Modélisation, fabrication et évaluation des photodiodes à avalanche polarisées en mode Geiger
Choix d’une filière technologique
Nous avons vu le fonctionnement élémentaire d’un détecteur et des détecteurs en matrices qui sont les deux principaux dispositifs existants. Notre objectif est de déterminer un procédé technologique respectant le cahier des charges et présentant des performances optimales : nous avons axé notre démarche de conception sur l’homogénéité des dispositifs, pour une compatibliliter avec les exigences de l’imagerie.
Pourquoi assurer l’homogénéité des composants ?
Dans le mode Geiger, le gain est lié à la différence entre la tension d’alimentation et la tension de claquage de la jonction. Cet excès de tension (le réglage de ce gain), appliqué à la photodiode, doit être ajusté très finement pour obtenir le gain souhaité. Une variation de quelques dizaines de millivolts (de la tension d’alimentation ou de la tension de claquage, pouvant être liée à la température ou à une mauvaise technologie) peut faire varier fortement le gain comme nous l’avons vu sur le Graphique . L’anticipation de ces variations expérimentales est présentée au chapitre n°3, (Figure 3.3) Le but de ce travail de thèse est de réaliser des composants multi-cellules (plusieurs photodiodes côte à côte), cela représente un enjeu pour la communauté scientifique si l’on veut accéder à des surfaces de détection importantes (quelques mm2 ). Les photodiodes formants ces dispositifs multi-cellules, doivent avoir une tension de claquage identique. Si la tension de claquage est identique pour chaque photodiode, la tension d’alimentation pourra être commune, ce qui simplifie le circuit d’alimentation. Les photodiodes auront un gain identique et des performances comparables, c’est toute la difficulté de la technologie, telle que nous l’avons conçue.
Comment assurer l’homogénéité des composants ?
La tension de claquage d’une jonction pn est essentiellement définie par le dopage des semi-conducteurs p et n, résultant des implantations d’atomes, et des recuits d’activation, qui définissent la profondeur des jonctions. Dans le cas des photodiodes, la zone fortement dopée (de l’ordre de 1018 atomes.cm-3) et sensible à la lumière doit être, très peu profonde (de l’ordre de 0,2 µm) pour avoir une grande efficacité quantique dans le domaine du visible [Réf 2. 12]. La zone de charge d’espace se développe donc dans la région la moins dopée. C’est cette zone, faiblement dopée qui contribue principalement à définir la tension de claquage. Il est donc indispensable de rechercher une parfaite homogénéité du dopage de cette zone, pour faire des dispositifs multi cellules (avec plusieurs photodiodes). Nous choisissons de travailler sur un substrat dopé P (bore) pour bénéficier des coefficients d’ionisation plus élevé pour les électrons que pour les trous [Réf 2. 20]. Pour assurer l’homogénéité de la tension de claquage, nous devons choisir un substrat très homogène (spécialement) et éviter que le processus ne modifie son dopage. C’est la raison pour laquelle nous proposons de réaliser la photodiode avec une seule implantation (n+ ), le substrat définissant la tension de fonctionnement des composants. En effet cette structure, Figure 2.11, représentant notre proposition, garantit la meilleure homogénéité possible de la tension de claquage, car le dopage du substrat, obtenu lors du tirage du cristal est plus homogène qu’un dopage réalisé par implantation ionique et redistribution par recuit thermique. 42 La cathode de la photodiode est faite par une implantation n++ (Arsenic) fortement dopée (au moins 10 fois supérieure au substrat). Le substrat dopé p (Bore) forme l’anode commune. Figure 2.11 : Structure de la photodiode
Maîtrise du phénomène : « effets de bord »
Ce paragraphe traite des problèmes rencontrés sur la maîtrise de la tension de claquage d’une jonction pn, qui est plus faible sur les bords à cause des effets de pointe. La tension de claquage inverse de la photodiode est déterminée par le champ électrique interne maximum que peut supporter le semi-conducteur. Le dopage fixe la tenue en tension, mais la forme de la jonction peut être aussi une limitation. Dans une jonction réelle, après avoir effectué une implantation ionique et une activation diffusion dans un four de redistribution, deux phénomènes, modifient localement le champ électrique lors de la polarisation de la jonction : Le premier, c’est la une concentration en atomes dopants sur les bords de la jonction supérieure à celle rencontrée au centre. Le deuxième est le rayon de courbure de la jonction pn entre le semi-conducteur n et le semi-conducteur p qui n’est évidemment pas le même partout. Ces deux phénomènes naturels, inévitables, créent de nouveaux types de jonction que l’on appelle « jonction cylindrique » et « jonction sphérique » voir Figure 2.12. La différence entre la tension de claquage de la jonction plane et la tension de claquage de la jonction cylindrique peut être très importante. Pour éviter ce phénomène il faut réaliser : « un anneau de garde ». Dans notre processus la tension de claquage de la jonction de la photodiode sans protection et avec protection est : Expérimentalement, 32V et 42,5V (voir Graphique 4.1) Théoriquement 25V et 45V (voir Graphique 3.2) 43 Figure 2.12 : Jonction plane sphérique et cylindrique.
Le traitement des effets de bord
A ce jour, on a exploré trois méthodes de protection des effets de bord : La première méthode Figure 2.11 consiste à biseauter les bords de la jonction, mécaniquement pour retrouver un angle favorable et réduire l’intensité du champ électrique sur les bords de la jonction [Réf 2. 10], [Réf 2. 14]. La deuxième méthode Figure 2.11 consiste à traiter le centre de la photodiode, en augmentant localement l’intensité du champ électrique sous le centre de la cathode n par un sur-dopage p [Réf 2. 10], [Réf 2. 15], [Réf 2. 17]. Figure 2.13 : Les trois méthodes de prévention de la tension de claquage. La troisième méthode Figure 2.14, celle que nous avons choisie, consiste à traiter les bords de la jonction, en diffusant un anneau de garde autour, avec une concentration en atomes dopants plus faible que celle au centre. On bénéficie d’une augmentation des rayons de courbure. De plus le dopage de l’anneau de garde étant plus faible (10 fois plus faible et proche de celui de la région P), la tension de claquage de celui-ci sera plus élevée puisque le champ électrique s’étendra des deux cotés de la jonction. Dans notre cas nous visons une tension de claquage de l’anneau de garde 30% supérieure à celle de la jonction plane. La photodiode sera donc réalisée par une double implantation, avec deux profils de dopage différents. Ce type de structure est presenté dans les articles : [Réf 2. 10], [Réf 2. 15], [Réf 2. 16]. Nous avons initialement imaginé pouvoir remplacer les anneaux de garde par une tranchée profonde (Figure 3.10). Le procédé intéressant du point de vue de l’encombrement à dû être abandonnée par insuffisance des traitements de courants de surface. Figure 2.14 : Méthode choisie de prévention de la tension de claquage.
Conception des masques
Les structures d’essais
La réalisation de ces nouveaux composants électroniques en salle blanche commence par la fabrication des masques. Les masques permettent, grâce à une machine de photolithographie qui insole un substrat recouvert de résine photosensible, d’obtenir après révélation, le motif du masque, ou son inverse si l’on travaille avec une résine négative, sur le substrat. Cette machine permet aussi d’aligner le dessin du masque avec des motifs préexistants sur le substrat pour un travail sur plusieurs niveaux. Sur la Figure 2.15 on peut voir une superposition de tous les masques (8 niveaux pour notre technologie) avec les structures d’essais 1 à 5 respectivement en haut à gauche, en haut à droite, en bas à gauche, en bas à droite et au centre. Ces structures permettent de tester et de valider chaque étape technologique. Figure 2.15 : Le substrat de silicium à gauche et les masques à droite avec les structures d’essais. La Figure 2.16 présente les différents tests à réaliser après chaque étape technologique. Il s’agit de vérifier en A, la bonne implantation de l’anneau de garde, en B, la bonne implantation de la cathode de la photodiode et en C la bonne implantation de l’ensemble, anneau de garde + cathode de la photodiode pour différentes tailles de jonction allant de 10µm à 100µm. On vérifie pour A B et C le courant de fuite et surtout la tension de claquage des jonctions, et l’homogénéité de cette tension sur tout le substrat avec les zones 1 2 3 4 et 5. Les structures d’essais D, permettent de valider la bonne qualité des oxydes de silicium (SiO2) qui apparaissent sur le substrat à chaque passage dans les fours d’oxydation. Il s’agit de disques de métal de différentes tailles déposés sur l’oxyde, permettant de mesurer la capacité et de revenir à la permittivité électrique du SiO2. Les structures d’essais E, concernent le polysilicium avec différentes tailles (longueur largeur) permettant de mesurer la résistance par carré. 45 Figure 2.16 : Les structures d’essais à gauche les masques et a droite la réalisation sur silicium.
Les tests intermédiaires
Lors de la fabrication des composants dans la centrale de technologie du LAAS, des appareils de mesures et de contrôles permettent de valider chaque étape technologique. Ces tests intermédiaires nous renseignent sur : – les épaisseurs des différentes couches (oxyde de silicium, polysilicium, métal, résine). Ce test est réalisé avec un profilomètre mécanique. Dans ce processus 6, épaisseurs d’oxyde sont à mesurer précisément ainsi que l’épaisseur du polysilicium formant la résistance et l’épaisseur du métal formant les connexions. – la résistivité du silicium et du polysilicium. Ce test est réalisé avec un ampèremètre programmable, équipé de quatre pointes. On mesure 3 résistivités différentes pour le silicium (le silicium dopé P vierge, le silicium dopé N faiblement, et le silicium dopé N fortement) et 2 résistivités différentes pour le polysilicium (faiblement dopé et fortement dopé).
Introduction à la thèse |