Décomposition en harmoniques sphériques du champ sonore
Les informations nécessaires à une bonne reproduction du champ sonore selon les critères psychoacoustiques établis par M. A. Gerzon, se définissent sur la forme de quatre composantes notées W, X, Y et Z. Les figures de directivités de ces quatre composantes peuvent être associées aux représentations spatiales des quatre premières harmoniques sphériques [Figure 2.5]. Cette relation était en réalité déjà exprimée par M. A. Gerzon en dehors du contexte ambisonique. L’idée est d’associer les quatre canaux quadriphoniques à des microphones dont les « […] caractéristiques directionnelles sont des combinaisons linéaires des harmoniques de degré 0 et 1 »104. Pour comprendre alors comment associer le modèle mathématique au domaine acoustique, il s’agit de concevoir le champ sonore comme une fonction continue et circulaire (ou sphérique) enveloppant l’auditeur et les canaux quadriphoniques, Lf, Lb, Rf et Rb les éléments résultant de la discrétisation de cette fonction du champ sonore106. Aussi est-il possible d’assimiler la valeur du signal contenu dans chaque canal quadriphonique, à un instant t comme la valeur d’amplitude de la fonction du champ sonore à cet instant. En procédant à une décomposition en harmonique sphérique à l’ordre 1 de cette fonction du champ sonore, suivant les termes définis par [Équation 2.10], les signaux obtenus associés aux harmoniques 𝑌.
Cette approche du champ sonore proposée par le modèle ambisonique permet donc d’utiliser les outils mathématiques présentés précédemment, pour définir et formaliser de nombreuses opérations. Enfin, il est évidemment possible d’étendre l’approche aux ordres de décomposition supérieurs, impliquant une meilleure représentation du champ sonore. Comme énoncé précédemment, la décomposition exacte n’est pas valide au-delà de l’ordre décomposition 3 et les modèlesEnfin, un point qu’il est intéressant de soulever est l’approche proposée par J. Daniel [Daniel, 2001] pour associer le champ sonore au modèle mathématique de la décomposition en harmoniques sphériques. Au-delà des principes reposant sur l’approche de M. A. Gerzon qui vient d’être présentée, le format B peut être vu comme une représentation locale du champ sonore autour de l’auditeur sous la forme d’un gradient de pression. Un gradient de pression est un vecteur représentant les variations de pression en un point via sa direction et sa norme, définissant en quelque sorte la direction dans laquelle se propage les variations de l’air – l’onde sonore – et l’amplitude de ces variations. En considérant le point 𝑂 l’origine d’un espace d’harmoniques associés à leurs coefficients d’amplitude respectifs, comme le résultat d’une décomposition au premier ordre du champ sonore en harmoniques sphériques107.
En somme, en suivant la logique de création présentée, les signaux associés aux harmoniques sphériques peuvent donc être considérés comme des signaux associés à des prises de son spécifiques. Le signal associé à l’harmonique de degré 0 étant rattaché à une figure omnidirectionnelle. Les signaux associés aux harmoniques de degré 1 étant rattachés à des figures-de-huit colinéaires aux axes x, y et z. Et les signaux des harmoniques de degré supérieurs étant rattachés à des figures directives quelques peu originales mais restant néanmoins tout à fait appréhendables grâce à leurs représentations [Figure 2.2]. Les signaux associés aux harmoniques sphériques reposant sur ces principes, il est bien plus simple pour le musicien, d’envisager les opérations « originelles » des techniques ambisonique. L’enjeu consistera en des opérations de matriçage de signaux, en considérant les figures directives liées à ces derniers. Et en relation avec les représentations spatiales des harmoniques sphériques dont ils sont associés. Ces opérations de matriçage, telles que présentées par exemple pour l’encodage du format A au format B [Équation 2.12], sont issues des formulations mathématiques des harmoniques sphériques. Les enjeux sont donc à présent de définir comment concrètement le modèle ambisonique – avec ses opérations de matriçage, ses équations mathématiques, sa représentation spécifique de l’espace, etc. – s’applique en traitement du signal.
Et quels sont les outils permettant de mettre en œuvre à la fois les opérations classiques mais aussi les traitements originaux de l’espace et son. La décomposition en harmoniques sphériques offre une représentation du champ sonore cohérente avec les modèles acoustiques et psychoacoustiques, définis notamment par M. A. Gerzon. Leur compréhension permet dès lors d’envisager concrètement la mise en œuvre des opérations tels que l’encodage, le décodage ou l’optimisation de champs sonores. Cependant l’atout majeur est de pouvoir se les approprier sur un plan artistique et musical. Et de pouvoir appréhender les répercussions de la mise en œuvre de traitements particuliers comme la granulation, le filtrage en peigne, la décorrélation temporelle, etc. Suite à ces expérimentations, il sera possible de revenir sur le modèle mathématique des harmoniques sphériques et de critiquer son rapport avec les modèles acoustiques et psychoacoustiques. Cette analyse visera à soulever la question de la nécessité même de cette relation. Et à se demander si la représentation abstraite de l’espace sous la forme d’un ensemble d’harmoniques sphériques, n’offre pas en soi un potentiel musical suffisant pour envisager d’autres approches plus libérées des règles et contraintes induites par les modèles acoustiques et psychoacoustiques. En somme cela permettra notamment de discerner les notions de champ sonore liées à l’approche acoustique et d’espace sonore liées à une approche plus ouverte, musicale et artistique.