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Apport de la chimie colloïdale
Principe
Une suspension colloïdale est constituée de nanoparticules dispersées de manière stable dans un milieu homogène (des particules de fumée dans l’air, le lait constitué de globules gras en suspension dans une solution aqueuse, ou encore particules métalliques dans un solvant). Une méthode efficace pour obtenir des colloïdes de métal consiste à réduire des sels métalliques dans un solvant pour for-mer des grains nanométriques monocristallins. Afin d’éviter l’agrégation de ces germes métalliques, la réduction doit se faire en présence d’un agent stabilisant, qui peut parfois aussi jouer le rôle de réducteur [35], de catalyseur ou encore d’inhibiteur de croissance [36] pour la synthèse de nanoparti-cules anisotropes. Les grains synthétisés de cette façon présentent une excellente monodispersité dans la mesure où leur nucléation se produit au même instant et la réaction se termine en même temps pour tous les germes, lorsque le sel métallique est totalement consommé. Les colloïdes métalliques présentent généralement une grande symétrie (quasiment isotrope) héritée de la haute symétrie de la structure cubique à faces centrées (CFC) que possèdent la plupart des métaux utilisés en plasmonique (or, argent, cuivre, aluminium…). L’argent est le métal idéal pour la génération et l’étude des plas-mons, car sa résonance plasmon se situe dans un domaine du visible où il dissipe très peu l’énergie électromagnétique. Son utilisation est toutefois complexe car il s’oxyde très rapidement. L’or présente des caractéristiques similaires (longueur d’onde de résonance légèrement plus élevée, aux alentours de 520 nm) avec toutefois une dissipation plus élevée due aux transitions interbandes qui concurrencent l’excitation collective des électrons [20]. Cependant, l’or est inoxydable, ce qui lève bon nombre de contraintes techniques quant à son utilisation. Pour cette raison, et compte tenu du savoir-faire dont dispose notre équipe en matière de synthèse de nanoparticules d’or, nous étudierons exclusivement ce métal. Dans cette optique, nous présentons quelques unes des possibilités offertes par la chimie colloï-dale pour l’élaboration de structures d’or. Des méthodes similaires ont été développées pour d’autres alliages ou métaux comme l’argent [37].
La méthode majoritairement utilisée pour la synthèse de germes maclés d’or a été originellement développée par J. Turkevich et al. en 1951 [35] et reste quasiment inchangée depuis, hormis une amélioration de G. Frens en 1973 [38]. Elle est basée sur l’utilisation de citrate qui d’une part permet la réduction d’un sel d’or HAu(III) Cl4, et d’autre part assure la stabilité par répulsion électrostatique des germes cristallins formés en constituant une couche protectrice chargée négativement autour de chacun d’eux. Le rapport des quantités de sel d’or et de citrate définit la taille et la concentration des nanoparticules. Ce degré de liberté ne présente pas un grand intérêt pour ajuster les propriétés plasmoniques des objets car le diamètre d’une sphère métallique influe très peu sur la position de sa ré-sonance spectrale [39]. D’autres approches pour modifier la réponse optique des colloïdes consistent en la modification du milieu environnant ou du métal (avec la possibilité d’utiliser des alliages [40]), mais la méthode offrant la plus grande latitude (aussi bien spectrale que spatiale) réside indéniablement dans la modification de la géométrie des particules.
Contrôle de la géométrie
La croissance de nanoparticules métalliques par la réduction d’un sel est essentiellement isotrope, il faut donc nécessairement introduire une brisure de symétrie pour obtenir des objets aux géométries anisotropes qui présenteront des résonances plasmon plus variées que celles d’une sphère. Par exemple, une particule de forme ellipsoïdale supporte deux modes de résonance dipolaires, selon que les électrons oscillent le long de l’axe de révolution de la particule (mode longitudinal) ou perpendiculairement à celui-ci (mode transverse) [41]. La position du pic de résonance longitudinale est déterminée par le rapport d’aspect de la particule ; le décalage s’effectuant vers les grandes longueurs d’ondes à mesure que le confinement du gaz d’électrons se relâche. De fait, ces objets allongés permettent une ingénierie spectrale des propriétés plasmoniques grâce à un contrôle de leurs dimensions. Pour synthétiser ce type de nanoparticules, C.J. Murphy et al. [42, 36] utilisent comme point de départ des germes d’or de 4 nm de diamètre constitués de pentacristaux {111} jumelés par une mince couronne {100} obtenus par la méthode de Turkevich. Le CetylTrimethylAmmonium Bromide (CTAB) présente une grande affinité pour les faces {100} de l’or. Utilisé en présence d’iodure, le CTAB freine la croissance des cristaux dans ces directions {100} et conduit à la formation de nano-bâtonnets (Figure I.6a). C’est l’idée de séparer l’étape de croissance anisotrope des faces de celle de germination qui permet d’augmenter et d’ajuster le rapport d’aspect des bâtonnets. Outre des particules sphériques toujours présentes, cette synthèse produit, en présence d’iodure, d’autres structures bidimensionnelles comme des disques ou des triangles de faible épaisseur présentant divers degrés de troncature [43]. La concentration en ions iodure permet d’influer sur les proportions relatives entre particules quasi-sphériques, bâtonnets et prismes. Chaque type de géométrie est ensuite isolé par des étapes de purification (centrifugation et décantation) [41]. Il existe une autre méthode de synthèse de prismes, très majoritairement utilisée, est basée sur l’utilisation de polyvinylpyrrolidone (PVP) (Figure I.6b). J. Sharma, post-doctorant au CEMES, a grandement amélioré ce procédé en proposant une méthode de synthèse de nano-prismes en présence d’ions halogénure.
Une seconde approche pour la conception de particules anisotropes passe par l’utilisation de tem-plates, c’est-à-dire de structures à la forme bien définie servant de cadre pour la croissance des parti-cules. Ceux-ci peuvent être rigides, comme les cavités cylindriques de l’alumine anodisée le long des-quelles il est possible d’induire la croissance d’objets métalliques [44]. Des templates souples, comme certains virus, engendrent le même type de croissance.
Figure I.6 – (a) Schéma des facettes cristallines d’un nano-bâtonnet d’or (Adapté de [36]) et image SEM de bâtonnets à grand rapport d’aspect. Barre d’échelle : 200 nm (Adapté de [41]). (b) Schéma de la structure des prismes d’or (Adapté de [45]) et images SEM de nano-prismes d’or avec différents degrés de troncatures. Barre d’échelle 1000 nm (Adapté de [46]).
La chimie colloïdale permet aussi de créer des objets tridimensionnels comme des cubes, ainsi que toutes les géométries qui en découlent par troncature des sommets (octaèdre, décaèdre…) [37]. La conception d’objets plus complexes, comme des structures branchées (depuis le tripode jusqu’aux étoiles) permet une bonne localisation spatiale de l’énergie électromagnétique par rapport aux poly-èdres, mais leur synthèse est moins bien standardisée.
Auto-assemblage
Le couplage de particules plasmoniques identiques ou de formes différentes démultiplie les perspec-tives en terme de contrôle spatial et spectral des plasmons localisés de surface. L’intérêt est double : d’une part, un guidage contrôlé de l’énergie électromagnétique avec un fort degré de confinement, et d’autre part, la création d’objets plasmoniques nouveaux présentant des propriétés optiques propres au couplage entre particules métalliques. Néanmoins, du fait de la décroissance rapide du champ proche optique (dépendance en r13 ), le couplage entre LSP de différentes nanoparticules métalliques n’est efficace que si la distance les séparant est suffisamment faible (celle-ci doit être au moins infé-rieure à la longueur caractéristique de décroissance du champ évanescent dans le milieu diélectrique environnant qui est de l’ordre de la moitié de la longueur d’onde [26]). La chimie colloïdale est par-ticulièrement adaptée à l’appariement d’objets. En effet, elle produit des particules constituées de quelques cristaux, ce qui se traduit d’une part, par une dissipation réduite de l’oscillation plasmon, et d’autre part, par des faces cristallines parfaitement définies, facilitant ainsi l’orientation et le contrôle de la distance entre objets. De plus, les molécules qui recouvrent les colloïdes pour prévenir leur agrégation peuvent être partiellement ou totalement remplacées pour transformer l’interaction répulsive en attraction et former des structures composées. Cette interaction peut être induite de diverses fa-çons, grâce à la force électrostatique ou la force de Wan der Waals, ou bien encore par des liaisons chimiques chelatante, hydrophobe ou hydrogène [47] par exemple. Cette dernière présente l’avantage de pouvoir être rompue de manière réversible par ajustement du pH. Le pont hydrogène a naturel-lement conduit à l’utilisation de molécules plus complexes comme l’appariement de nucléotides de brins d’ADN [48, 49] (Figure I.7a). Par la suite, d’autres couples de molécules biologiques à forte reconnaissance comme l’appariement antigène/anticorps [50] ou streptadivine/biotine [51] ont per-mis la formation de réseaux de nano-bâtonnets auto-assemblés [52, 53]. Par ailleurs, G. Kargal, doctorant au CEMES, a étudié la possibilité d’assembler des nano-sphères d’or par appariement de protéines sélectionnées pour leur affinité mutuelle forte. Les protéines sont aussi utilisées sous forme d’une couche de surface cristalline (appelée couche S, ou S-layer en anglais) constituant l’enveloppe de certaines bactéries pour réaliser un assemblage régulier 2D de nanoparticules [54, 55]. D’autres molécules biologiques, comme les virus, ont été utilisées comme template pour former des réseaux tridimensionnels [56] (Figure I.7b).
Ces approches conduisent majoritairement à des assemblages isotropes. Or, pour un guidage des plasmons et de l’information qu’ils convoient, les structures unidimensionnelles sont bien plus adap-tées. Une solution pour créer des agencements linéaires est de parvenir à une ségrégation de deux molécules antagonistes à la surface des particules. Ce concept a été entrevu par J. Turkevich qui remarque que l’ajout de perchlorate dans une solution de nano-sphères recouvertes de citrate conduit la formation de structures unidimensionnelles du fait de l’écrantage des charges négatives [59]. Cette idée est approfondie par S. Lin et al. qui montrent que l’utilisation de mercaptoethanol permet de former des réseaux de chaines de sphères [58] (Figure I.7c). D’autres approches ont par la suite été proposées pour réaliser des systèmes similaires [60].
La chimie colloïdale offre des solutions originales pour l’élaboration de particules métalliques de formes variées, ainsi que pour l’assemblage de celles-ci. Ces synthèses se font en milieu liquide, mais l’étude optique et l’utilisation des structures plasmoniques impose très souvent de les immobiliser sur une surface solide. Dans ce contexte, la chimie colloïdale est désavantagée par rapport à l’approche top-down qui fabrique, assemble et dispose les particules au cours de la même étape, mais de nom-breuses pistes sont actuellement explorées. Par exemple, A. Thete, post-doctorant au CEMES, est parvenu à faire croître des bâtonnets dans une direction donnée en utilisant un substrat dans lequel des tranchées avaient été préalablement lithographiées. Il a aussi expérimenté l’utilisation d’un dis-positif de distribution de gouttes de quelques attolitres à l’aide d’une tête AFM creuse. Ce système, dénommé NADIS (pour NAno DISpensing) et développé par T. Ondarçuhu et E. Dujardin, per-met par exemple de déposer avec la résolution latérale d’un AFM, de petits volumes de solution de germes d’or sur un substrat. Une fois immobilisés, les grains peuvent être plongés dans une solution de croissance pour former la géométrie souhaitée [61]. Dans la section suivante, nous décrivons différentes méthodes expérimentales permettant d’étu-dier les plasmons de surface localisés dans des nanostructures métalliques déposées sur substrat, en insistant sur le type d’information apporté par chacune d’entre elles.
Techniques d’imagerie des plasmons de surface supportés par des nanoparticules
La nature intrinsèque des SP est associée à des ondes évanescentes en périphérie de la surface du métal. Pour cette raison, il n’est pas physiquement possible d’imager ces champs électromagnétiques sans avoir recours aux techniques d’optique de champ proche qui permettent de convertir ces ondes évanescentes en lumière propageante. Historiquement, le microscope à effet tunnel optique a été uti-lisé pour cartographier les modes plasmons en utilisant une fibre optique effilée à courte distance de l’échantillon métallique [62]. Cette technique est très puissante puisqu’elle permet de voir la structure des champs évanescents engendrés par les plasmons et aussi d’imager l’ensemble des champs électro-magnétiques au voisinage d’un dispositif complet (guide d’onde, miroir de Bragg…). Cette technique de microscopie à balayage a progressivement été complétée par des méthodes de microscopie en champ lointain. Dans ce cas, ce sont les pertes radiatives dans le dispositif qui sont exploitées pour former une image approximative de l’ensemble des SP. Ces techniques ont une résolution d’image moindre que la microscopie en champ proche mais permettent néanmoins d’obtenir une image globale du phénomène sans avoir à utiliser la technique de balayage du détecteur.
Dans cette section, nous présentons rapidement les principales techniques utilisées pour étudier les plasmons à la surface de nanoparticules dans l’espace direct et dans l’espace des fréquences.
Microscopie optique
Limite de diffraction
Le premier outil qui vient à l’esprit lorsqu’il s’agit d’observer un objet invisible à l’œil nu est le microscope optique. Les techniques d’observation des LSP dans les métaux nobles basées sur cet outil sont parmi les plus simples et les moins contraignantes. Elles produisent, sous atmosphère ambiante, une image instantanée et globale des structures plasmoniques et, de façon indirecte, des modes plas-mons supportés par celles-ci. Cependant, la microscopie optique présente une restriction de taille : la limite de diffraction. Du fait de la nature ondulatoire de la lumière, l’image d’un point par un système optique n’est pas ponctuelle, c’est une figure de diffraction ayant une certaine extension spatiale. Ainsi, deux points suffisamment proches pour que leurs figures de diffraction se chevauchent ne pourront être distingués par le microscope. Cette distance limite d, appelée pouvoir de résolution (ou de séparation), défini la taille minimale des motifs pouvant être observés au microscope. Le pouvoir séparateur d’un objectif au sens du critère de Rayleigh s’exprime : d = x0λ ≃ 0, 61λ 2πn sin α n sin α où x0 désigne l’abscisse correspondant au premier zéro de la fonction de Bessel de première espèce d’ordre 1 J1 , λ désigne la longueur d’onde, n l’indice du milieu entre l’échantillon et l’objectif, et α l’angle maximal formé avec l’axe optique par un rayon issu de l’objet pénétrant dans l’objectif. Le produit n sin α désigne l’ouverture numérique. Le pouvoir séparateur d’un objectif d’ouverture numérique 0,8 est de 300 nm environ. Cette limitation physique est un minimum ne pouvant être dépassé, et les aberrations et défauts propres à la construction d’une optique augmentent cette limite inférieure de séparation. La grande ouverture numérique des objectifs à immersion permet d’améliorer la résolution en utilisant entre l’échantillon et l’objectif une huile d’indice optique comparable à celui du verre. Les meilleurs objectifs du marché présentent une ouverture numérique de 1,7 soit une distance de séparation idéale d’environ 150 nm. Le maniement de ces objectifs est toutefois plus complexe et délicat (mise en place de l’huile, distance de travail très faible, liberté de mouvement de l’échantillon fortement réduite, parfois utilisation de substrats spécifiques).
Ainsi, la microscopie optique est peu adaptée pour l’observation de particules isolées de taille très sub-micrométrique, d’autant plus qu’elle n’est sensible qu’aux composantes radiatives du champ électromagnétique. Par contre, elle permet une étude des propriétés des plasmons de surface en champ lointain, et renseigne sur la localisation spatiale du champ lorsque la résolution le permet. Associée à un spectromètre, elle renseigne aussi sur les propriétés spectrales des plasmons.
Microscopie en champ sombre (Dark Field Microscopy )
La microscopie en champ sombre filtre la lumière réfléchie spéculairement par les particules pour ne recueillir que celle qui est diffusée. Elle existe en réflexion (grâce à un objectif de microscope spécifique) ou en transmission (par objectif conventionnel mais avec système d’illumination adaptée). L’intérêt de cette technique est qu’elle permet, malgré la limite de diffraction, d’obtenir le spectre de diffusion d’une nanoparticule isolée sur un substrat.
En utilisant le dispositif présenté en Figure I.8a, C. Sönnichsen et al. [63] ont obtenu le spectre d’extinction de nano-disques d’or isolés de taille croissante (diamètre de 60 à 270 nm) et ont observé un élargissement et un décalage vers les basses énergies de la bande plasmon dipolaire, comme le montre la Figure I.8b. Par ailleurs, comme l’étude porte sur des objets isolés, l’absence d’élargissement spectral inhomogène (i.e. lié à la polydispersité des particules) autorise la déduction du temps de déphasage T2 de la mesure de la largeur à mi-hauteur du pic de résonance. Les valeurs mesurées sur les disques de diamètre croissant varient de 4 à 7.3 fs. La même équipe a par la suite étudié l’amortissement des plasmons supportés par des nano-bâtonnets [64]. Les LSP supportés par ces structures présentent un amortissement bien plus réduit que pour des particules isotropes de taille comparable, du fait de la suppression des transitions interbandes. En outre, la microscopie en champ sombre peut être utilisée en milieu liquide pour étudier l’influence d’une variation de l’indice optique local sur les résonances plasmon dans des objets isolés [65].
Microscopie à fuites radiatives (Leakage Radiation Microscopy – LRM)
Cette méthode en champ lointain permet une observation instantanée du champ électromagnétique radiatif associé aux plasmons de surface propagatifs dans le métal. Elle exploite le couplage entre un plasmon à l’interface métal/air et une onde lumineuse se propageant dans un milieu diélectrique d’indice suffisamment élevé. Ce phénomène est utilisé pour lancer un SPP sur un film métallique (cf. par exemple la configuration de Kretshmann Figure I.3a). Ici, c’est le couplage inverse qui est exploité : le plasmon, excité par un moyen quelconque (laser focalisé, pointe SNOM [66], pointe STM [27], etc.), subit des pertes radiatives dans le milieu diélectrique lors de sa propagation. Ces modes de fuites sont détectés par un microscope optique conventionnel. Avec le même dispositif, il est aussi possible d’imager les pertes radiatives dans le plan de Fourier [67], ce qui fournit des informations précieuses sur les fréquences spatiales de ces modes. Introduite par B. Hecht et al. [66], la microscopie à fuites radiatives est majoritairement employée pour étudier la propagation (et les pertes associées) des SPP dans des films nanostructurés [68] ou des guides d’onde métalliques. Cette technique est relativement simple à mettre en œuvre, et fournit des résultats immédiats, ce qui en fait un moyen privilégié de tester des composants actifs ou passifs pour le guidage plasmonique, faisant parfois intervenir des nanoparticules métalliques (beam splitter [69], démultiplexeur [70] (Figure I.9a), focalisation de SPP avec une chaine parabolique de nanoparticules [71], etc.).
Récemment, M. Song et al. ont examiné la propagation de SPP dans des nano-fils colloïdaux d’argent [72]. Leur étude a montré que la section pentagonale de ces fils ainsi que la surface sur laquelle ils sont déposés sont à l’origine de plusieurs modes de plasmons de surface ayant des indices effectifs et des longueurs de propagation différents. L’un de ces modes, se propageant le long d’une arête du cristal, a été imagé par LRM (Figure I.9b).
En résumé, la LRM donne une image instantanée (espace direct et conjugué) des seuls modes plasmons de surface propagatifs pouvant donner lieu à une perte radiative dans un milieu diélectrique d’indice élevé en contact avec le métal. L’ouverture numérique de l’objectif utilisé limite l’indice effectif maximal des modes plasmons pouvant être détectés, tandis que la limite de diffraction impose de travailler avec des structures d’au moins 200 nm. Cette méthode s’applique à l’étude des SPP dans des nanoparticules métalliques mais aussi permet d’étudier l’influence de ces dernières sur la propagation de SPP dans des films continus.
Microscopie optique non-linéaire (Nonlinear optical microscopy )
Lorsqu’un métal est soumis à un champ électrique excitateur de faible intensité E(r, t), sa réponse électromagnétique, représentée par un moment dipolaire par unité de volume p(r, t), est considérée comme linéaire. En présence d’un champ suffisamment intense, la réponse dépend aussi significative-ment des puissances supérieures du champ 3 : p(r, t) = p(1) (r, t) + p(2) (r, t) + p(3) (r, t) + … 3. ou plus généralement, présente une contribution qui n’est pas proportionnelle à E. Cela inclut par exemple des termes en ∇E. où χ(1) , tenseur de rang 2, est la susceptibilité du métal, et χ(2) , tenseur de rang 3, est la susceptibilité non-linéaire de second d’ordre. Cette dernière est nulle dans les cristaux centrosymétriques, ce qui est le cas de la plupart des métaux employés en plasmonique. Cependant, une brisure de symétrie, apportée par exemple par la géométrie de la particule [73] permet d’induire une réponse non-linéaire d’ordre 2 dans ces métaux. Cela se manifeste par exemple sous forme de génération de seconde harmo-nique (Second Harmonic Generation – SHG) par laquelle deux photons de même énergie se combinent dans le matériau non-linéaire pour former un photon d’énergie double 4 . Dans le cas de nanoparticules métalliques, le signal SHG, séparé de l’excitatrice fondamentale et des réflexions parasites par filtrage, est influencé par les oscillations plasmon à la surface des particules [74] et révèle l’exaltation du champ local par ces résonances plasmon [75].
L’or, du fait de sa structure de bande électronique, émet un autre type de signal non-linéaire lorsqu’il est soumis à un rayonnement incident. Par exemple, lorsqu’il est irradié par une excitation lumineuse monochromatique de 400 nm, il émet un rayonnement continu dans le visible et le proche infra-rouge [76]. C’est la recombinaison radiative consécutive à l’excitation interbande d’un électron qui est à l’origine de la fraction visible de ce rayonnement. Cette transition interbande peut aussi être induite par l’absorption de deux photons dont l’énergie se situe dans le proche infrarouge. Ce mécanisme d’excitation, appelé luminescence à deux photons (Two Photon Luminescence – TPL), a permis d’imager l’exaltation du champ électrique local au voisinage de nano-bâtonnets d’or obtenus par synthèse colloïdale [17] (Figure I.10a) en provoquant localement la luminescence grâce à un SNOM (cf. section suivante). En comparant les images de luminescence à deux photons des bâtonnets les plus longs avec des simulations de densité locale d’états photoniques (LDOS) dans ces mêmes structures, K. Imura et al. montrent que la LDOS se manifeste dans le signal de luminescence détecté [77]. Par ailleurs, A. Bouhelier et al. montrent que les spectres de photoluminescence à deux photons de bâ-tonnets d’or lithographiés sont fortement corrélés aux spectres d’extinction, signe que ce rayonnement non-linéaire est bien lié aux plasmons supportés par les structures. Une preuve supplémentaire vient de la forte dépendance de l’émission de fluorescence de ces bâtonnets à la polarisation du faisceau incident [78]. P. Ghenuche et al. emploient la TPL pour étudier des structures d’or plus complexes comme des paires de disques lithographiés [79] ou des antennes constituées de deux barreaux disposés bout à bout [80] faisant suite aux travaux de P. Mühlschlegel et al. [81]. Dans le cas de ces an-tennes, les cartes de TPL montrent que le couplage entre les deux barreaux conduit, pour une certaine longueur d’onde d’excitation, à une localisation et une exaltation du signal, très bien reproduites par des cartes simulées de la puissance 4 du champ électrique convoluées par un faisceau gaussien de 200 nm (Figure I.10b).
Table des matières
Introduction
I Techniques expérimentales et méthodes de simulation pour la plasmonique
I.1 Plasmonique colloïdale
I.1.1 Introduction à la plasmonique
I.1.2 Apport de la chimie colloïdale
I.2 Techniques d’imagerie des plasmons de surface supportés par des nanoparticules
I.2.1 Microscopie optique
I.2.2 Microscopie de champ proche
I.2.3 Sondes électroniques
I.2.4 Observation indirecte
I.3 Méthodes de simulation
I.3.1 Finite Difference Time Domain – FDTD
I.3.2 Discrete Dipole Approximation – DDA
I.3.3 Green Dyadic Method – GDM
II Contraste optique au voisinage de nanoparticules d’or
II.1 Champ proche au voisinage d’une sphère métallique déposée sur un substrat
II.1.1 Sphère de métal dans un milieu diélectrique
II.1.2 Sphère de métal posée sur un substrat plan
II.1.3 Extension à d’autres géométries : le cas des ellipsoïdes de révolution
II.2 Visibilité d’une sphère d’or dans un environnement diélectrique
II.2.1 Permittivité diélectrique de l’or
II.2.2 Contraste optique et invisibilité locale
II.3 Photomigration
II.3.1 Principe
II.3.2 Mécanismes de migration
II.3.3 Présentation des objets
II.3.4 Méthode expérimentale
II.3.5 Résultats
III Imagerie des modes plasmons par luminescence à deux photons (TPL)
III.1 Mécanisme de luminescence et dispositif expérimental
III.1.1 Luminescence de l’or à un et deux photons
III.1.2 Influence des plasmons sur le signal de TPL
III.1.3 Dispositif expérimental
III.1.4 Calibration
III.2 Outil de simulation
III.2.1 Modélisation du phénomène
III.2.2 Description du faisceau gaussien
III.2.3 Construction des cartes TPL
III.3 TPL de colloïdes d’or
III.3.1 Nano-bâtonnets d’or isolés
III.3.2 Nano-bâtonnets d’or couplés
III.3.3 Nano-prismes d’or isolés
IV Densité locale d’états plasmoniques (LDOS)
IV.1 De la TPL à la LDOS plasmonique
IV.1.1 LDOS photonique
IV.1.2 Lien entre cartes TPL et LDOS plasmonique
IV.2 Ingénierie des modes plasmoniques
IV.2.1 Distribution modale d’un prisme isolé
IV.2.2 Modification de la taille et de la forme d’une particule isolée
IV.2.3 Redistribution modale par couplage
IV.2.4 Porte logique plasmonique modale
V Étude de chaines de nanoparticules d’or par spectroscopie de perte d’énergie des électrons
V.1 Chaînes de nanoparticules colloïdales
V.1.1 Synthèse des nanoparticules
V.1.2 Auto-assemblage
V.1.3 Spectre d’absorption
V.2 Étude par spectroscopie de pertes d’énergie des électrons
V.2.1 Dispositif expérimental
V.2.2 Modèle analytique
V.2.3 Résultats expérimentaux
Conclusion
Bibliographie
Articles publiés