Etude du profil de sensibilité aux antibiotiques des souches d’Escherichia coli isolées d’infections du tractus urinaire
Les Infections du Tractus Urinaire (ITU) constituent un problème majeur de santé publique (Seck, 2005). Elles sont fréquentes aussi bien en milieu hospitalier qu’en milieu communautaire et se caractérisent par leur gravité et leurs prévalences élevées, qui selon les statistiques représentent 35% à 50% de l’ensemble des infections nosocomiales (Niang, 2001). En effet, les entérobactéries principalement Escherichia coli sont les principales bactéries responsables d’ITU avec 70 à 95% de cas (Bertholom, 2016). Certaines familles d’antibiotiques sont toutefois très efficaces sur les bactéries permettant leur utilisation pour la prise en charge des infections urinaires. Cependant, de plus en plus nous assistons à l’émergence de bactéries résistantes aux antibiotiques usuels surtout dans les pays à ressources limitées où les antibiotiques sont utilisés de manière empirique et irrationnelle (Hima-Lerible et al., 2003) ;(Bercion et al., 2009) ; (Sharan et al., 2013). Cette résistance est plus marquée chez les entérobactéries avec la production de pénicillinase, de carbapénèmase mais surtout de bêta-lactamase à spectre élargi.
A titre d’exemple, une production de pénicillinase a été notée en Ethiopie lors d’une étude menée par Alemu et al. en 2012 qui n’a rapporté que 59,3% de sensibilité aux pénicillines. Ainsi, pour surveiller l’émergence de bactéries multi-résistantes aux antibiotiques et limiter leur diffusion, nous avons mené cette étude dont l’objectif général est d’étudier le profil de sensibilité des souches d’Escherichia coli. Cet objectif est scindé en deux objectifs spécifiques à savoir : Isoler et identifier les souches d’Escherichia coli responsables d’ITU. Etudier la sensibilité des souches isolées aux antibiotiques. Ce travail comporte trois (3) axes dont le premier sera consacré à la bibliographie, une deuxième partie où seront exposés le matériel et la méthodologie utilisés et une troisième partie où seront présentés les différents résultats et la discussion de nos travaux avant de livrer une conclusion, des recommandation et des perspectives.
Rappel sur le germe Escherichia coli
Historique Escherichia coli a été décrite pour la première fois en 1885 après avoir été isolée dans des selles de nourrissons par l’allemand Theodore Von Escherich. Son nom actuel lui est ensuite donné en 1919 par Castellani et Chambers (Grimont, 1987). Le genre Escherichia appartient à la famille des Enterobacteriacae qui regroupe des bacilles à Gram négatif, aéroanaérobies facultatifs qui peuvent fermenter les nitrates et qui ne possèdent pas d’oxydase (Le Minor et al., 1990). Le genre Escherichia regroupe cinq espèces : E. blattae, E. coli, E. fergusonii, E. hermanii et E. vulneris possédant des caractéristiques biochimiques particulières qui permettent de les différencier (Grimont, 1987).
Habitats
Escherichia coli est retrouvée partout dans notre environnement, plus particulièrement dans le tube digestif de l’Homme et des animaux à sang chaud. Quatre-vingt-dix pour cent (90%) des humains hébergent des E. coli dans leurs intestins (Penders et al., 2006 ; Tenaillon et al., 2010), contre 56 % des autres mammifères, 23 % des oiseaux et 10 % des reptiles (Gordon and Cowling, 2003). Il s’agit de l’une des premières espèces à coloniser l’intestin encore stérile du nouveau-né à partir de la flore digestive de la mère si la naissance a lieu par les voies naturelles, ou de l’environnement si elle se fait par césarienne (Penders et al., 2006). Escherichia coli cohabite avec d’autres espèces de micro-organismes majoritairement anaérobies, eucaryotes ou encore bactériophages (virus des bactéries), qu’on regroupe sous le terme de flore ou microbiote intestinal, et qui représentent un total de 1014 bactéries, et 1015 particules de bactériophages par gramme de matières fécales.
Escherichia coli est établie sur toute la longueur du tube digestif à partir du duodénum, avec un maximum de concentration au niveau du colon et du caecum (Abraham et al., 2012). On qualifie généralement la relation entre E. coli et son hôte de « commensale », c’està-dire que l’un des deux organismes bénéficie de cette interaction sans que l’autre n’en tire un avantage particulier. Dans le cas d’E. coli, elle profite de son hôte en détournant des nutriments issus de la digestion pour sa propre consommation. Elle est également protégée contre certains stress, et bénéficie d’un environnement stable. 4. Caractères bactériologiques 4.1. Caractères morphologiques Escherichia coli ou colibacille fait partie des Entérobactéries, c’est une bactérie fine et allongée à extrémités arrondies, asporulée, mesurant 2 à 4μ de long sur 0,4 à 0,6 μ de large, mobile grâce à une ciliature péritriche (Mendaci et Mihoubi, 2015). Figure1 : Escherichia coli au microscope électronique..
Caractères culturaux
Escherichia coli se développe en 24 heures à 37°C sur les milieux gélosés en donnant des colonies rondes, lisses, à bords réguliers, de 2 à 3 mm de diamètre, non pigmentées (figure 2). Sur les milieux lactosés, les colonies sont généralement lactose positif. Sur gélose au sang, elles peuvent être hémolytiques (Mendaci et Mihoubi, 2015). Figure 2 : Aspect des souches d’Escherichia coli sur le milieu CLED (https://www.flickr.com/photos/nathanreading/) Figure 3 : Aspect des souches d’Escherichia coli sur le milieu chromogène UTI..
Caractères biochimiques
L’étude d’activités enzymatiques et de la fermentation des sucres est réalisée à l’aide de micro-méthodes validées disponibles dans le commerce sous forme de galerie ou de galeries API 20E (Bio Mérieux). Escherichia coli possède les caractères biochimiques suivants : (Gueye, 2007; Clave, 2012) (Tableau II). Tableau II: Caractères biochimiques d’E.coli oxydase catalase urease NR TDA Glucose lactose indole CS VP Gaz E.coli – + +/- + – + + + – – + + : Résultat positif – : Résultat négatif CS : Citrate de Simmons NR : Nitrate Réductase TDA : Tryptophane Désaminase VP : Voges Proskauer II. Méthode d’étude de la sensibilité aux antibiotiques. Le but est de prédire la sensibilité d’un germe à un ou plusieurs antibiotiques dans une optique essentiellement thérapeutique, en déterminant la Concentration Minimale Inhibitrice (CMI) d’une souche bactérienne vis-à-vis de divers antibiotiques (Burnichon, 2003) 1.
Techniques classiques Méthodes de dilution Les méthodes de dilution sont effectuées en milieu liquide ou en milieu solide. Elles consistent à mettre un inoculum bactérien standardisé au contact de concentrations croissantes d’antibiotiques. En milieu liquide, l’inoculum bactérien est distribué dans une série de tubes (méthode de macro dilution) ou de cupules (méthode de micro dilution) contenant l’antibiotique. Après incubation, la CMI est indiquée par le tube ou la cupule qui contient la plus faible concentration d’antibiotique où aucune croissance n’est visible à l’œil nu. En milieu liquide La détermination de la sensibilité peut se réaliser en milieu liquide en testant la sensibilité de la souche bactérienne vis-à-vis des concentrations critiques supérieures (C) et inférieures (c) des différents antibiotiques ou uniquement vis-à-vis des concentrations critiques inférieures. Ces méthodes simplifiées sont commercialisées, ce qui les rend accessibles aux laboratoires de diagnostic.
L’inoculation des galeries et la lecture des résultats peuvent se réaliser manuellement ou à l’aide d’automates : technique en 24h (à 2 dilutions, c et C) ou en 4h (1 ou 2 dilutions possibles). En milieu solide L’antibiotique est incorporé dans un milieu gélosé coulé en boîtes de Pétri. La surface de la gélose est ensemencée avec un inoculum des souches à étudier. Après incubation, la CMI de chaque souche est déterminée par l’inhibition de la croissance sur le milieu contenant la plus faible concentration d’antibiotique. La méthode de dilution en milieu gélosé, réalisée avec une gamme de concentrations en progression géométrique de raison 2 est la méthode de référence.
L’antibiogramme
Méthodes de diffusion
Les méthodes de diffusion ou antibiogrammes standards sont les plus utilisées par les laboratoires de diagnostic. Des disques de papier buvard, imprégnés d’antibiotique à tester, sont déposés à la surface d’un milieu gélosé, préalablement ensemencé avec une culture pure de la souche à étudier. Dès l’application des disques, les antibiotiques diffusent de manière uniforme, si bien que leurs concentrations sont inversement proportionnelles à la distance du disque. Après incubation, les disques s’entourent de zones d’inhibition circulaires correspondant à une absence de culture. Lorsque la technique est parfaitement standardisée, les diamètres des zones d’inhibition dépendent uniquement de la sensibilité du germe.
Lecture d’antibiogramme
Les résultats des antibiogrammes sont exprimés sous forme de catégories cliniques retenues pour l’interprétation des tests de sensibilité in vitro et qui sont: Sensible (S), Résistant (R), Intermédiaire (I) (Burnichon, 2003) ;(SFM, 2017). La bactérie est sensible à l’antibiotique : il suffit d’une faible concentration de l’antibiotique en question pour tuer les bactéries et la dose nécessaire est administrable chez l’homme. La bactérie est résistante à l’antibiotique : la dose nécessaire pour tuer les bactéries est beaucoup trop élevée pour être supportée chez l’homme sans effets secondaires majeurs. Un tel antibiotique ne peut donc être utilisé pour traiter l’infection. La bactérie est intermédiaire à l’antibiotique : la dose nécessaire pour tuer les bactéries est tantôt administrable chez l’homme, tantôt dangereuse. Il faut donc considérer que la bactérie est résistante in vivo, c’est-à-dire dans l’organisme. L’antibiogramme permet donc au médecin de choisir le meilleur traitement antibiotique individualisé contre la souche bactérienne responsable de l’infection.
Les antibiotiques utilisés
Le traitement de l’infection urinaire repose sur une antibiothérapie utilisant des molécules bactéricides, produisant un pic sérique rapide, une forte concentration dans le tissu rénal et à élimination urinaire prédominante. Les molécules répondant à ces critères sont les aminoglycosides, les aminopénicillines (seules ou associées à l’acide clavulanique), l’aztréonam, les carbapénèmes, les céphalosporines de deuxième et troisième génération, le cotrimoxazole, les quinolones, les fluoroquinolones, la ticarcilline (seule ou associée à l’acide clavulanique) et les uréidopénicillines. Cependant, toutes ces molécules ne sont pas préconisées en première intention, avant les résultats de l’antibiogramme (Marrhich, 2008).
Antibiotiques des infections urinaires (Seck, 2005)
Les quinolones Ce sont des antibiotiques bactéricides à large spectre, possédant une structure de base comportant un cycle accolé à un hétérocycle comportant également un atome de fluor. On distingue : Les quinolones de 1ème génération : Acide nalidixique, acide pipémidique. Les quinolones de 2ème génération : Norfloxacine, Péfloxacine, Ciprofloxacine Les quinolones de 3ème génération : Lévofloxacine Leur spectre d’activité concerne les Entérobactéries, les Staphylocoques, les Pseudomonas.
Les Bêta-lactamines Ce sont des antibiotiques bactéricides, possédant un cycle bêta-lactame dans leur structure chimique. On distingue deux sous familles dans ce groupe : Les Pénicillines Les aminopénicillines tels que : – Ampicilline – Amoxicilline – Amoxicillines +Acide clavulanique Les carboxipénicillines – Carbénicillines – Ticarcillines Les urédopenicillines – Pipéracillines – Mezlocillines Céphalosporines Les CSP de première génération : – Céphalines – Céphazolines – Céphaloridines Les CSP de deuxième génération : – Céfoxitines – Céphamandoles – Céfuroximes Les CSP de troisième génération : – Céfotaxime – Ceftazidimes – Ceftriaxones Les CSP de quatrième génération : – Céfépimes – Cefpiromes Monobactames : – L’Aztreonam est le seul représentant de ce genre. Aminosides Ce sont des antibiotiques bactéricides à large spectre possédant : – Les aminosides de première génération : Kanamicine – Les aminosides de deuxième génération : Amikacine, Gentamicine, Tobramicine – Les aminosides de troisième génération : Nétilmicyne Les phénicolés Ce sont des antibiotiques bactériostatiques à large spectre qui couvrent une grande variété de germes à Gram positif et à Gram négatif. Nous distinguons dans ce groupe le chloramphénicol et le thiamphénicol.
INTRODUCTION |