Contexte général de l’étude et état de l’art
Les deux premières parties de ce chapitre présentent le contexte général de l’étude. Elle définissent tout d’abord la notion de multi-matériaux. Elles présentent ensuite ses applications et les différentes gammes génériques permettant son élaboration. Ces deux premières parties aboutissent sur la mise en évidence des intérêts du co-forgeage. La troisième partie se concentre sur le co-forgeage et plus particulièrement sur l’identification des phénomènes physiques mis en jeu au cours du procédé, leur caractérisation et leur modélisation. A l’issue de ce chapitre, les objectifs de la thèse et la méthodologie suivie pour les atteindre seront explicités. Ce premier chapitre est divisé en trois parties. Les deux premières parties abordent le contexte général de l’étude. Elles définissent tout d’abord la notion de multi-matériaux. Elles présentent ensuite ses applications et les différentes gammes génériques permettant son élaboration. Ces deux premières parties servent à positionner les travaux de thèse par rapport aux d’autres travaux produisant le multi- matériaux par d’autres procédés et à justifier le choix du forgeage comme procédé de fabrication dans nos travaux. Une fois le choix a été justifié et le contexte a été défini, la troisième partie détaille les paramètres influençant la co-forgeabilité d’un multi-matériaux et décrit les phénomènes physiques accompagnant le co-forgeage.
Ensuite, elle présente quelques procédés de soudage à l’état solide qui mettent en jeu des principes physiques similaires à celui du co-forgeage. Une attention particulière est portée sur ceux intervenant lors de l’établissement de la liaison à l’interface entre les matériaux. A la fin de la troisième partie, les méthodes de caractérisation de la liaison à l’interface en termes de microstructure, composition chimique et propriétés mécaniques sont présentées.En général, une pièce multi-matériaux est constituée d’aux moins deux matériaux assemblés d’une manière continue ou discontinue [Kawasaki et al, 1997]. Une pièce multi-matériaux co-forgée fait appel à la déformation plastique et la diffusion pour créer la liaison métallurgique à l’interface des matériaux. La distribution des matériaux confère un gradient – continu ou discontinu – de propriétés au sein de la même pièce (Figure 1). L’objectif de la solution multi-matériaux est de mettre aux différents endroits de la pièce un matériau adapté aux sollicitations et fonctions locales [Rafiq, 2011]. Ceci permet de répondre à des cahiers de charges plus complexes et ainsi d’optimiser les coûts matières et/ou le poids des pièces. Par exemple une application peut exiger un matériau dur (en surface) et résilient (en cœur), compromis difficile à atteindre dans le cas d’un seul matériau [Rasheedat et al, 2012].
Lorsque la distribution des matériaux est continue, on parle de pièce multi-matériaux à gradient continu (Functionally Graded Materials-FGM). Ce type de distribution est plus favorable qu’une distribution discontinue où la transition brusque à l’interface des matériaux peut générer des défauts [Wang, 1983 ; Rasheedat et al, 2012]. La réduction de la consommation d’énergie pour les fabricants d’automobiles et d’avions est un objectif affiché, qui les pousse à opter pour des composantes mécaniques ayant un bon compromis entre performance, poids et coût. La Figure 2 illustre deux composantes bi-matériaux forgées : une bride d’entraînement en aluminium et acier avec une diminution de poids de 1.1 kg (Figure 2-a) et un tambour de frein hybride en aluminium et acier avec une réduction de poids de 4.5 kg (Figure 2-b). La plupart des multi-matériaux, dans ce domaine, sont fabriqués par métallurgie de poudre. Un exemple très connu est la fabrication des implants dentaires bi-matériaux composés de titane et de céramique d’hydroxyapatite (HAP). La partie inférieure de l’implant dentaire est constituée de titane pour ses propriétés de biocompatibilité et la partie supérieure est constituée d’hydroxyapatite pour ses propriétés mécaniques [Watari et al, 1997] (Figure 3).
Les multi-matériaux sont utilisés dans les dispositifs de conversion d’énergie. Ils sont également utilisés comme barrière thermique et comme revêtement protecteur sur des aubes de turbine, dans le moteur à turbine à gaz par exemple (Figure 4). Ces dernières sont exposées à des conditions thermomécaniques sévères. Pour résoudre ce problème, la conception des nouvelles aubes de turbine comprend un métal de faible résistance thermique sur le côté le moins sollicité thermiquement et un matériau céramique de haute résistance thermique sur le côté le plus sollicité thermiquement. Une distribution continue à l’interface est adoptée pour éviter toute concentration de contraintes [Qian et al, 2003]. Le co-frittage des multi-matériaux a été investigué à travers des travaux récents [Auger, 2010 ; Thomazic, 2010 ; Desplanques, 2014]. C’est une technique qui consiste à élaborer une pièce multi- matériaux en passant par trois étapes : le choix des poudres des différents matériaux, la mise en forme et la consolidation [Desplanques, 2014]. Lors du refroidissement, le co-frittage des multi-matériaux connait l’apparition de contraintes résiduelles engendrant des défauts à l’intérieur de la pièce. Ces contraintes sont capables d’entraver la consolidation de la pièce multi-matériaux frittée. Les facteurs pouvant générer ces contraintes résiduelles sont : la différence de vitesse de déformation et densification entre les matériaux frittées et la différence de coefficients de dilatation thermique [Green et al, 2008]. Aussi, la réaction entre les matériaux à l’interface favorise la naissance des interphases fragilisants l’interface comme l’illustre la figure 5 correspondant au co-frittage d’un acier sur un carbure cémenté [Thomazic, 2010].