Design de précurseurs organométalliques et synthèse contrôlée de nano-objets de germaniure de fer
Synthèse de nanoparticules en solution
Cette méthode de synthèse s’inscrit dans une stratégie dite « bottom7up » qui consiste à former des NPs à partir de la croissance de nucléi. Cette voie de synthèse de NPs présente de nombreux avantages par rapport aux méthodes dites physiques comme la pulvérisation cathodique[7] ou par lasers pulsés[8] qui nécessitent des appareillages spécifiques et de hautes température jusqu’à plusieurs milliers de degrés). La synthèse de NPs en solution s’effectue dans des conditions douces ce qui permet potentiellement un accès à des phases métastables, à des structures complexes cœur7coquille, janus, association avec des polymères …), en utilisant des équipements peu couteux. Au sein du LPCNO, cette stratégie est largement utilisée notamment pour la synthèse de quantum dots[1][10], de NPs métalliques par exemple de fer[11] ou de cobalt[12]) ou d’alliages comme les carbures de fer[13] ou le fer7cobalt[14]. Les différentes recherches menées ont permis d’aboutir à un contrôle des NPs finales aussi bien sur leurs morphologies que sur leurs tailles.
Modèles de nucléation@croissance
Deux types de nucléation sont généralement décrits : homogène et hétérogène. La nucléation homogène s’opère lorsque la phase dans laquelle les NPs seront générées est homogène alors que dans le cas d’une nucléation hétérogène cette phase contiendra déjà des germes sur lesquels les atomes viendront s’agréger. Dans notre cas, nous travaillerons en présence d’une nucléation homogène qui peut être décrite par une approche thermodynamique. En effet, l’énergie libre du système peut se définir comme la somme de l’énergie nécessaire à la création d’un agrégat solide formation des liaisons entre atomes) et l’énergie de surface générée par la formation de ce volume. Pour une particule sphérique de rayon r, une énergie de surface γ, une supersaturation de la solution S et un volume molaire V, l’énergie libre ∆G peut être définie par l’équation suivante[17][18] : ∆ = 4 + ∆ avec ∆ = − ln ) Le premier terme étant toujours positif et le second toujours négatif, il est possible de trouver un maximum où la dérivée de l’énergie libre par rapport au rayon sera de zéro comme montré figure 2), ce qui permet de définir un rayon critique rcrit). Chapitre I : Introduction bibliographique 29 « #$ = −2 ∆ Lorsque la taille critique n’est pas atteinte les particules sont alors redissoutes dans la solution, quant aux particules ayant dépassé la taille critique, elles peuvent ensuite croitre par addition d’atomes ou par coalescence entre elles. Cependant, il demeure important de garder à l’esprit que cette approche thermodynamique de nucléation/croissance repose sur de nombreuses approximations : 7 le système est considéré comme étant à l’équilibre. 7 le modèle est décrit pour une échelle microscopique. 7 la concentration est considérée comme homogène en toute circonstance les points de germination comme les défauts de la verrerie sont négligés). Figure 2 : Diagramme de l’énergie libre en fonction du rayon de la particule.
Modèle de Lamer
Le mécanisme décrit par Lamer sépare la formation de particules en trois étapes[19][20]. Premièrement, il y a une rapide augmentation de la concentration en monomères qui sont les éléments unitaires résultant de la décomposition du précurseur I). Deuxièmement, une fois la concentration de sursaturation atteinte, la nucléation débute ce qui diminue la concentration de monomère en deçà de la sursaturation II). La nucléation s’arrête alors et, troisièmement, la croissance des nucléi s’opère soit par addition des monomères soit par la coalescence des nucléi III). Ces trois étapes peuvent être résumées par le diagramme ci7 après figure 3). Figure 3 : Représentation schématique du diagramme du modèle de Lamer. Une quatrième phase de coalescence[21] ou de croissance orientée[22] peut alors se mettre en place. Dans le cas de la coalescence les particules grossissent de manière aléatoire sans orientation précise alors que dans celui de la croissance orientée elles grossissent en suivant une direction, bien souvent donnée par la structure cristalline des NPs. C’est par ce second mécanisme que la formation de nano7bâtonnets est possible, comme ceux de cobalt décrit par notre équipe.
Murissement d’Ostwald
Le murissement d’Oswald a été décrit pour la première fois en 1900[24]. Il explique que la croissance des NPs est liée à la différence de potentiel chimique entre les petites et les grosses NPs. En effet, les petites ont tendance à se dissoudre dans la solution du fait de leur grande énergie de surface au profit des plus grosses qui bénéficient ainsi de la présence de nouveaux monomères pour croitre davantage
Modèle de Finke7Watzky
Dans ce mécanisme les étapes de nucléation et croissance se déroulent en même temps. La phase de nucléation est lente et continue, la croissance est rapide, autocatalysée et non contrôlée par la diffusion[26]. C’est donc la différence de cinétique entre les deux étapes qui permet de les séparer. Bien que ce modèle s’éloigne du modèle classique de nucléation7 croissance, le passage des NPs par une taille critique est toujours vrai. Ce modèle a montré de bons résultats dans plusieurs exemples de synthèse de NPs métalliques.
Modèle d’Ocana
Dans le modèle proposé par Ocana et al. des particules primaires issues de la phase de nucléation sont formées puis un mécanisme d’agrégation, et non de diffusion, s’effectue pour conduire aux NPs uniformes en taille
Modèle de Sugimoto
Le modèle décrit par Sugimoto et al. indique une phase de nucléation rallongée puis une croissance par coalescence de petits germes instables[29]. Les particules obtenues subissent alors un processus similaire au murissement d’Ostwald.
Stabilisation des solutions colloïdales
Il est nécessaire de stabiliser une solution colloïdale pour éviter la formation d’agrégats de NPs voir de blocs micro ou macroscopiques. En effet, si la stabilisation n’est pas assez importante les lois de la thermodynamique vont conduire à leur formation, diminuant par ce biais l’énergie globale du système. De plus, la gravité ou les interactions attractives contribuent à l’agrégation des NPs, respectivement par sédimentation ou via des interactions magnétiques et/ou électrostatiques. La sédimentation peut être évitée par agitation magnétique, mécanique ou plus simplement par l’agitation thermique, cependant pour éviter l’agrégation due aux interactions inter7particulaires, il est nécessaire de faire appel à des agents de stabilisation qui peuvent être de différentes natures.
Stabilisation électrostatique
Cette méthode de stabilisation, principalement utilisée en milieu aqueux, se base sur la création d’une barrière électrostatique constituée par deux populations de charges opposées. Cette barrière est formée d’une couche d’ions immobilisés à la surface de la NP couche de Stern) et d’une couche tampon plus ou moins mobile d’ions de charges majoritairement opposées couche de Gouy7Chapman) figure 4). On peut décrire la stabilité de ce système par la théorie DLVO[30] comme l’addition des forces de Van der Waals et électrostatique. Le potentiel Zéta, qui correspond à la charge de la couche de Gouy7 Chapman, permet de caractériser la répulsion entre les nanoparticles, ainsi plus le potentiel Zéta est grand en valeur absolue) plus la répulsion entre les NPs sera forte. Chapitre I : Introduction bibliographique 32 Figure 4 : Représentation schématique du mode de stabilisation électrostatique.
Stabilisation stérique
Lorsque la synthèse est réalisée en milieu organique la constante diélectrique du milieu est souvent trop faible pour permettre une stabilisation électrostatique. Une autre stratégie est alors mise en place via l’adsorbtion à la surface des NPs de groupements stériquement encombrants polymères, ligands, …). Si leur présence est en quantité suffisante alors ils empêchent la coalescence des NPs. Cette stabilisation est basée sur des effets osmotiques et entropiques. En effet, les effets osmotiques vont conduire à une uniformisation de la concentration des NPs dans le milieu. Les effets entropiques vont favoriser l’augmentation des degrés de liberté des objets. La nature des ligands doit être choisie pour leur affinité avec les NPs mais aussi avec le solvant ce qui permet d’améliorer la stabilité et la solubilité des NPs en solution. Figure 5 : Représentation schématique du mode de stabilisation stérique. II.2.c. Stabilisation électrostérique Cette dernière méthode combine les effets des deux autres. En phase organique, les ligands choisis sont, la plupart du temps, amphiphiles avec une tête polaire et une chaine alkyle apolaire. Ainsi, la tête polaire interagit avec la surface des NPs et la chaine apolaire induit un encombrement stérique important. Par ailleurs, la chaine alkyle permet la solubilisation des NPs dans le solvant. Le choix du ligand est donc réalisé par rapport aux affinités NPs7ligand et solvant ligand. Figure 6 : Représentation schématique du mode de stabilisation électrostérique.
Contrôle de taille des nanoparticules
Le contrôle de taille des NPs dépend aussi du type de croissance qui va se mettre en place durant la synthèse. En effet, si les NPs croissent par ajout successif d’atomes alors la distribution en taille sera de type gaussien, si elles croissent par coalescence des nucléi alors la distribution suivra une loi normale. Dans tous les cas, le contrôle des NPs peut aussi être engendré par divers paramètres dont une liste non exhaustive est dressée ci7après.
Influence de la température
La température influence directement la décomposition des précurseurs et donc la vitesse et la durée de la nucléation. Ainsi, il est généralement admis qu’une température basse conduit une phase de nucléation plutôt lente et étendu dans le temps. Ainsi, davantage de monomères sont disponibles pour l’étape de croissance et les NPs obtenues seront plus grosses et plus polydisperses. A l’inverse, lorsque la température est élevée, l’étape de nucléation est plus rapide et plus courte, donc un plus grand nombre de NPs sera formé mais d’une taille plus petite et plus uniforme[31]. Ce type de comportement a par exemple été décrit lors de la synthèse de NPs métalliques d’or[32] et d’argent[33] ou d’oxyde de fer[31]. Cependant ce n’est pas une loi universelle puisque, par exemple, lors de la synthèse de NPs de ruthénium, en liquide ionique l’effet de la température est inversé[34]. Dans ce cas, la nucléation ne se fait que dans des matrices de cyclooctane provenant de l’hydrogénation du précurseur Ru[COD][COT]. Or la taille de ces matrices décroit lorsque la température augmente et par conséquent la taille des NPs diminue.
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