LE RATIONALISME CRITIQUE DE KARL POPPER

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L’IDEE D’UNE PHILOSOPHIE EMPIRISTE

L’empirisme est une doctrine philosophique très ancienne. Pour en expliquer tous les paramètres historiques, il faut remonter très loin dans l’histoire de la pensée. Nous partirons dans notre étude de cette notion de la Grèce pour voir comment l’empirisme a évolué. Durant le IIe et le IIIe siècles, les grecs ont nourri une théorie philosophique dont la base était l’expérience. Il faut tout de même remarquer qu’à cette période, les grecs concevaient l’empirisme comme une forme de scepticisme rattaché à l’Ecole de Pyrrhon2. C’est ainsi que selon une certaine tradition philosophique, l’empirisme serait issu de l’ouvrage de Sextus Empiricus3. A l’origine, le mot empirisme était alors pris comme une méthode critique qui s’opposait aux méthodes dites dogmatiques. Son objet central était le doute par où il faut entendre une opération de l’esprit consistant à comparer des phénomènes ou des pensées jusqu’à faire apparaître des antithèses en présence desquelles il est sage de suspendre son jugement. Toutefois cette suspension du jugement appelée ‘’épochè’’ ne supprime pas la perception sensible; elle permet, au contraire, de l’utiliser pour explorer comment les phénomènes apparaissent et comment les pensées sont jugées.
Au sens premier du terme, l’empirisme serait dérivé du grec empeira. Il est traduit en latin par experientia qui signifie expérience. Sans aller jusqu’à faire remonter la démarche empiriste à Héraclite ou Protagoras, on peut en repérer la trace chez Aristote pour lequel il y a deux modes d’accès à la conceptualisation : la voie royale de l’intelligence, de la science et celle plus modeste de l’expérience. Pour Aristote, l’expérience ou encore le sensible ne doit pas être rejeté comme le souhaitait Platon avec sa dichotomie entre monde sensible et monde intelligible. Si, pour Platon, le sensible est suspect et dépourvu de toute intelligibilité ; pour le stagirite, au contraire, le sensible est intelligible de part en part. Aristote consacra une bonne partie de son œuvre – qui a aboutit à l’élaboration de sa physique – à critiquer cette séparation platonicienne entre monde sensible et monde intelligible. Il rejette la théorie des Idées et tente de réhabiliter le sensible. Il considère d’ailleurs que c’est cette séparation qui a constitué l’obstacle épistémologique majeur ayant empêché l’émergence d’une science de la nature. Aristote procédera à une réhabilitation du sensible ; ce qui constituera l’arrière fond métaphysique de sa théorie du mouvement. Pour lui, il ne s’agit pas de rechercher les formes idéales a priori, données de toute éternité puisque le sensible aussi est intelligible de part en part. En d’autres termes les choses sont pensables par elles-mêmes ; ce qui veut dire que leur principe d’intelligibilité n’est pas à rechercher ailleurs qu’en elles-mêmes. Ainsi, on peut donc penser le réel sensible en restant sur le plan de l’immanence, c’est-à-dire sans avoir à le doubler d’une autre réalité qui en serait la clé en l’occurrence ici les Idées platoniciennes. Au fond, pour Aristote, ces dernières sont obtenues par abstraction à partir du sensible dont elles procèdent, en vertu du principe célèbre selon lequel « Il n y a rien dans l’entendement qui n’ait d’abord été dans les sens ».
Aux XVIIe et XVIIIe siècles, il apparaît dans l’histoire de la philosophie une nouvelle génération de philosophes. Il s’agit de ces penseurs que nous qualifions aujourd’hui d’empiristes et qui pourtant n’ont jamais réclamé ce qualificatif. En effet, l’image que nous nous faisons aujourd’hui des empiristes anglais de cette période est une illusion rétrospective dans la mesure où à cette période on classait les penseurs suivant qu’ils étaient cartésiens, platoniciens, sceptiques…. Le qualificatif ‘’empiriste’’ ne figurait pas dans ce catalogue. Ni Locke, ni Hume ne s’est déclaré empiriste. Cependant, il est parfaitement légitime de s’appuyer sur l’empirisme professé aux XIXe et XXe siècles pour retrouver chez leurs prédécesseurs des thèses dites empiristes. Certes, il convient de replacer ces thèses dans leur contexte.
Pour comprendre ce qu’est l’empirisme, il faut rappeler le problème philosophique sous-jacent à cette théorie. Ce problème est celui de l’origine de nos idées. Comment se forment-elles dans notre esprit ? Et à cet effet, deux thèses vont s’opposer jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, époque où Kant résoudra le problème en partie.
La théorie intellectualiste (parfois aussi appelée dogmatique) considère que les idées préexistent à l’expérience en notre esprit. On peut alors soutenir par exemple que nous les avons contemplées dans un autre monde. C’est la signification de la dichotomie platonicienne entre monde sensible et monde intelligible. Le monde intelligible étant celui des essences, des idées immuables et incorruptibles; et le monde sensible n’ayant de sens que parce qu’il est la copie du premier monde. Dans une perspective cartésienne, nous parlerions d’idées innées. Pour Descartes, les idées sont comme des semences naturelles que Dieu a mises en notre esprit. Si pour l’un et l’autre les idées sont dans notre esprit, alors les organes de sens ne font que réveiller en nous les idées correspondantes permettant de penser les choses. L’argument essentiel en faveur de cette thèse est que les idées sont générales alors que l’expérience est toujours particulière. L’expérience ne saurait donc suffire à les susciter. La célèbre analyse du morceau de cire développée par Descartes dans la méditation seconde des Méditations Métaphysiques se veut aussi une preuve de cette théorie : Comment puis-je reconnaître le même morceau de cire avant et après chauffage alors qu’aucun de mes sens ne m’envoie à son propos la même information ? Il a changé de forme, de couleur, a perdu odeur et saveur, de froid il est devenu chaud et quand je le frappe il ne résonne plus. Mes sens me disent qu’il ne s’agit plus du même morceau de cire. Il faut conclure que ce ne sont pas mes sens mais mon esprit qui perçoit. Et Descartes affirme cette idée en ces termes : « Certes ce ne peut être rien de tout ce que j’y ai remarqué par l’entremise des sens, puisque toutes les choses qui tombaient sous le goût, sous l’odorat, sous la vue, sous l’attouchement et sous l’ouie, se trouvent changées, et que cependant la même cire demeure. »4
A cette thèse, les empiristes rétorquent qu’il serait bien difficile d’avoir des idées sans les organes de sens et qu’un examen attentif nous montre que l’expérience répétée suffit à expliquer la formation des idées. Ils défendent la thèse selon laquelle toute idée quelque soit son degré de complexité est tirée de l’expérience sensible. Les sens sont pour ainsi dire des guichets par où l’homme acquiert toutes ses connaissances. Hume dira que « tous les matériaux de la pensée sont tirés de nos sens, externes ou internes […] toutes nos idées ou perceptions plus faibles sont des copies de nos impressions ou perceptions plus vives. »5
La théorie empiriste suppose donc que l’expérience est l’unique maîtresse dans l’acquisition des connaissances. Les théories que nous traiterons partagent toutes le même registre. Elles postulent un usage exclusif de l’expérience. Par ailleurs, les partisans de la philosophie empiriste proposent une interprétation générale de la connaissance humaine. Au delà de cette connaissance, il s’agit de faire un diagnostic de la nature humaine. Voilà pourquoi, dit Hume : « …le seul procédé dont nous puissions espérer le succès dans nos recherches philosophiques est de foncer directement sur la capitale, sur le centre de ces sciences, sur la nature humaine elle-même ».6 Il semble ainsi que le projet d’une science de la nature humaine soit essentiellement requis par la nécessité d’assurer un fondement solide pour les sciences. L’idée de faire une génèse de l’esprit, de rechercher l’origine des idées et d’en saisir les modes de combinaisons possibles est plus que jamais intéressante. Pour parvenir plus sûrement à la vérité, il convient de déterminer les principes de la nature humaine et de connaître les pouvoirs et les limites de l’entendement. Les tenants de cette thèse empiriste qui privilégient l’expérience sur la raison et dont l’un des brillants représentants est Locke, développent une théorie réactionnaire contre le rationalisme. Avec des représentants comme Locke, Hume, l’empirisme refuse la théorie des idées innées dont parlait Descartes et affirme que la connaissance a une base sensible. L’empirisme fait voler en éclats l’un des principes de toute philosophie rationaliste ou dogmatique à savoir que la connaissance sensible serait toujours suspecte. Le sensible reprend une valeur positive qu’elle avait perdue depuis la séparation platonicienne de l’intelligible et du sensible.
C’est au XIXe siècle que s’opère dans l’histoire de la pensée l’habitude de classer les doctrines philosophiques sous la double étiquette du rationalisme et de l’empirisme. Le mot empirisme servit à interpréter l’histoire de la philosophie à la lumière des oppositions établies par la dialectique kantienne entre la thèse dogmatique et l’antithèse empiriste. Mais avant d’exposer ici la manière dont ces deux thèses éclairent cette opposition, nous tenterons de présenter l’importance que Kant lui-même accorde à l’expérience.
Dans l’introduction à la Critique de la Raison Pure, Kant se présente comme un défenseur de la philosophie empiriste. En fait, l’idée générale exposée dans cette introduction est le fait de dire qu’il n y a de connaissance a priori pure qu’en dehors du temps. « Ainsi, dans le temps, aucune connaissance ne précède en nous l’expérience, et toutes commencent avec elle. »7 Cette affirmation est intéressante dans la mesure où elle illustre le primat accordé à l’expérience dans la recherche. Cependant, elle l’est d’autant plus qu’elle intègre des nuances dans les propos kantiens. Et cette nuance est signifiée dans la citation par la précision « dans le temps » que l’auteur lui-même souligne et sur laquelle nous reviendrons dans nos développements. Kant reconnaît bien l’existence de certaines connaissances dont les sources ne sont pas tirées de l’expérience directe ; c’est l’exemple des connaissances sorties de sources expérimentales. Nous pensons les avoir a priori c’est-à-dire sans le concours de l’expérience mais en réalité tel n’est pas le cas. Elles sont peut-être indépendantes d’une expérience immédiate mais découlent d’une expérience plus lointaine. C’est l’exemple de cet homme qui a placé des mines dans les fondements de sa maison. On dira qu’il peut savoir a priori qu’elle s’écroulerait c’est-à-dire qu’il acquiert une connaissance indépendante de l’expérience directe. Et pourtant, cette connaissance dont il pense qu’elle est a priori ; il ne l’a acquise que par l’expérience car c’est elle qui lui a appris que les corps sont pesants et qu’ils tombent lorsqu’on leur enlève leurs soutiens.
Toute la théorie de « l’Esthétique Transcendantale » de Kant est d’un certain point de vue un plaidoyer en faveur de la connaissance empirique. L’intuition qui en constitue l’opération est de part en part sensible. Pour saisir une existence particulière il faut recourir à la perception empirique. La sensibilité dont il est ici question est celle que nous devons comprendre par rapport au concept (opération de la théorie de l’entendement). Si le concept est une « représentation générale ou une représentation de ce qui est commun à plusieurs objets »8, l’intuition elle, est la seule opération qui puisse permettre de connaître un objet singulier. « Par opposition au concept, l’intuition se définit comme une représentation singulière c’est-à-dire une représentation par laquelle je saisis l’existence même, l’individu réel »9 L’intérêt accordé à l’intuition sensible et la croyance en ce qu’elle est la seule capable de nous livrer un accès à l’existence particulière sont les deux pôles d’une explication de la place qu’occupent l’espace et le temps dans l’esthétique transcendantale. La perception se situe hic et nunc c’est-à-dire dans un espace et dans un temps. L’espace et le temps sont en effet les cadres dans lesquels vient nécessairement prendre place toute intuition particulière, toute perception empirique. C’est par cette intuition sensible que Kant participe à la revalorisation et à l’autonomisation de la sensibilité. Cependant, cet argumentaire en faveur de la connaissance sensible peut se heurter à des nuances qui n’ont d’importance que parce qu’elles relativisent le discours kantien. S’il est vrai que toutes nos connaissances (« dans le temps ») sont tirées de l’expérience, force est de constater qu’il existe des connaissances a priori pures. L’évocation de ces connaissances dans la logique kantienne est une brèche permettant de montrer les limites de la connaissance empirique. En fait, l’expérience nous enseigne bien qu’une chose soit ceci ou cela, mais non pas qu’elle ne puisse être autrement. Tout comme pour dire que toute connaissance acquise par le biais de l’expérience est une connaissance particulière et ne renseigne que sur un point de vue particulier. Deux critères sont posés par Kant pour octroyer aux connaissances a priori pures toute leur légitimité. Il s’agit de la nécessité et de l’universalite rigoureuse. La connaissance empirique peut produire de l’universel mais il s’agit là d’une universalité obtenue que grâce à une extension arbitraire. Cette universalité revient à dire que nous n’avons pas trouvé dans nos observations, si nombreuses qu’elles aient été, d’exception à telle ou telle règle. Pour Kant donc « la nécessité et l’universalité rigoureuse sont donc des marques certaines d’une connaissance a priori ».10
Après avoir dégagé de façon succinte l’importance de la connaissance empirique dans la pensée de Kant et les limites qui lui sont posées, nous pouvons revenir sur la manière dont l’opposition entre thèse dogmatique et antithèse empiriste dans la dialectique peut permettre d’interpréter le nouveau sens de l’empirisme.
Dans la troisième section de la ‘’ Dialectique Transcendantale’’ de la Critique de Raison Pure, Kant montre bien cette classification entre thèses dogmatiques et antithèses empiristes. Et, c’est à partir de cette classification que l’histoire de la philosophie sera considérée comme une opposition entre les dogmatiques et les empiristes. Les premiers étant ceux qui confèrent à la raison humaine le pouvoir d’exhiber le réel dans sa totalité et les seconds ceux qui nient toute possibilité de découverte par la seule raison humaine.
Pour comprendre réellement les raisons d’une telle classification kantienne, il faut au préalable s’interroger sur les antinomies de la raison. Ces antinomies sont en réalité des questions auxquelles nous ne pouvons apporter une réponse suffisamment satisfaisante. Ce sont des questions du genre « le monde a-t-il un commencement dans le temps ? » A cette interrogation, nous pouvons répondre aussi bien par oui que par non. Et, selon Kant, toute pensée qui répondrait par l’affirmative se range du coté de ce qu’il nomme dogmatisme de la raison pure. L’empirisme se posant ainsi comme la doctrine de ceux qui se situent du coté de l’antithèse et qui par conséquent répondent par la négative. Il faut tout de même noter que dans cette perspective kantienne l’empirisme est considéré comme une figure éternelle de la dialectique.

L’EMPIRISME DE JOHN LOCKE

Le Projet de l’Essai sur l’Entendement Humain (1690)

L’Essai comporte quatre livres portant respectivement sur l’inexistence des principes et idées innés, sur les idées comme matière de la connaissance, sur les mots comme signes des idées, sur le savoir et la probabilité. Son objet est de souligner, d’une part comment l’esprit acquiert les notions qu’il possède sur les diverses réalités ; d’autre part, en quoi consiste et jusqu’où s’étend le savoir certain et quels peuvent être les fondements de nos jugements probables. Dans ce texte, il apparaît un esprit engagé dans son temps. L’esprit y est étudié avec le regard symptomal de l’intellectuel passionné par les récentes découvertes de Newton.
Dire que cette œuvre est essentiellement un travail qui cherche à délimiter les pouvoirs de l’entendement, c’est s’accorder avec certains auteurs dont Matthieu Haumesser*11 à parler du thème de « l’étendue de la connaissance ». En effet, pour Locke, il s’agit de montrer que l’entendement humain ne peut s’exercer dans tous les domaines du savoir. D’où l’objectif pour l’Essai est de prouver que l’étendue de la connaissance et donc les limites rencontrées par l’entendement dans sa prétention au savoir sont en réalité adaptées à l’homme. Et, cet état de fait ne doit pas pousser les hommes à désespérer ; au contraire, ils doivent en être selon Locke « pleinement satisfaits de ce que Dieu a jugé bon pour eux »12
Le problème de l’étendue de la connaissance s’inscrit donc bien dans une perspective pratique pourrait-on dire et qui doit s’appliquer à tous les domaines du savoir, même les plus spéculatifs. Il s’agit simplement de déterminer pour chacun d’eux les pouvoirs de l’entendement, leur étendue, à quelles choses ils sont dans une certaine mesure proportionnés ; et où ils nous font défauts. Il est donc clair que ce qui compte c’est ce dont notre entendement est capable, en tant que ses pouvoirs sont adaptés à certaines choses, et pas d’autres. Le thème de l’étendue de la connaissance est récurrent dans les écrits de Locke puisqu’il en parle déjà dans De la Conduite de l’Entendement *. C’est très exactement dans ce texte que nous saisissons concrètement en quoi consiste ce thème. C’est la capacité qu’a chaque homme de faire dépendre ses jugements et ses actions de longues déductions à partir de principes éloignés. Pour étendre ses pensées, il faut du talent, il faut aussi de l’exercice. Pour bien agir et pour bien penser, il faut avant tout s’exercer à raisonner correctement. Dans cet élan d’exercice, la connaissance déductive est privilégiée et est exemplifiée par les mathématiques. En fait, la connaissance déductive apparaît dans l’Essai comme le modèle de la manière dont l’entendement peut, en exerçant ses facultés, étendre ses connaissances. Par opposition à la connaissance intuitive, cette connaissance déductive constitue la plus grande partie de notre savoir. Elle peut être définie comme une connaissance graduelle dans la mesure où elle doit s’assurer à chacune des étapes de sa progression des conditions de la certitude. La connaissance déductive ne passe pas d’une idée à une autre sans saisir l’évidence de la connexion qu’elle établit entre ces deux idées. Inversement, deux idées trop « éloignées », pour que l’intuition puisse les connecter directement doit faire recours à des idées intermédiaires. Du point de vue de l’étendue de la connaissance, cette manière de connaître qui est la déduction est exemplaire puisqu’elle permet d’aller beaucoup plus loin que ne le pourrait la seule connaissance intuitive. Mais surtout elle est exemplaire quant à ce qu’elle exige de nos facultés. Celles-ci, en effet, n’y apparaissent pas tant comme un don de la nature, que comme quelque chose qu’il faut exercer et développer pas à pas. L’approche que nous pouvons qualifier de pratique dans l’Essai consiste à mesurer les pouvoirs de l’entendement, c’est-à-dire, leur étendue, et leurs limites. L’exemple de la connaissance déductive montre que tout cela ne peut apparaître que dans l’exercice effectif de ses pouvoirs. Ce qui va naturellement à l’encontre de toutes formes de connaissance qui se prétendrait purement naturelle, ou alors directement inspirée par Dieu ; et plus généralement contre toutes les fictions que l’entendement forge, pour ne pas avoir à exercer ses facultés (comme par exemple une certaine substance, ou encore les principes innés) ; ou encore contre toute attitude qui rejette les pouvoirs de l’entendement avant même de les avoir essayés. En effet, connaître ces pouvoirs en les exerçant, et en ne considérant rien comme donné ou acquis, n’est pas seulement la seule manière d’étendre son savoir ; c’est aussi une source constante d’étonnement quant à ce dont nous nous trouvons capables. Mais cela suppose encore une fois de partir, patiemment et humblement et souvent péniblement, de nos facultés, en les mettant au travail. La quête de la perfection nécessite inévitablement une considération de ce que peut faire l’entendement et de l’exercice de ses pouvoirs. Et cela, Locke le dit en ces termes « Nous naissons avec des facultés et des pouvoirs capables d’à peu près tout, tel du moins qu’ils pourraient nous mener plus loin que nous ne l’imaginons d’emblée. Mais, c’est seulement l’exercice de ces pouvoirs qui nous donne aptitude et habilité en toute chose et nous mener vers la perfection »13. Cette entreprise de mener à bien cet exercice des pouvoirs de l’entendement est celle de l’Essai. Et c’est d’ailleurs une raison même du titre de l’ouvrage. Il s’agit bien d’un essai qui, étape par étape, selon une démarche graduelle montre la façon dont les idées s’enchaînent depuis les idées simples, matériau de toute connaissance. C’est aussi le lieu de montrer comment, à partir des opérations les plus simples ; l’entendement degré après degré, progresse en exerçant ces opérations sur des idées de plus en plus complexes, puis sur des propositions. Cette façon de traiter la connexion entre les idées est ce que nous appellerons l’analyse des idées. Bien entendu cette analyse ne peut se faire dans l’ordre logique de la pensée de Locke qu’après une critique des principes innés.

Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
Première Partie L’EMPIRISME DU XVIIe ET XVIIIe SIECLE
Introduction
Chapitre I : L’IDEE D’UNE PHILOSOPHIE EMPIRISTE
Chapitre II : L’EMPIRISME DE JOHN LOCKE
A : Le projet de l’Essai
B : La critique de l’innéisme
C : L’analyse des idées
Conclusion
Deuxième partie INDUCTION ET SCEPTICISME CHEZ DAVID HUME
Introduction
Chapitre I : LA QUESTION DE L’INDUCTION CHEZ BACON
A : Description et critique des idoles
B : L’induction baconienne
Chapitre II : INDUCTION ET SCEPTICISME CHEZ HUME
A : La critique de la causalité
B : La critique de la métaphysique
C : L’ébranlement de l’objectivité
Conclusion
Troisième Partie LE RATIONALISME CRITIQUE DE KARL POPPER
Introduction
Chapitre I : LE PROBLEME DE HUME ET SA SOLUTION
Chapitre II : LE PROBLEME DE LA DEMARCATION ENTRE SCIENCE ET NON SCIENCE
A : Position du problème
B : Un critère de démarcation : la falsifiabilité
Conclusion
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE GENERALE

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