Caractérisation des pêcheries artisanales de langouste verte et de cigale de mer |
Introduction
La pêche maritime est un secteur stratégique dans l’économie sénégalaise. Elle contribue pour 2,5% du Produit Intérieur Brut (PIB) total, pour 12,5% du PIB du secteur primaire et occupe 17% de la population active soit plus de 600 000 emplois directs ou indirects. Sa part dans les exportations totales du pays est de 32%. Les produits de la pêche jouent aussi un rôle primordial dans l’alimentation des populations, avec une contribution de 70% des apports nutritionnels en protéines animales (LPS, 2007 ; Rapport PRAO, 2013).Toutefois, entre 1988 et 2003, les captures des espèces démersales qui apportent l’essentiel de la valeur ajoutée du secteur, ont chuté de 32 % en moyenne. Les exportations de produits halieutiques ont également enregistré une baisse notable, de l’ordre de 26 % (Rapports DPM,2010).Parmi ces ressources, figurent les langoustes et cigales de mer, espèces très prisées par les consommateurs européens et par les grands restaurants et hôtels de la place.Ces ressources démersales sont à l’origine d’une activité de pêche qui s’est fortement développée au cours des dernières décennies et qui occupe une place très importante dans l’économie nationale (Barry. et al. 2000). Leur exploitation est à la fois assurée par les flottilles artisanales et industrielles. Le niveau d’exploitation est au-delà de leurs potentiels biologiques (Maigret. 1978; Barry. et en 1994, Gascuel. et al. 1994 et 1997).Les pêcheurs et opérateurs vivant de la pêche et de ses industries annexes subissent des baisses de revenus très importantes, ceci malgré tous les appuis techniques et les incitations 1 économiques et financières accordées par le Gouvernement. Aussi, il existe des mesures deconservation (création d’Aires Marines Protégées AMP et de Zones d’Immersions des Récifs Artificiels ZIRA) et des mécanismes de régulation de l’accès aux ressources basées sur les variables d’effort et de capture et les méthodes de contrôle (réglementaires et économiques).Nonobstant ces mesures de gestion et de conservation, la dégradation des habitats et la baisse de production des ressources ne cessent de s’accentuer (Barry. M et Gascuel. D. 2000). Cette Situation est liée principalement à la surcapacité de pêche qui a entraîné une surexploitation structurelle des principales espèces maritimes démersales du Sénégal (LPS, 2007).Pour faire face à cette problématique, l’Etat du Sénégal a envisagé avec des Partenaires Techniques et Financiers (PTF), de nouvelles approches de gouvernance des ressources à travers des programmes et projets. Parmi celles-ci, il y a des instruments « informationnels »incitant l’adoption volontaire de comportements adéquats par les opérateurs de la filière pour garantir le respect des critères environnementaux et sociaux.Cependant la mise en place de ces instruments de gestion durable des pêcheries nécessite une bonne connaissance des caractéristiques des espèces et de ses usagers.Sur le plan scientifique, les espèces de langouste verte et de cigale de mer ciblées par la pêche artisanale dans la zone du Cap-Vert, actuelle région de Dakar 2 sont jusqu’ici peu connues malgré leur importance dans la vie des populations des villages traditionnels de Yoff, Ngor,Ouakam, Soumbédioune et Terrou Baye Sogui. Ces raisons ont motivé le choix de la présenteétude de recherche axée particulièrement sur les aspects socioéconomiques des pêcheries.Elle a pour objectif global de caractériser les pêcheries de langouste verte et de cigale de merde la partie marine à l’Ouest de la Presqu’Ile du Cap Vert correspondant à la zone du ConseilLocal de Pêche Artisanale (CLPA) de Dakar Ouest.De façon spécifique, ce travail de recherche consiste à :cartographier les sites de débarquement, les zones de pêches de langoustes et decigales de mer et analyser les saisons de production ;documenter le système d’exploitation, de traitement et de commercialisation desditespêcheries ;estimer les quantités débarquées et commercialisées y compris les marchés extérieurs ;inventorier les initiatives de gestion locales desdites pêcheries (Bonnes pratiques dépêches).Le travail comprend trois parties :la première partie est consacrée à la présentation de la zone d’étude y compris une brève description générale des pêcheries sénégalaises ;les matériels et méthodes utilisés sont décrits dans la deuxième partie.La troisième partie présente les résultats et discussions de l’étude ;Enfin, pour conclure des recommandations de gestion durable desdites pêcheries sont formulées et des perspectives de recherche proposées.
Pêche dans le monde et au Sénégal
Situation de la pêche dans le monde
Le poisson continue à faire partie des produits alimentaires les plus commercialisés dans le monde. Le commerce des produits halieutiques revêt une importance particulière pour les pays en développement, puisqu’il peut dans certains cas compter pour plus de la moitié de la valeur totale des produits commercialisés. La part de la production halieutique totale exportée sous la forme de divers produits destinés à l’alimentation humaine ou à des usages non alimentaires a augmenté, passant de 25% en 1976 à 37% (équivalent à 58 millions de tonnes)en 2012 (FAO 2014). Depuis vingt-cinq ans, la production mondiale égale à quatre-vingt-dix millions de tonnes reste constante, inversement à la capacité de pêche. Cette surcapacité a entraîné au cours de ces dernières décennies des conséquences d’ordre économique, social et biologique.En effet, l’étude de la FAO (2014) montre que 15% des stocks marins sont modérément exploités (sous exploités), 53% pleinement exploités (exploité à leur maximum) et 32%surexploités (en déclin ou en cours de récupération).En outre, selon la FAO, les rejets de poissons capturés en mer représentent environ sept millions de tonnes par an alors que la pêche illicite, non-déclarée et non-réglementée (INN)est estimée à 23,5 milliards USD par an. Malgré les interventions locales, nationales etrégionales dans l’exploitation des ressources aquatiques, les effets néfastes des activités économiques marines, particulièrement les mauvaises pratiques de la pêche mondiale,menacent la vie des communautés marines et côtières. Ces menaces sont plus accentuées dans les pays côtiers en voie de développement (FAO, 2014. Le corollaire de la surcapacité et de la surexploitation est la dissipation de la rente de ressource, c’est-à-dire, du flux net de richesse généré par l’exploitation de cette ressource (Boncoeur. 2006).À l’échelle mondiale, pour ramener les stocks surexploités à un niveau correspondant à leur maximum de production durable, il faudrait, selon certains chercheurs, réduire la capacité de pêche par trois. Cependant, une réduction de la capacité de pêche peut entraîner à court terme,des suppressions d’emplois et des baisses de revenus pour de nombreuses personnes qui sont souvent en situation précaire (FAO, 2010). Cet arbitrage témoigne de la complexité du problème de l’aménagement des pêcheries et de la gestion mondiale des pêcheries illustrées par de nombreux accords multilatéraux sur le droit de la mer (1982), la conservation des stocks chevauchants et de grands migrateurs, la biodiversité (1992) et des déclarations notamment celles de Stockholm (1972), de Rio de Janeiro (1992), de Reykjavik (2001) et de Johannesburg (2002).En marge de ces solutions énumérées ci-dessus, l’écolabel environnemental MSC (Marine Stewardship Council) vient comme un instrument du marché dont la mission contribue à renverser le déclin des stocks mondiaux de poissons, conserver les écosystèmes marins et tout.Ce qui en dépend en valorisant les produits de la mer de manière durable (WWF et Unilever,1997).Ainsi, à travers le monde, presque 10 % de la production destinée à la consommation humaine est certifiée MSC. Ce chiffre ne cesse d’augmenter, notamment au niveau des pays de l’Union Européenne, où la certification écologique des produits halieutiques devient de plus en plus, une exigence du marché (Lankester. 2012).
Présentation de la Pêche au Sénégal
Les côtes ouest africaines sont caractérisées par une importante biodiversité marine. Cette Situation est corrélée avec la qualité de l’upwelling des Canaries et de celle des apports fluviaux. Les petits pélagiques profitent de la remontée d’eau froide d’upwelling tandis que les crevettes et les poissons d’estuaires bénéficient des apports terrigènes des fleuves et cours d’eau. Les espèces démersales évoluent dans les habitats qui subissent l’influence de ces deux éléments. Le Sénégal se situe dans cette écorégion ouest africaine où la plupart de cesressources halieutiques sont communes aux zones économiques exclusives des sept pays 3 de la Commission Sous Régional des Pêches (CSRP).De par sa situation géographique, le Sénégal possède des atouts naturels pour la pêche, avec une façade maritime d’environ 700 km, une Zone Économique Exclusive (ZEE) d’environ200 000 km², avec un plateau continental (0-200 m) couvrant une superficie d’environ 27 600km². Du point de vue géomorphologique, le littoral sénégalais est découpé en six grandes entités, avec du nord au sud : le delta du fleuve Sénégal, la Grande Côte, la Presqu’île du Cap Vert (côte rocheuse), la Petite Côte (côte sablo-rocheux), le Delta du Sine Saloum (zone de mangroves) et la Casamance (zone de mangroves) (Thiam, 1973 ; Sall, 1983; Rébert, 1983 ;Diop, 1990). Au niveau continental, le Sénégal dispose de plans d’eaux intérieurs partagés avec d’autres pays ou entièrement souverains dans lesquels se pratique la pêche. Ce sont les fleuves, mares, rivières, lacs naturels et lagunes essentiellement situés dans les régions de Sédhiou, Saint Louis, Matam, Tambacounda et Ziguinchor (DPC, 2013).
Principales ressources halieutiques exploitées
Deux grands groupes ayant des caractéristiques biologiques différentes sont exploités dans la ZEE sénégalaise : ce sont les ressources pélagiques et les ressources démersales.
Ressources pélagiques
Les ressources pélagiques regroupent les organismes migrateurs vivants à la surface. En Fonction de leur distribution spatiale, ces ressources sont subdivisées en deux sous-groupes :les pélagiques hauturiers et les pélagiques côtiers.Les ressources pélagiques hauturières comprennent principalement les trois espèces de thons tropicaux que sont l’albacore (Thunnus albacares), le listao (Katsuwonus pelamis) et le patudo (Thunnus obesus). Ce sont des espèces migratrices qui font l’objet d’une pêche internationale à long rayon d’action, principalement en dehors des pays côtiers (Diouf. 1994).Les ressources pélagiques côtières constituent plus de 70% des prises réalisées dans la ZEE sénégalaise ainsi que l’essentiel des captures de la pêche artisanale.
Dédicaces |