Etude de la diversité génétique du niébé 

Généralités sur le niébé

Taxonomie : Le niébé (Vigna unguiculata (L). Walpers) appartient au genre Vigna, un groupe constitué d’environ 150 espèces herbacées réparties dans différentes régions tropicales (Verdcourt, 1970 ; Marechal et al., 1978). Le niébé appartient à l’ordre des Fabales, à la famille des Fabaceae autrefois Papilionaceae, à la tribu des Phaseoleae, à l’espèce unguiculata. Cette espèce comprend des formes spontanées annuelles, des formes cultivées et des formes pérennes (Pasquet, 1996 ; Pasquet et Baudoin, 1997 ; Baudoin, 2001).

Caractéristiques botaniques : Le niébé est une légumineuse herbacée, annuelle. Il a un port variable buissonnant, érigé, prostré, rampant, voire volubile et à croissance déterminée ou indéterminée (CESAO,2009). Son système racinaire est de type pivotant (Pasquet et Baudoin, 1997). Sa hauteur atteint 30 à 60 cm avec une tige pouvant être à section circulaire, grêle, parfois légèrement cannelée, glabre. C’est une plante autogame mais l’hybridation artificielle est facile à réaliser (Ehlers and Hall, 1997). Les fleurs s’ouvrent à la fin de la nuit pour se fermer en fin de matinée. La déhiscence des anthères se produit plusieurs heures avant que la fleur ne s’ouvre alors que le stigmate est réceptif depuis deux jours (Pasquet et Baudoin, 1997). Les feuilles sont trifoliolées et les inflorescences en grappes axillaires (CESAO, 2009). Le niébé est une espèce monoïque et diploïde avec 2n = 22 chromosomes.

Origine, domestication et diffusion du niébé

Ba et al. (2004) ont trouvé que les accessions sauvages étaient plus diversifiées en Afrique de l’Est qui serait la zone susceptible d’origine de Vigna unguiculata var spontanea.
D’après Pasquet (1999), le niébé serait originaire du Nigéria du fait de la présence abondante, au Nord du pays, de formes cultivées, sauvages et spontanées. Pasquet et al. (1997) ; Ba et al. (2004) situent le Nord-Est de l’Afrique comme le centre primaire de domestication où la culture aurait été véhiculée à partir d’un stock d’adventices ou de fourrages vers l’Afrique de l’Ouest, devenant ainsi la zone secondaire de domestication. En effet, récemment, Huynh et al. (2013) ont mené une étude très avancée sur la domestication du niébé. Ces auteurs ont mis en évidence l’existence de deux pools génétiques, l’un basé en Afrique de l’Ouest et l’autre en Afrique de l’Est et ces deux groupes constituent avec les formes sauvages, la base génétique du niébé à travers le monde. Au Sénégal, la culture serait introduite à partir du Mali (Séne, 1966).

Importance du niébé

Le niébé est une denrée de base importante qui présente des avantages économiques, nutritionnels et agronomiques considérables (Agbicodo et al., 2009). Ses feuilles, gousses vertes et graines sèches peuvent être consommées ou commercialisées. Malgré ses importances, la culture du niébé est négligée avec une production annuelle mondiale estimée à 5,7 millions de tonnes de graines sèches dont plus de 94% sont produites en Afrique (FAOSTAT, 2014) où il est un aliment de base apprécié. Au Sénégal, sa production s’élève à 40 688 tonnes sur une superficie de 123 111 ha (ANDS, 2014).

Sur le plan nutritionnel, le niébé joue un rôle primordial. Ses graines représentent une source précieuse de protéines végétales (23 à 32%) et sont riches en lysine et en tryptophane (Pungulani et al., 2013). Elles contiennent également une importante quantité de minéraux et de vitamines (acide folique et vitamine B) nécessaires pour la prévention des malformations congénitales (Hall et al., 2003 ; Diouf, 2011). Le niébé peut être transformé et consommé dans plusieurs plats traditionnels africains comme la bouillie, le couscous, le pain, l’aliment de sevrage pour enfants ou encore transformé en beignets (Akara), et peut également servir d’aliment de soudure. En plus, les tiges et les feuilles de niébé servent de fourrages dans les régions sahéliennes et dans les régions des grands lacs (Pasquet et Baudoin, 1997 ; Singh, 2002 ; Cissé et Hall, 2003). Séchées, ses fanes constituent une alternative en saison sèche quand l’herbe fraîche devient rare en zone soudano-sahélienne (Dabire, 2001).

En plus de ses qualités nutritionnelles, le niébé présente une importance économique car des quantités importantes de ce produit peuvent être commercialisées, ce qui fournit un complément de revenu parfois non négligeable aux populations rurales. Durant la saison sèche, dans certaines régions d’Afrique de l’Ouest et du Centre, la valeur monétaire des fanes de niébé stockées devient très élevée.
Le niébé joue également un important rôle comme source d’azote pour les cultures céréalières, notamment dans les zones caractérisées par une faible fertilité du sol. C’est une plante fixatrice d’azote atmosphérique grâce à son association symbiotique avec des bactéries du genre Rhizobium, réduisant ainsi la demande d’engrais azoté et les coûts de la production agricole (Dugje et al., 2008 ; Asiwe et al., 2009). Aux Etats Unis, le niébé est utilisé couramment comme fumure verte; sa culture est pratiquée dans certains cas pour freiner l’érosion (Davis et al., 1991) ou restaurer la fertilité des sols même très pauvres (Ehlers et al., 1997 ; Singh et al., 1997). Il est aussi peu exigeant en engrais et tolérant à la sécheresse.

Contraintes liées à la production du niébé

Le rendement moyen mondial du niébé en graines sèches est de l’ordre de 505 kg/ha. Aux Etats Unis ce rendement oscille entre 1621,2 et 2005,2 kg/ha alors qu’en Afrique, il varie considérablement de 448 à 578 kg/ha (FAOSTA, 2014). Cette faiblesse pourrait être expliquée par plusieurs raisons.
D’abord il y a les contraintes socio-économiques qui sont liées aux modes de cultures et aux variétés utilisées par les producteurs. En effet, la vulgarisation des semences améliorées de niébé est aussi confrontée à une forte utilisation des variétés locales autoproduites.
En cela s’ajoute la sécheresse très fréquente dans ces zones de culture. Dans les régions semi arides de l’Afrique de l’Ouest où le niébé est principalement cultivé, la sécheresse est un phénomène déroutant et récurrent (Dancette, 1985) ;

Les facteurs biotiques essentiellement caractérisés par les maladies, les insectes et les plantes parasites constituent également une contrainte majeure pour la production du niébé (Obilana, 1987; Singh and Sharma, 1996). Le niébé est parasité par certaines chenilles qui s’attaquent aux jeunes pousses, des pucerons qui s’alimentent de la sève et sévissent particulièrement en période de sécheresse et qui sont aussi vecteurs de maladies du niébé. Les bruches perforent les graines pour s’en nourrir et continuent à proliférer dans les stocks de graines sèches. De plus, on dénombre les Thrips des fleurs, le chancre bactérien, la mosaïque etc. La production de niébé est aussi menacée par le Striga gesnoroides sur les sols pauvres.
C’est une plante parasite pouvant causer des pertes de rendement considérables (Dubé et Olivier, 2001).

Etude de la diversité génétique du niébé

La diversité génétique désigne le degré de variabilité des gènes au sein d’une même espèce correspondant au nombre total de caractéristiques génétiques dans la constitution génétique de l’espèce (voir de la sous espèce). Elle décrit le niveau de la diversité intra spécifique et résulte de phénomènes naturels ou artificiels suite aux phénomènes de flux de gènes, de la dérive génétique, des mutations et des recombinaisons qui surviennent au cours du temps.

Diversité au niveau morphologique

La diversité génétique dans le niébé cultivé a d’abord été évaluée sur la base des marqueurs morphologiques (Ehlers and Hall, 1997). Pour une meilleure séparation des écotypes de niébé en milieu paysan, il faut prendre en considération les caractères couleur et texture de la graine qui sont mieux matérialisés et utilisés par les paysans pour distinguer leurs variétés. Par contre la couleur de l’œil et la taille de graines sont des caractères mal connus et ne permettent pas une bonne distinction des écotypes (Ouedrago et al., 2010). Par ailleurs, une classification, sur la base des cultigroupes de niébé existants (Pasquet, 1998) a été réalisée avec 18 variétés déterminées. Les caractères qui ont servi à cette classification sont la nature du tégument et le nombre d’ovules par gousse. Ainsi trois classes représentant respectivement les cultigroupes Unguiculata, Biflora et Melanophtalmus ont été obtenues. La première classe (Unguiculata), regroupe les variétés à téguments épais et lisses, et à nombre d’ovules supérieur à 17.
La seconde classe (Biflora) comprend les variétés à téguments épais et lisses et à nombres d’ovules inférieurs à 17.

La dernière classe, celle du cv groupe Melanophtalmus, regroupe les variétés à téguments minces et ridés et à nombre d’ovules inférieur à 17.
Durant leurs études sur la diversité morphologique et moléculaire au sein des variétés traditionnelles de niébé au Sénégal, et avec 58 accessions collectées, Kouakou et al. (2007) ont mis au point trois classifications du niébé. Deux classifications basées sur les noms vernaculaires donnés par les paysans et les caractéristiques des gousses et des graines ont révélé respectivement 9 et 18 variétés. Une troisième réalisée par rapport aux cultigroupes (cv gr) a classé une accession dans le cv gr Unguiculata, cinq accessions dans le cv gr Biflora et 52 accessions dans le cv gr Melanophtalmus.

Diversité au niveau moléculaire

Bien que plusieurs marqueurs ont été utilisés et que la technique RAPD prouvée être un outil utile dans la caractérisation de la diversité génétique entre des cultivars de niébé (Malviya et al., 2012), les microsatellites ou SSRs se sont révélés les plus efficaces (Diouf and Hilu, 2005). Cependant, la première recherche de SSR niébé a été menée par Li et al. (2001) par le développement de 27 amorces SSRs. De nos jours, plusieurs études sur la diversité génétique du niébé ont été réalisées en utilisant ces marqueurs microsatellites. En effet, par analyse SSR, Ogunkanmi et al. (2008) ont montré que l’Afrique est le centre de la diversité du niébé sauvage qui constitue, selon Baudoin et al. (2002), le réservoir de la diversité génétique des plantes cultivées. Ainsi, les cultivars du groupe Melanophthalmus, plus évolués seraient génétiquement éloignés des formes sauvages, donc moins variables génétiquement. En effet, l’étude moléculaire réalisée sur 8 accessions du Sénégal a montré l’existence d’une diversité moléculaire faible (HT=0,38), avec 62% de cette diversité trouvée entre les accessions et 38% rencontrés à l’intérieur des accessions (Kouakou et al., 2007).
Badiane et al. (2012) ont trouvé en utilisant des SSRs, que la diversité génétique entre 22 variétés locales de niébé et des lignées pures collectées dans tout le Sénégal varie de 0,08 à 0,42 avec une moyenne de 0,2.

Table des matières

INTRODUCTION
ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE
1. Généralités sur le niébé
1.1. Taxonomie
1.2. Caractéristiques botaniques
1.3. Origine, domestication et diffusion du niébé
1.4. Importance du niébé
1.5. Contraintes liées à la production du niébé
2. Etude de la diversité génétique du niébé 
2.1. Diversité au niveau morphologique
2.2. Diversité au niveau moléculaire
3. Amélioration du niébé
1. Matériel végétal
2. Méthodologie
2.1. Extraction de l’ADN génomique
2.2. Quantification de l’ADN
2.3. Amplification de l’ADN
2.4. Séparation et visualisation des amplifiats SSRs sur système LI-COR DNA Analyzer
3. Analyse des données
1. Amplification des microsatellites
2. Variabilité intra variétale des cinq nouvelles variétés
2.1. La variété Lisard
2.1.1. Nombre d’allèles, fréquences alléliques et pourcentage de loci polymorphes
2.1.2 Taux d’hétérozygoties par marqueur pour la variété Lisard
2.1.3. Dendrogramme de similarité génétique des individus de Lisard
2.2. La variété Thieye
2.2.1. Nombre d’allèles, fréquences alléliques et pourcentage de loci polymorphes
2.2.2. Taux d’hétérozygoties par marqueur pour la variété Thieye
2.2.3. Dendrogramme de similarité génétique des individus de la variété Thieye
2.3. La variété Leona
2.3.1. Nombre d’allèles, fréquences alléliques et pourcentage de loci polymorphes
2.3.2. Taux d’hétérozygoties par marqueur pour la variété Leona
2.3.3. Dendrogramme de similarité génétique des individus de Leona
2.4. La variété Kelle
2.4.1. Nombre d’allèles, fréquences alléliques et pourcentage de loci polymorphes
2.4.2. Taux d’hétérozygoties par marqueur pour la variété Kelle
2.4.3. Dendrogramme de similarité génétique des individus de Kelle
2.5. La variété Sam
2.5.1. Nombre d’allèles, fréquences alléliques et pourcentage de loci polymorphes
2.5.2. Taux d’hétérozygoties par marqueur pour la variété Sam
2.5.3. Dendrogramme de similarité génétique entre les individus de Sam
3. Variabilité inter variétale
3.1. Nombre d’allèles et pourcentage de loci polymorphes
3.2. Moyennes des taux d’hétérozygoties par marqueur
3.3. Degré de similarité génétique entre les variétés
3.4. Analyse de la variance moléculaire
4. Dendrogramme de similarité génétique entre les 11 variétés de niébé
DISCUSSION
1. Variabilité intra variétale
2. Variabilité inter variétale
REFERENCES BIBLIOGRAPHIPHES

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