Influence des arbres sur les teneurs en carbone et azote
Importance des arbres dans l’écosystème
Maintes études témoignent de l’intérêt des arbres pour la conservation de la biodiversité, la lutte contre les changements climatiques, l’amélioration de la résilience des populations, la restauration des sols, et la préservation de l’humanité. Du point de vue économique et socio-culturel, les arbres sont sources de produits commercialisables tels que les fruits, le bois, les fourrages, et les produits médicinaux. Par la gestion qui en est faite, ils rendent des services esthétiques dans le cadre du tourisme et l’aménagement des espaces verts (jardins botaniques, sites de détentes …). Ces bienfaits permettent aux populations de diversifier leurs revenus et d’améliorer leurs systèmes de production pour une meilleure résistance aux changements climatiques. En zone de savane africaine, les populations diversifient leurs revenus en ramassant le bois de chauffage, les fruits, les épices, les fourrages pour les vendre (Djoudi et al., 2013; Paavola, 2008; Poupon, 2013; Tougiani et al., 2009). En Afrique sahélienne, la production fourragère des arbres et arbustes est souvent le seul recours pour les éleveurs lors des périodes de soudure (Besse et al., 1998). En plus d’être une source d’aliments, de produits sanitaires et énergétiques, les arbres servent de lieu de rencontre pour résoudre les conflits, pour les activités récréatives et la fourniture de matériaux de construction. Du point de vue écologique, les arbres permettent, par l’augmentation de l’évaporation d’accélérer l’évacuation de l’excès d’eau dans les parcelles agroforestières (Verchot et al., 2007). Ils contribuent à la régulation du cycle de l’eau, à une bonne structuration des sols, à une bonne régulation de la température et ils servent d’habitats aux pollinisateurs sauvages et aux prédateurs des ravageurs agricoles (Gabriele, 2013). Ils peuvent fournir des services d’ombrage, de refroidissement, d’interception, de stockage et d’infiltration des pluies (Akpo et Grouzis, 2000). Une étude menée au Niger montre que la réduction du ruissellement de l’eau de pluies et la création d’un microclimat en milieu urbain peuvent être corrélée avec l’augmentation du couvert végétal (Gill et al., 2007; Herz, 1988). Au sein des systèmes agroforestiers (association arbres, cultures et/ou élevages), les arbres constituent des moyens de lutte contre l’érosion éolienne et hydrique, ainsi que la désertification. Ils favorisent la conservation de la fertilité des sols, la régénération des sols dégradés et une utilisation efficiente des ressources en eau (Besse et al., 1998; Pramova et al., 2012). À partir de son système racinaire, l’arbre puise en profondeur l’eau et les nutriments et les rend disponibles pour les cultures. Ils constituent également des puits de carbone pour la réduction des gaz à effet de serre par la photosynthèse (Lessard et Boulfroy, 2008). Ils peuvent également favoriser le stockage de carbone et d’azote dans le sol (Blanfort et al., 2013; Steinfeld et al., 2009).
Azote et carbone du sol
Selon Feller et al. (2012) la présence du carbone et de l’azote dans le sol peut être assimilée à l’une des conséquences du stockage de la matière organique. La matière organique du sol (MOS) correspond à l’ensemble des matériaux organiques, vivants et morts, présents dans le sol. Ce sont entre autres, les racines des plantes, les microorganismes et la microfaune du sol et les résidus de végétaux décomposés ou non (Bernoux et al., 2013). La principale source primaire de matière organique est la photosynthèse qui est assurée par les plantes en exploitant la lumière du soleil. Les apports organiques au sol sont d’origine végétale dans la plupart des agroécosystèmes, et se font à la surface du sol (chute de feuilles, résidus de culture, apports exogènes dans les sols agricoles) et dans les horizons superficiels où la densité racinaire et l’activité biologique sont les plus importantes. Les débris végétaux sont ensuite décomposés sous l’action des microorganismes (bactéries, champignons) et de la microfaune à travers deux mécanismes ; la minéralisation et l’humification. Ces processus permettent d’obtenir les éléments minéraux principaux (C, N, H, O) ou secondaires (P, Mg, Ca, K, et les oligoéléments). Le carbone organique du sol représente 50% des éléments contenus dans la MO (Bernoux et al., 2013). En plus de la forme organique, le carbone existe également sous forme minérale appelée carbone inorganique. Le carbone organique stocké dans les sols mondiaux est estimé entre 2 000 et 2 500 Gt dont 27 à 36 % dans les zones sèches. Le carbone inorganique stocké s’élève à 950 Gt avec une proportion de 97 % contenue dans les zones sèches (Bernoux et al., 2013). De même que le carbone, l’azote existe sous les formes organiques et inorganiques; cependant majoritairement sous la forme organique (95% du pool d’azote total du sol) (Andrianarisoa, 2009). Comparativement au carbone, le cycle de l’azote dans l’écosystème sol-plante est fonction des microorganismes de la rhizosphère qui réalisent des symbioses avec les plantes et fixent l’azote atmosphérique (rhizobium). Durant la décomposition des résidus végétaux, les cycles du carbone et de l’azote dans les sols sont fortement couplés, principalement en raison de l’assimilation simultanée de C et N par la microflore hétérotrophe des décomposeurs (Aita, 1996). Ces cycles dépendent fortement de conditions environnementales incluant le climat et les propriétés du sol (Butterbach-Bahl et al., 2011). Il existe un seuil de disponibilité en azote minéral au-dessous duquel l’azote contrôle la vitesse de décomposition du carbone. Aussi le stockage du carbone peut être lié dans certaines situations à une émission plus grande de N2O (Powlson et al., 2011), une forte teneur d’azote peut entraîner du sol une émission d’azote et de carbone. Les besoins en N de la microflore sont déterminés par le flux de C et le rapport C/N (Aita, 1996). Le rapport C/N est un indicateur de l’activité biologique du sol. Il renseigne sur le degré moyen d’évolution de la matière organique, l’activité biologique et le potentiel de minéralisation de l’azote. Plus le rapport C/N est élevé (supérieur à 10), plus l’activité biologique et la minéralisation de l’azote sont réduites et l’humification augmente (Soltner, 2000). 5 En zone pastorale, les flux de carbone dépendent fortement de l’intensité de pâture (Freibauer et al., 2004; Soussana et al., 2010). Pour une intensité comprise entre 15 et 50%, le carbone consommé par les animaux est retourné au sol par les fèces et conduit au recyclage du carbone. Cependant, la consommation des feuilles par les animaux peut entrainer la réduction de la capture du CO2 par les plantes (De Mazancourt et al., 1998). Les stocks de carbone, d’azote et de matière organique sont fortement dépendants de la texture du sol (argile et limon) (Bationo et al., 2005). En milieu tropical, le climat, l’activité biologique, le passage du feu et la texture dans le cas de sols sableux, maintiennent un stock organique très bas, même dans les écosystèmes non anthropisés (Menaut et al., 1985; Moureaux, 1967).
Méthode d’évaluation des teneurs en carbone et azote des sols
Les teneurs en carbone et azote des sols peuvent être déterminées à partir de deux grands groupes de méthodes. Les analyses chimiques au laboratoire et la spectrométrie basée sur les mesures de réflectance dans les longueurs d’onde au niveau du proche et du moyen infrarouge (Genot et al., 2014).
Les méthodes analytiques
Les méthodes analytiques de types chimiques, comprennent l’oxydation par voie humide (comme la méthode de Walkley-Black et la méthode Anne) et les méthodes de combustion avec dosage du CO2 produit (par titrimétrie, conductimétrie) (Bernoux et al., 2013). Le principe des méthodes par oxydation est le dosage direct du carbone organique après oxydation de la matière organique par du bichromate de potassium en excès, en milieu sulfurique et à 135°C. Cependant, l’oxydation peut être incomplète et donc ne permet d’extraire qu’une partie du carbone organique ; ce qui semble être le cas surtout pour les sols tropicaux ou riches en carbonates. La méthode de combustion consiste en une micro-pesée, une combustion « éclaire », une séparation chromatographique de l’azote moléculaire et du dioxyde de carbone, et une détection par conductibilité thermique (Bernoux et al., 2013). Les échantillons doivent être finement broyés (inférieur à 200 µm) pour une meilleure représentativité de l’échantillon mesuré du fait des faibles masses de sol utilisées pour l’analyse. Cela en plus des équipements nécessaires (une micro balance, un chromatographe catharomètre appelé CHN qui doivent être amorti, le coût des gaz vecteurs, des consommables …)alourdit le travail et rend cette méthode onéreuse : 15 euros contre 2.5 par échantillons pour celle Walkley-Black (O’rourke and Holden, 2011).
Les estimations à l’aide de la Spectrométrie Proche Infrarouge (SPIR)
La spectrométrie infrarouge (proche ou moyen IR) est la mesure de la diminution de l’intensité du rayonnement qui traverse un échantillon en fonction de la longueur d’onde. Cette méthode peut être utilisée pour estimer les teneurs en C et en N des sols sans préparation préalable des échantillons. Elle nécessite néanmoins une main d’œuvre qualifiée et un équipement spécifique ainsi qu’un calibrage réalisé à partir de bases de données de référence (Bernoux et al., 2013). 6 La spectrométrie proche infrarouge (SPIR ou en anglais NIRS, Near infrared reflectance spectroscopy) est la mesure entre 1000 et 2000 nm de longueur d’onde. Elle est aujourd’hui connue comme une méthode émergente d’analyse de sol, notamment pour la détermination de la teneur en matière organique (Genot et al., 2014). Il est prouvé par plusieurs études que la méthode spectrale proche infrarouge s’avère être par rapport à la méthode chimique, plus rapide, rentable, et non destructive et parfois plus précise pour certains cas de mesures de propriétés physiques, chimiques et biologiques des sols (Genot et al., 2014). Sun et al. (2014), dans une étude comparative des deux méthodes (spectrales et chimiques) basées sur des échantillons de sol prélevés sur des sites de pâturage, ont montré que la méthode spectrale serait appropriée pour la détermination des teneurs en carbone organique et en azote total du sol. Cette méthode se base sur trois principales étapes : – Constitution d’une base de données de référence : en partant d’analyses classiques de laboratoire sur des échantillons de même nature on constitue une base de données avec le couple spectre/valeurs de référence. La taille de cette base de données est un élément déterminant dans la robustesse du modèle qui sera élaboré. Cette base de données est ensuite divisée en deux jeux de données utilisés respectivement pour la calibration et la validation. – Calibration du modèle de prédiction : les équations de calibration sont développées en utilisant des techniques de régression aux moindres carrés partiels (PLS). Les données spectrales acquises pour chaque échantillon sont généralement prétraitées et mises en calibration et validation croisée dans le logiciel (Winisi, Infrasoft) pour chacune des composantes chimiques à prédire. – Validation du modèle : le set de validation constitué est utilisé pour la validation des calibrations afin de tester ces équations sur un lot d’échantillons indépendant. Pour la validation du modèle, le coefficient de détermination (R²), l’écart type résiduel de la validation croisée (SECV), l’écart type résiduel de la prédiction (SEP) et le ratio performance/déviation (RPD) ont été calculés. Sont retenus les modèles qui présentent un R²>0,5 et un RPD>2. Le spectre infrarouge est par ailleurs influencé par les caractéristiques physiques du sol. La taille et la forme des particules, l’espace entre celles-ci et leur arrangement affectent la longueur de la transmission lumineuse atteignant l’échantillon et donc son absorbance. Afin d’homogénéiser la taille des particules, les échantillons sont souvent tamisés avec un tamis de 2mm de diamètre.
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