Physique et modélisation de la turbulence dans les modèles atmosphériques
Quelle turbulence sur les bords des nuages convectifs ?
Dans cette section, nous présentons brièvement ce qu’est la turbulence puis nous nous intéressons à la façon dont elle est paramétrisée dans les modèles atmosphériques. Les limitations des paramétrisations les plus courantes dans les nuages convectifs aux plus nes résolutions de la méso-échelle sont exposées. Pour nir, certaines approches alternatives sont introduites.
La turbulence
Un écoulement turbulent est déni comme un écoulement présentant en tout point un caractère tourbillonnaire. La turbulence, de son côté, est décrite comme la part du mouvement qui contribue au caractère chaotique, désordonné d’un écoulement. Elle possède une propriété de mélange qui se manifeste par une forte difusion des quantités transportées. Statistiquement, la turbulence transfère l’énergie des grandes échelles vers les petites échelles et cette énergie cinétique se dissipe sous forme de chaleur lorsque les tourbillons deviennent assez petits. La turbulence peut être dénie en fonction des variations spatiales de quantités d’intérêt ou en fonction de leurs variations temporelles ce qui peut revenir au même sous certaines conditions (hypothèse d’ergodicité).
Les écoulement turbulents sont fréquemment étudiés en utilisant des lois de similitudes ce qui signie que les équations sont adimensionnées en divisant par des grandeurs caractéristiques propres à l’écoulement (taille, vitesse …). Le but est de pouvoir les appliquer à n’importe quelles échelles et à n’importe quel type de uide en considérant que seules les grandeurs caractéristiques qui ont servi à adimensionner changent. Des nombres sans dimension informant sur la nature des écoulements naissent des lois de similitudes. Le nombre de Reynolds donné par Re = V D ν est calculé en effectuant le rapport des forces d’inertie aux forces visqueuses où V est la vitesse de l’écoulement, D sa dimension caractéristique et ν sa viscosité cinématique.
Un nombre de Reynolds élevé indique que l’écoulement est fortement turbulent. Dans l’atmosphère, on considère généralement qu’un écoulement est laminaire lorsque son nombre de Reynolds est inférieur à 1000. La turbulence atmosphérique se produit sur des échelles spatiales allant du micromètre à plusieurs kilomètres. La zone de l’atmosphère dans laquelle la production de turbulence est la plus importante est la couche limite.
Elle est composée des quelques kilomètres les plus proches du sol qui sont directement impactés par la présence de la surface terrestre ou maritime. Les phénomènes convectifs sont le siège de mouvements turbulents diciles à modéliser. Historiquement, la recherche en modélisation de la turbulence atmosphérique s’est principalement concentrée sur la couche limite atmosphérique laissant de côté la convection nuageuse qui était paramétrisée. Cela signifie qu’elle n’était pas résolue par le modèle et qu’elle était représentée par des relations qui font intervenir les grandeurs résolues.
Avec l’augmentation de la puissance de calcul, les modèles opérationnels de prévision du temps à ne échelle commencent à résoudre explicitement la convection ce qui justifie un travail d’amélioration des paramétrisations de la turbulence au sein des nuages convectifs. D’autres phénomènes météorologiques peuvent générer de la turbulence au dessus de la couche limite avec notamment la turbulence en ciel clair associée au déferlement d’ondes orographiques, aux forts cisaillements de vent dus aux courants jets ou au voisinage des enclumes des cumulonimbus.
La cascade d’énergie
La théorie de la cascade d’énergie a été imaginée par Richardson (1922) avant d’être formalisée par les travaux du mathématicien russe Kolmogorov (1941). Elle postule qu’entre l’échelle à laquelle les tourbillons dépendent de la forme de l’écoulement et l’échelle à laquelle les effets visqueux équilibrent les effets d’inertie, l’énergie des grands tourbillons est transmise vers des tourbillons plus petits avec un taux de transfert constant. La limite supérieure de la cascade d’énergie dépend du phénomène étudié. Elle correspond aux échelles d’injection de l’énergie cinétique turbulente.
Le sommet du pic de micro-échelle du spectre de Van der Hoven (1957) (présenté plus loin) correspond aux échelles auxquelles l’énergie cinétique turbulente cesse d’être injectée et commence à se propager vers des échelles plus petites. La limite inférieure de la cascade d’énergie appelée « échelle de Kolmogorov », correspond à l’échelle à laquelle les effets visqueux équilibrent les effets d’inertie : η = (ν ) 1 3 = L Re 3 4 (1.1) où = U3 L est le taux de dissipation par unité de masse, L est la taille caractéristique de l’écoulement et U est sa vitesse caractéristique. L’ensemble des échelles sur lesquelles la cascade d’énergie existe est appelée la « zone inertielle ». Kolmogorov (1941) décrit les transferts d’énergie dans la zone inertielle par la loi de puissance suivante : E ∝ 2/3 k −5/3 (1.2) où k est le nombre d’onde. Une pente en − 5 3 apparait donc sur les spectres d’énergie cinétique (Figure 1.1). Le modèle de Kolmogorov (1941) suppose l’homogénéité locale des taux de dissipation turbulente qui n’est pas toujours vérifiée.
On parle d’intermittence lorsque ce n’est pas le cas. Des modèles de cascade d’énergie plus aboutis ont été mis en place an de prendre en compte les uctuations spatiales et temporelles des transferts d’énergie par la turbulence. Figure 1.1 Spectre d’énergie cinétique en fonction du nombre d’onde k (m−1 ) illustrant la cascade d’énergie de Kolmogorov avec les échelles d’injection et de dissipation de l’énergie et la zone inertielle où le taux de transfert d’énergie suit une loi en −5/3. Tiré de Guermond et al. (2004).
Paramétrisation de la turbulence dans les modèles atmosphériques
Les modèles météorologiques résolvent les équations d’évolution de l’atmosphère sur un maillage discret. La troncature qui est effectuée par la discrétisation revient à appliquer un filtre passe-haut ce qui signie qu’une partie des phénomènes n’est pas modélisée. On tente donc, en se basant sur des considérations physiques ou numériques, d’ajouter une correction qui atténue l’erreur commise (une paramétrisation). Dans cette section, nous verrons de quelle façon on fait apparaitre des termes correspondant aux contributions des mouvements non résolus. Nous verrons ensuite quelles méthodes sont couramment employées pour les paramétriser puis nous présenterons les limitations de ces méthodes dans le cas d’une application aux nuages convectifs aux résolutions actuelles des modèles de ne échelle.
Enn, une paramétrisation pouvant servir d’alternative à l’approche classique est introduite. Équations d’évolution de l’atmosphère Dans les modèles météorologiques, des approximations sont fréquemment eectuées an de supprimer la contribution des ondes acoustiques qui sont contraignantes à modéliser. L’approximation de Boussinesq, qui consiste à considérer que la masse volumique est approximativement constante et que les écarts aux prols de références sont petits devant les variables de référence, est souvent utilisée en mécanique des uides mais elle est mal adaptée à la modélisation de la convection profonde. Les modèles de méso-échelle lui préfèrent donc d’autres approximations dont l’approximation anélastique qui consiste à considérer que les variations de la masse volumique avec le temps et sur l’horizontale sont petites devant ses variations avec l’altitude.
Les équations obtenues sous l’approximation de Boussinesq serviront ici d’exemple. Sous cette approximation, les équations qui régissent la dynamique de l’atmosphère sont les sui7/256 Chapitre 1. État de l’art vantes : ∂uj ∂xj = 0 ∂ui ∂t + uj ∂ui ∂xj = − 1 ρref ∂p00 ∂xi + δi3 g θvref θ 00 v − 2ijkΩjuk + ν ∂ 2ui ∂xj∂xj ∂θl ∂t + uj ∂θl ∂xj = Sθ + νθ ∂ 2 θl ∂xj∂xj ∂rnp ∂t + uj ∂rnp ∂xj = Sr + νr ∂ 2 rnp ∂xj∂xj (1.3) où la convention d’Einstein est appliquée pour les indices répétés. p 00 et θ 00 v correspondent aux écarts à la pression hydrostatique et au prol vertical de référence en température potentielle virtuelle, ui est la i-ème composante du vent, ν, νθ et νr sont la viscosité cinématique, la conductivité thermique et le coecient de diusion moléculaire pour l’eau non précipitante. Sθ et Sr sont les termes sources pour la température potentielle liquide et l’eau totale non précipitante, Ωj est la j-ème composante de la vitesse angulaire de la rotation terrestre et ijk est le symbole de Levi-Civita.
Ces équations sont respectivement dérivées de l’équation de conservation de la masse, de l’équation de la conservation de la quantité de mouvement, de l’équation de conservation de la température potentielle liquide (θl) et de l’équation de conservation du rapport de mélange en eau totale non précipitante (rnp). L’annexe A présente les variables thermodynamiques qui sont utilisées dans la thèse. Filtrage des équations Avant de résoudre les équations d’évolution de l’atmosphère sur un maillage discret, une opération de ltrage leur est appliquée. Le ltrage des équations permet d’étudier des variables moyennées sur les mailles introduites pour la numérisation et de contrôler l’erreur due à la discrétisation en faisant apparaitre les termes qui correspondent aux effets des processus ltrés. L’impact des transports turbulents sur les échelles résolues apparait dans les équations sous la forme de variances et de covariances auxquelles il est ensuite possible d’assigner des expressions.
La méthode de ltrage la plus simple consiste à appliquer une moyenne de Reynolds aux variables sur le volume d’une maille. Celle-ci n’est rigoureuse que dans le cas d’une nette séparation d’échelles entre les processus résolus et les processus sous-maille mais elle sera utilisée pour l’exemple. Si l’on dénit les uctuations d’une variables aléatoire f comme f 0 = f − f, la moyenne de Reynolds obéit aux axiomes de Reynolds qui sont les règles suivantes : 1. Linéarité a + b = a + b Ca = Ca C = C (1.4) 2. Commutativité avec les opérateurs de dérivation et d’intégration ∂a ∂s = ∂a ∂s Z ads = Z ads (1.5) 3. Indempotence généralisée (et ses implications) ab = ab a = a a 0 = 0 ab = ab ab0 = 0 ab = ab + a 0b 0 (1.6) Physique et modélisation de la turbulence dans les modèles atmosphériques où a et b sont deux variables aléatoires et C est une constante.
On obtient une version ltrée des équations qui régissent l’état de l’atmosphère en écrivant chaque variable comme la somme de sa moyenne et de ses uctuations au sein d’une maille avant d’appliquer la moyenne de Reynolds à l’ensemble des équations. ∂ui ∂xi = 0 ∂ui ∂t + ∂uiuj ∂xj = − 1 ρref ∂p 00 ∂xi + δi3 g θvref θ 00 v − 2ijkΩjuk + ν ∂ 2ui ∂xj∂xj − ∂u 0 i u 0 j ∂xj ∂θl ∂t + ∂ujθl ∂xj = Sθ + νθ ∂ 2 θl ∂xj∂xj − ∂θ 0 l u 0 j ∂xj ∂rnp ∂t + ∂ujrnp ∂xj = Sr + νr ∂ 2 rnp ∂xj∂xj − ∂r 0 npu 0 j ∂xj (1.7) où les processus sous-maille sont décrits par les dérivées spatiales des moments d’ordre deux : τij = u 0 i u 0 j , τis = u 0 j s 0 où s = θl ou rnp. On distingue six ux thermodynamiques qui sont les transports turbulents de température et d’humidité suivant les trois directions d’espace, trois variances dynamiques qui représentent l’eet qu’a une uctuation de vent sur elle-même et trois covariances dynamiques qui représentent les interactions entre les uctuations suivant les diérentes directions d’espace.
La somme des trois variances dynamiques donne l’énergie cinétique turbulente sous-maille ou TKE e = 1 2 (u 02 + v 02 + w02) qui est souvent étudiée dans la caractérisation des écoulements turbulents. Il est possible d’obtenir les équations d’évolution des moments d’ordre 2 à partir des équations d’évolution des uctuations (Cheng et al., 2002). Celles-ci font intervenir des moments d’ordre 3 dont les équations d’évolution font elles-même intervenir les moments d’ordre 4 et ainsi de suite. Le système peut être fermé à n’importe quel ordre mais plus ce dernier est élevé, plus le nombre d’équations à résoudre devient grand et plus le nombre de variables à paramétriser devient important. En conséquence, peu d’études se sont intéressées aux équations d’évolution des moments d’ordre supérieur à 3.
L’équation pronostique de la TKE, résolue dans le modèle Méso-NH, est présentée ici en tant qu’exemple d’équation d’évolution des moments d’ordre 2 : ∂ ∂t(e) + uk ∂ ∂xk (e) = − ∂ ∂xk eu0 k − 1 ρ0 u 0 k ∂p0 k ∂xk + ν ∂ 2 e ∂xk∂xk + g θvref u 0 3 θ 0 v − u 0 k u 0 l ∂uk ∂xl − 2ν ∂u0 k ∂xk ∂u0 k ∂xk (1.8) Les termes intervenant dans cette équation sont, dans l’ordre : 1. Le terme de variabilité temporelle de la TKE 2. Le terme d’advection qui correspond au transport de la TKE par le vent moyen 3. Le terme de transport turbulent qui correspond au transport de la TKE par la turbulence 4. Le terme de presso-corrélation qui correspond au transport de la TKE par les uctuations de pression 5. La diusion moléculaire qui est souvent négligée 6. La production thermique qui correspond à la production de TKE par les effets de ottabilité 9/256 Chapitre 1. État de l’art 7. La production dynamique qui correspond à la production de TKE par interaction entre la turbulence et le cisaillement de vent moyen 8.
Le terme de dissipation visqueuse (noté ) Le terme de transport turbulent est un moment d’ordre 3 et le terme de presso-corrélation et le terme de dissipation sont inconnus. Si l’on veut conserver uniquement des moments d’ordre 2, des paramétrisations doivent être introduites pour fermer le système. Les autres équations d’évolution des moments d’ordre 2 font apparaitre les mêmes termes avec un terme supplémentaire pour la force de Coriolis dans les expressions des ux turbulents (qui n’apparait pas dans les expressions des variances).
Fermeture des équations ltrées a. Fermeture à l’ordre 1 et paramétrisation de Smagorinsky Historiquement, des expressions pour les ux turbulents ont d’abord été obtenues en faisant une analogie entre la diusion turbulente et la diusion visqueuse de façon à relier ces derniers aux gradients des variables résolues (Boussinesq, 1877). Cette analogie est intuitive dans le cas des modèles numériques où la turbulence est supposée lisser les gradients des grandeurs résolues. u 0 i u 0 j = −2KmSij u 0 i θ 0 l = −Kθ ∂θl ∂xi u 0 i r 0 np = −Kr ∂rnp ∂xi (1.9) où Sij = 1 2 ( ∂ui ∂xj + ∂uj ∂xi ) est le tenseur des taux de déformation pour les mouvements ltrés et K, Kθ et Kr sont des coecients dits « de viscosité turbulente » qui sont à exprimer en fonction des variables du modèle. Dans le cas de la diusion moléculaire, le coecient de viscosité est communément approximé par le produit de la vitesse quadratique moyenne des molécules et du libre parcours moyen qui est la distance moyenne que les molécules vont parcourir avant d’être stoppées.
Cette approximation du coecient de viscosité se généralise au cas des écoulements turbulents homogène et isotrope en eectuant l’hypothèse qu’il existe une « longueur de mélange » (L) qui représente pour les parcelles d’air ce que le libre parcours moyen est aux molécules. Dans ce cas, L représente la taille caractéristique des tourbillons et la vitesse quadratique moyenne des parcelles s’écrit comme la racine carrée de la TKE. Dans l’atmosphère, les coecients de diusivité peuvent être approximés via le raisonnement suivant (Prandtl, 1925) : la perturbation d’une grandeur s pour une parcelle subissant un léger déplacement vertical sur une distance l dans un environnement homogène s’écrit : s 0 = s(z) − s(z + l) ≈ −l ∂s ∂z (1.10) En moyennant le produit de cette équation par la perturbation de vitesse ω, on obtient : ωs0 = −ωl ∂s ∂z (1.11) L’hypothèse d’isotropie permet ensuite de relier ω aux diérentes composantes du vent.
Le produit L √ e peut être retrouvé dans un cas plus général en simpliant les équations des moments d’ordre 2 sous certaines hypothèses (Lilly, 1966; Wyngaard, 2004) ce qui mène à l’écriture suivante des coecients de diusivité turbulente : Km = 2 3Cpv L √ e Kθ = 2 3Cpθ L √ e Kr = 2 3Cpr L √ e (1.12) où Cpv, Cpθ et Cpr sont des constantes. A ce stade, la longueur de mélange et l’énergie cinétique turbulente restent inconnues. De nombreuses formulations existent pour L. Ici, nous présenterons celles qui sont utilisées dans le modèle Méso-NH.
En régime LES, les tourbillons les plus énergétiques sont les plus grands tourbillons sousmaille et on peut considérer qu’ils ont une échelle caractéristique comparable à la taille de la maille. On utilise couramment la longueur de mélange de Deardor (1980) qui est égale à la taille de la maille limitée par la stabilité : L = min( p3 ∆x∆y∆z, 0.76r e N2 ) (1.13) où N est la fréquence de Brunt-Vaisälä. A méso-échelle, la version 1D de Méso-NH utilise la longueur de mélange de Bougeault and Lacarrere (1989) qui est égale à la distance qu’une parcelle peut théoriquement parcourir vers le haut (lup) ou vers le bas (ldown) avant d’être stoppée par les effets de ottabilité. L = [(lup) −2/3 + (ldown) −2/3 2 ] −3/2 Z z+lup z g θvref (θv(z 0 ) − θv(z))dz0 = e(z) Z z z−ldown g θvref (θv(z) − θv(z 0 ))dz0 = e(z) ldown ≤ z (1.14) Un défaut de cette longueur de mélange est qu’elle ne tient pas correctement compte de la taille des tourbillons générés par cisaillement.
La paramétrisation de Smagorinsky (1963) est la plus ancienne et la plus couramment utilisée des fermetures. Elle est employée dans des modèles atmosphériques (COSMO, UM) ou dans des modèles LES (WRF). Elle est cohérente avec la théorie de la cascade d’énergie mais elle est aussi connue pour présenter de nombreux défauts. La paramétrisation initiale de Smagorinsky écrit les coecient de diusion pour les ux turbulents en fonction du tenseur des taux de déformation : Km = (csL) 2 (2Sij ) Kh = Km Pr (1.15) où Km est pour les ux dynamiques et Kh est pour les ux de scalaires. Un des défauts les plus critiques de la paramétrisation de Smagorinsky est de ne pas prendre en compte la stabilité 11/256 Chapitre 1. État de l’art thermique (Redelsperger and Sommeria, 1981). Un terme annulant les ux dans les portions stables de l’atmosphère et faisant dépendre leur valeur du degré d’instabilité rencontré est couramment ajouté au produit (Lilly, 1962) : fm(Ri) = (max(0, 1 − Ri Ric )) 1 2 (1.16) où le niveau de permissivité du ltrage dépend du choix de Ric. Dans le modèle allemand COSMO, Ri s’écrit : Ri = N 2 /(2SijSij ) (1.17) où N est la fréquence de Brunt-Vaisala qui est remplacée par sa version humide Nm dans l’air saturé.
Plusieurs valeurs ont été proposées pour le coecient cs avec une dépendance au cas considéré : cs = 0.16 (Lilly, 1968) obtenue de façon empirique, cs = 0.10 à 0.21 (Deardor et al., 1970; Deardor, 1971) cs = 0.18 (Talbot et al., 2012), ou cs = 0.25 (Langhans et al., 2012) qui est utilisé dans le modèle américain WRF. Le choix de ce coecient est important dans la mesure où il xe le taux de dissipation de l’énergie cinétique. Les versions de la paramétrisation de Smagorinsky utilisées dans les modèles sont généralement plus complexes que celle qui est présentée ici avec notament une réduction de la longueur de mélange près de la surface dans le modèle anglais Unied Model (Halliwell, 2007; Hanley et al., 2015) et des expressions de cs et Ric faisant intervenir le nombre de Richardson dans COSMO. b. Fermeture à l’ordre 1.5 et paramétrisation CBR L’équation (1.8) peut être résolue an de calculer explicitement la TKE.
Elle est alors fermée en négligeant la dissipation visqueuse et en paramétrant les moments d’ordre 3, le terme de presso-corrélation et la dissipation turbulente de la façon suivante (Kolmogorov, 1942) : ∂ ∂xk (eu0 k + p 0 k u 0 k ) = − ∂ ∂xk (CTL √ e ∂e ∂xk ) = C e 3/2 L (1.18) où CT et C sont des constantes. L’expression de est obtenue en intégrant l’équation (1.2) entre l’échelle de Kolmogorov et l’échelle d’injection d’énergie ke = 2π L . Pour les deux autres termes, on utilise simplement une fermeture en K-gradient. Les équations sont ensuite fermées à l’ordre 1 en conservant la TKE calculée de façon pronostique dans les expressions des ux turbulents. Une telle fermeture est dite « à l’ordre 1.5 ».
La paramétrisation CBR (Redelsperger and Sommeria, 1981; Cuxart et al., 2000), qui est utilisée dans le modèle Méso-NH, est une fermeture à l’ordre 1.5. On y eectue une manipulation classique qui consiste à retrancher au tenseur des ux turbulents sa part isotrope, ce qui donne : bij = u 0 i u 0 j − 2 3 δije. De façon analogue, on introduit le tenseur des taux de déformations anisotrope Sij = 1 2 ( ∂ui ∂xj + ∂uj ∂xi − 2 3 δij ∂um ∂xm ). On mesure ainsi des diérences à l’isotropie et le tenseur des ux turbulents est de trace nulle. Les expressions des variances et des covariances sont obtenues en simpliant les équations des moments d’ordre 2 sous les hypothèses suivantes (Sommeria, 1976) : 1. L’intérieur de la maille est en équilibre stationnaire (tout en respectant les conditions aux limites) ce qui permet de négliger les dérivées temporelles et le terme d’advection 2. La contribution des sources (ici la condensation et les effets radiatifs) est négligée.
Cela signie que les sources sont considérées comme étant homogènes à l’échelle d’une maille (elles impactent les échelles supérieures à la taille de la maille mais pas la turbulence). 3. Les termes de diusion moléculaire sont négligés et les termes de dissipation visqueuse sont négligés sauf dans les équations des variances et de r 0 npθ 0 l 4. Les moments d’ordre 3 sont négligés 5. Les termes de Coriolis sont négligés 6. La part anisotropes des ux est négligée devant leur part isotrope 7. Les dérivées spatiales des termes de uctuation de pression sont négligées 8. Les termes de ottabilité sont négligés dans les équations de la part anisotrope du tenseur de Reynolds mais conservés pour sa part isotrope et pour les ux de température, d’humidité ou de scalaire Il reste à trouver des expressions pour les termes de pression et de dissipation qui n’ont pas été négligés.
Les termes pression restants se comportent comme des puits pour les ux turbulents. Ils sont paramétrisés de la façon suivante : Πij = −Cpv √ e L bij − 4 5 Sij Πiθ = −Cpθl √ e L u 0 i θ 0 l − 1 3 g θvref β3θvθl Πir = −Cpr √ e L u 0 i r 0 np − 1 3 g θvref β3θ 0 v r 0 np (1.19) Les termes de dissipation qui n’ont pas été négligés sont paramétrisés de la façon suivante : θ = 2Cθ √ e L θ 02 q = 2Cq √ e L q 02 q = 2Cθq √ e L θ 0q 0 (1.20) En résolvant le système d’équations ainsi simplié, on obtient : u 0 i u 0 j = − 4 15 L Cpv e 1/2 2Sij + 2 3 δije u 0 i θ 0 l = − 2 3 L Cpθ e 1/2 ∂θl ∂xi φi u 0 i r 0 np = − 2 3 L Cpr e 1/2 ∂rnp ∂xi ψi θ 02 l = 2 3CpθCθ L 2 ∂θl ∂xm ∂θl ∂xm φm r 02 np = 2 3CprCr L 2 ∂rnp ∂xm ∂rnp ∂xm ψm θ 0 l r 0 np = 2 3CprCθr L 2 ∂θl ∂xm ∂rnp ∂xm (φm + ψm) (1.21) 13/256 Chapitre 1. État de l’art où Cθ = Cθr = 2.4, Cpv = 1.2 et Cpθ = Cpr = 4.65. Pour l’équation pronostique de la TKE, C = 0.85 et CT = 0.4. Les φi et ψi sont des fonctions de stabilités qui introduisent une correction basée sur les effets de ottabilité avec les nombres de Redelsperger. Ceux-ci font intervenir les gradients de température et d’humidité ainsi que la longueur de mélange, la TKE et les coecients Eθ et Emoist qui s’expriment dans l’air sec comme : Eθ = θv θ Emoist = 0.61θ (1.22) Leurs expressions sont plus complexes dans l’air humide (Redelsperger and Sommeria, 1981).
Dans l’équation pronostique de la TKE, le ux vertical de température potentielle virtuelle est écrit en fonction de ces coecients : w0θ 0 v = Eθ w0θ 0 l + Emoist w0r 0 np (1.23) Limitations des fermetures les plus courantes et paramétrisations alternatives a. Zones à contre-gradient et solutions employées dans la couche limite La partie supérieure de la couche limite peut être légèrement stable ce qui signie que les gradients de température potentielle y sont positifs. Dans cette région, les transports turbulents verticaux restent positifs ce qui n’est pas en accord avec la théorie des K-gradients (Deardor, 1966). Deux solutions sont couramment employées : La première consiste à utiliser un schéma de convection peu profonde. Un terme correspondant au transport par le ux de masse vertical du aux ascendances convectives remplace le terme en K-gradient ou lui est ajouté dans l’expressions des ux (Pergaud et al., 2009). Le calcul du ux de masse est initialisé avec les ux de surface ce qui rend cette méthode dicilement transposable aux structures cohérentes contenues dans les nuages convectifs.
La seconde consiste à ajouter un terme correctif γ (K.m−1 ) aux gradients de température potentielle dans l’expression des covariances. Celui-ci peut être calculé à partir de l’équation d’évolution des moments d’ordre 2. Deardor (1972) relie les ux turbulents à contre gradient de température potentielle au terme de production de w0θ 0 l par les gradients de ottabilité tandis que Holtslag and Moeng (1991) puis Tomas and Masson (2006) expriment ces derniers en fonction des termes de transports turbulents (d’ordre 3). Verrelle et al. (2017) a mis en évidence l’existence de zones à contre gradients au sein des nuages convectifs pour les ux verticaux de température potentielle liquide et d’eau totale non précipitante.
De telles zones sont situées dans l’ascendance convective et dans les subsidences au sommet du nuage pour le ux w0θ 0 l . Elles sont situées dans les subsidences au sommet du nuage et près de la base du nuage pour le ux w0r 0 np. b. Zone grise de la turbulence Le spectre de Van der Hoven (1957) montre, dans la couche limite atmosphérique, la quantité d’énergie cinétique pour les échelles sur lesquelles les phénomènes météorologiques s’établissent (Figure 1.2). Celui-ci présente deux pics à méso-échelle et un pic à micro-échelle séparés par une zone ne contenant que peu d’énergie. Si la résolution du modèle se situe entre les deux, 14/256
Physique et modélisation de la turbulence dans les modèles atmosphériques
on peut considérer que la turbulence est entièrement sous-maille. Lorsque la résolution du modèle correspond à des échelles séparant le pic d’énergie à micro-échelle en deux parts non négligeables, les grandeurs sous-maille et résolues sont fortement couplées. Des dicultés sont alors rencontrées dans la mise en place du ltrage et dans la paramétrisation de la turbulence sous-maille. Wyngaard (2004) présente cette gamme d’échelles comme étant la « zone grise de la turbulence ». Honnert et al. (2011) ont proposé une méthode permettant d’estimer les échelles sur lesquelles s’étendait cette dernière et l’ont située entre 200 m et 2 km de résolution horizontale pour une couche limite atmosphérique de taille standard.
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