Analyse semiclassique des modes d’oscillation chaotiques dans les étoiles en rotation rapide
Caractéristiques des étoiles pulsantes
Techniques d’observation
La méthode la plus utilisée pour mesurer les oscillations stellaires est la photométrie. Cette méthode consiste à mesurer avec précision les variations de la courbe de luminosité, qui correspond à l’évolution du ux de photons perçu en provenance d’une étoile au cours du temps. Les données brutes sont des séries temporelles dont on tire les fréquences d’oscillation par l’analyse de Fourier. Les règles de base de l’analyse de Fourier appliquées aux fonctions discrètes impliquent que l’étendue du domaine de fréquences accessible dépend de la cadence d’échantillonnage. Aussi, une bonne précision sur la fréquence nécessite une grande durée d’observation. À ce titre, la photométrie spatiale est une révolution. En plus d’évacuer les dicultés liées aux perturbations atmosphériques, les télescopes spatiaux ne sont pas limités par le cycle jour-nuit et orent un gain important sur le temps d’observation, qui peut par exemple atteindre 150 jours pour une même source avec le satellite CoRoT (Baglin et al., 2008). Pour faire de nouvelles découvertes, il est nécessaire de gagner en précision sur les fréquences mais aussi en sensibilité pour détecter les variations de luminosité de faibles amplitudes. Ces dernières années le domaine a bénécié du lancement de plusieurs missions spatiales. Ainsi CoRoT a été lancé en 2006, puis Kepler en 2009 (Borucki et al., 2010; Koch et al., 2010) prolongé en K2 en 2013 (Howell et al., 2014), Tess depuis 2017 (Ricker et al., 2015) et à l’avenir Plato (Rauer et al., 2014). Les étoiles pulsantes observées sont souvent multi-périodiques, c’est-à-dire que plusieurs modes de pulsation sont excités simultanément. À l’exception du Soleil qui est susamment proche pour que l’on résolve spatialement sa surface, le ux de rayonnement que l’on mesure pour les autres étoiles est moyenné sur l’ensemble de la surface visible de l’objet. L’eet d’annulation entre les parties plus brillantes et plus sombres sur la surface intégrée peut être important, en particulier quand le nombre de noeuds
Caractéristiques des étoiles pulsantes 7 est élevé
On parle de la visibilité des modes qui va dépendre de nombreux paramètres, en particulier de la géométrie des modes d’oscillation, de l’inclinaison de l’étoile par rapport à la ligne de visée, etc. Pour les étoiles les plus brillantes, il est possible d’observer par spectroscopie les oscillations du champ de vitesses des couches photosphériques (Aerts et al., 2010). Les spectrographes de haute résolution analysent les raies d’absorptions qui correspondent aux transitions électroniques des éléments chimiques présents dans les atmosphères stellaires. Les vitesses de ces éléments, et donc de la surface stellaire, sont obtenues en analysant la déformation des raies d’absorption causées par l’eet Doppler. La spectroscopie apporte beaucoup d’autres informations précieuses pour caractériser une étoile. Elle permet bien sûr d’assigner un type spectral à l’étoile, mais aussi de déterminer si une source lumineuse correspond à un système binaire où deux étoiles cohabitent, ou encore de poser une limite inférieure sur la vitesse de rotation d’un astre.
Pulsateurs classiques et de type solaire
Une étoile peut être caractérisée par sa position dans le diagramme de HertzsprungRussel (diagramme HR) qui met en regard la luminosité de l’étoile et sa température eective. Cette position donne une indication de sa masse et de son stade évolutif. La zone la plus peuplée du diagramme HR est la séquence principale, qui correspond à la phase où les étoiles produisent de l’énergie par la fusion de l’hydrogène en hélium et qui occupe 90% de leur vie (Kippenhahn and Weigert, 1990). Des étoiles pulsantes sont présentes dans la plupart des régions du diagramme HR c’est-à-dire à des masses et stades évolutifs variés. C’est ce que montre la Fig. 1.1 qui présente les diérents groupes d’étoiles pulsantes dans le diagramme HR. Figure 1.1 Diagramme de Hertzsprung-Russel indiquant les diérentes classes d’étoiles pulsantes. Les stries diagonales de couleur bleue (resp. rouge) signi- ent que les oscillations sont dominées par les modes de pression (resp. de gravité). La bande d’instabilité des Céphéides est représentée par deux segments en trait plein approximativement parallèles. La séquence principale d’âge zéro (ZAMS pour `Zero Age Main Sequence’ en anglais) est tracée en trait plein. Figure tirée de Handler (2013). Comme précisé dans la légende de la Fig. 1.1 on détecte principalement deux types d’oscillations à la surface des étoiles. D’une part les modes de pression (modes p) pour lesquels la pression est la force de rappel, et d’autre part les modes de gravité (modes 8 Chapitre 1. Sismologie des étoiles en rotation rapide g), où la force d’Archimède est la force de rappel. Les étoiles peuvent osciller dans les modes p, dans les modes g ou bien dans les deux à la fois. On classe les étoiles pulsantes en deux grands groupes, les pulsateurs classiques et les pulsateurs de type solaire. Les premières oscillations connues furent détectées dans les pulsateurs classiques, tandis que les plus faibles amplitudes des pulsateurs de type solaire furent détectées plus tard, d’abord sur le Soleil, puis sur les autres étoiles présentant une zone convective sous leur surface, pour l’essentiel depuis l’avènement de la sismologie spatiale. Pulsateurs classiques Les premières étoiles variables connues étaient les céphéides. Avec les RR Lyrae, elles présentent de fortes oscillations purement radiales. Ces étoiles sont utilisées pour mesurer les distances cosmologiques en exploitant la relation qui relie leur période de pulsation et leur luminosité intrinsèque. Cette particularité leur vaut le surnom de chandelles standards. Il y a beaucoup d’autres pulsateurs classiques, qui ont en général des oscillations non radiales. La table 1.1 répertorie les pulsateurs classiques de la séquence principale et les caractéristiques de leurs oscillations. Classe Modes dominants Périodes Amplitude (luminosité) Amplitude (vitesse) γ Doradus modes g 8h à 5 jours < 50 mmag < 5 km.s −1 δ Scuti modes p 15 min à 8h < 0.3 mmag < 10 km.s −1 roAp modes p 5 min à 22 min < 10 mmag < 10 km.s −1 SPB modes g 12h à 5 jours < 50 mmag < 15 km.s −1 β Cephei modes p 1h à 12h < 0.1 mag < 20 km.s −1 et modes g quelques jours < 0.01 mag < 10 km.s −1 Table 1.1 Caractéristiques des oscillations dans les pulsateurs classiques. On se retreint aux étoiles de la séquence principale (voir Fig. 1.1). Tableau adapté de Aerts et al. (2010). D’un point de vue théorique, les oscillations des pulsateurs classiques résultent de la croissance d’une instabilité dans le uide stellaire. Un des principaux mécanismes d’excitation est le mécanisme κ, la lettre grecque κ désignant l’opacité du milieu stellaire (voir e.g. Kippenhahn and Weigert (1990) pour une description des phénomènes de physique microscopique qui interviennent dans le calcul de l’opacité). Le mécanisme κ agît au niveau des couches d’ionisation des éléments abondants, par exemple la couche d’ionisation de He II dans les δ Scuti (Bowman and Kurtz, 2018) ou celle du fer dans les β Cep (Moskalik and Dziembowski, 1992). Dans les couches partiellement ionisées, l’opacité augmente fortement quand la température s’élève. Sous l’eet d’une petite perturbation, l’étoile subit une succession de compressions et de dilatations de faible amplitude. Lors d’une phase de compression, la croissance de la température se traduit par une plus grande opacité et ainsi une plus grande énergie emmagasinée. La dilatation qui suit est ampliée par ce phénomène. Puis lors de la phase de dilatation l’opacité baisse et la couche résiste mieux à la pression radiative, accentuant la compression. D’autres mécanismes d’excitation ont été proposés pour pour d’autres classes de pulsateurs. Par exemple, l’enveloppe convective peut entretenir une excitation si l’échelle de 1.1. Caractéristiques des étoiles pulsantes 9 temps caractéristique de la convection est du même ordre que la période de pulsation. C’est le blocage convectif proposé par Pesnell (1987). Il a été montré que le blocage convectif est vraisemblablement responsable de l’excitation des modes g dans les étoiles de type γ Doradus (Guzik et al., 2000; Warner et al., 2003; Dupret et al., 2004, 2005). Notons enn que les oscillations peuvent avoir une origine extrinsèque, comme dans les systèmes binaires où la proximité d’une seconde étoile induit des oscillations par eet de marée. Cette thèse a pour objectif d’apporter des outils pour l’identication des modes p dans les étoiles en rotation rapide. Nous sommes donc particulièrement intéressés par les oscillations des δ Scuti, qui sont des pulsateurs en rotation rapide oscillant dans les modes p. Les spectres des pulsateurs en rotation rapide sont complexes et leur interprétation détaillée constitue un dé pour l’astérosismologie. Les dicultés liées à la rotation rapide et les pistes de résolution de ces dicultés seront présentées dans la section 1.2.1. Dans la suite, nous considérons le cas des pulsateurs de type solaire car ils constituent un bon exemple de l’utilité des méthodes asymptotiques pour l’identication des fréquences observées. Pulsateurs de type solaire Dans les pulsateurs de type solaire, les modes sont excités de manière stochastique par les mouvements turbulents de l’enveloppe convective. Cela concerne les étoiles de faible masse (M < 1.5M) mais aussi les géantes rouges (Dziembowski et al., 2001). Les oscillations d’origine stochastique induisent des variations de luminosité de faible amplitude de l’ordre de quelques parties par millions (quelques dizaines de centimètres par seconde pour les vitesses Doppler) pour les étoiles de la séquence principale. Malgré la faible amplitude des modes et le caractère stochastique de l’excitation, les fréquences peuvent être déterminées avec une précision susante dans de nombreux cas. Avant de décrire la méthode d’identication de ces fréquences, commençons par rappeler que le spectre d’oscillation des étoiles est quantié, i.e. le nombre de fréquences dans un intervalle est ni (les fréquences pouvant être dégénérées). La théorie des modes d’oscillations d’une étoile sans rotation, que nous présenterons dans la section 1.1.3, permet d’attribuer un triplet de nombres entiers à chaque mode. En eet, la Fig. 1.4 montre la distribution spatiale des modes en surface et la Fig.1.6 le comportement radial. À partir de ces deux gures, on voit que l’ordre radial n, le degré ` et l’ordre azimuthal m correspondent aux n÷uds de vibration des modes. L’identication des modes revient donc à assigner des nombres quantiques aux fréquences détectées. La gure 1.2 présente une portion du spectre d’oscillation du Soleil. On remarque que le spectre d’oscillation est très régulier. Il existe ainsi une série de fréquences séparées par un écart régulier ∆ν, que l’on appelle la grande séparation. Un second écart apparaît systématiquement dans le spectre. Il s’agit de la petite séparation δν. Cette organisation du spectre d’oscillation est une propriété générique des pulsateurs de type solaire, qui apparaît d’autant plus nettement pour les hautes fréquences. Ces propriétés sont bien comprises dans le cadre de la théorie des oscillations stellaires pour une étoile à faible rotation et sont décrites par la formule de Tassoul (Vandakurov, 1967; Tassoul, 1980) Figure 1.2 Spectre en fréquence des variations de vitesse radiales observées avec le satellite SOHO (Domingo et al., 1995). Les nombres quantiques sont associés aux diérents pics d’amplitude sont présentés entre parenthèses, sous la forme (n, `). La grande séparation ∆ν ≡ νn+1,`,m − νn,`,m et la petite séparation δν ≡ νn,` − νn−1,`+2 sont représentées par les doubles èches. Figure tirée de Aerts et al. (2010) ωn,` ≈ n + ` 2 + 1 4 + α ∆ω, (1.1) avec ∆ω = 2π 2 Z R 0 dr cs −1 , (1.2) où ω = 2πν est la pulsation 1 , α est une constante, R est le rayon de l’étoile et cs(r) la vitesse du son dans l’étoile. L’Éq. 1.1 est une formule asymptotique dérivée dans la limite des modes de bas degrés ` n 2 . La formule asymptotique de Tassoul est précieuse pour deux raisons. Elle permet d’abord de connaître a priori la structure du spectre d’oscillation, ce qui est très utile pour pouvoir ensuite identier les modes. De plus, elle relie la grande séparation aux propriétés physiques de l’intérieur stellaire via la quantité cs(r). Cette organisation est mise clairement en évidence en représentant les fréquences sur un diagramme échelle, dont on donne un exemple pour le cas solaire sur la Fig. 1.3. On commence par choisir un écart en fréquence ∆, puis on place chaque fréquence dans un espace à deux paramètres (ω, ω modulo ∆). En choisissant ∆ = ∆ω, on observe sur la Fig. 1.3 que les fréquences se répartissent en séries approximativement verticales. Le diagramme échelle met ainsi en évidence la structure asymptotique dans les spectres observés et permet, avec l’aide de la formule de Tassoul, une identication des fréquences de même degré et d’ordres radiaux croissants. Cette analyse des données permet en outre d’obtenir une valeur de la grande séparation. Dans le Soleil, la grande séparation est connue avec une grande précision puisque l’on détecte les modes d’ordre radial élevé. Elle vaut ∆ν = 134.8 µHz (Kjeldsen et al., 1. Par la suite, nous utiliserons sans distinction les termes `pulsation’ et `fréquence’ en référence à la quantité ω. 2. Pour plus de détails sur les méthodes asymptotiques et la formule de Tassoul, voir annexe A.1.
Caractéristiques des étoiles pulsantes
Figure 1.3 Diagramme échelle pour des fréquences observées dans le Soleil à partir de ν0 = 830µHz pour ∆ν = 135µHz. Les ronds, les triangles, les carrés et les losanges (`diamonds’) correspondent respectivement au degrés ` = 0, 1, 2 et 3. En dessous de 1500µHz les fréquences ne sont pas alignées, montrant ainsi que les régularités apparaissent dans le spectre vers les hautes fréquences. 2008). La mesure de la grande séparation donne accès à la densité moyenne de l’étoile ρ¯ (donc potentiellement à la masse et au rayon via M = (4π/3)R3ρ¯ où R est le rayon de l’étoile) car il existe une loi d’échelle reliant ces deux quantités (Christensen-Dalsgaard, 2003) ∆ν ∝ ρ¯ 1/2 . (1.3) Le second écart régulier, la petite séparation δν, dépend des conditions physiques au c÷ur et permet d’évaluer l’âge des étoiles (voir Annexe A.1).
Modes p et g dans une étoile sphérique
Dans cette section, nous rappelons, principalement pour les lecteurs non spécialistes en sismologie stellaire, les propriétés élémentaires des modes p et g dans une étoile à symétrie sphérique (Unno, 1989). Les modes propres d’oscillation s’écrivent p 0 (r, θ, φ, t) = p 0 (r)Y m ` (θ, φ)e iωt (1.4) où la partie angulaire est décrite par les harmoniques sphériques Y m ` (θ, φ). Les harmoniques sphériques se décomposent à leur tour en une partie latitudinale et une partie azimuthale Y m ` (θ, φ) ∝ P |m| ` (cos θ)e imφ (1.5) où P |m| ` (cos θ) est un polynôme de Legendre. Ainsi, les modes propres sont complètement séparables en un produit de fonctions de la forme f(r) g(θ) h(φ). La constante de normalisation dans l’Éq. 1.5 est xée par la condition d’orthonormalisation suivante Z 2π 0 Z π 0 Y m ` (θ, φ) {Y m0 ` 0 (θ, φ)} ∗ sin(θ)dθdφ = δ`,`0 δm,m0 (1.6) ce qui donne Y m ` (θ, φ) = (−1)(m+|m|)/2 s 2l + 1 4π (l − |m|)! (l + |m|)!P |m| ` (cos θ)e imφ (1.7) Figure 1.4 Représentation des harmoniques sphériques. Rang du haut : modes axisymétriques avec ` = 1, 2, 4. Rang du milieu : modes tesseraux (`, m) = (4, 2),(10, 5),(15, 5). Rang du bas : modes sectoraux ` = 0, m = 1, 2, 4. Figure tirée de Aerts et al. (2010). Nous présenterons dans le chapitre 3 les équations décrivant les oscillations stellaires. En supposant que les fréquences d’oscillation sont élevées, il est justié d’appliquer l’approximation de Cowling (Cowling, 1941) qui consiste à négliger les perturbations du potentiel gravitationnel induites par les perturbations de la densité. Sous cette approximation, les équations des oscillations se réduisent à une équation diérentielle du second ordre (Christensen-Dalsgaard, 2003) : d 2 ξr dr 2 = −K(r)ξr, (1.8) où ξr est le déplacement radial, et où le vecteur d’onde K(r) est donné par la relation de dispersion suivante K(r) = ω 2 c 2 s N2 ω2 − 1 S 2 l ω2 − 1 . (1.9) L’expression de K(r) fait intervenir deux fréquences caractéristiques Sl et N. La fréquence de Lamb Sl est dénie par Sl = l(l + 1)c 2 s r 2 , (1.10) 1.1. Caractéristiques des étoiles pulsantes 13 et correspond à une fréquence acoustique caractéristique. La fréquence de Brunt-Väisälä N qui, correspond à la fréquence d’oscillation d’une particule de uide déplacée verticalement dans un milieu dynamiquement stable, est dénie par N 2 = g 1 c 2 sρ dp0 dr − 1 ρ0 dρ0 dr . (1.11) Les fréquences caractéristiques Sl et N sont des fonctions du rayon et sont calculées à partir d’un modèle d’étoile à l’équilibre. La Fig. 1.5 compare ces deux fréquences pour un modèle du soleil. Figure 1.5 Diagramme de propagation réalisé à partir d’un modèle décrivant le soleil. La fréquence de Brunt-Väisälä est représentée par une ligne pleine et la fréquence de Lamb est représentée pour diérentes valeurs de l par des traits tiretés. En trait plein épais, sont représentés les domaines de propagation pour un mode g et un mode p de degré l = 20. Figure tirée de Christensen-Dalsgaard (2003). Dans les régions de l’étoile où k(r) est positif, ξr est une fonction oscillante. Cela se traduit par l’une des conditions suivantes sur la fréquence d’oscillation ω > |N| et ω > Sl , (1.12) ω < |N| et ω < Sl , (1.13) En revanche dans les régions où K(r) est négatif, soit quand la fréquence d’oscillation est intermédiaire entre Sl et N, alors le mode est évanescent. La Fig. 1.5 montre bien que les modes qui satisfont la condition 1.12 sont connés près de la surface. Ce sont les modes de pression ou modes p. Il existe aussi un second type de modes, qui satisfont la condition 1.13 et qui sont piégés près du c÷ur de l’étoile. Ce sont les modes de gravité ou modes g. Cette analyse théorique est vériée par le calcul d’oscillations dans des modèles d’étoiles reproduisant le Soleil. Ainsi la Fig. 1.6 montre le comportement radial des modes p et des modes g calculés dans de tels modèles. On y voit très distinctement le connement des modes p en surface et l’oscillation des modes g près du c÷ur. Figure 1.6 Amplitudes ξr(r) de deux modes calculés dans un modèle du Soleil. Haut : mode p de fréquence ν = 3234µHz. Bas : mode g de fréquence ν = 100µHz. Figures tirées de Aerts et al. (2010). Les valeurs des fréquences Sl et N varient néanmoins suivant le modèle d’étoile. Ainsi dans les étoiles qui sont à un stade évolutif avancé, la fréquence de Brunt-Väisälä est du même ordre que les basses fréquences acoustiques. Dans ces conditions, un mode p et un mode g de fréquences très proches échanges leurs propriétés, i.e. ils oscillent à la fois dans la cavité des modes p et des modes g (voir Fig. 1.7). Ces modes prédits par Osaki (1975) sont très intéressants pour l’astérosismologie dans la mesure où ils sont visibles en surface tout en étant capables de sonder l’intérieur stellaire. Ils ont été utilisés notamment pour contraindre la rotation du c÷ur dans les géantes, voir e.g. Deheuvels et al. (2012). Figure 1.7 Comportement radial de deux modes mixtes résultant du rapprochement en fréquence entre un mode p et un mode g. Figure tirée de Aerts et al. (2010).
Modes de pression dans les pulsateurs classiques en rotation rapide
Dans cette section, nous nous intéressons aux pulsateurs en rotation rapide et plus particulièrement aux δ Scuti. Nous verrons que les spectres d’oscillation des δ Scuti ont des propriétés très variées en terme de gamme, de nombre et d’amplitudes des fréquences observées. Pour mieux les comprendre d’un point de vue théorique, il faut résoudre un certain nombre de dicultés posées par la rotation rapide. Nous présenterons les principaux eets de la rotation susceptibles d’impacter les modes d’oscillation et les progrès réalisés pour modéliser ces eets. Finalement, nous présenterons des observations récentes qui montrent la présence de régularités dans les spectres de certaines étoiles delta Scuti, ces détections étant compatibles avec les résultats théoriques.
Étoiles en rotation rapide
Les δ Scuti Les δ Scuti sont des étoiles de masse intermédiaire, situées à la transition entre les étoiles de faible masse (M ≤ 1M) ayant un c÷ur radiatif et une enveloppe convective et des étoiles plus massives (M > 2M) ayant un c÷ur convectif et une enveloppe radiative (Bowman and Kurtz, 2018). Sur le diagramme HR de la Fig. 1.1 elles occupent la région correspondant au croisement de la séquence principale et de la bande d’instabilité des Céphéides. Du point de vue des oscillations ce sont des pulsateurs classiques, avec des modes excités principalement par l’action du mécanisme κ au niveau de la couche d’ionisation de He II (voir table 1.1 pour les caractéristiques typiques des oscillations observées). Figure 1.8 Spectre d’oscillation de la δ Scuti HD 174966 observée avec CoRoT après extraction des fréquences et des amplitudes. Figure tirée de García Hernández et al. (2013) On trouve beaucoup de diversité dans les spectres des δ Scuti en ce qui concerne le nombre de modes excités, les amplitudes des modes et le domaine de fréquences (Bowman and Kurtz, 2018). Les modes p dans les δ Scuti ont majoritairement un faible ordre radial, i.e. des modes proches en fréquence du mode fondamental, mais des modes d’ordre radial élevé, allant jusqu’à n ∼ 10, sont aussi observés. À l’intérieur de la bande d’instabilité, les modèles du mécanisme κ indiquent en eet que la gamme de fréquences excitées varie, essentiellement en fonction du stade évolutif et de la température eective (Dupret et al., 2005). Cela est dû au fait que la profondeur de la couche d’ionisation de He II évolue avec la température eective. Les étoiles situées près du bord bleu de la bande d’instabilité tendent ainsi à osciller à des fréquences plus élevées. En plus des modes p, le mécanisme κ peut exciter des modes mixtes gravitoacoustiques dans les δ Scuti les plus évoluées. Cet eet peut densier et complexier la partie basse du spectre des modes p. On trouve également une proportion signicative d’étoiles δ Scuti présentant des oscillations de type γ Doradus, c’est-à-dire des modes g de basses fréquences. Même si l’existence de ces pulsateurs dits hybrides est prédite par les modèles d’excitation, ils couvrent un domaine plus étendu que prévu. La Fig. 1.9 montre les positions des δ Scuti, obtenues avec les données du télescope Kepler, dans le diagramme HR (Bowman and Kurtz, 2018). On constate, malgré un bon accord global, que ces positions sont décalées par rapport à la bande d’instabilité théorique. Une fraction non négligeable des étoiles étant plus chaudes, aussi bien au niveau du bord rouge (basses températures) que du bord bleu (hautes températures) de la bande d’instabilité. Plus intriguant, il est rapporté dans Balona and Dziembowski (2011) que la moitié des δ Scuti observées par le télescope Kepler ne montrent pas d’oscillations. Pour comprendre ces observations, il faudrait disposer d’une théorie prédisant les amplitudes des modes linéairement instables. Mais les études sur la saturation non-linéaire des amplitudes ne sont pas encore susamment développées pour être prédictives (Dziembowski et al., 1988). Cela constitue une diculté importante pour l’interprétation des spectres des δ Scuti et des étoiles pulsantes excitées par le mécanisme κ.
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