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LA DÉTECTION DE GAZ
Face à un intérêt de plus en plus accru porté sur l’environnement, la communauté scientifique est amenée à penser de nouveaux dispositifs. L’un des besoins, exprimé par l’ensemble des pays industrialisés, concerne le contrôle de la pollution, cela revient à mettre à disposition des industriels des outils d’investigation fiables pour mieux quantifier et contrôler les émissions de polluants atmosphériques.
Le travail présenté dans ce manuscrit s’inscrit dans ce contexte et tente de répondre à cette demande par le biais de conception de lasers susceptibles d’être insérés dans des systèmes capables de détecter, d’identifier et mesurer des espèces gazeuses présentes dans l’atmosphère.
Avant d’expliciter les propriétés requises par le laser pour répondre à une telle application, nous allons expliquer, dans ce qui suit, le principe même de la détection de gaz.
PRINCIPE
Diverses techniques existent et sont utilisées pour détecter des gaz. Une technique optique traditionnellement employée est la spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier désignée par l’acronyme anglais FTIR pour Fourier Transformed InfraRed Spectroscopy. Cette méthode, basée sur l’absorption d’un rayonnement infrarouge par le matériau (ou le gaz) analysé, permet d’analyser les fonctions chimiques présentes dans le matériau via la détection de vibrations caractéristiques des liaisons chimiques. Lorsque la longueur d’onde du faisceau lumineux coïncide avec l’énergie de vibration de la molécule, cette dernière va absorber le rayonnement et une diminution de l’intensité transmise est enregistrée.
La plupart des molécules possède des bandes d’absorption entre niveaux de rotation-vibration à des longueurs d’onde bien précises ce qui constitue de véritables signatures moléculaires pouvant être identifiées par un logiciel approprié.
Toutefois, le FTIR est un dispositif volumineux et couteux qui requiert une étape d’échantillonnage avant l’analyse de gaz. Une autre méthode, considérée comme étant plus compacte, sélective, sensible et surtout permettant une mesure en temps réel est la technique TDLAS, acronyme anglais de Tunable Diode Laser Absorption Spectroscopy. En français, cette technique est désignée par l’acronyme SDLA (Spectroscopie d’absorption par Diodes Laser Accordables).
La SDLA est une technique qui se base sur le même principe que le FTIR. Il s’agit de mesurer l’absorption, par une espèce gazeuse, de la lumière émise par la diode laser.
La Figure 1.1 illustre l’intensité des raies d’absorption de plusieurs espèces gazeuses, entre 2 et 5 µm. Cette figure fait bien apparaître que cette région spectrale du moyen infrarouge présente de nombreuses raies d’absorption la rendant appropriée à la détection de gaz. Aussi, notons que cette gamme de longueur d’onde présente de nombreuses fenêtres de transparence où les absorptions par la vapeur d’eau et le dioxyde de carbone sont très faibles (aux alentours des 2.3 µm et entre 3.4 et 4 µm). Dans ces zones précises, la détection d’autres molécules gazeuses peut se faire sans interférence dans l’air ambiant.
De plus, il apparaît que les lignes d’absorption des molécules gazeuses sont plus intenses pour des longueurs d’onde élevées. Si l’on considère le cas du méthane CH4 (en rouge sur le graphe), son absorption à 3.24 µm est bien plus forte que celle observée au voisinage de 2.31 µm – 50 fois plus intense – et qu’au voisinage de 1.65 m – 200 fois plus intense. De façon à se positionner dans une région où les raies d’absorption d’espèces gazeuses sont bien distinctes et intenses, il apparaît évident que la gamme de longueur d’onde du moyen infrarouge est celle qu’il nous faut viser. Cependant, la réussite des techniques de détection de gaz et en particulier la spectroscopie par diodes laser accordables est étroitement liée aux spécificités des diodes laser utilisées. En effet, cette technique demande l’utilisation de diodes laser fonctionnant de préférence à température ambiante, qu’elles aient une émission monofréquence ainsi qu’une large accordabilité.
Le choix du détecteur est aussi important car sa sensibilité spectrale intervient dans la qualité des mesures effectuées. Une large gamme de détecteurs existe, à l’image de ceux proposés par la société Judson1, pour répondre aux besoins de diverses applications et ce pour des gammes spectrales allant de l’UV à l’IR lointain. La Figure 1.2 illustre la diversité des détecteurs en fonction de la longueur d’onde considérée. Nous noterons que pour une longueur d’onde de 2 à 3 m, qui est notre gamme spectrale d’étude, nous utiliserons un détecteur InAs (en orange sur la figure) ou InGaAs étendu jusqu’à 2.6 m (en rouge).
Dans la suite de ce chapitre, après une brève description de la SDLA, nous présentons les diodes laser à émission dans le moyen infrarouge avec une première partie qui reprendra les principes de base du fonctionnement des diodes laser et une seconde partie où seront soulignées les particularités de composition des zones actives de ces composants. Un état de l’art de ces lasers sera également donné.
Dans une dernière partie, nous abordons le caractère monofréquence requis pour les diodes adaptées à la détection de gaz et les moyens dont on dispose pour l’obtenir.
SPECTROSCOPIE D’ABSORPTION PAR DIODES LASER ACCORDABLES
Comme nous l’avons précédemment évoqué, la spectroscopie d’absorption à diodes laser accordables permet de détecter et de quantifier des espèces gazeuses en absorbant la lumière émise par le laser. Généralement, la variation de longueur d’onde nécessaire à cette application est obtenue en injectant dans le laser une rampe de courant qui s’accompagne inévitablement d’une rampe de la puissance émise. On balaie ainsi une zone de longueur d’onde de quelques nanomètres ce qui permet de traverser une raie d’absorption dont on cherche à connaître l’amplitude.
L’allure du signal reçu par le détecteur est présentée à la Figure 1.4, où la puissance émise est donnée en fonction de la longueur d’onde. Le changement de l’allure de la courbe avec la décroissance de la puissance émise, correspond à l’absorption par une espèce gazeuse. Les techniques de spectroscopie sont basées sur la loi donnée par Beer et Lambert qui permet de déterminer l’absorption de la lumière dans les milieux homogènes. Cette loi décrit l’absorption exponentielle d’une émission monochromatique de nombre d’onde σ à travers un milieu absorbant de longueur L. La puissance du signal
transmis à travers ce milieu est formulée comme suit : PT (σ 0 ) = P0 (σ 0 ) ⋅ exp(−α(σ 0 , P,T) ⋅ L) Eq.1.1
Où PT : Puissance du signal transmis (W)
σ0 : Nombre d’onde (cm-1)
α : Coefficient d’absorption (cm-1) L : Chemin absorbant (cm)
Et P, T : Conditions respectives de pression et de température
Le coefficient d’absorption α dépend du nombre d’onde, de la pression et de la température du milieu absorbant. Il se décrit par la relation suivante [2]: α(σ , P,T) = S(σ ,T) ⋅ N ⋅ f (σ , P,T) Eq.1.2 Avec S(σ0, T) qui représente la force de la raie centrée sur le nombre d’onde σ0, elle décrit la capacité d’absorption de la raie (cm-1 /molécule.cm-2)
N : Concentration de l’espèce absorbante (molécule/cm3)
f (σ, P, T) : Profil normalisé de la raie (cm) : décrit la distribution spatiale de l’intensité absorbée de part et d’autre du nombre d’onde σ0(cm).
Figure 1.4 : Signal transmis reçu par le détecteur en fonction de la longueur d’onde. La décroissance de la puissance correspond à l’absorption optique de l’espèce gazeuse.
Dans le cas de faibles absorptions (applications typiques de SDLA), on montre que la concentration en gaz est directement proportionnelle à l’intensité de l’absorption.
LES DIODES LASER DANS LE MOYEN INFRAROUGE
PRINCIPES DE BASE DES DIODES LASER
La notion d’émission stimulée, introduite par A. Einstein en 1917, explique comment un photon incident peut induire la chute d’un électron à un niveau d’énergie plus faible, en restituant cette énergie sous la forme d’un photon similaire au photon incident, c’est-à-dire avec la même énergie, vecteur d’onde, phase et polarisation. Ainsi, un photon d’énergie hυ génère un deuxième photon, c’est l’amplification de la lumière à la fréquence υ.
Le premier laser (acronyme anglais de Light Amplification by Stimulated Emission of Radiation), créé en 1960, est une source d’émission de photons qui par émission stimulée crée une lumière monochromatique cohérente. Plusieurs types de lasers existent tels que les lasers à gaz, les lasers liquides à colorants, les lasers à fibres, les lasers à électrons libres, les lasers à semiconducteurs…
C’est sur ce dernier type de laser que nous allons axer notre travail.
La diode laser appelée laser à semiconducteur, laser à jonction, laser à hétérojonction est une diode à semiconducteur conçue et utilisée de façon à exploiter l’effet laser.
Envisager un semiconducteur comme milieu amplificateur afin de réaliser une amplification de la lumière par émission stimulée est une idée qui avait précédé le laser lui-même. En 1962, le premier laser à semiconducteur en GaAs est fabriqué par Hall et al. [3]. La fugacité de l’émission des lasers à semiconducteurs n’a pas enchanté au départ beaucoup de monde. En effet, les premiers lasers à semiconducteurs pn nécessitaient de fortes densités de courant (environ 105 A/cm2) pour atteindre l’inversion de population. Ces fortes valeurs de courant induisaient un échauffement du dispositif, il s’ensuivait une destruction rapide de celui-ci. Toutefois, la praticabilité de ces lasers fut largement accrue dans les années 70 avec la mise en pratique de l’idée de H. Kroemer [4] émise quelques années auparavant et qui était de créer des structures à confinement optique et électronique. Par ailleurs, les progrès de la microélectronique et la maîtrise croissante des techniques de croissance des matériaux ont permis une rapide évolution de ces lasers.
Les diodes laser présentent de nombreux avantages. Leurs dimensions, quelques centaines de microns de long pour une dizaine de micron de large, leur donnent un caractère très compact : un atout certain pour la réalisation de systèmes de détection portables et de faible consommation. Selon la filière technologique considérée, elles couvrent une large gamme spectrale qui s’étend du visible au moyen infrarouge. Leur énergie de pompe peut-être électrique, elles ont une forte capacité de modulation, des puissances de sortie de plusieurs Watts en continu et enfin elles présentent un faible coût de fabrication.
PHYSIQUE DE LA DIODE LASER
Comme tout laser, les diodes laser sont constituées de trois éléments : la zone active qui amplifie les ondes lumineuses par émission stimulée, une cavité résonnante qui sélectionne les longueurs d’onde émises augmentant ainsi l’amplification, et un dispositif de pompage produisant une inversion de population des porteurs dans la zone active. L’effet laser n’est obtenu que lorsque le semiconducteur produit suffisamment de gain pour compenser l’absorption des puits, de la zone active et les pertes aux miroirs.
Dans le cas de la diode laser, le milieu amplificateur est une jonction physique entre un semiconducteur dopé p et un semiconducteur dopé n. Contrairement aux autres types de laser, l’émission stimulée ne se fait pas entre deux niveaux d’énergie caractéristiques d’un atome ou d’une molécule isolée mais plutôt entre deux niveaux d’énergie distribués au sein de bandes de valence et de conduction dans le semiconducteur.
Nous allons faire un rappel de quelques notions essentielles qui régissent le fonctionnement d’un laser.
OSCILLATION LASER
La condition sine qua none pour l’obtention d’une oscillation laser est que la lumière entre en résonnance dans le milieu amplificateur.
Un milieu dans lequel sont placés face à face deux miroirs aux coefficients de réflexion r1 et r2 constitue une cavité résonnante (Figure 1.5).
On suppose que le milieu amplificateur possède un gain g et des pertes internes αi réparties dans tout le matériau dues essentiellement aux phénomènes d’absorption, diffraction, diffusion [5] …
Le champ électrique dans la cavité est alors exprimé par :
E=E0 eiωt
1− r r e( g−αi )Lei2kL Eq. I.3
Avec E0 représente l’amplitude du champ incident.
L’oscillation apparaît alors lorsque l’expression ci-dessus diverge, donc lorsque le dénominateur tend vers 0. Ceci implique de considérer deux conditions : conditions sur le gain et conditions sur la phase.
Table des matières
INTRODUCTION GÉNÉRALE
CHAPITRE 1 : CONTEXTE DE L’ETUDE
I. LA DÉTECTION DE GAZ
I.1 Principe
I.2 Spectroscopie d’Absorption par Diodes Laser Accordables
II. LES DIODES LASER DANS LE MOYEN INFRAROUGE
II.1 Principes de Base des Diodes Laser
II.2 Physique de la Diode Laser
II.2.1. Oscillation Laser
II.2.2. Condition sur le Gain
II.2.3. Condition sur la Phase
II.2.4. Spect re d’émis sion
II.3 Diodes Laser à base d’Antimoniures
II.3.1. Zones Actives
II.3.2. Puits Quantiques
II.3.3. Structures de Bandes
II.3.4. Vers les Longueur s d’Onde > 3 μm
III. DIODES LASER MONOFREQUENCES, ACCORDABLES (DANS LE MIR)
IV. CONCLUSION
RÉFÉRENCES
CHAPITRE 2 : ETUDE DES LASERS A CAVITÉS COUPLÉES PAR DES CRISTAUX PHOTONIQUES
I. LES CRISTAUX PHOTONIQUES
I.1. Introduction
I.2. Généralités
I.2.1. Equations de Maxwell : Milieu Homogène
I.2.2. Méthode des Ondes Planes : Mil ieu Périodique
I.3. Propriétés de Propagation des Cristaux Photoniques
I.3.1. Cristal Photonique Unidimensionnel : Le Miroir de Bragg
I.3.2. Cristal Photonique Bidimensionnel
I.4. Diodes Laser à Cristaux Photoniques
I.4.1. Réf lecteurs à Cristaux Photoniques insérés dans des Diodes Laser
I.4.2. Cristaux Photoniques Bidimensionnel s en Approche Planaire
II. LES LASERS À CAVITÉS COUPLÉES
II.1. Principe de Fonctionnement
II.1.1. Conf igurat ions des Cavités Couplées
II.1.2. Sélect ion Modale & Accordabili té
II.2. Etat de l’Art des Lasers à Cavités Couplées par des Cristaux Photoniques
III. CONCEPTION DES DIODES LASER À CAVITÉS COUPLÉES PAR DES CRISTAUX PHOTONIQUES
III.1. Structures d’Etude
III.2. Guide d’Onde
III.2.1. Conf inement Optique Transver se (TE)
III.2.2. Conf inement Optique Latéral (TM)
III.3. Miroir à Cristal Photonique
III.4. Nouvelle Configuration de Lasers à Cavités Couplées
III.4.1. Distance séparant les Deux Cavités
III.4.2. Effet des Miroirs à Cris taux Photoniques
IV. CONCLUSION
RÉFÉRENCES
CHAPITRE 3 : DÉVELOPPEMENT D’UN PROCÉDÉ DE FABRICATION DE CAVITÉS COUPLÉES PAR DES CRISTAUX PHOTONIQUES
I. INTRODUCTION
II. DÉVELOPPEMENT D’UN PROCÉDÉ DE GRAVURE À FORT RAPPORT D’ASPECT POUR LA RÉALISATION DE CRISTAUX PHOTONIQUES DANS LA FILIÈRE ALGAASSB/GASB
II.1. Contexte de la Gravure Profonde
II.2. Gravure Sèche dans les III-V
II.2.1. Introduction
II.2.2. Etat de l’Art de la Gravure des Cris taux Photoniques 2D sur InP & GaAs
II.2.3. Etat de l’Art de la Gravure Profonde dans la Filière GaSb
II.3. Mise en OEuvre du Masque de Gravure
II.3.1. Lithographie Electronique
II.3.2. Procédé de Gravure de Motif s Nanométriques dans la Silice
II.4. Gravure Profonde du GaSb
II.4.1. Mise en OEuvre
II.4.2. Procédé de Base
II.4.3. Etude de la Passivat ion par ajout s de O2 puis de N2 au plasma Cl 2 /N2
II.4.4. Introduction de la Gravure Mul ti -Etapes de type Bosch
II.5. Conclusion
III. DÉVELOPPEMENT D’UN PROCÉDÉ DE RÉALISATION DE CAVITÉS COUPLÉES PAR DES CRISTAUX PHOTONIQUES
III.1. Procédé Technologique Complet
III.2. Description du Premier Jeu de Masques
III.3. Gravure ICP-RIE du Ruban et des Motifs d’Alignement
III.4. Réalisation du Miroir Intracavité
III.4.1. Alignement des Li thographies Optique & Electronique
III.4.2. Réalisation des Miroirs à Cri staux Photoniques
III.5. Isolation pour Prise de Contacts
III.6. Dépôt de Contacts face avant et Repérage des Composants
III.7. Amincissement, Métallisation Face-Arrière, Clivage et Montage des Diodes
IV. CONCLUSION
RÉFÉRENCES
CHAPITRE 4 : CARACTÉRISATIONS ELECTRIQUES & SPECTRALES DES COMPOSANTS
I. INTRODUCTION
II. LASERS ÉMETTANT A 2.6 μM
II.1. Description des Composants
II.2. Caractérisations du Ruban de Référence
II.3. Caractérisations des Lasers à Cavités Couplées
II.3.1. Caractér isations en Court -Ci rcuit
II.3.2. Caractér isations en Cavités Indépendantes – Sans Court -Ci rcuit –
II.3.3. Caractér isations Spect rales
III. LASERS ÉMETTANT A 2.3 μM
III.1. Caractérisations Electriques
III.1.1. Contact Large
III.1.2. Contact Etroit
III.1.3. Laser s à Cavi tés Couplées
III.2. Etude Spectrale
III.2.1. Etude des Cavités Couplées
III.2.2. Spect res d’Emiss ion
III.2.3. Mesure de L’Accordabilité en Courant
III.2.4. Fai sabili té de la Mesure de Méthane et du Monoxyde de Carbone à 2.3 μm
IV. CONCLUSION
RÉFÉRENCES
CONCLUSION GÉNÉRALE
BIBLIOGRAPHIE