L’écologie spatiale et le paradigme de l’écologie du mouvement

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Migration versus sédentarité : deux notions au centre du déplacement des individus

Définition du domaine vital

Ces différents types de mouvements issus des fonctions fondamentales précédemment décrites se décrivent à des échelles spatio-temporelles différentes et ont des niveaux d’implication différents. Typiquement, la phase alimentaire implique des mouvements fréquents et de courte distance pour localiser des proies au sein d’un domaine vital, domaine qui relève généralement de l’échelle spatiale d’étude du mouvement des animaux (Börger et al., 2008). Le domaine vital se définit comme l’aire qu’un animal fréquente et qui suffit à répondre à ses besoins primaires comme se nourrir, dormir ou se reproduire (Samuel et al., 1985 ; Börger et al., 2008). Il est déterminé par un grand nombre d’unités de mouvement (pas, battements d’ailes, de queues etc, Moorcroft et al., 2006) dans un environnement délimité. Chaque unité de mouvement résulte de rétroactions entre l’animal en mouvement et son état interne ainsi que l’environnement externe auquel il fait face (Börger et al., 2008).
Darwin en 1861 a dit le premier qu’il « convient de noter que la plupart des animaux et des plantes restent dans leurs domaines et n’errent pas inutilement ; nous le constatons même chez les oiseaux migrateurs, qui reviennent presque toujours au même endroit ». Darwin (1861) a alors mis en évidence une caractéristique fondamentale du mouvement animal : de nombreux animaux limitent leurs déplacements à leurs domaines vitaux spécifiques (Burt, 1943 ; White & Garrot, 1990) qui sont beaucoup plus petits que ce que l’on pourrait attendre au vu des niveaux de mobilité observés. Ce comportement d’utilisation d’un espace restreint se distingue avant tout par une importante résidence de l’animal dans cet espace tout au long de son cycle de vie (Burt, 1943, Powell & Mitchell, 2012) et a des conséquences fondamentales sur de nombreux processus écologiques, tels que la distribution et l’abondance des organismes, la régulation des populations (Gautestad & Mysterud, 2005 ; Wang & Grimm, 2007), la sélection de l’habitat (Rhodes et al., 2005), la dynamique proie-prédateur (Lewis & Murray, 1993), les processus de transport biologique et la structure des communautés (Fagan et al., 2007), ou la propagation des infections (Kenkre et al., 2007). Ces animaux sont familiers avec les zones où ils vivent et connaissent l’emplacement des ressources, les voies de fuite et les partenaires potentiels.
Comment quantifier un domaine vital ?
La définition intuitive du domaine vital donnée par Burt (1943) a été remplacée par la définition statistique décrite ci-dessous. La plupart des méthodes de détermination du domaine vital le définissent comme une région de probabilité de présence à pourcentage fixe (généralement 95 %), obtenue à partir de la fonction de distribution de l’utilisation de l’espace de l’animal (Van Winkle, 1975). Le terme fonction de distribution de l’utilisation de l’espace fait référence à la distribution (généralement bidimensionnelle) de la fréquence relative de l’emplacement d’un animal dans le temps. Les méthodes de détermination du domaine vital peuvent être divisées en trois classes : (a) polygone, (b) centre d’activité, et (c) non paramétrique (Worton, 1987).
Les méthodes polygonales ne donnent que l’étendue du domaine vital de l’animal, tandis que les méthodes (b) et (c) donnent également l’intensité de l’utilisation à l’intérieur de l’aire de répartition. Dans les méthodes polygonales, les emplacements périphériques d’un animal sont joints par une règle de connexion pour déterminer le domaine vital. La méthode la plus simple et la plus populaire est celle du polygone convexe moyen (MCP, Minimum Convex Polygon, Mohr, 1947 ; Tinkle et al., 1962 ; Bearder & Martin, 1980 ; Schoener, 1981), c’est à dire un polygone dont tous les angles internes ne dépassant pas 180 degrés. Le polygone est appelé minimum car il s’agit du polygone convexe de plus petite surface contenant tous les points de points de localisation. Il est intéressant car il est facile à évaluer à la main. Cependant, en vertu de sa simplicité, il possède de nombreuses propriétés indésirables, comme sa forte corrélation avec la taille de l’échantillonage, où le fait qu’il puisse inclure des zones qui ne sont quasi pas exploitées (Fig I.2)
Hayne (1949) a introduit pour la première fois la notion de centre d’activité comme le centre de l’emplacement du domaine vital de campagnols, ce centre d’activité était défini comme le point situé à la coordonnée moyennne x et à la coordonnée moyenne y. Hayne était bien conscient que ce centre n’avait généralement que peu ou pas de signification biologique, il a alrs combiné les rayons de recapture des mâles et des femelles séparément pour mesurer comment la population se répartissait autour de leurs centres d’activité respectifs. Le rayon de recapture est la distance entre le centre apparent d’activité et le point de capture. Les fréquences de recapture dans les zones, obtenues en partitionnant les rayons de recapture, ont été calculées pour les deux sexes. Ceci a donné la répartition de l’utilisation de l’espace en termes de probabilités d’incidence par anneaux concentriques (ou régions).
Si cette méthode est plus informative que le MCP, les estimateurs les plus robustes de la distribution de l’utilisation de l’espace sont les méthodes qui ne supposent aucune distribution sous-jacente des localisations, à savoir les méthodes non-paramétriques (Worton, 1987). Parmi ces méthodes la plus répandue et la méthode dite de Kernel. Supposons que nous ayons un échantillon aléatoire de points provenant d’une distribution inconnue. La densité de cette distribution doit être estimée sans faire d’hypothèse sur sa forme. Puisque les points sont des points d’échantillon, on peut les considérer comme ayant une distribution de probabilité associée à chacun d’entre eux. Ainsi, un point échantillon peut être visualisé avec une fonction de densité lui étant associée. Si nous combinons ensuite toutes ces distributions individuelles, nous obtenons une distribution de mélange (voir Everitt & Hand, 1981). Cette distribution de mélange est utilisée pour estimer la fonction de densité de probabilité. Soit (x1, x2, …, xn) des échantillons indépendants et identiquement distribués tirés d’une certaine distribution univariée avec une densité inconnue ƒ en tout point donné x. Nous sommes intéressés par l’estimation de la forme de cette fonction ƒ. Son estimateur de densité de Kernel est : où K est la fonction dite de Kernel, une fonction non négative (Uniforme, Gaussienne, Logistique…), et h le paramètre de lissage, qui permet en l’ajustant de mettre en évidence différents aspects des données. Cette méthode permet de discrétiser la distribution spatiale des individus en fonction de plusieurs niveaux de probabilités de présence. Typiquement, cette distribution prend la forme d’aires concentriques de répartition, centrées autour des centres d’activité qui sont typiquement la distribution des individus à 95% de probabilité de présence (Fig I.2).
Figure I. 2. Utilisation de l’espace de Kernel (cercles concentriques gris) et polygones convexes minimums (polygones noirs) d’oiseaux Picathartes oreas dans les forêts de Mbam Minkom au Cameroune, suivis par radio-télémétrie (Awa, Burgess & Norris, 2009). Les domaines vitaux issus de l’utilisation de l’espace de Kernel sont affichés par isoplèthes de 5 à 95 % de probabilité de préence, par incréments de 5 %. Les points représentent les détections des oiseaux et les triangles les sites de nidification.
Définition de la migration
La réalisation de ces fonctions fondamentales, comme s’alimenter ou se reproduire, ne se faisant pas forcément au même endroit, des domaines vitaux saisonniers ou liés aux fonctions peuvent alors être déterminés s’ils s’avèrent pertinents pour l’espèce. Dans ces cas-là, les individus doivent effectuer des mouvements dits de migration entre ces différents domaines vitaux afin d’accomplir les besoins primaires associés. La principale caractéristique qui différencie la migration des autres mouvements est qu’elle implique le départ d’un individu de son domaine vital, contrairement aux déplacements observés au sein de ce domaine vital (alimentaires par exemple).
Les migrations entre les sites d’alimentation vers des domaines vitaux propices à la reproduction est un comportement commun à de nombreux groupes taxonomiques, des invertébrés aux grands mammifères, et sont les migrations les plus connues et décrites (Dingle & Drake, 2007). Chez les animaux marins, les exemples les plus emblématiques sont les migrations des saumons de l’Atlantique et du Pacifique depuis leurs sites d’alimentation en mer vers la rivière où ils ont vu le jour pour se reproduire (McCormick et al., 1998), ou les migrations des baleines à bosse, mammifères qui effectuent les plus grandes migrations (8500 km, Rasmussen et al., 2007 ; Stevick et al., 2011) de leurs sites d’alimentation situés aux pôles jusqu’à leur lieux de reproduction sous les tropiques. Le succès reproducteur des espèces dont le cycle de vie se résume à ces allers-retours entre lieux d’alimentation et de reproduction dépend fortement du temps passé sur leur site d’alimentation puisque c’est là que se déroule la majeure partie de leur croissance (Able et al., 2014). Aussi, malgré les distances parfois spectaculaires parcourues par ces animaux, la plupart font preuve de fidélité de site, c’est-à-dire qu’ils sont capables de revenir au même domaine vital, que ce soit celui dédié à la reproduction ou à l’alimentation (Greenwood, 1980). L’ubiquité de la fidélité des animaux à certaines zones spatiales suggère qu’il s’agit d’une stratégie adaptative évolutive dans laquelle les individus tirent avantage de la familiarité avec leur environnement physique et social (Piper, 2011). Les avantages de la fidélité de site comprennent l’acquisition efficace des ressources (Olsson & Brown, 2010), la dissuasion des concurrents pour les ressources (c’est-à-dire « l’avantage du résident », Jakobsson, 1988), l’efficacité des mouvements et l’utilisation des micro-environnements (Vlasak, 2006), l’évitement efficace des prédateurs (Brown, 2001) et la diminution des conflits avec les voisins (Stamps, 1987). Dans tous les cas, la migration a souvent lieu entre des habitats dont la qualité varie de manière asynchrone et le déplacement permet alors leur exploitation lorsqu’ils sont favorables. Il peut donc y avoir un aspect anticipatif (préemptif) aux migrations dédiées à la reproduction (Crossin, 2009).
Au contraire, lorsque les conditions environnementales ou la présence de prédateurs compromettent la survie d’un individu , ce dernier peut être amené à effectuer à effectuer une migration dite de refuge vers un autre domaine vital afin d’y échapper (Shaw, 2016). Ces migrations de refuge n’ont donc pas le caractère prévisible et inéluctable des migrations de reproduction mais surviennent suite à un évènement soudain et aléatoire A l’instar des migrations pour se reproduire, les animaux qui effectuent les migrations de refuge ont aussi un domaine vital où se déroule la majeure partie de l’alimentation, qu’ils doivent cependant quitter quand les conditions deviennent défavorables voire dangereuses pour leur survie (Shaw, 2016).
A l’inverse des domaines vitaux qui sont la résultante de déplacements à échelle spatiale limitée, les migrations sont des déplacements à échelle spatiale illimitée et limités dans le temps. Il n’existe donc pas de métriques spécifiques à ce type de déplacement comme les fonctions de Kernel pour les domaines vitaux.

Quels sont les facteurs interne et externes influençant les déplacements ?

La figure I.3 résume les principales composantes de la dynamique de mouvement des animaux migrateurs. Ces individus sont d’une part soumis à des facteurs environnementaux extérieurs, une combinaison de facteurs biotiques et abiotiques (Swingland & Greenwood, 1983 ; Forman, 1995 ; Turchin, 1998 ; Nathan et al., 2008), ainsi qu’à leur état physiologique, ou état interne. Ces deux composantes ont été décrites précédemment et font parti du paradigme de l’écologie du mouvement de Nathan et al. (2008). Comme illustré dans la figure I.3, ces deux composantes influencent directement l’individu qui va alors se déplacer par unités de mouvements. Ces unités de mouvement par rétroaction vont également modifier l’environnement et l’état interne de l’individu. Les mouvements de l’individu vont se décliner soit à une échelle limitée dans l’espace (domaine vital) ou illimitée (migrations).
L’état interne peut parfois se résumer à des caractéristiques individuelles, comme sa condition physique ou son niveau de réserves énergétiques internes. Ces caractéristiques peuvent déclencher des migrations, notamment pour les espèces qui migrent pour se reproduire comme le saumon et les tortues de mer (Thorpe, 1994 ; Hays, 2000). La condition corporelle peut également être importante pour les espèces qui migrent vers des refuges car elle peut dépendre du niveau des réserves énergétiques individuelles (Brodersen et al., 2008).
Au sein même du domaine vital, les facteurs abiotiques à l’origine du mouvement peuvent être multiples, comme la concentration en nourriture pour les mouvements liés à l’alimentation (renard arctique Alopex lagopus, Frafjord & Prestrud, 1992), la recherche de partenaires pour les mouvements liés à la reproduction (saumon rouge Oncorhynchus nerka, Rich et al., 2006) ou l’évitement de prédateurs (ours noir Ursus americanus, Stilfried et al., 2015).
Mais globalement ces déplacements sont connus pour être fortement influencés, directement ou indirectement par l’environnement (Nathan et al., 2008, Goossens et al., 2020). La taille, l’emplacement et la forme des domaines vitaux sont façonnés au moins en partie par la combinaison de plusieurs variables environnementales (O’Brien, 1983, Börger et al., 2006). Par exemple, la perche du Nil Lates niloticus relocalise son domaine vital en fonction de la température de l’eau et de la concentration en oxygène (Nyboer & Chapman, 2013). Dans les grands processus de migration, la variation de la photopériode, c’est-à-dire de la durée du jour au cours d’une année, est couramment utilisée comme indice pour les migrations vers les zones de refuge pour les oiseaux des régions tempérées du globe (Berthold, 2001). Bien que la photopériode puisse être à l’origine de vastes changements dans les cycles de vie associés à la migration, la date spécifique de départ est souvent plus étroitement corrélée à la température locale pour les migrations des oiseaux (Jenni & Kéry, 2003 ; Van Buskirk et al., 2009), les insectes (Chapman et al., 2015), les amphibiens (Beebee, 1996) et les poissons marins (Ibáñez & Gutiérrez Benítez, 2004) en région tempérée. Sous les tropiques, les changements dans les régimes des précipitations déclenchent souvent par exemple la migration des insectes (Srygley et al., 2010), des oiseaux (Studds & Marra, 2011), des mammifères (Boone et al., 2006) et des poissons marins (de Magalhães Lopes et al., 2018).

Comment ces paramètres environnementaux influencent le déplacement des animaux ?

Comme illustré sur la figure I.1, les signaux environnementaux agisse directement sur l’état interne des individus. Cet état interne va conditionner la prise de décision individuelle en matière de mouvement est déterminer sa volonté de maximiser les bénéfices par rapport aux coûts. L’état général de l’organisme et la physiologie métabolique et hormonale sous-tendent mécaniquement cet état interne. Ces déterminants physiologiques sont étroitement, et souvent génétiquement, liés les uns aux autres et sont donc essentiels à la compréhension mécanistique du mouvement (Goossens et al., 2020). Les poissons par exemple, en tant qu’ectothermes, thermorégulent souvent en se déplaçant (Ward et al., 2010). Relocaliser leurs domaines vitaux peut constituer une stratégie pour faire face aux conditions changeantes et permettre à certaines espèces ou populations de réduire ou d’atténuer les impacts délétères des températures environnementales changeantes (Ward et al., 2010 ; Johansen et al., 2014). Les poissons peuvent utiliser le mouvement pour maintenir une température interne qui s’approche de leurs température optimales (Neill et al., 1972 ; Schurmann & Steffensen, 1991), ce qui peut réduire les coûts énergétiques quotidiens (Killen, 2014) et ainsi conduire à une augmentation de la performance, de la forme physique et de la survie (Nay et al., 2015).
Dans le cas des migrations de refuge, les contraintes exercées par l’environnement sur les animaux agissent directement en déclenchant une réaction physiologique de stress qui a de grandes conséquences si le stress est maintenu à un niveau élevé (stress chronique, Romero, 2004). La production d’hormones de stress est une étape physiologique clé dans l’équilibre de la dépense d’énergie, et facilite la capacité d’un individu à survivre à l’exposition à un facteur de stress (McEwen & Wingfield, 2003 ; Romero & Butler, 2007). Si cette réponse est efficace en présence de facteurs de stress à court terme, des niveaux de stress chroniques peuvent entraîner divers dysfonctionnements pathologiques (Romero, 2004 ; Romero & Butler, 2007) qui sur le long terme peuvent menacer la survie de l’individu. Par conséquent, sur des périodes prolongées, la libération chronique d’hormones doit être minimisée pour réduire les effets délétères (McEwen & Wingfield, 2003). Les animaux limitent l’exposition chronique aux facteurs de stress par trois types de réponses comportementales possibles (Romenofsky & Wingfield, 2007): (1) l’individu adopte un comportement de fuite pour s’éloigner de la perturbation ; (2) l’individu reste dans la zone, mais identifie et utilise un refuge pour éviter la perturbation ; et (3) l’individu identifie et utilise un refuge, mais se déplace en dehors du refuge pendant les périodes de non perturbation. Certaines études ont suggéré que l’utilisation des refuges est généralement temporaire et que l’utilisation normale de l’espace se poursuit une fois la perturbation passée (Romenofsky & Wingfield, 2007). La mesure dans laquelle l’état physiologique influence le moment et la durée du comportement de refuge est mal comprise, malgré son importance potentielle pour prédire quand, où et pendant combien de temps le comportement de refuge se produira (Jachowski et al., 2012).
A l’inverse des migrations de refuge, la migration pour la reproduction est prévisible et chronique (Dingle & Drake, 2007). Le moment de la migration est en partie déterminé par la génétique (Berthold, 1996) et les biorythmes circadiens ; cependant, l’environnement exerce une influence supplémentaire sur la migration (Richardson, 1990). Ensemble, les indices biotiques et abiotiques se combinent pour contrôler le système endocrinien des animaux migrateurs, qui régule les changements physiologiques (métabolisme), condition corporelle et morphologiques (atrophie de certains organes, hypertrophie des muscles…) nécessaires pour préparer le départ, le voyage et l’arrivée (Lennox et al., 2016). La préparation à la migration commence avant le départ et permet de s’assurer que les réserves énergétiques sont suffisantes pour le voyage (Ramenofsky & Wingfield, 2007). Par conséquent, le départ est influencé en partie par la quantité/qualité des réserves énergétiques et la condition physique de l’individu (Brodersen et al., 2008).

Comment étudier les déplacements des poissons ?

Etudier les domaines vitaux des animaux et leurs migrations repose tout d’abord sur la capacité des scientifiques à quantifier leurs mouvements. Depuis le début des années 90, l’essor fulgurant du Global Positioning System (GPS) couplé avec l’emploi de multi-capteurs a révolutionné le suivi des mouvements d’animaux terrestres (Kays et al., 2015). L’emploi de cette technologie n’est pas aussi aisé dans le milieu marin, de par l’incapacité des ondes GPS à progresser dans l’eau et du fait des caractéristiques du milieu (liquide, salé et sous pression). Néanmoins le GPS a été utilisé avec succès pour suivre les migrations de la mégafaune marine faisant surface par intermittence comme les tortues marines (Schofield et al., 2007) et les mammifères marins (McIntyre, 2014). Des développements technologiques ont permis cependant d’étudier les mouvements des grands poissons pélagiques (Block et al., 2001) en exploitant d’autres systèmes de positionnement. Les limites de ces approches sont essentiellement liées à la taille des instruments fixés sur ces animaux et à la faible précision dans la reconstruction de la position (Wilson et al., 2007).
Depuis les années 1970, un certain nombre d’innovations ont popularisé l’emploi de la télémétrie acoustique pour suivre les mouvements de poissons dans leur environnement naturel (Cooke et al., 2008). Les approches de télémétrie acoustique reposent sur l’emploi d’émetteurs acoustiques implantés à l’extérieur ou à l’intérieur d’un individu et qui émettent des signaux ultrasoniques codés qui traversent l’eau et sont enregistrés par des récepteurs appelés hydrophones (Fig I.4, Heupel & Webber, 2012 ; Whoriskey & Hindell, 2016). La télémétrie acoustique est particulièrement adaptée au suivi des mouvements de poissons démersaux côtiers car la miniaturisation des émetteurs acoustiques permet l’implantation intra-péritonéale même chez les juvéniles de certaines espèces (McMickael et al., 2010). Grâce à un réseau d’hydrophones adéquat (Fig I.4, Heupel et al., 2006), cette méthode s’est avérée efficace pour estimer la taille de domaines vitaux à fine échelle (Espinoza et al., 2011) et mettre en évidence les schémas de déplacements de nombreuses espèces de poissons démersaux (e.g. Behrmann-Godel & Eckmann 2003 ; English et al., 2005 ; Hayden et al., 2014 ; Doyle et al., 2017).

Table des matières

Chapitre 1. Introduction générale
I.1. Contexte global de l’étude
I.1.1. L’écologie spatiale et le paradigme de l’écologie du mouvement
I.1.2. Pourquoi les animaux se déplacent-ils ?
I.1.3. Migration versus sédentarité : deux notions au centre du déplacement des individus
I.1.4. Quels sont les facteurs interne et externes influençant les déplacements ?
I.1.5. Comment ces paramètres environnementaux influencent le déplacement des animaux ?
I.1.6. Comment étudier les déplacements des poissons ?
I.1.7. La multidisciplinarité pour mieux comprendre le déplacement des poissons
I.1.8. L’intérêt de la fréquence cardiaque en tant qu’indicateur du stress des poissons
I.2. Zone d’étude : le golfe du Lion et la lagune du Prévost
I.2.1. Les lagunes côtières, un écosystème adapté pour l’étude des mouvements des poissons marins ?
I.2.2. La lagune d’étude
I.3. Les modèles biologiques
I.3.1. La daurade royale
I.3.2. Le loup
I.3.3. La saupe
I.3.4. Des espèces contrastées
I.4. Les objectifs de la thèse
Chapitre 2. Site fidelity, residence and space utilization of marine fish species in a Mediterranean coastal lagoon
Résumé
II.1. Introduction
II.2. Materials and methods
II.2.1. Study site
II.2.2. Experimental design
II.2.4. Fish sampling
II.2.5. Tagging
II.2.6. Data analysis
II.2.6.1. Data filtering
II.2.6.2. Seasonal breakdown of the dataset
II.2.6.3. Seasonal residence inside the lagoon complex
II.2.6.4. Fidelity within areas in the Prévost lagoon
II.2.6.5. Home ranges
II.2.6.6. Diel home ranges sizes
II.2.6.7. Diel and seasonal home range overlaps
II.2.6.8. Inter-annual site fidelity
II.3. Results
II.3.1. Seasonal residence inside the lagoon complex
II.3.2. Fidelity within areas in the Prévost lagoon
II.3.3. Space utilization inside the lagoon
II.3.3.1. Home ranges
II.3.3.2. Seasonal diel Home range size and overlap
II.3.4. Inter-annual lagoon fidelity
II.3.4.1. Site fidelity and capture percentages
II.3.4.2. Seasonal home range overlap
II.4. Discussion
II.4.1. Residence and space utilization inside the lagoon during the warm season
II.4.2. Spawning migration and overwintering
II.4.3. Inter-annual fidelity to the lagoon
II.5. Conclusions
II.6. Supplementary materials
II.6.1. Tables
II.6.1. Figures
Chapitre 3 Cardiac and behavioural responses to hypoxia and warming in free swimming gilthead seabream, Sparus aurata
Résumé
Chapitre 4. Does temperature influence space utilization and migratory movements of fish in coastal lagoons? A case study on the gilthead seabream Sparus aurata
Résumé
IV.1. Introduction
IV.2. Materials and methods
IV.2.1. Acoustic monitoring
IV.2.1.1. Study site, fish capture and acoustic tagging
IV.2.1.3. Collection of environmental data
IV.2.2. Cardiac responses to temperature in captive seabream
IV.2.2.1. Ethical approval
IV.2.2.2. Animals
IV.2.2.3. Surgery
IV.2.2.4. Thermal challenges
IV.2.2.5. Logger programming and data processing
IV.2.3. Data analysis
IV.2.3.1. Acoustic telemetry data filtering
IV.2.3.2. Residence indexes
IV.2.3.3. Temperatures, measured and experienced
IV.2.3.4. Residence ranking among zones
IV.2.3.5. Monthly home range sizes and overlaps
IV.2.3.6. Spawning migrations and exchange movements between lagoon and sea
IV.2.3.7. Dominance analysis of factors triggering migrations
IV.2.3.8. Cardiac responses to warming and cooling
IV.3. Results
IV.3.1. Acoustic monitoring
IV.3.2. Residence indexes
IV.3.3. Temperatures, measured and experienced
IV.3.4. Ranking of residence among zones
IV.3.5. Monthly home range sizes and overlaps
IV.3.6. Migrational movements
IV.3.7. Dominance analysis of factors triggering migrations
IV.3.8. Thermal tolerance and cardiac responses to temperature
IV.4. Discussion
IV.4.1. Temperatures and space use in the lagoon
IV.4.2. Migrations and their drivers
IV.4.2.1. Spawning migrations
IV.4.2.2. Stochastic migrations
IV.4.3. Interpreting seabream movements against their thermal physiology
IV.5. Conclusions and perspectives
IV.6. Supplementary materials
IV.6.1. Tables
IV.6.2. Figures
Chapitre 5. Discussion générale et perspectives d’études
V.1 Discussion générale
V.1.1 Considérations générales
V.1.1.1. De la complexité du vivant
V.1.1.2. Le besoin d’une approche multidisciplinaire
V.1.1.3. La multidisciplinarité, fil rouge de ce travail de thèse
V.1.2 Synthèse et discussion des résultats
V.1.2.1. Une forte résidence au sein de la lagune
V.1.2.2. Et même à fine échelle au sein de la lagune
V.1.2.3. Mais une résidence mise à mal par des évènements dystrophiques
V.1.2.4. Une utilisation de l’espace influencée par les différences de températures intralagunaires?
V.1.2.5. Une possible adaptation de certains individus aux fortes températures
V.1.2.5. Une tolérance aux extrêmes de température variable selon l’espèce
V.1.2.6. La température, potentiel principal déclencheur des migrations de reproduction de la daurade ?
V.1.2.7. Ou les migrations des daurades seraient-elles plutôt déclenchées par la combinaison de plusieurs facteurs environnementaux ?
V.1.2.8. Une importance moindre de la synchronisation des migrations pour la reproduction du loup et de la saupe
V.1.2.9. Les basses températures des lagunes en hiver empêchent-elles les daurades d’y hiverner après la reproduction ?
V.1.2.10. Au contraire des loups, probablement grâce à une meilleure tolérance au froid
V.1.2.11. Une forte fidélité interannuelle à la lagune
V.1.2.12. …mais probablement sous-évaluée, du fait d’une forte pression de pêche
V.1.2.13. Projections dans le cadre du changement climatique
V.2. Perspectives d’études
V.2.1. Préambule
V.2.2. Étendre le réseau d’écoute pour étendre notre connaissance des mouvements
V.2.3. L’intérêt direct d’un tel réseau pour ce travail de doctorat
V.2.4. Toutes les daurades du golfe du Lion exploitent-elles les lagunes ?
V.2.5. Moins se nourrir ou souffrir, faut-il choisir ?
V.2.6. La tolérance des poissons aux conditions extrêmes varie-t-elle entre les lagunes ?
V.2.7. La supposée plasticité phénotypique intra-lagunaire se vérifie-t-elle physiologiquement ?
V.2.8. La taille influence-t-elle la tolérance des individus aux hautes températures ?
V.2.9. Comment obtenir des seuils de tolérance au refroidissement ?
V.2.10. L’hypoxie, autre facteur potentiel de mouvement dans les lagunes côtières
V.2.11. Etudier la physiologie de daurades « estivales » est-il pertinent pour expliquer des comportements hivernaux ?
V.2.12. Pourquoi ne devrait-il y en avoir que pour la daurade ?
V.2.13. Le mot de la fin
V.3. Supplementary materials
Références bibliographiques
Appendices
Appendice 1 : protocole de test de performance de nage en tunnel extrait du rapport de stage de Théo Navarro
Appendice 2 : protocole de tolérance extrait du rapport de stage de Théo Navarro

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