PROFIL BACTERIOLOGIQUE DES MENINGITES
Définitions
Le liquide céphalo-rachidien (LCR) est un fluide biologique présent dans l’espace sousarachnoïdien entourant l’encéphale et la moelle épinière, ainsi que dans les ventricules cérébraux et le canal rachidien (Tessou, 2012). Il joue un rôle de maintien mécanique pour protéger le système nerveux central contre les chocs par amortissement des mouvements et allège le système nerveux de 97% de son poids. Le liquide céphalo-rachidien a un volume variable entre 50 et 150 ml selon les personnes. Il est extrêmement clair (comme l’eau de roche) et son examen est possible grâce à un prélèvement qui se pratique par ponction lombaire (Tessou, 2012). o les méningites bactériennes ou méningites purulentes sont des inflammations aigues des méninges dues à une infection bactérienne du liquide céphalo-rachidien (LCR) (Idbarka, 2010).
Epidémiologie des méningites bactériennes
Les plus graves des épidémies frappent surtout les pays africains situés au sud du Sahara, dans la ceinture africaine de la méningite (figure 1). La méningite épidémique est devenue un problème mondial, susceptible d’affecter n’importe quel pays, quel que soit son climat (Elkadioui Elidrissi, 2008). Dans la zone de la ceinture africaine de la méningite, initialement définie par Lapeyssonnie (Elkadioui Elidrissi, 2008), des cas sporadiques sont observés selon un cycle annuel saisonnier, alors que de grandes épidémies éclatent certaines années, de façon irrégulière. Dans ces pays, l’incidence de la méningite a été estimée, pour la période d’une vingtaine d’années comprise entre 1970 et 1992, à 800.000 cas environ. 4 Plusieurs bactéries distinctes peuvent causer une méningite, mais c’est Neisseria meningitidis (Nm) qui possède la capacité de provoquer des épidémies de grande ampleur. Dans la ceinture de la méningite, qui s’étend à travers l’Afrique, du Sénégal à l’Éthiopie, on rencontre cinq sérogroupes de N. meningitidis : A, B, C, W et X. Dans cette zone, pendant la saison sèche qui dure de décembre à juin, les populations sont exposées à un risque important d’épidémie. Depuis 2010, un vaccin conjugué contre le méningocoque du sérogroupe A (MenAfriVac®) a été introduit lors de campagnes de masse dans les pays de la ceinture, et depuis les épidémies à N. meningitidis A sont en train de disparaître (http://www.who.int/iris/handle/10665/154598). Les épidémies dues aux autres sérogroupes surviennent toujours, mais à une moindre fréquence et de plus faible amplitude (http://www.who.int/iris/handle/10665/154598 ). L’épidémiologie des méningites bactériennes comprend plusieurs catégories : L’épidémiologie de méningites bactériennes communautaires en dehors de la période néonatale La méningite bactérienne communautaire est une maladie rare et grave. Elle est à l’origine d’environ 1400 cas et de 300 décès en France chaque année, le pronostic étant moins bon chez l’adulte que chez l’enfant. Elle touche le plus souvent les industries sans facteur prédisposant connu ce qui rend difficile la mise en œuvre de mesures prophylactiques ciblées (Duval, Mourvillier et Hoen, 2015). Le caractère contagieux de la méningite justifie le traitement Figure 1 : Ceinture africaine de la méningite (Elidrissi, 2008) 5 préventif réglementaire des personnes ayant été en contact avec le malade (Duval, Mourvillier et Hoen, 2015). Une étude d’estimation de la charge mondiale de morbidité et de mortalité des méningites bactériennes aigues chez l’enfant de moins de 5 ans, a montré que globalement, l’incidence médiane de cette maladie est de 34 cas pour 100 000 enfants/années (Merabet et Idrissi, 2017). En 2010 cette incidence était de 2,3 cas pour 100 000 habitants en France métropolitaine. Parmi les microorganismes responsables de méningites bactériennes, deux espèces sont à l’origine de 80% des cas : – le pneumocoque (51%), incidence 1,3 cas /100 000 habitants – le méningocoque (29%), incidence 0,6 cas/100 000 habitants. Les autres espèces sont moins souvent responsables des méningites et totalisent 280 cas en 2010 : par ordre de fréquence décroissante Streptococcus agalactiae, Listeria monocytogenes et Haemophilus influenzae. Cette répartition varie en fonction de l’âge. Chez les jeunes adultes (16 à 24 ans) 90% des méningites sont dues à Neisseria meningitidis. Après l’âge de 25 ans, c’est le pneumocoque qui représente l’étiologie prépondérante avec un cas sur deux entre 25 et 40 ans, et plus de 75% après 40 ans (Duval, Mourvillier et Hoen, 2015). L’épidémiologie de méningite bactérienne néonatale (0 à 3 mois) Dans le monde, la majorité des cas de méningite bactérienne néonatale s’observe dans les pays en voie de développement, avec une incidence de 1 cas pour 1 000 naissances vivantes, s’accompagnant d’une mortalité d’environ 40 %, ce qui représente 1 % des causes de mortalité du nouveau-né dans le monde. Dans ces pays, Escherichia coli est le premier germe retrouvé acquis par contamination soit materno-fœtale au moment de l’accouchement, soit maternonéonatale après la naissance, la mère étant porteuse asymptomatique. Dans les pays développés, l’incidence des méningites bactériennes néonatales était également de l’ordre de 1 cas pour 1 000 naissances vivantes avant les années 80. Dans une étude française récente portant sur 439 cas de méningites néonatales diagnostiqués entre 2000 et 2007, le streptocoque du groupe B (SGB) et Escherichia coli représentaient respectivement 59 % et 28 % des cas (Bideta, Mariani-Kurkdjiana et Bonacorsia., 2015). 6 L’épidémiologie de méningite bactérienne par contamination directe ou infection de voisinage Les germes cutanés peuvent être contaminants suite à des actes paracliniques d’investigation (ponction lombaire, injections intra-rachidiennes d’air ou de contrastes …). Streptococcus pneumoniae, mais aussi Staphylococcus aureus, peuvent infecter le liquide céphalo-rachidien (LCR) au cours d’interventions neuro-chirurgicales, ou à l’occasion de traumatismes crânio -encéphaliques ouverts. Les infections ORL chroniques (sinusites-otomastoïdites) peuvent contaminer les méninges par Staphylococcus aureus, Proteus sp., Kliebsiella sp., anaérobies, différents types de streptocoques du groupe C. Les malformations ostéo-durales (os et dure mère) peuvent favoriser l’infection du liquide céphalo-rachidien (LCR) par germes cutanés (Staphylocoques) ou ORL (dominés par Streptococcus pneumoniae). Les fistules du LCR après fracture de la base du crâne sont un risque de méningites récidivantes à S. pneumoniae. Les suppurations intra-crâniennes constituées peuvent transmettre l’infection à la leptoméninge. En période néonatale, l’infection septicémique à Proteus mirabilis et Escherichia coli peut atteindre les méninges par l’intermédiaire d’abcès intracérébraux multiples (Carrière, 2008).
Physiopathologie
L’habitat naturel des bactéries le plus souvent mises en cause dans les méningites aigues (Haemophilus influenzae, Neisseria meningitidis et Streptococcus pneumoniae) est l’oropharynx de l’homme. Dans certaines circonstances encore méconnues, ces bactéries peuvent devenir invasives et être responsables de bactériémies au cours desquelles un ensemencement méningé peut se produire (Traoré, 2007).
Pénétration des germes dans le liquide céphalo-rachidien
Pour développer une méningite, la bactérie doit être capable d’envahir le LCR, s’y multiplier et y produire une inflammation. La première étape est la colonisation de la muqueuse de l’oropharynx grâce à des pili de surface (méningocoque, Hæmophilus), des polysaccharides de la capsule (pneumocoque, Hæmophilus) et des protéases détruisant les immunoglobulines A (IgA) sécrétoires (Elmakrini, 2014). Le franchissement des méninges par les bactéries amenées aux capillaires péricérébraux implique la rupture de la barrière hémato méningée. Seul l’endothélium des capillaires des plexus choroïdes ventriculaires étant fenêtré et perméable, 7 l’ensemencement des bactéries dans le LCR se réalise d’abord dans un ventricule, avant de se diffuser dans l’ensemble du liquide (ce qui explique la gravité neuro-végétative d’emblée) (Ismail et Mokhtar, 2010).
Multiplication des germes et réaction inflammatoire
Dans le liquide céphalo-rachidien (LCR), les germes pullulent rapidement car aucun moyen humoral de défense anti-infectieuse n’y préexiste. Ils induisent la méningite en y créant un intense processus inflammatoire : des promoteurs bactériens provoquent une réponse de l’hôte consistant en la production de cytokines par des cellules à activité macrophagique in-situ (et non systémiques) ; les principaux sont le facteur de nécrose tumorale (TNF), l’interleukine 1 et l’interleukine 6. Ces dernières créent l’inflammation (figue 2) qui se marque par l’afflux de polynucléaires, l’exsudation d’albumine, et secondairement par l’augmentation de la teneur en eau du cerveau. Cet ensemble produit l’essentiel de l’œdème cérébral, dont l’origine est mixte : la part principale est liée au processus de rupture de la barrière et à l’afflux de macromolécules dans le LCR (œdème cytotoxique) ; mais la réduction de la résorption du LCR par les granulations arachnoïdiennes intervient aussi (œdème interstitiel), de même que la vasodilatation principalement veinulaire (œdème vasogénique) sous l’effet des dérivés oxygénés libérés par l’inflammation dans la microcirculation cérébrale (Ismail et Mokhtar, 2010).
Conséquences cérébrales
Les conséquences cérébrales sont : – Hypertension intracrânienne (HTIC) : Elle est surtout la conséquence de l’œdème cérébral. L’HTIC réduit l’oxygénation cellulaire cérébrale et expose aux accidents mécaniques d’engagement. – Troubles circulatoires – ischémies – nécroses Ils résultent de la perte de l’autorégulation cérébrovasculaire, de la vascularite inflammatoire potentiellement thrombogène (surtout veineuse) et de l’œdème cérébral compressif. La vascularite est favorisée par le contact LCR-vaisseaux leptoméningés dans l’espace sousarachnoïdien. Elle provoque une hypoperfusion voire des thromboses locales, principalement corticales. – Lésions neuronales directes Les phénomènes inflammatoires diminuent l’apport d’oxygène aux cellules; l’acidose lactique du LCR altère le métabolisme neuronal ; l’hypoglycorrachie est la conséquence de la réduction 8 du transfert du glucose à travers la barrière hémocérébrale enflammée, et de la consommation accrue de glucose par la réaction inflammatoire (Ismail et Mokhtar, 2010).
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