EVALUATION DE L’ETAT DE CONSERVATION DES RESSOURCES PHYTOGENETIQUES DANS LA BANQUE DE GENES
Définition de la biodiversité
Différents auteurs ont essayé de mieux définir la biodiversité afin de pouvoir répondre aux problèmes environnementaux (Clergué et al., 2004). En 1990, Noss en a proposé une approche hiérarchique (Figure 1). La biodiversité peut être considérée selon trois angles : la fonction, l’organisation et la composition ; et selon plusieurs échelles : le gène, l’espèce, l’écosystème et le paysage. La biodiversité doit être vue comme assurant des rôles qui ne se limitent pas à l’écologie dans un territoire agricole. En 2003, Duelli et Obrist ont défini la biodiversité selon trois aspects principaux qui motivent sa préservation : la conservation (protection des espèces menacées), la lutte biologique (diversité des espèces antagonistes) et l’écologie (résilience, fonctionnement de l’écosystème basé sur la diversité spécifique). Cette définition prend en compte la notion de fonction de la biodiversité de Noss. Mais l’approche de Duelli et Obrist reste incomplète car la biodiversité assure d’autres fonctions (Clergué et al., 2004). Figure 1 : Dimensions et niveaux d’organisation de la biodiversité d’après Noss (1990). Ce sont les interactions entre les deux premiers axes, aux divers niveaux d’organisation, et entre ceux-ci et les composantes abiotiques de l’environnement, qui déterminent les processus écologiques permettant le fonctionnement et le maintien d’un écosystème, représentés par le troisième axe (Déguine et al., 2016). La Convention sur la Diversité Biologique (CDB), Rio 1992 a permis d’en donner une définition commune. La diversité biologique est définie comme étant la « variabilité des organismes vivants de toute origine y compris, entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie; cela comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces ainsi que celle des écosystèmes » (NU, 1993). La convention sur la diversité biologique a reconnu que la conservation de la diversité biologique est « une préoccupation commune à l’humanité » et c’est une partie intégrante du processus de développement. Elle fixe trois objectifs : la conservation de la diversité biologique, l’utilisation durable de ses éléments et le partage équitable des avantages découlant de l’exploitation de ses ressources génétiques1 (Anonyme, 2006).
Biodiversité et agriculture
La biodiversité agricole englobe toutes les composantes de la diversité biologique pertinentes à la production dans les systèmes agricoles. Il s’agit de la variété et de la variabilité des plantes, des animaux et des micro-organismes sur les espèces génétiques et les niveaux de l’écosystème qui sont nécessaires au maintien des fonctions clés, des structures et des processus dans l’agroécosystème (Jarvis et al., 2012). La biodiversité joue incontestablement un rôle majeur dans la régulation des fonctions des agroécosystèmes, non seulement au sens strictement biologique de ses effets sur la production, mais également en ceci qu’elle répond aux divers besoins des agriculteurs et de la société dans son ensemble (FAO, 2007). L’activité agricole contribue fortement à la préservation ou à la remise en bon état des continuités écologiques. C’est important d’apprécier pleinement le rôle important de l’agriculture dans les changements climatiques étant donné que l’agriculture est : une source importante de gaz à effet de serre, le secteur qui présente le plus de possibilités de réduction des émissions, le secteur qui sera le plus perturbé par les changements climatiques et celui qui a le plus besoin de s’adapter (FAO, 2007). La préservation de la biodiversité agricole est une composante nécessaire du développement rural durable, de la sécurité alimentaire et de la lutte contre la pauvreté (FAO, 2007). Les agriculteurs biologiques sont à la fois gardiens et utilisateurs de la biodiversité à tous les niveaux (Commission du Codex Alimentarius, 1999). Le constat fait est qu’au niveau : Génétique : les semences et les races endémiques adaptées aux conditions locales sont préférées en raison de leur plus grande résistance aux maladies et de leur résilience face aux perturbations climatiques ; Spécifique : divers combinaisons de plantes et d’animaux optimisent le cycle des éléments nutritifs et de l’énergie au profit de la production agricole ; Ecosystémique : le maintien de zones naturelles à l’intérieur et autour des champs de culture biologique et l’absence d’intrants chimiques créent des habitats propices à la vie des espèces sauvages. Les légumineuses peuvent être utilisées comme engrais vert pour d’autres plantes (CDB, 2008). Les arbres constituent une partie importante du paysage agricole. L’agroforesterie est un système d’utilisation des terres dans lequel les plantes ligneuses pérennes sont utilisées dans la production, telle que l’intégration des arbres fruitiers dans des plantations de café ou d’arbres fourragers parmi les cultures vivrières (CDB, 2008).
L’état général de la biodiversité végétale
Il est important de se pencher sur l’état de la biodiversité, et particulièrement sur l’état de la biodiversité végétale actuelle pour comprendre l’enjeu de notre étude. Le constat est partagé par la communauté scientifique, la biodiversité est menacée.
Biodiversité dans le monde
Des « centaines de milliers d’espèces végétales que l’on estime croître à la surface de la Terre, une part seulement est connue et répertoriée, quelques centaines sont cultivées » (Grall & Levy, 1985). La biodiversité est en train de diminuer à un rythme sans précédent. Au cours des dernières centaines d’années les hommes ont augmenté le rythme d’extinction des espèces. Les facteurs humains de changement, y compris la perte d’habitat, les changements climatiques et la surexploitation des ressources, ont augmenté la vitesse à laquelle les espèces vont disparaître de l’ordre de 1000 fois le taux normal de l’histoire de la Terre (CDB, 2008). L’agriculture durable est très importante, non seulement pour préserver la biodiversité, mais aussi pour nourrir le monde, maintenir des moyens de subsistance agricole durables, et accroître le bien-être humain. 6 Les espèces végétales les plus menacées restent les arbres. Chaque année, la déforestation cause la perte de quelques 13 millions d’hectares de forêts dans le monde2 . Au niveau mondial les organisations non gouvernementales se concentrent sur des actions concrètes de conservation, protection et défense de la biodiversité. La biodiversité figure également sur la liste de 878 biens constituant le Patrimoine mondial établi par l’Unesco (Fondation pour la recherche sur la biodiversité, 2009). L’UICN a mis en place la plateforme « compte à rebours 2010 » pour faire un suivi de l’engagement politique dans le domaine de la lutte contre la perte de biodiversité (CBD, 2010).
Patrimoine biologique au Sénégal
Le Sénégal est un pays sahélien qui bénéficie des influences favorables du climat guinéen au sud et d’atlantique sur les 700 kms de sa façade maritime. A cause de ces avantages, il possède des ressources biologiques non négligeables et une biodiversité relativement importante. Quatre grands écosystèmes sont habituellement reconnus au Sénégal, les écosystèmes arides et semi-arides, les écosystèmes sub-guinéens, les écosystèmes fluviaux et lacustres et les écosystèmes marins (MEPN, 1997). Selon le Ministère de l’Environnement et de la Protection de la Nature (MEPN), tous ces écosystèmes sont en constante évolution (plutôt régressive) et qui n’est souvent pas favorable à la conservation de la biodiversité mais la décentralisation qui responsabilise les populations à la base devrait corriger cette tendance.
Diversité floristique au Sénégal
Sur le plan de la diversité floristique, le Sénégal présente plus de 2500 espèces végétales, soit environ 121 espèces aux 10000 km² (Bâ & Noba, 2001). Dans ce règne, les Angiospermes (plantes à fleurs) représentent le groupe le plus connus avec plus de 1000 genres et 2500 espèces (Bâ & Noba, 2001) ; (MEPN, 2010) ;(Mballo, 2013) ; (Dieng, 2014). Dans cette flore, les Dicotylédones sont plus représentées avec 1737 espèces contre 720 espèces pour les Monocotylédones. Les familles les plus importantes sont les Poaceae, les Fabaceae, les Cyperaceae, les Rubiaceae, les Asteraceae et les Euphorbiaceae (Diouf, 2015). Les genres les plus diversifiés sont représentés par les genres Indigofera, Cyperus, Ipomoea, Crotalaria, Ficus, Tephrosia et Hibiscus (Diouf, 2015). 2 RABOURDIN, Sabine, non daté, Zéro-déforestation : Conséquences, http://www.zero-deforestation.org/p_consequences.htm, lien vérifié en septembre 2017 (Communiqué de presse de la FAO, le 14 novembre 2005, Rome : la déforestation se poursuit à un rythme alarmant)La richesse floristique est essentiellement constituée d’herbacées annuelles et dont le maintien dépend pour beaucoup de la pluviométrie, de l’occupation des sols et des activités humaines notamment l’élevage et l’agriculture (MEPN, 1997).
Menaces et perturbations de la biodiversité au Sénégal
La biodiversité forestière est mieux conservée (Parcs nationaux, réserves et forêts classées) que la biodiversité agricole pour laquelle les installations techniques (germplasmes) font défaut ou sont mal entretenues, faute de moyens (MEPN, 1997). Les écosystèmes forestiers constituent un exemple assez illustratif de cette dégradation. En effet, à la dernière décennie, les superficies forestières sont passées de 9,7 millions d’hectares en 2005 à 8,5 millions d’hectares en 2010 (FAO, 2010a), soit une perte annuelle d’environ 40 000 ha. Sur le plan floristique, la diversité est à la baisse comme l’attestent les travaux de Tappan en 2013. Le rapport national biodiversité en décembre 1997 montre que les phénomènes à l’origine de la perte de la biodiversité au Sénégal sont nombreux mais peuvent être ramenés à trois: les causes naturelles (liées des facteurs climatiques), les causes anthropiques et les causes liées au cadre juridique et institutionnel. De la période coloniale, le Sénégal a hérité de zones importantes de conservation in situ de la biodiversité. Mais la sécheresse erratique qui sévit depuis quelques décennies a largement entamé les ressources biologiques et la biodiversité. La démographie connait un taux de croissance élevé. La population dont la moitié à moins de vingt ans est en outre mal répartie sur le territoire national. La pression d’exploitation de cette population sur les ressources biologiques constitue une des menaces les plus sérieuses sur la biodiversité. La conservation de la biodiversité dépend beaucoup du climat et des activités humaines car plusieurs espèces sont menacées par des perturbations qui affectent leur biotope ainsi que par les activités humaines (surexploitation).
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