Cécidomyie du sorgho Stenodiplosis sorghicola (Diptera: Cecidomyiidae) et cycle de développement des lignées de sorgho
Généralités sur le sorgho
Origine et distribution Le sorgho a longtemps servi de nourriture aux hommes d’abord, grâce aux races sauvages et cultivées plus tard avec la sédentarisation des peuples. C’est au Nord-Est de l’Afrique tropicale qu’on trouve la plus grande diversité de sorgho aussi bien chez les types cultivés que sauvages. Cette région pourrait être la probable aire de domestication. Les plus vieilles races de sorgho authentifiées sont antérieures à 6000 ans avant J.C. Cette découverte est intervenue à proximité de la région du Sud-Est du Sahara au niveau de la frontière entre le Soudan et l’Egypte. Cependant, selon d’autres hypothèses plus consensuelles actuellement, la domestication daterait de 5000-3000 ans voire 1000 ans avant J.-C (PROTA, 2015). L’Ethiopie serait le berceau de la domestication du sorgho à partir de la race sauvage verticilliflorum. Il s’est ensuite diffusé à partir de là vers toute l’Afrique, le Proche-Orient, l’Inde et le continent américain suivant les voies maritimes et commerciales. Par la suite, il a été introduit en Amérique du Sud et en Australie (House, 1987). Il est aujourd’hui cultivé partout dans les zones arides et semi arides d’Afrique, d’Asie, d’Amérique, d’Europe et d’Australie (PROTA, 2015 ; Chantereau et al., 2013).
Importance économique et utilisation du sorgho
Le sorgho est la cinquième céréale mondiale après le maïs, le riz, le blé et l’orge en termes de superficie cultivée et de production. Il occupe en moyenne 44,2 millions d’hectares soit 6,13 % des superficies céréalières totales. La production en grain est estimée à 67,9 millions de tonnes correspondant à 2,4 % des productions céréalières mondiales. Le rendement est variable et se situe en moyenne autour de 1 535 kg/ha. Aux États Unies, il est de 4241 kg/ha où on trouve la plus grande production de sorgho avec 10,99 millions de tonnes équivalents à 12% de la production mondiale. Le Mexique et le Nigéria occupent respectivement la 2ème et la 3ème place avec des productions respectives de 8,4 et 6,7 millions de tonnes. En Afrique, le sorgho est cultivé sur 29,02 millions d’hectares pour une production en grain estimée à 28,99 millions de tonnes (FAOSTAT, 2015). C’est la quatrième céréale alimentaire au Sénégal derrière le riz, le mil et le maïs. En 2015, les emblavures moyennes de sorgho ont été estimées à 200 737 ha pour une production moyenne de 188 500 T soit un rendement de 939 kg/ha (ANSD, 2016). Le sorgho connaît une grande diversité d’utilisation selon la région, le pays ou le statut social. Les grains sont utilisés dans l’alimentation humaine et les tiges sont destinées à l’alimentation animale, la confection de palissades, l’énergie sous la forme de combustible et de paillage dans les bananeraies et les plantations de caféiers (Polaszek et Delvare, 2000). L’essentiel de la récolte de sorgho grain en Afrique est autoconsommée en entier ou transformé sous forme de couscous, de 3 bouillie, de farine fermentée ou non fermentée pour la fabrication de tô, des galettes et des beignets. Le décorticage et la mouture sont traditionnellement effectués au pilon par les femmes. Il sert aussi à préparer des boissons maltées non fermentées et de la bière traditionnelle ou dolo. L’essentiel de la production actuelle de bière industrielle du Nigéria est issu de grains de sorgho (Clerget, 2004). Au Sénégal, le sorgho constitue une des principales céréales dans l’alimentation de base des populations. Il est aussi utilisé dans l’industrie agro-alimentaire sous forme de couscous, de «sanxal», de «arraw», de boissons alcoolisées, de pains, de biscuits, pour la préparation de colles, d’adhésifs, de papiers à partir de l’amidon etc. et dans l’alimentation animale (Fall et al., 2009). La gaine des feuilles, les glumes et la moelle rouge des sorghos tinctoriaux sont riches en pigments anthocyanés et donnent après broyage et macération une solution de teinte rouge utilisée en tannerie et en poterie (Memento de l’agronome, 2002). Toutes les parties de la plante se prêtent à la valorisation avec trois principales stratégies: l’utilisation de l’amidon de sorgho, des sucres extraits des tiges et de la biomasse ligno cellulosique (Chantereau et al., 2013).
Systématique
Selon Chantereau et al. (1991), la plupart des sorghos cultivés appartiennent à l’espèce Sorghum bicolor (L.) Mœnch, une plante monocotylédone annuelle. Le sorgho fait partie de : – l’Embranchement des Angiospermes – la Classe des Monocotylédones – l’Ordre des Glumales – la Famille des Poaceae ou Gramineae – la Sous-famille des Andropogoneae -Genre Sorghum – l’Espèce Sorghum bicolor (L.) Moench. Le sorgho cultivé présente une très grande diversité de formes décrites par différentes classifications botaniques. La classification la plus récente et la plus utilisée est celle de Harlan et de Wet (1972). Elle est basée sur les caractéristiques des épillets (glume et grain) et de la forme des panicules. Cette classification simplifiée permet de distinguer cinq races principales: – la race bicolor : elle est considérée comme la première race de sorgho domestiquée car elle présente un certain nombre de caractères peu évolués avec notamment de petits grains elliptiques et recouverts par des glumes coriaces. Leur teneur en tanins est généralement élevée. Les panicules sont le plus souvent lâches comme chez les sorghos sauvages. Leur capacité de tallage peut être élevée. Les variétés de sorghos bicolor ont souvent une tige sucrée. Elles se trouvent dans toutes les aires de culture du sorgho mais généralement sur de petites surfaces. – la race guinea : elle se distingue par ses grains elliptiques, plus ou moins aplatis dorso-ventralement et insérés dans des glumes longues et largement ouvertes à maturité. Ce dernier trait leur est propre. 4 Selon les variétés, la taille du grain chez les sorghos guinea varie de petite à grosse. Leurs panicules sont plutôt longues, lâches à semi-lâches. Les sorghos guinea dominent dans les aires les plus humides de la culture du sorgho comme dans la zone sud-soudanienne et nord guinéenne de l’Afrique de l’Ouest. – la race caudatum : elle est caractérisée par des grains dissymétriques, dits en carapace de tortue, avec une face bombée et l’autre plate. Leur taille est moyenne à grosse. Leurs glumes, de taille inférieure aux grains, sont adhérentes à ces derniers. Leurs panicules semi-compactes à compactes ont souvent une forme fusoïde ou oblongue. Les sorghos caudatum sont plus particulièrement présents en Éthiopie, au Soudan, au Tchad et au Nigeria. – la race durra : elle a la particularité d’avoir des grains relativement sphériques insérés dans des glumes courtes et adhérentes. Chez les sorghos durra, on trouve les variétés ayant les plus gros grains mais il en existe à grains moyens voire petits. Les durra sont les sorghos des régions sèches (Maghreb, Asie mineure, Inde) ou des cultures de contre-saison traditionnelles (vallées du Sénégal et Niger, bassin du lac Tchad) car ils sont tolérants à la sécheresse et à la chaleur. Dans les zones les plus arides, leurs panicules sont compactes et souvent portées par un pédoncule crossé. Dans les zones plus humides, leurs panicules perdent en compacité. – la race kafir : les sorghos de cette race ont des grains de taille moyenne et de forme elliptique. Leurs glumes sont courtes et adhérentes. Leurs panicules modérément compactes sont plutôt longues, dressées et de forme cylindrique. Les sorghos kafir sont originaires d’Afrique australe où ils sont restés cantonnés jusqu’à récemment. Aussi, la race kafir est considérée comme la plus récente de toutes. Il existe également dix combinaisons en binômes de ces races i.e les sorghos durra-caudatum ou guinea-kafir, etc. (Chantereau et al., 2013).
Cycle cultural
Le cycle de développement du sorgho peut être divisé en trois phases essentielles : – la phase végétative : allant de la germination à l’initiation de la panicule ; – la phase de floraison allant de l’initiation de la panicule à la floraison complète; – la phase de remplissage et de maturation des grains allant de la floraison à la maturité physiologique (Chantereau et al, 2013).
Phase végétative
Les grains de sorgho cultivé n’ont habituellement pas de dormance. Elles germent dès que les conditions de température et d’humidité du sol conviennent. La germination correspond au début de la phase végétative (Chantereau et al., 2013). 5 Lorsqu’un grain est semé dans un sol humide, il absorbe de l’eau et se gonfle. Si la température du sol est supérieure ou égale à 20°C, la germination se fait rapidement (Chantereau et Nicou, 1991). Le coléoptile émerge du sol avec l’apparition d’une première feuille en 3 ou 4 jours après semis (Chantereau et al., 2013). En conditions tropicales, le tallage basal commence vers le 10e jour après la levée au moment du déploiement de la 4e feuille. L’apparition de la première talle se fait alors à partir du bourgeon d’un des nœuds inférieurs du collet. Chez les sorghos à fort tallage, le rythme d’émission des talles est linéaire et synchrone avec le rythme d’apparition des ligules des feuilles (ligulochrone) avec un décalage de trois phytomères : par exemple, la talle de rang 3 apparaît quand la feuille de rang 6 arrive à son plein déploiement (Lafarge et Hammer, 2002). En termes de durée, la phase végétative est la plus variable des trois phases de développement du sorgho et varie selon les variétés. Pour les variétés photopériodiques, elle est fonction de la date de semis et de la latitude de culture (Chantereau et al., 2013).
Phase de floraison
L’initiation de la panicule ou initiation florale marque l’arrêt de la production des feuilles par le méristème apical de la tige et se termine à la fécondation des fleurs des panicules. Elle se produit généralement lorsque la plante a atteint une taille de 50 à 75cm voire moins en fonction du niveau d’amélioration apportée. L’émergence de la panicule est annoncée par le gonflement de la dernière gaine foliaire ou feuille « étendard » (Chantereau et al., 2013). En conditions tropicales, il s’écoule environ trois à quatre jours du stade feuille « drapeau » ou de la panicule à l’épiaison et environ une semaine entre le début de l’épiaison de la panicule et celui de la floraison. La floraison commence par le sommet de la panicule et descend régulièrement. Il faut généralement de 4 à 7 jours pour que l’ensemble des épillets de la panicule aient fleuri (Chantereau et al., 2013). L’épillet prêt à fleurir voit ses glumes s’ouvrir. La fécondation des fleurs est très rapide, car la plante est autogame à plus de 90%. D’ailleurs, la viabilité du pollen est très courte et dure entre 2 et 4 heures. Les glumes se resserrent étroitement après la pollinisation (Chantereau et Nicou, 1991).
Remplissage des grains et maturité physiologique
Cette phase débute à la fécondation des fleurs. Les glumes se ferment et les grains commencent leur croissance en se gonflant lentement. Le contenu des grains prend une consistance laiteuse puis pâteuse et enfin dure. En passant du stade laiteux au stade pâteux, elles changent de couleur, en virant du vert à leur teinte définitive. En zone tropicale, les grains ont besoin de 30 à 35 jours pour arriver à la maturité physiologique qui correspond à l’apparition d’un point noir à leur base dans la région du hile perceptible après extraction des grains de leurs glumes. Le poids des 6 grains est alors maximum et le taux d’humidité d’environ 30 % (Chantereau et al., 2013). Le grain sèche jusqu’à 10-15% d’humidité durant les 20 à 25 jours qui suivent (Chantereau et Nicou, 1991). Normalement, les trois ou quatre feuilles terminales assurent le remplissage des grains. En cas de sécheresse en fin de cycle, la plante réduit l’activité photosynthétique des feuilles et les réserves carbonées des tiges contribuent à assurer le remplissage des grains. Cette migration des produits photosynthétiques affaiblit les plantes qui finissent par tomber ou la verse suite même à de faibles pressions mécaniques ou à des attaques parasitaires des tiges comme la pourriture charbonneuse du pied (Chantereau et al., 2013). Si la maturité intervient en conditions d’humidité relative et de températures élevées comme en pleine saison des pluies, les moisissures attaquent souvent les grains (Dehaynin, 2007). Le grain peut être récolté à n’importe quel moment entre la maturité physiologique et la siccité du grain. À la fin du cycle, les feuilles s’assèchent et tombent progressivement en commençant par les plus anciennes (Chantereau et Nicou, 1991).
Exigences éco-climatiques
Le sorgho s’adapte à de nombreux milieux. Toutefois, sa culture réussit mieux sur les sols argileux à argilo-limoneux. La gamme de pH du sol supportée par le sorgho est comprise entre 5,0- 8,5 et il tolère plus la salinité sodique et la toxicité aluminique comparativement au maïs. Il peut produire du grain sur des sols pauvres voire très inaptes pour d’autres cultures (Chantereau et al., 1997 ; House, 1987). Le sorgho exige moins d’eau pour sa croissance que les autres céréales. Les besoins de la plante augmentent au cours de sa croissance pour atteindre un pic à la floraison puis il commence à baisser. Le pic de sa consommation atteint alors 6 à 7 mm d’eau /ha /jour. Le sorgho supporte plus l’engorgement temporaire des sols que les autres céréales. La floraison et la formation des grains se déroulent normalement à des températures comprises entre 30° et 43°C avec une humidité relative de 15 à 30%, si la plante dispose d’eau dans le sol. Le sorgho ne supporte pas le froid avec un ralentissement de la croissance à 20°C. Cependant, certaines variétés germent et se développent à des températures aussi basses que 12°C (House, 1987).
DÉDICACES |