Prise en compte des changements de végétation dans un scénario climatique du 21e siècle
Modèles d’impacts intégrés et IMAGE2.2
Les modèles d’impacts intégrés
Dans quel but ?
L’objectif d’un modèle d’impacts intégré appliqué au changement climatique est de combiner des composantes issues de dis iplines diverses an de mieux représenter et analyser les impacts de l’activité humaine sur notre environnement. Ce type de modèle permet ainsi de fournir une vue d’ensemble de la problématique du changement climatique. Pour cela, il est nécessaire, non seulement de modéliser les principales composantes du système terrestre (économie, société, écologie, climat, …), mais aussi et surtout de modéliser les interactions et les rétroactions entre les différentes composantes. La principale originalité d’un tel modèle est donc de caractériser les interactions entre différents modules issus de disciplines variées. Le but initial de l’évaluation intégrée était principalement d’aider les décideurs à mieux appréhender la question du changement climatique en leur apportant une vision globale et cohérente du problème. Cela a encouragé les discussions entre her heurs d’horizons différents, tout en aboutissant à une formalisation de ce travail au travers de modèles. Ces modèles permettent par exemple de comparer l’impact de di érentes mesures politiques et économiques qui pourraient être prises. Leur fonction principale n’est pas de faire avancer la re her he mais plutôt de constituer un outil d’aide aux décideurs. Ces modèles permettent aussi de mettre en évidence les principales sources d’incertitudes et ainsi de souligner les domaines où les efforts doivent se porter pour réduire les incertitudes. 11 12 Modèles d’impacts intégrés et IMAGE2.2 Ces modèles sont fondés sur un on ept séduisant, mais ils souffrent de limites inhérentes à leur construction. D’une part, dans ha une des dis iplines on ernées, les modules utilisés sont des versions simplifiées de l’état de l’art. En effet, regrouper les modèles les plus élaborés de ha un des domaines aboutirait à un outil beaucoup trop lourd à utiliser. La complexité des systèmes sociaux et naturels ne peut donc être totalement représentée. D’autre part, ces modèles reposent sur de nombreuses hypothèses et paramètres qu’il faut spécifier et dont la qualité limite l’appli habilité. Ces modèles doivent ainsi être utilisés avec précaution en n’oubliant pas leurs hypothèses fondatrices lors de l’analyse des résultats. Par ailleurs, ils reposent en partie sur des relations établies sur la période actuelle et qui pourraient se révéler erronées dans le futur. C’est une des principales limites des modèles économiques, en particulier pour des projections à longue é hé ne (à plus de quelques dé ennies). Les modèles de paramétrisation des phénomènes physiques sont eux aussi soumis à ce problème. Toute relation empirique élaborée à partir de données obtenues sur une période courte peut perdre son sens sous un climat différent. Même si des efforts sont faits pour anticiper les limitations, les on epteurs des modèles ont forcément une appréciation biaisée par le monde qui les entoure.
Des approches très variées
Il existe quelques dizaines de modèles d’impacts intégrés, qui ont été élaborés avec des objectifs divers. Le tableau 1.1 donne une liste non exhaustive de ces modèles ainsi que les références bibliographiques qui leur sont associées. Le niveau de détail pris en compte varie fortement d’un modèle à l’autre et leur seul point commun est de regrouper des connaissances de plusieurs disciplines. Toutefois, la plupart des modèles d’impacts intégrés regroupant les quatre domaines suivants : ◮ activités humaines ◮ composition chimique de l’atmosphère ◮ climat et niveau de la mer ◮ écosystèmes Le graphique 1.1 schématise les différents aspe ts et leurs interactions. Suivant les modèles, les domaines sont modélisés avec plus ou moins de détail et les échelles prises en compte sont aussi très diverses. Ainsi, certains modèles sont basés sur des modèles ma r é onomiques sans découpage régional (DICE) tandis que d’autres différent plus d’une dizaine de régions (FUND, IMAGE2.2). Weyant et al. (1996) distinguent deux grands types de modèles intégrés : les modèles d’évaluation et les modèles d’optimisation. Le premier type de système vise à modéliser l’évolution du système Terre suivant des hypothèses sur l’évolution économique, technologique et démographique situées au départ (IMAGE2.2, AIM). On évalue dont les conséquen es d’un certain mode de vie à Composition chimique de l’atmosphère Chimie atmosphérique Cycle du carbone océanique Climat Atmosphère Océan Activités humaines Énergie Démographie Culture, élevage et forêts Industrie Ecosystèmes Hydrologie Cultures et forêt Écosystèmes naturels Glace Fig. 1.1 – Représentation schématique des composantes d’un modèle d’impacts intégré appliqué au changement climatique à travers les variables d’impact du modèle (température, arête de végétation, productivité des cultures, niveau de la mer,…). Ces impacts peuvent eux-mêmes avoir un effet en retour sur l’évolution économique. Ce type de modèle permet de comparer les impacts de différentes politiques. En revanche, il ne permet pas de rechercher une politique optimale pour rester dans des limites de répétabilité des impacts du changement climatique. Pour cela, les modèles intégrés d’optimisation ont été développés (FUND, MESSAGES 4). Dans les modèles, le nombre de paramètres à exercer est restreint à quelques variables clefs qui contrôlent l’évolution du système limat-é onomie (par exemple, les niveaux d’émissions ou bien les coûts des taxes sur les émissions). Les valeurs de ces paramètres sont déterminées dans une procédure d’optimisation pour atteindre des objectifs clairement définis en termes d’impacts. Plusieurs types de critères d’optimalité ont été utilisés. Par exemple, l’optimisation peut être basée sur un système oût/béné e, en dé aidant par exemple que le coût des mesures de réductions des émissions doit être égal au béné e engendré par les réductions. Généralement, les modèles d’évaluation utilisent des modules économiques assez simples et mettent l’a ent sur les processus physiques, en particulier la modélisation des impacts. Inversement, les modèles d’optimisation sont plutôt le fruit du travail d’économistes et mettent l’a ent sur les sien es so iales. Cette deuxième approche nécessite des modules 14 Modèles d’impacts intégrés et IMAGE2.2 climatiques et d’impact relativement simples pour permettre les al uls d’optimisation. Cette différence ne se r térise par une approche très différente de la modélisation des impacts. Dans les modèles d’optimisation, les impacts sont l’utilité en terme monétaire (par exemple, le coût des dommages engendrés par une certaine élévation du niveau de la mer). La di culté consiste alors à quantifier monétairement les impacts naturels. D’un autre côté, les modèles d’évaluation sont plus souvent basés sur les processus physiques. Ils adulent les impacts en unités physiques, qui n’interfèrent que sur les modèles physiques, et donnent peu souvent lieu à des rétroactions sur les modules économiques, pour lesquels il faudrait les quantifier monétairement. Le modèle issu du projet ICLIPS (Toth et al., 2003) propose une approche nouvelle qui relie les deux pré édentés. Il peut être utilisé en mode direct comme un modèle d’évaluation ou en mode inverse. Dans le deuxième cas, il réalise une intégration du futur vers le présent en déterminant les conditions nécessaires pour rester dans une limite de répétabilité des impacts (Tolérable windows approach). Dans le deuxième cas, le cœur du modèle est identique, mais certains modules sont simplifiés pour permettre l’intégration inverse. La validation des modèles d’impacts intégrés représente dans tous les ans une di culté majeure. Elle consiste essentiellement à valider les différents modules constitutifs de façon indépendante du système global. De plus, la validation porte sur la représentation de la période actuelle, et peut di cilement répondre à la question de son appli habilité à la modélisation du futur. 1.1.3 Tendance actuelle Pour les modèles d’optimisation, la tendance actuelle est de prendre en compte de plus en plus d’impacts du changement climatique. Ainsi, les versions les plus ré entes de certains modèles (MERGE 4, VIAGEM) évaluent les impacts é onomiques directs (tels que la productivité des cultures ou la déforestation,…) mais aussi des impacts indirects ( comme les eets sur la santé, la biodiversité,…). Ces modèles utilisent des fonctions de transfert entre intensité du changement climatique et intensité des impacts au niveau régional. En revanche, la paramétrisation du changement climatique reste souvent réduite à une simple fonction de transfert entre augmentation de la non entrée en CO2 et augmentation de la température globale. Parallèlement, les modèles de type évaluation sont de plus en plus complets et de plus en plus détaillés. L’augmentation des moyens de al ul rend possible l’inclusion de pro essus supplémentaires. Par exemple, le modèle GSM développé au MIT in lut une paramétrisation du y le de l’azote dans son module sur les écosystèmes continentaux. Un autre exemple est l’augmentation du nombre des espèces chimiques dont les on entrtions sont évaluées. De leur côté, les équipes de recherche climatique qui développent les modèles de ir- ul tion générale (MCG) atmosphérique et océanique tendent actuellement à prendre en compte de plus en plus de phénomènes interactivement. Leur perspective est de mettre en place des modèles ESM (Earth System Models) pour intégrer toutes les composantes physiques du système Terre, en particulier tous les aspects qui participent au y le du carbone. Par exemple, le projet européen PRISM (Program for Integrated Earth System Modelling) vise à créer des interfaces standard entre les modèles de différentes parties du système climatique pour faciliter ensuite la mise en place d’ESM en couplant les modèles. Actuellement, en plus des MCGs o océanique et atmosphérique, un ESM pourrait obtenir un modèle des pro essus de surface continentale, un modèle de glace de mer, un modèle de biogéochimie marine, ainsi qu’un modèle de chimie atmosphérique. De ce point de vue, les modèles d’impacts intégrés de type évaluation peuvent être considérés comme des précurseurs simplifiés des ESMs. Un ESM est en quelque sorte un type de modèle d’impacts intégré ne représentant que des phénomènes physiques et où les modules simplifiés sont remplacés par des modèles élaborés plus représentatifs des processus physiques. Toutefois, un modèle d’impa ts intégré et un ESM ne mettent pas l’a ent sur les mêmes phénomènes : un modèle d’impacts intégré est construit autour de la problématique du changement climatique et de l’impact de l’homme sur son environnement, alors qu’un modèle ESM her he avant tout à représenter le système terrestre physique naturel, les pressions humaines constituant plutôt des contraintes sur le système naturel. L’évolution de la distribution de la végétation continentale est un des aspects que les ESMs doivent représenter. Cet aspect est important pour deux raisons. D’une part, la végétation entre les eaux d’eau, d’énergie et de carbone en surface. C’est donc une donnée essentielle pour bien représenter la physique et la chimie de l’atmosphère. D’autre part, la répartition de la végétation risque d’être fortement modifiée dans le futur. Deux facteurs influent sur cette distribution : le climat qui détermine les zones où l’espèce est susceptible d’exister, et les activités humaines qui conditionnent l’usage des terres. La distribution de la végétation est ainsi un problème dynamique à prendre en compte dans la modélisation du système Terre. Elle a un impact sur le climat et elle est elle-même modifiée par le changement climatique. Actuellement, certains modèles de surface continentale modélisent la dynamique de la végétation (TRIFFID, V CODE, IBIS, LPJ, HYBRID) (?). Pour cela, ils représentent les phénomènes de compétition entre espèces, de mortalité et d’installation. Toutefois, ces modèles ne prennent en compte que la végétation naturelle et ne représentent pas la pression anthropique sur les sols. Or, on observe actuellement une déforestation intense dans les régions tropicales où la pression démographique est forte, et inversement, on observe plutôt un abandon des terres agricoles aux hautes latitudes. Dans le cadre de la réalisation de scénarios climatiques sur le XXIème siècle, la pression anthropique devrait s’intensifier. Dans de telles simulations, ne représenter que la végétation naturelle sans prendre en compte l’utilisation humaine des terres ne serait pas du tout réaliste. Cette utilisation des sols a un impact sur les propriétés physiques de la surface (albédo, longueur de rugosité), sur les propriétés physiologiques des plantes (résistance à la transpiration), mais aussi sur le bilan de carbone. Ce dernier aspect est particulièrement important lors de déforestations, puisque cela libère une grande quantité de carbone dans l’atmosphère. A l’heure actuelle, l’utilisation des sols n’est pas représentée dans les modèles de surface utilisés dans les modèles de climat de ir ul tion générale. Le problème réside dans le fait que l’utilisation des sols dépend de la pression anthropique qui n’est pas représentée dans les modèles. Pour cette raison, la modélisation de l’évolution de l’utilisation des terres a surtout été testée dans le cadre de modèles intégrés. En effet, les modèles simulant la démographie et l’économie, ils peuvent évaluer la pression anthropique sur les sols. Toutefois, la plupart de ces modèles évalue l’extension des terres cultivées et des forêts par région suivant une approche simple. Cela leur permet d’évaluer les émissions naturelles en CO2 , CH4 et N2O. Seuls IMAGE, AIM et FARM (Darwin, 1998) modélisent la répartition de la végétation naturelle et des cultures en point de grille. AIM ne simule la répartition spatiale des terres que sur l’Asie tandis qu’IMAGE ouvre l’ensemble du globe à une résolution de 0.5◦ . Dans la perspective de réaliser un scénario climatique du XXÈme siècle en intégrant l’évolution de l’utilisation des cultures dans le MCG du CNRM (ARPEGE/OPA/GELATO/TRIP), IMAGE2.2 a été choisi car il donne une répartition géographique globale des terres cultivées et naturelles. D’autre part, par rapport au modèle FARM, le modèle IMAGE2.2 a fait l’objet de nombreuses études et a participé à l’élaboration des scénarios SRES (Naki envoi , 2000).
Les scénarios produits
Pour simuler l’évolution future du système terrestre, les modèles d’impacts intégrés ont besoin que l’on spécifie un certain nombre d’hypothèses quant à l’évolution future de nos modes de vie. Plusieurs types de développement économique et démographique sont ainsi proposés par le GIEC (Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat). Ces différentes alternatives ont été regroupées en 4 grandes familles de scénarios, présentées sur le schéma 1.2. Certaines font l’hypothèse que les écarts de développement entre les pays vont s’amoindrir et que les barrières économiques vont disparaître. D’autres, au contraire, supposent plutôt un accroissement du protectionnisme régional et l’a roisse- 18 Modèles d’impacts intégrés et IMAGE2.2 ment des disparités de développement entre les pays. Les familles ainsi définies sont en réalité elles-mêmes composées de diverses branches (en particulier la famille A1). Le rôle des modèles d’impacts intégrés est de fournir des scénarios d’évolution des on entre des gaz à effet de serre, et des charges en aérosols sulfatés et carbonés associés à des familles. Le GIEC a retenu 6 modèles d’impacts intégrés ( f. tableau 1.1) pour fournir des scénarios de référence aux équipes de modélisation climatique (?). Ces dernières utilisent les scénarios produits pour réaliser des simulation climatiques du XXIème siècle avec les MCG. 1.2 IMAGE2.2 IMAGE2.2 est un des modèles intégrés les plus anciens. La première version du modèle (IMAGE1.0) a été parfois critiquée pour avoir été peu validée. Ce n’est pas le cas des versions plus récentes, le modèle a depuis subi de grandes améliorations et a été validé module par module et global.
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