. Il est étonnamment frappé par les différences à l’intérieur des espèces. Il remarque qu’une même espèce rencontrée sur plusieurs îles présente des différences notables. Le cas des Lézards par exemple qui sont parfois semblables et différents à la fois. Les iguanes marins et les iguanes terrestres sont deux variétés qui présentent les mêmes caractéristiques, les mêmes habitudes mais vivent dans des endroits différents. L’iguane terrestre grimpe dans les arbres tandis que l’iguane marin vit sous l’eau. Il observe également qu’il y a moins d’espèces d’oiseaux sur les îles que sur les continents, ce qui de son avis a peut être pu favoriser le développement particulier de certaines des rares espèces qui existent sur ces îles. Il cite l’exemple des pinsons dont les becs s’adaptent à différentes sortes de nourriture suivant les endroits où ils se trouvent. Certains sont insectivores et d’autres végétariens. Darwin énumère plusieurs faits manifestes qui attestent que les espèces varient et se modifient. Ces observations le conduisent à abandonner le fixisme et à croire fermement que les espèces ne sont pas des entités figées, créées séparément. Elles se transforment et évoluent. Il déclare dans une lettre adressée à son ami Joseph Hooker : « Je suis presque convaincu (tout à fait contrairement à mon opinion de départ) que les espèces ne sont pas (et c’est comme si j’avouais un crime) immuables. » 6 Cet aveu de Darwin suscita de vives réactions de la part des représentants de l’Eglise et même d’une certaine partie de la communauté scientifique de son époque qui ne pouvait pas concevoir l’idée d’une transformation des espèces. Cependant précise Etienne Gilson : « Il y a chez Darwin savant un propagandiste chargé par sa propre conscience de délivrer les hommes d’une erreur nuisible. N’ayant jamais douté de la vérité littérale du récit de la genèse, il fut effrayé de se trouver lui-même en présence de sa nouvelle idée. Un monde s’effondrait, dans son esprit, sous la poussée de son esprit. Beaucoup de ceux qui jugent aujourd’hui que son inquiétude était sans objet, auraient sans doute alors partagé sa crainte. […] Du moins Darwin eut-il le courage d’accepter sa propre idée avec toutes ses conséquences » 7 Une des conséquences de cette idée d’évolution des espèces, c’est comme nous le verrons au cours de notre réflexion l’élimination de la nécessité d’un Dieu, gérant tous les êtres vivants. Le vivant n’émane pas d’un sujet transcendant selon Darwin. L’infinie diversité des espèces n’est due qu’à la sélection des formes des individus qui s’adaptent le mieux à leur milieu de vie. Examinons à présent comment fonctionne le mécanisme de cette sélection qui s’effectue dans la nature.
La Sélection naturelle
Pour comprendre le processus par lequel s’opère la transformation et l’évolution des espèces chez Darwin il est sans doute essentiel et même nécessaire de comprendre sa théorie de la sélection naturelle. Les principes de base de cette théorie sont définis dans son ouvrage, De l’origine des espèces par la sélection naturelle ou des Lois de transformation des êtres organisés. Darwin y montre que les conditions extérieures telles que le climat, la nourriture etc., ne sont pas- comme le suggèrent certains naturalistes en particulier Lamarck- les seules causes possibles de la transformation des espèces. Il y a de l’avis du biologiste anglais un autre mécanisme qui explique plus clairement le processus de transformation : c’est nous dit Darwin la concurrence qui s’effectue entre les espèces. «Quand nous allons du sud au nord, ou que nous passons d’une région humide à une région desséchée, nous remarquons toujours que certaines espèces deviennent de plus en plus rares et finissent par disparaître ; le changement du climat frappant nos sens, nous sommes tout disposés à attribuer cette disparition à son action directe. Or, cela n’est point exact : nous oublions que chaque espèce, dans les endroits mêmes où elle est la plus abondante éprouve constamment de grandes pertes à certains moments de son existence, pertes qui lui infligent des ennemis ou des concurrents pour le même habitat et pour la même nourriture. Or, si ses ennemis ou ses concurrents sont favorisés si peu que ce soit par une légère variation du climat, leur nombre s’accroît considérablement, et comme chaque district contient déjà autant d’habitat qu’il peut en nourrir, les autres espèces doivent diminuer » 8 8 Daewin C., op cit P. 118 14 En d’autres termes, les espèces animales et végétales sont engagées selon Darwin dans une lutte pour l’existence, cette lutte joue un rôle de sélecteur qui préserve les variations avantageuses à l’organisme qui se trouve dans des conditions changeantes du milieu de vie. Cette sélection ajoute Darwin, répétée sur un grand nombre de générations, aboutit à la production de nouvelles formes chez certaines espèces qui ont réussi à survivre dans la lutte pour la vie. Il faut savoir que le natif de Shrewsbury admet certes comme Lamarck le rôle qu’exerce l’action du milieu dans la modification des espèces, mais il précise bien que la cause véritable du changement des espèces est la sélection naturelle, qui préserve les variations profitables qui se conservent et se perpétuent par l’espèce qui les porte. Les variations spontanées ne sont conservées donc que lorsqu’elles sont utiles à l’individu. « J’ai donné le nom de sélection naturelle – écrit Darwin – à cette conservation des différences et des variations individuelles favorables et à cette élimination des variations nuisibles. » 9 Pour forger sa théorie de la sélection naturelle, Darwin part d’abord de la sélection artificielle pratiquée par les horticulteurs et les éleveurs. Il conçoit la sélection naturelle comme analogue à la sélection artificielle au moyen de laquelle l’horticulteur ou l’éleveur obtient des variétés d’espèces en faisant des croisements de couples d’après certaines méthodes scientifiques pour diversifier et améliorer à l’infini les types d’espèces. Citons encore Darwin : « On peut donner le nom de différences individuelles aux différences nombreuses et légères qui se présentent chez les descendants de mêmes parents, ou auxquelles on peut assigner cette cause, parce qu’on les observe chez des individus de la même espèce habitant une localité restreinte. (…) Ces différences individuelles ont pour nous la plus haute importance, car elles fournissent des matériaux sur lesquelles peut agir la sélection naturelle et qu’elle peut accumuler de la même 9 Darwin C., Op cit p.30 15 façon que l’homme accumule dans une direction donnée, les différences individuelles de ses produits domestiques. » 10 Ceci signifie pour Darwin que l’éleveur ou l’horticulteur sélectionne les espèces en vue d’un objectif déterminé, le seul critère qui le guide c’est celui de l’utilité. Alors que la nature soutient Darwin n’a ni critère ni projet, elle procède aveuglément. Darwin s’oppose fermement sur ce point à Lamarck et à tous les naturalistes qui voient une finalité dans la nature. Il affirme avec vigueur que les variations qui adviennent chez les espèces – le fait que telle girafe ait le cou plus long que telle autre – sont dues au hasard. Seul le hasard crée l’avantage pour la survie des espèces. C’est dire que le biologiste anglais récuse tout anthropomorphisation de la nature qui est seulement une force qui agit de manière inconsciente. « Que les éleveurs mettent à profit certaines variations spontanées et les favorisent pour obtenir une nouvelle variété c’est un fait et même un fait intelligible. Dans l’élevage, il y a un sélectionneur conscient opérant un choix intentionnel dont l’obtention d’une nouvelle variété est la fin, the end. C’est le triomphe de la finalité. Au contraire, la sélection naturelle ne comporte pas de sélectionneur. » 11 Le modèle évolutionniste de Darwin est de ce point de vue un modèle essentiellement probabiliste et mécaniste. Le rôle accordé au hasard dans l’explication du phénomène de l’évolution des espèces de Darwin n’est pas accepté par certains biologistes qui défendent des positions fixistes et créationnistes, selon lesquelles les espèces ont toujours été semblables à ce qu’elles sont et qu’il est impossible de penser le vivant sans la notion de finalité. C’est par exemple le cas de Michael Denton, généticien néocréationniste qui pense que l’on ne peut pas se passer de la finalité dans l’explication de la complexité du vivant. On ne peut pas attribuer au hasard ce qui advient dans la nature. Le vivant offre un spectacle extraordinaire de perfection, il a donc été nécessairement créé. Deux ans après son retour de voyage sur le beagle, Darwin découvre l’ouvrage de l’économiste anglais Thomas Malthus (1766-1834). La lecture de cet ouvrage qui a pour titre, Essai sur le principe de la population lui permet comme il le dit de mieux asseoir sa théorie de la sélection naturelle. Dans cet ouvrage, Malthus développe une théorie économique basée sur le fait que la croissance démographique est en théorie exponentielle en fonction du temps. Par contre, la croissance des ressources est limitée. Autrement dit, les ressources disponibles sont en deçà de la population. Ce qui se traduit par des crises de famines et seule une minorité des êtres qui naissent aura la chance d’atteindre l’âge de procréer et de se reproduire. Voilà pourquoi Malthus préconise de laisser les pauvres à leur sort pour éviter leur multiplication qui est un frein au progrès social. Darwin produit le même raisonnement pour les populations animales et végétales. Les individus au sein d’une population sont non seulement en compétition pour s’approprier les ressources mais, ils doivent aussi affronter les conditions de leur milieu de vie. Les individus les plus aptes dans ces conditions sont ceux qui ont un avantage même léger par rapport aux autres. Cet avantage permet aux individus qui en bénéficient de se reproduire et de survivre. Alors que le plus grand nombre disparaît sans descendance. « C’est la doctrine de Malthus appliquée à tout le règne animal et à tout le règne végétal. Comme il naît beaucoup plus d’individus de chaque espèce qu’il n’en peut survivre; comme ,en conséquence, la lutte pour l’existence se renouvelle à chaque instant, il s’ensuit que tout être qui varie quelque peu que ce soit de façon qui lui est profitable a une plus grande chance de survivre. Cet être est ainsi l’objet d’une sélection naturelle. En vertu du principe si puissant de l’hérédité, toute variété objet de la sélection tendra à propager sa nouvelle forme modifiée. » Voilà, en somme, comment Darwin explique le phénomène de la sélection naturelle qui est le processus par lequel se fait la sélection des individus les plus aptes à la reproduction. Darwin ajoute à la sélection naturelle, la sélection sexuelle qui intervient aussi pour conserver les variations favorables. Selon Darwin, dans la plupart des espèces animales, les femelles sélectionnent les mâles les plus vigoureux et les plus aptes à fournir une grande progéniture. La sélection sexuelle s’opère sur des attributs morphologiques portés par les mâles. Elle est moins rigoureuse que la sélection naturelle car elle n’entraîne pas la disparition des mâles, les moins forts ont moins de descendants tandis que les plus forts, sont plus aptes à se reproduire. Cette référence explicite de Darwin à la doctrine malthusienne a été comme nous l’avons noté précédemment à l’origine de nombreuses interprétations qui ont contribué à dénaturer la pensée de Darwin et à mettre ainsi moins en relief ses thèses originales. C’est le cas par exemple de certaines idéologies racistes qui ont eu une compréhension erronée des idées darwiniennes. Nous pouvons citer parmi ces idéologies le darwinisme social qui est un puissant mouvement intellectuel né vers la deuxième moitié du dix neuvième siècle. Ce courant idéologique prôné par Herbert Spencer récupère les théories de Darwin pour les appliquer aux relations sociales entre les individus d’une même société. La survivance du plus apte et son triomphe sont les idées forces de la théorie de Spencer. Défenseur du Libéralisme de son époque, il soutient la thèse selon laquelle les richesses de la classe dominante résultent du fait que les hommes qui composent cette classe ont été sélectionnés pour occuper leur position, de par leurs aptitudes personnelles. Par conséquent, il voit comme Malthus, inutile et même nuisible de secourir et de soutenir les individus qui sont socialement défavorisés qui représentent un handicap à l’évolution de la société.
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