Comparaison de différentes fertilisations organiques sur la culture de tomate dans les Niayes
Rôle du maraîchage dans la sécurité alimentaire et nutritionnelle
Le maraîchage joue un rôle fondamental dans la production alimentaire en répondant à la demande et aux besoins nutritionnels des populations (Kouvonou et al., 1999). Dans les pays en voie de développement, l’activité maraîchère est également reconnue comme une source génératrice de revenus avec une forte contribution aux dépenses familiales (Kêdowidé et al., 2010). Au Sénégal, le maraîchage est principalement concentré dans la zone des Niayes qui assure 60 à 80% de l’approvisionnement des populations en légumes (Ndiaye et al., 2012 ; Ngom et al., 2012). Avec la démographie, la production des cultures maraîchères a connu une forte croissance (Wade, 2003). Ces dernières occupent une superficie d’environ 3600 ha dans les Niayes (Diao, 1991). Les spéculations pratiquées au Sénégal sont : la tomate, la pomme de terre, la laitue, le haricot vert, le gombo, le piment, l’aubergine, l’oignon, le navet, la pastèque, le chou, le manioc…(Niang, 1999).
La tomate
La tomate (Solanum lycopersicum) est le deuxième légume le plus consommé et le plus produit dans le monde (Willcox et al., 2003 ; Foolad, 2007). Elle provient à la fois des systèmes de production en zones rurales et périurbaines (Moustier et al., 2001). La production mondiale de la tomate était évaluée à 90 millions de tonnes en 1999 (FAO, 1999). Elle a augmenté pour atteindre aujourd’hui 130 millions de tonnes (Agrimaroc, 2016) d’où son importance économique (Dossou et al., 2006). La plante a un cycle variant de 120 à 150 jours (D’arondel De Hayes et Traoré, 1990). Sa croissance est favorisée par des températures de 25°C pendant la journée (Chaux et Foury, 1994 ; Peron, 2006). Au Sénégal, les meilleurs rendements sont obtenus en saison sèche avec des semis d’octobre à mars (Radhort, 2012). La culture de la tomate nécessite d’abord de faire une pépinière qui s’effectue sur des planches, des plaques alvéolées ou en mottes compressées de façon à ne pas dépasser 200 plantes au m2 (Messiaen, 1989). Après le repiquage qui s’effectue au stade 4 à 6 feuilles, les plants doivent être tuteurés pour éviter que les tiges ne se cassent à cause du vent ou du poids des fruits (Radhort, 2012). La récolte débute deux mois après le repiquage et dure 5 à 6 semaines. Pour une conservation longue et une bonne fermeté, les fruits sont récoltés aux stades tournant et rosé (Daly, 1992).
La fertilisation de la tomate
En Afrique, les maraîchers utilisent la combinaison des engrais minéraux et organiques pour augmenter les rendements des cultures légumières (Kouvonou et al., 1999). La tomate induit des 4 exportations moyennes en kilo par hectare de : 100 N ; 30 P2O5 et 200 K2O pour viser un rendement de 40t/ha (Chaux et Foury, 1994). La nutrition azotée est corrélée avec la croissance de la plante avec pour impact une augmentation du rendement à la récolte. L’utilisation de la combinaison d’une fertilisation azotée et potassique sur la variété Mongal (à une dose respective, en g/m2 de 2,57 N+5,54 K) a accru l’émission des feuilles et des rameaux ainsi que le rendement (Mpika et al., 2015). Au Sénégal, les producteurs privilégient l’emploi des engrais minéraux qui sont recommandés par le gouvernement pour améliorer de façon significative les rendements (Zelem, 2011). Mais, à cause du coût élevé des engrais minéraux, certains producteurs pauvres ont une difficulté à s’en procurer (Fall et al., 2000). L’utilisation des engrais minéraux pour compenser l’infertilité des sols peut exposer à de fortes contraintes liées au ruissellement et à l’érosion pouvant entraîner des effets néfastes sur l’environnement (Dugué, 1998). Force est de constater que l’emploi de ces engrais minéraux diminue les teneurs en C et N du sol dans le long terme d’où la nécessité de promouvoir l’utilisation de la matière organique exogène qui enrichit le sol (N’Dayegamiye et al., 1997).
Intérêt de l’utilisation de la matière organique
L’apport de matières organiques permet de fournir des éléments nutritifs aux plantes et d’améliorer les composantes physiques, chimiques et biologiques du sol (De Bon et al., 1992). La matière organique incorporée au sol favorise une bonne texture, une bonne structure et un stock d’humus pour le bon développement des plantes (Badiane et al., 2000; Huber et Schaub, 2011). La matière organique exogène joue le rôle d’amendement pour augmenter le stock d’humus du sol et d’engrais organique pour fertiliser les cultures (Leclerc, 1997; Lashermes et al., 2007). Elle contribue à l’alimentation des microorganismes du sol par la libération de nutriments comme le carbone et l’azote (Alarcón-Gutiérrez, 2007). Le stockage de carbone dans les sols permet aussi de limiter les émissions des gaz à effet de serre et donc de jouer un rôle dans la lutte contre le changement climatique (Diacono et Montemurro, 2010 ; Peltre et Houot, 2011). Les besoins en matière organique de la tomate sont en moyenne équivalents à l’apport de 20 tonnes/ha de fumier de bovin (D’arondel De Hayes, 1994). La dose d’apport de la matière organique doit cependant être raisonnée en fonction du type de sol et de sa teneur initiale en éléments minéraux (Dragon et al., 2010) mais aussi en fonction de la culture et de la nature de l’amendement organique (Guet, 2003). Au Sénégal, étant donnée l’importance de l’élevage dont l’aviculture dans les Niayes, une grande variété de matières organiques est disponible : fumier de cheval, fumier de bœuf, fumier de volailles, fumier de mouton. Ces matières organiques peuvent être utilisées fraîches ou après transformation comme le compostage (Tounkara et Zelem, 2010 ; Niassy et Diarra, 2012).
Le fumier de cheval
Le fumier de cheval est une matière hétérogène plus ou moins pailleuse et dégage une odeur caractéristique (Chabalier et al., 2006). Il a une haute capacité de rétention d’eau (Zelem, 2011). Dans un sol sablonneux et ferrugineux au Sénégal, l’apport du fumier de cheval sur tomate (variété Mongal) a permis d’obtenir un rendement identique à celui obtenu avec d’autres amendements : fumier de cheval (30,4 t/ha), fumier de bœuf (28,5 t/ha), fumier de volailles (25,9 t/ha) et témoin non fertilisé (24,5 t/ha). L’amendement avec le fumier de cheval a induit une moindre attaque par la noctuelle Helicoverpa armigera (Niassy et al., 2010). Dans une expérimentation à Rufisque, un apport de fumier de cheval additionné à un apport d’azote de 81 kg/ha a donné un rendement de tomate le plus élevé soit 42 t/ha par rapport au témoin sans apport organique (23 t/ha) (Masse et al., 2006).
Le fumier de bœuf
Le fumier de bœuf est un produit compact, relativement mature et a un effet bénéfique à long terme sur la fertilité du sol (Chabalier et al., 2006). Les éléments minéraux contenus dans ce fumier ne sont pas immédiatement disponibles à la plante (N’Dayegamiye et al., 1997). Le gain moyen de rendement d’une culture de tomate fertilisée avec du fumier de bœuf est de 10,5% par rapport au témoin recevant un engrais minéral (Masse et al., 2006). Mais le fumier de bœuf libère lentement l’azote à la tomate : la libération (minéralisation) des éléments minéraux s’étale sur une période de 105 jours au Sénégal (N’Dienor, 2006). Khalid Hamden et Fadni (2010) ont montré que l’épandage du fumier de bœuf à une dose de 10t/ha dans un sol sablonneux a donné un meilleur rendement de la tomate (9,95 t/ha) qu’un apport de fumier de volailles (8,7 t/ha) et qu’un témoin non fertilisé (6,79 t/ha) recevant la même dose.
Le fumier de volailles
Le fumier de volailles est un fumier jeune, assez hétérogène et assez sec (Chabalier et al., 2006). Il est réputé par la présence de fortes teneurs en éléments minéraux comme l’azote, le phosphore, le potassium favorisant le bon développement des plantes (Onana, 2006). Dans un sol pauvre en phosphore et en potassium mais riche en magnésium, l’application du fumier de volailles permet d’avoir un rendement de tomate équivalent à celui obtenu avec de l’engrais minéral (Tonfack et al., 2009). Ceci est confirmé par les travaux d’Adenawoola (2006) selon lesquels les valeurs des éléments minéraux du sol étaient supérieures avec l’application du fumier de volailles qu’avec une fertilisation minérale. D’autres auteurs ont montré qu’à des doses de 25 et 30 tonnes/ha, le fumier de volailles permet l’augmentation du rendement par rapport au témoin non fertilisé (Ojeniyi et al., 2008 ; Adekiya et Agbede, 2009).
Le compost
Le compost est un produit stable issu d’une fermentation aérobie de déchets organiques biodégradables avec une minéralisation et une réorganisation du carbone et de l’azote sous l’action de microorganismes diversifiés (Farinet, 2010). L’utilisation du compost, comme tout autre amendement organique, permet d’améliorer la fertilité du sol avec une bonne capacité de rétention en eau, la porosité, la stabilité des agrégats, la teneur en nutriments du sol et la capacité d’échange cationique (Shiralipour et al., 1992). Au Congo, des résultats montrent que l’apport de 30 t/ha de compost permet une production et une rentabilité de tomate plus élevées qu’avec des doses de 40t/ha, 50t/ha et de 60t/ha (Kitabala et al., 2016). Dans les Niayes, on note une augmentation du rendement (+60%) de la tomate amendée avec du compost fabriqué à base de coque d’arachides et d’excréments de bœufs par rapport au témoin non fertilisé (Seck et Kilbertus, 1989). Au contraire, à une très forte concentration, le compost d’origine urbaine est toxique et peut être défavorable à la germination de la tomate (Houot et al., 2003). Une bonne gestion des sols de même qu’une utilisation rationnelle des matières organiques permettra de maintenir durablement la capacité de production pour la sécurité alimentaire à long terme (Greenland et al., 2003). Il est nécessaire de pouvoir définir la dose et le type de matière organique à apporter pour préserver la qualité du sol sans nuire à l’environnement et à la santé humaine (Chaussod et Nouaïm, 2004). La présente étude s’insère dans le projet IntensMaraîchage (financé par le Métaprogramme INRA-CIRAD Glofoods) dont l’objectif est de concevoir, d’évaluer et de diffuser des systèmes de production agro-écologiques maraîchers garantissant la sécurité alimentaire, la protection durable de l’environnement et l’amélioration des conditions de vie.
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