Impact du changement climatique sur le climat de
vagues en zone côtière, par régionalisation dynamique
Le changement climatique dans l’Atlantique Nord
Le changement majeur qui peut impacter le climat actuel et futur est l’augmentation des concentrations de gaz à eet de serre (CO2, CH4, N2O). Leur évolution au cours du dernier siècle a été le changement le plus rapide et le plus important de l’histoire connue de l’atmosphère. Les gaz à eet de serre ainsi que les nuages absorbent en grande partie le rayonnement terrestre et le rediusent vers l’espace et vers la Terre. C’est la réémission des ux d’énergie vers la Terre qui la réchaue et qu’on appelle l’eet de serre. La conséquence majeure de l’augmentation des gaz à eet de serre est donc l’augmentation des températures. Ce réchauement concerne le système terre-océan-atmosphère dans son ensemble et est susceptible de modier le déplacement des masses d’air, et donc les vents de surface et les vagues. Le système Terre-Océan-Atmosphère est un système dynamique et fortement complexe, et il est indispensable d’utiliser les modèles pour projeter les évolutions potentielles du climat. Les projections sont basées sur des scénarios d’émissions de gaz à eet de serre. Nous décrivons donc dans un premier temps les scénarios futurs, puis les résultats des projections du climat et des projections globales de vagues.
Scénarios futurs d’émissions de gaz à eet de serre
L’augmentation récente des émissions de gaz à eet de serre est la conséquence de l’activité humaine et les futures tendances d’émissions de gaz à eet de serre dépendent du développement des sociétés humaines et de la prise ou non de mesures pour réduire le réchauement climatique global. Le Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC ou IPCC en Anglais) a proposé plusieurs scénarios d’évolution de la société dans le rapport spécial sur les scénarios d’émissions (SRES, Naki¢enovi¢ and Swart, 2000). Appelés scénarios SRES, ils permettent d’explorer les incertitudes liées aux futures tendances des émissions de gaz à eet de serre. Cependant, il n’y a pas de prise en compte des politiques d’adaptation comme dans les scénarios du 5e rapport d’évaluation, en cours de dénition. Figure 1.11 Illustration schématique des scénarios SRES. Chaque famille de scénarios est basée sur des caractéristiques communes de développement. Source : Naki¢enovi¢ and Swart (2000). Il existe quatre familles de scénarios représentatives de diérents contextes démographiques, sociaux, politiques et technologiques. Ces familles se répartissent entre un développement global ou régional et des objectifs plus économiques ou environnementaux (gure 1.11) : A1 global/économique : Développement économique rapide, population globale de 9 billions en 2050, en décroissance ensuite, introduction et diusion rapide de nouvelles technologies plus ecaces, convergence du niveau de vie entre régions, interactions sociales et culturelles à l’échelle mondiale. Cette famille inclut le scénario A1B qui donne la même importance à toutes les sources d’énergie. régional/économique : Nations autonomes, fonctionnant indépendamment, population en augmentation continue, développement économique régionalisé, changements et améliorations technologiques plus lentes et plus fragmentées. B1 global/environnemental : Développement économique rapide, population globale de 9 billions en 2050, en décroissance ensuite, avec une évolution rapide des structures économiques vers une économie de services et d’information, introduction de technologies propres et peu consommatrices en ressources, accent mis sur les solutions globales orientées vers une durabilité économique, sociale et environnementale. B2 régional/environnemental : Population en augmentation continue (mais moins rapide que dans A2), accent mis sur des solutions locales plutôt que globales à la stabilité économique, sociale et environnementale, niveaux intermédiaires de développement économique, changements technologiques plus lents et plus fragmentés que dans A1 et B1. Ces scénarios permettent de traduire des tendances démographiques, économiques, sociales et technologiques en émissions de gaz à eet de serre et à d’autres variables (aérosols, etc.) qui servent de données d’entrée aux modèles utilisés pour faire des projections du climat. Par la suite, nous utiliserons les scénarios B1, A1B et A2.
Projections du climat
La première variable qui caractérise le changement à venir est la température, conséquence directe de l’augmentation des concentrations des gaz à eet de serre. La gure 1.12 montre l’évolution de la température globale pour les scénarios A2, A1B et B1. La température globale augmente fortement pour les trois scénarios jusqu’en 2100, puis tend progressivement vers une stabilisation pour les scénarios A1B et B1 à partir de 2100. Si l’on regarde la distribution spatiale du réchauement (gure 1.13, gauche), on note que la température augmente en particulier au niveau du pôle Nord (réduction de la mer de glace et rétroaction de l’albédo), du pôle Sud et sur les continents. Cette modication des gradients de températures induit une modication de la circulation atmosphérique générale et des gradients de pression (gure 1.13, droite). L’augmentation des pressions aux moyennes latitudes et la diminution dans les hautes latitudes sont associées à une expansion des cellules de Hadley vers les pôles et à un ralentissement de leur circulation. Aux moyennes latitudes, l’impact de ces changements de circulation atmosphérique sur les vents de surface peut être analysé à travers l’évolution des cyclones extra-tropicaux et des rails des tempêtes. Le 4e rapport d’évaluation du GIEC (Meehl et al., 2007) fait état d’un décalage des rails de tempêtes vers les pôles, d’une diminution du nombre total de cyclones extra-tropicaux, accompagnée d’une intensication des cyclones extra-tropicaux aux moyennes latitudes d’ici la n du 21e siècle, dans le contexte d’un réchauement climatique global. Des études récentes ont conrmé certains de ces résultats, en particulier concernant la réduction du nombre total de cyclones extra-tropicaux et le décalage des rails de tempêtes vers les pôles (Catto et al., 2011; Bengtsson et al., 2009; Pinto et al., 2007). Cependant, dans l’Atlantique Nord, le décalage des rails de tempête pourrait être lié au ralentissement de la boucle de retournement (la Meridional Overturning Circulation ou MOC module le gradient méridien de température (Hu et al., 2009)). De plus, Catto et al. (2011) ont montré que l’impact du changement climatique sur les rails de tempête dans cette région est non linéaire (décalage vers le Nord-Est pour le scénario 2 × CO2 et pas de décalage pour le scénario 4 × CO2 par rapport au scénario de contrôle). Enn, Bengtsson et al. (2009) et Catto et al. (2011) ont montré que le nombre de cyclones extratropicaux intenses est stable, voire en diminution d’ici la n du 21e siècle. Ces diérentes études donnent des conclusions très diverses et il est dicile aujourd’hui de déterminer avec certitude les caractéristiques des cyclones extra-tropicaux à la n du 21e siècle. Une autre conséquence majeure du changement climatique est l’augmentation du niveau moyen des océans (Meehl et al., 2007; Rahmstorf, 2007). Non seulement cette hausse va modier le trait de côte et la dynamique littorale, mais elle va également modier les conditions de vagues à l’approche des côtes. En eet, en première approximation, du fait de l’augmentation du niveau marin, la zone de déferlement actuelle sera décalée et se rapprochera des cordons dunaires et des zones habitées (dans l’hypothèse où celles-ci ne seraient pas déplacées).
Projections globales de vagues
Le 4e rapport d’évaluation du GIEC (Christensen et al., 2007) faisait état d’un manque de connaissance du climat de vagues futur. Depuis ce constat, des projections de vagues ont été relativement à 1980-1999. Les hachures indiquent que la moyenne multi-modèles est plus forte que l’écart-type entre les modèles. Source : Meehl et al. (2007). réalisées à l’échelle globale et régionale. Le tableau 1.3 liste les projections de vagues existantes, englobant au moins l’Atlantique Nord-Est. Jusqu’en 2006, à quelques exceptions près, les premières projections de vagues sont basées sur la régionalisation statistique et couvrent l’Atlantique Nord (The WASA Group, 1998; Wang et al., 2004) ou l’ensemble du globe (Wang and Swail, 2006; Caires et al., 2006). Cette méthode consiste à relier une variable grande échelle, pour laquelle des projections pour le climat futur sont disponibles, à une variable locale. Les régionalisations statistiques détaillées dans le tableau 1.3 relient la pression de surface à la hauteur des vagues (moyenne ou extrême). Depuis 2007, des projections de vagues ont été réalisées par régionalisation dynamique à l’échelle globale ou régionale. Cette méthode consiste à générer et propager les vagues avec un modèle de vagues forcé par des champs de vent de surface. Les études mentionnées dans le tableau 1.3 concernent des projections de vagues sur l’Atlantique Nord-Est (Leake et al., 2007; Debernard and Røed, 2008; Zacharioudaki et al., 2011) ou sur l’ensemble du globe (Mori et al., 2010), avec une résolution spatiale variant de 0.2 ◦ à 1.25◦ . Dans l’Atlantique Nord, les projections globales donnent des résultats consistants, indiquant une augmentation des hauteurs de vague dans la partie Sud-Ouest qui s’étend parfois jusqu’au Sud-Est, dans la partie Nord-Est et une diminution dans la partie centrale de l’Atlantique Nord (gure 1.14). Les projections limitées à l’Atlantique Nord ou Nord-Est donnent des résultats similaires. Cependant, l’amplitude, la signicativité et l’extension spatiale de ces changements dépendent de la saison, du type de hauteur (moyenne, 90 ou 99e centiles, périodes de retour …) et du scénario d’émissions de GES analysé. D’une étude à l’autre, on note que ces changements dépendent aussi du choix de l’approche (dynamique ou statistique), de l’AGCM produisant les champs de vent ou de pression et du modèle de vagues ou de régression utilisés. Figure 1.14 Carte simpliée des projections des hauteurs de vague, synthétisant les résultats des études existantes dans l’Atlantique Nord (tableau 1.3). Ces projections de hauteurs de vague apportent des éléments intéressants sur l’impact du changement climatique sur le climat de vagues sur de grandes étendues. Cependant ces projections ne sont exploitables que dans des régions éloignées des zones côtières, et l’étude des changements des climats de vagues le long des côtes nécessite une résolution spatiale plus ne. Dans l’Atlantique Nord, ces études à plus forte résolution spatiale indiquent des changements globalement similaires, mais les changements des hauteurs de vague dans le Golfe de Gascogne sont très variables. De plus, l’étude de l’impact potentiel du changement climatique sur le littoral nécessite de mieux caractériser les changements de conditions de vagues, avec notamment le calcul de variables telles que la période et la direction des vagues.
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