Conception et constitution du corpus
Afin de répondre à l’objectif concernant la mesure de l’impact du trouble de parole sur la communication des patients traités pour un cancer de la cavité buccale et de l’oropharynx, j’ai constitué un nouveau corpus. La constitution de ce corpus a été d’une part déterminée par la nécessité d’étudier la parole spontanée des sujets en constituant des échantillons de parole en situation conversationnelle (ce qui n’est pas encore couramment fait comme l’a montrée la revue systématique de littérature). D’autre part, dans le cadre de l’évaluation et conformément à la Classification Internationale du Fonctionnement, du handicap et de la santé, l’ensemble des dimensions fonctionnelles (niveau des activités) et psychosociales (niveau des participations) doivent être prises en compte, notamment les aspects relatifs à la communication pouvant être altérée par les troubles de parole. constitué d’autoquestionnaires et d’un test de dépistage cognitif (sur les fonctions langagières, mnésiques, exécutives et d’orientation spatio-temporelle) fournissant des données sur le trouble de parole, les capacités de communication, la qualité de vie et les facteurs associés. Le second volet comprend des enregistrements de parole sur lesquels de multiples paramètres seront mesurés. Un objectif de 21 sujets minimum était initialement fixé, dans la mesure où 50 % des études retenues dans la revue systématique incluaient 21 participants ou plus. Afin d’avoir un échantillon plus large et permettant une meilleure puissance statistique relative, nous envisagions d’inclure 30 sujets.
Le recrutement des sujets s’est déroulé sur une période totale de 15 mois, en deux périodes d’inclusion : une première période de cinq mois et demi et une seconde période de six mois et demi. Un intervalle de trois mois a séparé ces deux périodes, durant lequel les recrutements ont été suspendus en raison de la période de confinement sanitaire lors de la crise pandémique du Covid-19. Cette période de suspension correspondait à deux mois de confinement strict, et un mois post-confinement durant lequel aucun patient n’a été inclus en raison de la modification de la dynamique sociale induite par la situation sanitaire, et pouvant induire un biais de réponse (notamment quant à l’état anxiodépressif ou aux interactions avec les cercles sociaux). groupes : un lot 1 de patients recrutés avant la crise sanitaire (soit avant mi- mars 2020), et un lot 2 de patients inclus après la période de trois mois de suspension (soit entre mi-juin et fin décembre 2020). La comparabilité des deux lots a également été étudiée, afin de nous assurer de l’absence de différence significative entre les deux groupes quant à nos variables d’intérêt.
De nombreux modèles théoriques appliqués à la communication ont été développés depuis une cinquantaine d’années. En raison des différentes conceptualisations appliquées à la communication, définie comme « la transmission d’un contenu de pensée entre une locuteur et un allocutaire » (François & Nespoulous, 2011), trois grands types de modélisation ont été proposés (Picard, 1992). Ils ciblent principalement la transmission du signal. Un des modèles les plus connus est celui de Shannon et Weaver (Shannon & Weaver, 1964), dans lequel la communication est envisagée sous la forme d’un transfert d’un message d’une source à un destinataire sous la forme d’un signal. Ces modèles assez réducteurs prennent peu en compte le contexte de communication, à l’exception du bruit ambiant pouvant perturber la transmission du message. une communication efficace : les fonctions émotive, référentielle, poétique, conative, phatique et métalinguistique. Dans ce cadre, la communication s’inscrit pleinement dans un contexte d’élocution entre destinateur et destinataire, avec une intention de transmission du message par le destinateur à un destinataire en prenant en compte le contenu du message et les connaissances préalables du contexte. Enfin, les modèles psychosociologiques élargissent la notion de message transmis aux éléments non-verbaux de communication peu pris en compte dans les modèles précédents.
Ils ciblent davantage les contextes de communication, en intégrant à la communication le cadre (contexte spatial et temporel de l’échange), l’institution (contexte culturel de l’échange) et le nombre de participants. 10) (Devevey & Kunz, 2018; François & Nespoulous, 2011), envisagent le message sous la forme d’un signal acoustique encodé par un émetteur et décodé par un récepteur, selon trois niveaux symétriques de production et de réception. Ces modèles, dits « naïfs » en raison de leur compréhension relativement intuitive, se composent d’un niveau conceptuel lié au contexte de communication et à la motivation communicationnelle, d’un niveau catégoriel lié à la représentation morpho-syntaxique des signes linguistiques, et d’un dernier niveau articulatoire comprenant à la fois la mise en œuvre des structures phonologiques à produire dans la parole mais aussi de la production articulatoire du son cible du côté du locuteur. Ces modèles sont séquentiels, allant dans un sens top-down du point de vue du locuteur (production).