Analyse spatiale des données épidémiologiques et
identification des facteurs de risque de la fièvre
Epidémiologie-Etude clinique-Méthodes de diagnostic et de lutte de la FVR
Facteurs anthropiques d’émergence de la FVR
L’émergence d’un foyer de FVR correspond à la jonction dans le temps et dans l’espace d’un ensemble de facteurs : il faut que les conditions environnementales (climatiques et écologiques) permettent l’éclosion des œufs et la survie d’un nombre suffisant de vecteurs ; il faut que ces conditions, en synergie avec la disponibilité de pâturage de qualité suffisante et les pratiques d’élevage (transhumance par exemple), favorisent la rencontre des vecteurs et du bétail afin de permettre la transmission du virus aux animaux hôtes ; bien évidemment, il faut un nombre suffisant d’hôtes sensibles ou naïfs, c’est-à-dire réceptifs au virus (NDIONE et al., 2008). Les déplacements des animaux par les circuits commerciaux ou par les voies de transhumance sont probablement les facteurs principaux à l’origine de la diffusion du virus (MEEGAN et BAILY, 1989) à l’intérieur et en dehors du continent africain. En Egypte, l’introduction du virus dans les années 70 était due aux camélidés venant du Soudan. Au Yémen et en Arabie saoudite par exemple, les importations de bétail en provenance de la Somalie, du nord-est du Kenya, de l’est de l’Éthiopie et d’une partie du territoire djiboutien ont été identifiées comme responsables de l’introduction du virus sur la péninsule arabique, entraînant en 2000 un embargo immédiat (PINAULDT, 2009). Dans ce réseau commercial, les marchés aux animaux deviennent alors des lieux à haut risque de transmission parce que le nombre et la concentration en animaux y sont très importants notamment en période de fêtes religieuses, comme l’Aïd El kabir, où la demande est très forte et les échanges intensifiés. L’exploitation des ressources et les aménagements humains, comme par exemple la construction des barrages, sont parfois rendus responsables de l’amplification du virus de la FVR dans une région. En Egypte par exemple, l’épidémie de 1993 avait été imputée à la construction du barrage d’Assouan qui avait conduit à la mise en eau de nouvelles terres et donc créé de nouvelles zones de ponte et d’habitat favorables aux moustiques. De la même manière, la mise en service du barrage de Diama avait été tenue comme responsable de l’épidémie de 1987 au Sénégal (SOTI, 2011).
Zones écologiques favorables à la FVR
Les vallées irriguées
Ces vallées, constituées à la fois de zones humides naturelles et de zones de cultures, sont des territoires favorables à la fois aux moustiques, aux animaux domestiques ou sauvages, et aux hommes. Elles constituent ainsi des zones favorables à l’émergence de maladies dont la FVR.
Les zones d’eau temporaires
Elles se remplissent à la saison des pluies, par la pluie directe et la remontée des nappes phréatiques. Même si le régime des pluies est différent entre l’Afrique de l’Est et l’Afrique de l’Ouest, ces dépressions naturelles qui se remplissent à la saison des pluies constituent des zones de pontes et de reproduction favorables aux moustiques vecteurs de la FVR. Au 8 Kenya, il a été observé que les Dambos sont favorables au genre Aedes (DAVIES, 1985). De la même manière, au Sénégal, les petites mares temporaires qui se vident et se remplissent rapidement seraient plutôt favorables aux moustiques du genre Aedes alors que les grandes mares qui sont en eau plus longtemps seraient plutôt favorables au genre Culex (CHEVALIER, 2005).
Le gradient nord-sud de la pluviométrie au Sénégal
Dans les zones semi-arides et désertiques, la pluviométrie est l’un des facteurs responsables de la création des conditions favorables à la reproduction des moustiques. Le suivi des précipitations peut aider à déterminer la zone et le moment d’une éventuelle épidémie/épizootie (MONDET et al., 2005). Au Sénégal, la variabilité intrasaisonière des précipitations est grande comme le montre la figure 3. Cette figure met en évidence le caractère irrégulier des saisons de pluies, caractérisé par une alternance des zones excédentaires et des zones déficitaires. La figure 4 représente l’évolution spatiale de la pluviométrie au Sénégal. Dans la zone nord, les précipitations sont comprises entre 100 et 400 mm, la zone centre entre 400 et 600 mm et la zone sud entre 600 et 1500 mm. II.3. Modes de transmission de la FVR L’épidémiologie de la FVR est rendue complexe par l’existence de quatre modes différents de transmission : vectorielle par plusieurs espèces d’insectes hématophages, transovarienne chez certains moustiques, directe par contact avec le sang, les sécrétions, le lait ou la viande d’animaux malades, et enfin par inhalation d’aérosols de sang virémique (NDIONE et al., 2003).
Transmission vectorielle
C’est le principal mode de contamination chez les animaux mais il est également possible chez les humains surtout en zone pastorale où les populations cohabitent avec les troupeaux. (ABDULLAH, 2011). Figure 4 : Gradient nord-sud de la pluviométrie du Sénégal (Source : CSE) Figure 3 : Répartition des zones excédentaires et déficitaires en précipitation au Sénégal (Source: CSE) 9 b) Transmission directe Ce mode de transmission est rare chez le bétail, il est plus fréquent chez les humains. L’homme se contamine essentiellement par contact avec des matières virulentes ou par inhalation d’aérosols infectés. Les employés d’abattoir, les bouchers, les vétérinaires, les techniciens de laboratoire et les éleveurs constituent la population à risques (PIN-DIOP, 2006). Les risques de contamination directe homme à homme sont très faibles.
Transmission transovarienne
Chez de nombreuses espèces d’Aedes, le virus peut être transmis de la femelle infectée aux œufs (transmission verticale), lesquels donnent des adultes également infectés (ABDULLAH, 2011). La transmission verticale n’existe chez aucun hôte vertébré, c’est à dire que les jeunes nés de parents infectés n’hébergent pas le virus (PIN-DIOP, 2006). Pendant les périodes inter-épizootiques, le virus persiste par transmission verticale chez certaines espèces de moustiques Aedes du groupe Neomelaniconium (GEERING et al., 2003). En plus, entre les périodes d’épizootie, le virus circule silencieusement entre les insectes vecteurs et les mammifères sauvages dont les rongeurs et les ruminants sauvages (ABDULLAH, 2011).
Cycle de transmission de la FVR
Le virus circule entre les hôtes vertébrés et les moustiques. Le maintien interépizootique existe par transmission du virus par les œufs d’Aedes spp. du groupe Neomelaniconium (GEERING et al., 2003). L’épidémie débute après de fortes pluies ou à l’occasion d’inondations qui induisent la pullulation des moustiques (Figure 5). Elle s’étend alors chez les animaux et elle touche l’homme secondairement. Au cours des épizooties, la contagion se produit chez l’homme par contact avec le sang, les sécrétions, le lait cru ou la viande d’animaux infestés. Figure 5 : Schéma du cycle de transmission de la FVR (Source : CHEVALIER, 2005)
Manifestations cliniques de la FVR
Chez les animaux
Après infection, la période d’incubation dure de 1 à 4 jours. Chez les ruminants domestiques, les symptômes de l’infection varient selon l’âge et l’espèce. Il est observé dans tous les cas une hyperthermie et de l’abattement. L’infection est rarement mortelle pour les adultes, mais provoque des avortements chez les femelles gravides (85% chez les bovins, 100% chez les petits ruminants). La mortalité est par contre, importante chez les jeunes animaux : elle varie de 10 à 70% chez les veaux et de 20 à 90% chez les agneaux ou chevreaux (PIN-DIOP, 2006). Les ovins sont les plus sensibles, et c’est souvent une augmentation inexpliquée des avortements et de la mortinatalité chez cette espèce qui constitue le premier signe d’appel d’une épizootie de FVR (SHIMSHONY et BARZILAI, 1983). Les races indigènes de bovins et de moutons en Afrique ne présentent souvent aucun signe de la maladie avec une brève période de virémie. La lésion la plus évidente est la nécrose hépatique aussi bien chez l’animal que chez l’homme.
Chez l’homme
Chez l’homme, la période d’incubation est de 3 à 6 jours et la symptomatologie est variable, pouvant aller d’une affection bénigne de type grippal à une fièvre hémorragique fatale. Certaines personnes peuvent être infectées sans présenter de symptôme spécifique. D’autres, après 2 à 6 jours d’incubation, peuvent développer une forme bénigne se caractérisant par une forte fièvre souvent accompagnée de maux de tête, de nausées, de vomissements (SOTI, 2011). Dans ses formes les plus sévères, la pathologie peut prendre une forme oculaire (0,5 à 2 % des cas), une forme méningo-encéphalite (moins de 1 %) ou une forme fièvre hémorragique (moins de 1 %)
Méthodes de diagnostic de la FVR
Diagnostic clinique et anatomo-pathologique
Le diagnostic clinique chez les ruminants est difficile à établir car les symptômes sont peu spécifiques. Une infection par le virus de la FVR peut être aisément confondue avec l’une des nombreuses pathologies abortives touchant les bovins et les petits ruminants, telles que les pestes, la fièvre catarrhale du mouton, la brucellose, l’avortement enzootique des brebis, les intoxications par les plantes, etc. Des avortements en série chez les petits ruminants, associés à une forte mortalité des nouveaux-nés et à des syndromes fébriles observés chez les personnes ayant manipulé les animaux constituent cependant une forte présomption (PINDIOP, 2006). Les lésions hépatiques observées sur un animal mort ou un avorton peuvent également renforcer cette hypothèse. Le foie est en effet atteint de nécrose totale ou focale. Les îlots de nécrose se traduisent par des taches blanches et des hémorragies sous capsulaires, que l’on retrouve dans l’épaisseur de l’organe (EASTERDAY, 1965). Ces différents signes doivent amener les services de santé à suspecter la FVR et à faire les prélèvements de sérum ou d’organes nécessaires aux examens de laboratoire. Le diagnostic ne pourra être confirmé que par l’isolement du virus ou par la mise en évidence d’anticorps chez les animaux malades.
Introduction |