Modélisation physique d’images de télédétection optique
DESCRIPTION GÉNÉRALE DU MODÈLE DART
Le modèle DART simule des images de télédétection optique et le bilan radiatif des paysages terrestres dans le domaine spectral entre 0.3 µm et 3 µm (ultraviolet, visible, proche infrarouge et moyen infrarouge). Le modèle simule de façon intégrée trois sous-systèmes : • Le paysage terrestre. • L’atmosphère (simulation optionnelle). • Le capteur radiométrique spatial ou aéroporté (simulation optionnelle). La version 2001 du modèle DART, présentée ici, inclut les améliorations apportées dans le cadre de cette thèse. Ces améliorations ont pour objectif : • Augmenter la précision radiométrique du transfert radiatif. • Généraliser à la simulation de tout paysage terrestre (urbain, montagneux, etc.). • Prise en compte de l’atmosphère et du capteur radiométrique. • Rendre le modèle simple d’emploi et opérationnel. Après une brève discussion sur la théorie du transfert radiatif, ce chapitre décrit tout d’abord la représentation du milieu simulé, présente l’algorithme de résolution du transfert radiatif et résume, finalement, l’architecture informatique.
Généralités sur le transfert radiatif
Les modèles de transfert radiatif peuvent être divisés, selon la représentation du paysage, en deux catégories : homogènes et hétérogènes. Les modèles homogènes représentent des milieux constitués d’éléments absorbants ou diffusants (feuilles, branches, etc.) distribués de manière horizontalement constante (Idso et de Wit, 1970 ; Ross, 1981 ; Verhoef, 1985 ; Myneni et al., 1989 ). Les modèles hétérogènes représentent des milieux dont les éléments du paysage sont distribués de manière non uniforme selon les trois dimensions de l’espace (North, 1996; Govaerts, 1998). Les modèles de transfert radiatif reposent sur la théorie de l’optique géométrique (Ditteon, 1997) et du transfert radiatif (Peraiah, 2001). La théorie du transfert radiatif modélise la propagation du rayonnement à l’intérieur d’un milieu. L’équation générale du transfert radiatif (Hapke, 1993) décrit le comportement d’une onde monochromatique – 16 – Chapitre I : Description générale du modèle DART stationnaire, d’intensité I(r,Ω) (Watts par unité d’angle solide), à la position r, et selon une direction Ω : [ξ. d dx + η. d dy +µ. d dz ] I(r,Ω) = – α(r,Ω).I(r,Ω) + ⌡ ⌠ 4π ω(r). P(r,Ω’→Ω) 4π .I(r,Ω’).dΩ’ ( 1.1) Où ξ, η et µ sont les cosinus directeurs de la direction de propagation de l’onde selon les axes x, y et z, α(r,Ω) est le coefficient d’extinction (m-1 ), ω(r) est l’albédo de diffusion et P(r,Ω’→Ω) est la fonction de phase, i.e. la fraction du rayonnement, intercepté selon la direction Ω’, qui est diffusé selon la direction Ω. Le premier terme de la droite de l’équation (1.1) représente l’atténuation de l’onde quand elle se propage dans le milieu. Le deuxième terme est la contribution des ondes diffusées au point r et provenant de toutes les directions de l’espace. Ainsi, ces deux termes correspondent aux phénomènes physiques de la diffusion et de l’absorption. Les longueurs d’onde considérées ici [0.3-3 µm], permettent de négliger le phénomène physique de l’émission thermique (Lenoble, 1993). L’équation intégro-différentielle (1.1) peut être résolue par la méthode des ordonnées discrètes (Kimes et Kirchner, 1982). Cette méthode consiste à discrétiser la variable angulaire Ω en un nombre Ndir de secteurs angulaires contigus. Chaque secteur est caractérisé par une direction centrale Ωn et une largeur angulaire ∆Ωn. Ainsi, pour un repère cartésien, l’équation tridimensionnelle du transfert radiatif s’écrit : [µn. d dz+ηn. d dy+ξn. d dx] W(r,Ωn) = -α(r,Ωn).W(r,Ωn) + Σ m=1 Ndir ω(r). P(r,Ωm→Ωn) 4π .W(r,Ωm ).∆Ωn (1. 2) Où les termes liés à la source W(r,Ωn) sont des puissances (Watts) égales à l’expression I(r,Ωn).∆Ωn (Figure I.1). Pour assurer une bonne discrétisation de l’équation (1.1), les valeurs des angles solides ∆Ωn doivent être suffisamment faibles. Sa valeur maximale dépend principalement de l’anisotropie de la fonction de phase et du degré d’hétérogénéité du milieu. r y z x φ θ W(r,Ωm) W(r,Ωn) ∆Ωn Figure I.1 : Schéma de l’équation générale du transfert radiatif. – 17 – Chapitre I : Description générale du modèle DART Pour un milieu hétérogène, l’équation (1.2) est résolue numériquement avec la méthode du suivi de rayons combinée avec une discrétisation de l’espace (Kimes et Kirchner, 1982). Cette méthode consiste à suivre dans l’espace un ensemble fini de rayons W0(r,Ωn) issus des sources présentes. Lors de la propagation d’un rayon source dans une direction Ωn, sa puissance diminue car il est totalement ou partiellement intercepté par le milieu. La diffusion du rayonnement intercepté engendre de nouveaux rayons W1(r,Ωn) selon les Ndir directions de l’espace. Ces rayons sont à nouveau suivis et engendrent euxmêmes de nouvelles diffusions Wk(r,Ωn) (avec k∈[2,∞[l) (Figure I.2). Un rayon est éliminé si son énergie devient inférieure à un seuil. W0(r,Ωn) W1(r,Ωn) point de diffusion W2(r,Ωn) Figure I.2 : Schéma du mécanisme de diffusion. Le milieu est discrétisé sous forme d’une matrice de cellules parallélépipédiques juxtaposées (Figure I.3). Cette représentation permet de limiter le nombre de rayons à suivre dans la mesure où il est supposé que les diffusions qui surviennent dans une cellule sont calculées, et effectivement émises, à partir d’un seul point source (dit « point milieu » ou « barycentre énergétique »). W0(r,Ωn) barycentre énergétique Figure I.3 : Schéma de l’émission des diffusions à partir du barycentre énergétique. La résolution informatique du transfert radiatif, à l’intérieur d’un milieu hétérogène, limite l’étendue spatiale des paysages considérés. Néanmoins, il est possible de traiter des paysages infinis mais répétitifs. La technique utilisée consiste à simuler le suivi de rayons uniquement dans le motif qui génère, par répétition, l’ensemble du milieu. Dans – 18 – Chapitre I : Description générale du modèle DART ce suivi, les rayons qui sortent par un côté du motif sont re-injectés par le côté opposé (Figure I.4). W0(r,Ωi) Motif de répétition A B trajet réel trajet confiné élément du milieu Figure I.4 : Exemple de suivi de rayons pour une maquette infinie répétitive. Les deux trajectoires représentent le trajet réel suivi par un rayon à l’intérieur d’un paysage répétitif et le trajet d’un rayon confiné à l’intérieur de la maquette. Les points A et B sont équivalents.
Maquette du paysage et de l’atmosphère
Le système paysage-atmosphère, i.e. l’ensemble constitué par le paysage terrestre et l’atmosphère, est le milieu à l’intérieur duquel DART simule le transfert radiatif. La discrétisation de ce système, appelée ici maquette, est un parallélépipède constitué de cellules, également parallélépipédiques, de dimensions diverses (Figure I.5). Eau Houppier Mur Toit Sol_MNT Eclairement direct Atmosphère Eclairement diffus atmosphérique Herbe Capteur radiométrique Paysage Terrestre Oy Oz Ox φ θ Figure I.5 : Représentation schématique du système paysage-atmosphère-capteur. – 19 – Chapitre I : Description générale du modèle DART Les dimensions de la maquette selon les axes Ox, Oy et Oz sont DX, DY et 100km. Le paysage terrestre est contenu dans un parallélépipède de dimensions DX, DY et DZ composé de cellules de dimensions ∆X, ∆Y et ∆Z. L’atmosphère est représentée jusqu’à 100 km, altitude au-dessous de laquelle se situe l’essentiel des constituants atmosphériques (gaz et aérosols). Le type de chaque cellule de la maquette est défini par la matière qu’elle contient (Figure I.6). Le modèle traite plusieurs types de cellules associées aux différents composants du paysage : Houppier (pour le feuillage des arbres), Tronc, Herbe, Sol, Eau, Route, Mur, Toit et Air. feuillage sol tronc Figure I.6 : Conversion du paysage terrestre en maquette DART. Les cellules sont classées en deux catégories (Figure I.7) : (1) Les cellules appelées « turbides » caractérisées par des interactions onde-matière volumiques (Houppier, Herbe et Air). Ces cellules sont définies par un ensemble de paramètres permettant de déterminer le coefficient d’extinction, la fonction de phase et l’albédo associés. (2) Les cellules appelées « opaques » où surviennent uniquement des interactions avec des surfaces opaques (Tronc, Sol, Eau, Route, Mur et Toit). Ces cellules sont définies par les fonctions de phase et albédos de chacune des surfaces opaques qu’elles contiennent. cellule turbide cellule opaque Figure I.7 : Schéma des diffusions volumiques (cellule turbide) et surfaciques (cellule opaque). Ces deux types de cellule sont décrits en détail dans le Chapitre II. – 20 – Chapitre I : Description générale du modèle DART La représentation discrète de l’atmosphère (cf. § III) est faite avec trois couches dont les cellules sont de tailles différentes : • Basse atmosphère (BA), qui correspond à l’air contenu à l’intérieur du paysage terrestre, i.e. les cellules de type Air comprises entre le sol et l’altitude maximale du paysage. • Moyenne atmosphère (MA), entre la basse atmosphère et une altitude de 4 km. • Haute atmosphère (HA), entre la limite supérieure de la moyenne atmosphère et une altitude de 100 km.
Éléments du paysage
La maquette du paysage terrestre utilisée par DART est constituée de 4 types de composants (sol, végétation, éléments urbains et surfaces d’eau) caractérisés par des paramètres optiques et géométriques présentés ci-dessous et détaillés dans l’Annexe C. Sol Le sol d’une maquette peut être plat ou accidenté. Le relief est représenté en tant que juxtaposition de triangles déduits d’un Modèle Numérique du Terrain (MNT) qui donne l’altitude (HMNT) pour un ensemble discret de points (x,y) dans le repère Ox, Oy de la maquette. Les points du MNT (e.g., les points A, B, C, D, E et F de la Figure I.8 ) sont les sommets des triangles du sol. Les cellules traversées par ces triangles, constituant le sol accidenté, sont de type Sol_MNT. La Figure I.8 montre l’architecture du sol avec relief. A B C D E F z x y A B C D E F Configuration 0 Configuration 1 (a) (c) (b) Figure I.8 : Triangularisation du MNT. Visualisation 3D (a) et en vue du dessus (b) des triangles. Les triangles sont placés suivant deux configurations (0 et 1). Visualisation 3D des cellules constituant le MNT (c). – 21 – Chapitre I : Description générale du modèle DART La réflectance du sol plat peut être un modèle lambertien avec une composante spéculaire, le modèle de Hapke (1981) avec une composante spéculaire ou être définie par l’utilisateur (cf. § II.2). Dans le cas particulier de sols avec une réflectance lambertienne, il est possible d’introduire une variabilité spatiale aléatoire de la réflectance. Dans ce cas, la réflectance est caractérisée par une valeur moyenne ρ sol et un écart type σρsol . Végétation Le paysage terrestre peut inclure des arbres et une couche homogène de végétation audessus du sol, avec ou sans relief. Cette couche est définie par une hauteur moyenne, un écart type de la hauteur et des paramètres qui définissent les propriétés du feuillage (cf. § II.1). Un paysage peut contenir des arbres de plusieurs espèces. Une espèce d’arbre est définie par la forme du houppier (Figure I.9), le taux de remplissage du houppier et les paramètres qui définissent le feuillage (cf. § II.1). Ellipsoïde Cône tronqué Ellipsoïde composé Trapézoïde Figure I.9 : Formes des houppiers. Les houppiers effectifs de la maquette résultent du maillage de ces formes schématiques avec des cellules parallélépipédiques. Les positions et les dimensions des arbres de chaque espèce peuvent être définies de trois façons : • Positions exactes et dimensions aléatoires : Le type et la position exacte de chaque arbre sont définis à l’aide d’un fichier contenant les coordonnées (x,y). Les dimensions des troncs et des houppiers sont des variables aléatoires gaussiennes de moyenne et écart type spécifiques à chaque espèce d’arbre. • Positions et dimensions aléatoires : Les arbres sont placés de manière aléatoire dans des cercles de rayon (r) centrés sur les nœuds d’une grille de points de maille (∆Xgrille, ∆Ygrille) (Figure I.10), avec pour chaque nœud, une probabilité de présence (Parbre). Les dimensions des troncs et houppiers sont des variables aléatoires gaussiennes de moyenne et écart type spécifiques à chaque espèce d’arbre. – 22 – Chapitre I : Description générale du modèle DART r ∆Xgrille ∆Ygrille Figure I.10 : Exemple de distribution aléatoire de la position des arbres (•). Parbre=0.8. • Positions et dimensions exactes : Toutes les caractéristiques des arbres de chaque espèce sont définies de manière exacte à l’aide d’un fichier (cf. Annexe C). La Figure I.11 présente un exemple de forêt générée par cette méthode. Figure I.11 : Représentation 3D de la maquette d’une forêt tropicale simulée. Éléments urbains Tout paysage urbain est composé à l’aide de trois éléments : bâtiments, murets et routes (Figure I.12). Ces éléments sont constitués de quadrilatères et/ou triangles opaques (Benech, 2000). toiture Bâtiment (maison) 8 points + hauteur des murs Route 2/3 points + largeur Muret 4 points + hauteur du mur murs Figure I.12 : Schémas de la géométrie d’une maison, d’un muret et d’une route. • Bâtiment : Un bâtiment est composé d’un ensemble d’éléments appelés « maisons ». Une « maison » comprend une toiture et quatre murs. La forme d’un bâtiment peut donc être – 23 – Chapitre I : Description générale du modèle DART complexe puisque les petits éléments urbains, tels que les cheminées, les colonnes, etc., peuvent être générés à l’aide de bâtiments complémentaires. • Muret : Un muret est défini par les quatre sommets supérieurs et sa hauteur. • Route : Une route est définie géométriquement par les coordonnées horizontales (x,y) de 2 ou 3 points et sa largeur. La projection verticale de la route sur un plan horizontal correspond au polynôme qui passe par les deux ou trois points. En présence d’un sol avec relief, la route se substitue à la topographie : les cellules de type Sol_MNT deviennent des cellules de type Route_MNT. La réflectance des éléments urbains peut être lambertienne, lambertienne avec une composante spéculaire ou de type Hapke avec une composante spéculaire (cf. § II.2).
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