TRANSPORT IONIQUE DANS LES ARGILES. INFLUENCE DE LA MICROSTRUCTURE ET DES
EFFETS D’INTERFACE
Les ouvrages du stockage
Architecture du stockage
Les zones de stockage prévues sont différenciées suivant les catégories de déchets. Les déchets de Haute Activité et à Vie Longue (HAVL) sont constitués des déchets B, C et éventuellement des combustibles usés. Les deux premières catégories proviennent du retraitement des combustibles usés par la COGEMA. Les déchets contiennent également des toxiques chimiques. Pour les déchets B, la zone de stockage couvrira environ 1,5 km2 , et pour les déchets C (et combustibles usés), entre 5 et 20 km2 . Les installations souterraines doivent avoir une faible extension verticale, donc être situées au milieu même de la formation. L’architecture du stockage comprend les modules de stockage, les puits et galeries de liaison (Fig. 1.4). Fig. 1.4 – Schéma de principe d’une architecture de stockage : des cavité élémentaires (les alvéoles) creusées dans la roche en profondeur accueillent les colis de déchets et sont regroupés par ensembles (modules). Ces derniers sont reliés entre eux par des galeries reliées à la surface par des puits d’accès. En surface existent des installations de support (accueil des colis, conditionnement, etc…; ANDRA, 2005b).
Les différents déchets
Les déchets B sont des déchets de moyenne activité et à vie longue, provenant du retraitement des combustibles usés, et des centres d’études nucléaires. Ces déchets sont des métaux et des composés organiques et inorganiques. Les déchets C, de haute activité et à vie longue, sont issus du retraitement des assemblages de combustibles usés dans les usines COGEMA de la Hague et Marcoule. Tous ces déchets sont placés dans des colis puis dans des conteneurs en béton ou en acier. 1.3.3 Les alvéoles de stockage Alvéoles de déchets B : les alvéoles de stockage des déchets B sont des tunnels subhorizontaux d’une longueur maximale de 250 mètres et de rayon maximum 12 mètres (Fig. 1.5). Leur revêtement est en béton, assurant ainsi une grande stabilité mécanique et une grande durabilité des alvéoles. Les alvéoles de déchets B, comme les alvéoles de déchets C, sont scellés par un bouchon d’argile gonflante maintenu par un bouchon de béton. Fig. 1.5 – Schéma d’une alvéole de stockage de déchets B (ANDRA, 2005b). Alvéoles de déchets C : les alvéoles de stockage des déchets C sont des tunnels subhorizontaux d’une longueur maximale de 40 mètres et d’un rayon maximal de 0.7 mètres. Ils sont revêtus par un chemisage métallique.
Les bentonites
Les bentonites sont des matériaux argileux gonflants à base de smectite. Leur utilisation est prévue dans les alvéoles de stockage et pour le scellement des galeries et des ouvrages d’accès au stockage. La bentonite MX-80 a été choisie par l’ANDRA car elle a déjà été beaucoup étudiée et permettra de mieux comprendre les propriétés de transport de milieux argileux plus complexes, comme l’argilite du Callovo-Oxfordien. Les bentonites compactes ont une très faible conductivité hydraulique (de valeur inférieure ou égale à 10–12 m s-1 ; D’Appolonia, 1985; Chapuis et al., 1992) et possèdent de grandes capacités de rétention car elles sont constituées principalement de smectite.
Composition minéralogique
La composition minéralogique de la bentonite MX-80 a été étudiée depuis de nombreuses années. Cette bentonite est constituée d’environ 80 % de montmorillonite (minéral argileux le plus courant dans la famille des smectites) provenant du Wyoming aux Etats-Unis. Le reste est constitué des calcites et ankérites (carbonates), des cristobaltites (silicates), et des pyrites et oxydes de fer (Mueller-Vonmoos et Kahr, 1982). La surface spécifique totale de cette roche est donc nécessairement grande car les smectites ont une surface spécifique variant entre 400 m 2 g -1 et 1000 m2 g -1, les montmorillonites possédant une valeur moyenne comprise entre 600 et 800 m2 g -1 (Revil et al., 1998a). La masse volumique des grains pour une bentonite a une valeur environ égale à 2650 kg m-3 (Garcia-Gutiérrez et al., 2004). Elle est généralement déterminée en calculant la masse volumique sèche, c’est-à-dire en pesant l’échantillon désaturé et en mesurant le volume correspondant. Un moyen sûr de déterminer la masse volumique des grains est de calculer, par une considération cristallographique, le rapport entre la masse des composants d’un maille élémentaire et le volume correspondant (Revil et Leroy, 2004).
Propriétés texturales
La texture de la bentonite est caractéristique des matériaux argileux car elle comprend des phyllosilicates et des minéraux accessoires. Les phyllosilicates (minéraux siliceux organisés en feuillets) sont regroupés en agrégats de particules mélangés à d’autres minéraux en plus faible quantité. La porosité connectée d’une bentonite MX-80 est très élevée (de l’ordre de 80 %). La porosité totale de cette bentonite, lorsqu’elle n’est pas compactée, est en grande majorité constituée d’une mésoporosité inter-particulaire et d’une macroporosité interagrégats (Sauzéat et al., 2000). Dans le cas du stockage, la masse volumique sèche de la bentonite est égale à environ 1750 kg m-3, et correspond à une porosité (hors interfoliaire) d’environ 34 %. La microporosité est généralement déterminée par volumétrie d’adsorption d’azote. La mésoporosité et la macroporosité sont calculés par la porosimétrie mercure.
Les bétons
Les bétons participent aux infrastructures du stockage et sont présents dans les revêtements et les soutènements des galeries, des alvéoles de déchets B et des puits d’accès. Ils sont aussi présents au niveau des dalles de roulement des galeries, et pour le remplissage des alvéoles de déchets B. Les bétons ont une fonction mécanique, sur les bouchons d’alvéoles de stockage et de scellements (galeries et puits d’accès). Ils ont également une fonction chimique sur la durabilité des colis de stockage et sur le transfert des radionucléides. Les bétons possèdent une solution porale très alcaline (10 < pH < 13,3 ). La solubilité de nombreux radionucléides est ainsi limitée. Ils subissent une dégradation aqueuse au contact avec le milieu géologique. Les matériaux cimentaires possèdent aussi des propriétés de rétention des radionucléides (Truc et al., 2000).
Les modèles de transfert des colis à l’exutoire
Les modèles de transfert des radionucléides et des toxiques chimiques des colis à l’exutoire sont intégrés dans les calculs de sûreté. Ces derniers reposent sur des modèles conceptuels.
Les modèles de comportement
Le développement des modèles de comportement est nécessaire pour vérifier les hypothèses et données des calculs de sûreté. Les calculs de sûreté évaluent l’impact global d’un relâchement d’éléments radioactifs à l’homme, suivant un scénario de sûreté.
Les différents modèles de comportement
Les modèles phénoménologiques La représentation des modèles phénoménologiques, qui est basée sur une abstraction de la réalité, dépend des données expérimentales pour chaque compartiment. Les équations régissant ces modèles ne sont pas mécanistiques, c’est-à-dire qu’elles ne proviennent pas des équations locales fondamentales établies à l’échelle microscopique. Par exemple, dans le cas de la diffusion de radionucléides interagissants, la modélisation des propriétés de sorption, à l’échelle microscopique, doit être cohérente avec les propriétés de transport à l’échelle macroscopique. Les modèles développés par Yeung et Mitchell (1993), ou Malusis et Shackelford (2002b) sont des exemples de modèles phénoménologiques décrivant les propriétés de transport des milieux argileux. Nous pouvons aussi citer les modèles de diffusion basés sur la première et la seconde loi de Fick, comme les modèles utilisés par Choi et Oscarson (1996), Melkior et al. (2004), Sato et al. (1995). Les modèles conceptuels Dans le cas des modèles numériques utilisés pour les calculs de sûreté, le CallovoOxfordien est discrétisé en volumes distincts correspondant aux composants du stockage et aux différentes unités géologiques. Le stockage est divisé en compartiments : barrière ouvragée, Callovo-Oxfordien, formation encaissante, biosphère. Les compartiments sont divisés en mailles élémentaires (discrétisation spatiale) dans lesquelles les paramètres décrivant les propriétés physico-chimiques du milieu sont constants. La variabilité latérale de la fraction argileuse du Callovo-Oxfordien est faible. Un ensemble de carottes de taille pluricentimétrique a été prélevé le long de forages verticaux (EST 104, EST 205, EST 212) sur le site du laboratoire souterrain afin de caractériser les processus de transfert et rétention. Les modèles mécanistiques Les modèles mécanistiques décrivent les phénomènes de transport dans le milieu étudié par des systèmes d’équations, en résolvant à l’échelle microscopique les équations locales fondamentales (équations de Navier-Stokes, de Nernst-Planck) qui régissent les phénomènes physiques. Ces calculs permettent de déterminer les propriétés de transport du milieu à l’échelle du volume élémentaire représentatif grâce aux techniques de changement d’échelle. Certains (e.g., Coelho et al., 1996; Marino et al., 2001) nécessitent une génération stochastique de la géométrie du milieu poreux. D’autres modèles (Pride, 1994; Revil et Leroy, 2004) ne nécessitent pas une connaissance exacte de la géométrie du milieu poreux, mais s’appuient sur les propriétés intrinsèques du milieu (porosité, CEC, etc..).
Les changements d’échelle
Les modèles qui décrivent le comportement des radionucléides au sein de la formation géologique sont applicables à différentes échelles, de l’échelle microscopique (du nanomètre au micromètre) à l’échelle macroscopique pluri-centimétrique (échantillons) puis plurimétrique. Les changements d’échelle permettent d’extrapoler ces modèles à l’échelle des volumes de chaque compartiment de stockage, afin d’assurer une représentation fidèle de la migration des radionucléides au sein du stockage. Les différentes voies de transfert sont étudiées suivant les compartiments. Pour une voie de transfert spécifiée, chaque compartiment constitue un terme source pour le compartiment aval rapporté à la surface d’échange de matière entre les deux compartiments. Les conditions aux limites du compartiment amont sont données par le compartiment aval. On peut distinguer deux types de compartiments suivant leurs volumes respectifs, les barrières ouvragées et la formation géologique. L’évolution des caractéristiques des matériaux constituant les barrières ouvragées est contrôlée à l’échelle centimétrique. Dans le cas de la formation géologique, les études, via les campagnes d’échantillonnage et les observations in situ, se sont portées sur la recherche d’hétérogénéités de l’échelle pluri-métrique. Les changements d’échelle dans les formations géologiques passent par une caractérisation représentative de leur variabilité spatiale.
INTRODUCTION |