EPILEPSIES-ABSENCES DE L’ENFANT ET DE L’ADOLESCENT
Epidémiologie
L’incidence des épilepsies de l’enfant de 4 à 16 ans est de 82 pour 100.000 habitants, avec une prévalence de 4,9‰. L’incidence annuelle des EA chez les enfants de 0 à 15 ans est de 6,3 à 8 pour 100.000 habitants. En France, les EAE constituent 11% des épilepsies de l’enfant avec une nette prédominance féminine (60 à 70%). A Marrakech, une étude réalisée en 2010 sur 592 enfants épileptiques avait permis de mettre en évidence 12% de cas d’EAE. Au Sénégal, en 2008, 16,34% d’EGI avait été constaté sur un total de 459 patients. Dans cette série, les EAE représentaient le syndrome le plus fréquent avec 28% des EGI (versus 2,34% pour les EAA).
Classification des épilepsies et syndromes épileptiques
En 1981, sur la base des critères électrocliniques, trois types de crises se dégageaient de la classification des crises épileptiques proposée par la LICE : les crises généralisées dont les absences, les crises partielles et les crises non-classées. Avec cette classification, la connaissance des mécanismes de la genèse des crises demeurait encore limitée. Il a fallu une nouvelle classification, celle de 1989, pour que les critères électrocliniques soient organisés en syndromes bien définis, avec la distinction de l’épilepsie absences (cf. Tableau n°1).
Etiopathogénie
Etiologie
Le caractère génétique de l’EAE s’explique par la fréquence élevée des cas familiaux qui sont retrouvés dans plusieurs études. Mais dans les mêmes familles peuvent cohabiter d’autres types de syndromes épileptiques idiopathiques comme les convulsions fébriles, l’épilepsie avec crises généralisées, l’épilepsie myoclonique juvénile et le syndrome de Doose. Il apparait alors clairement que la transmission héréditaire n’est pas monogénique. L’étude de certaines familles d’EAE avec évolution vers des secousses myocloniques et une CGTC, ont permis de réaliser que la transmission d’EAE ne se fait pas selon le modèle mendélien, mais selon une transmission autosomique dominante liée au chromosome 8q24. D’autres travaux ont permis d’identifier les chromosomes 5q31.1 et 19p13.2. De nombreuses mutations ont été aussi suspectées, touchant principalement les sous-unités du récepteur GABA (GABRG2, GABRA1, GABRB3, GABRA5), les gènes codant pour les canaux calciques (CACNA1A, CACNA1G, CACNA1I, CACNAB4, CACNAG2, CACNAG3) et les gènes codant pour les sous-unités du canal sodique voltage dépendant (SCN1A ou SCN1B). (8 ; 14 ; 38)
Physiopathologie
Les découvertes récentes résultant des données cliniques et expérimentales témoignent de ce que les décharges de pointes-ondes (DPO) en lien avec les absences prennent naissance dans le cortex, puis se propagent dans l’ensemble des circuits cortico-thalamiques. La boucle thalamo-corticale semble donc incontournable dans l’explication de la genèse des crises d’absence (cf. Figure n°1). (9 ; 21) 10 19 Les DPO sont principalement présentes dans les boucles cortico-thalamo-corticales. Celles-ci sont constituées de neurones corticothalamiques (C-T) réciproquement connectés par des synapses excitatrices avec les neurones thalamo-corticaux (T-C). Ces derniers sont inhibés par les neurones du noyau réticulaire du thalamus (nRT), excités à la fois par les neurones C-T et T-C. Figure n°1 : Origine corticale des DPO (Chipaux M. et Charpier S., 2013)
Vers un consensus cortical : crise généralisée ou focale secondairement généralisée ?
L’absence étant considérée comme une crise généralisée, elle se définit par un engagement très rapide de réseaux bilatéraux, corticaux et/ou souscorticaux, mais n’impliquent pas nécessairement d’emblée tout le cortex. C’est ce que mettent en évidence les données récentes sur les modèles génétiques d’absence (Wistar Albino Glaxo from Rijwijk : WAG/Rij) et les patients qui en sont atteints. La nouvelle hypothèse physiopathologique pour l’EA suppose que les DPO associées aux crises d’absence sont initialement déclenchées dans un foyer cortical, frontal ou pariétal selon les espèces, puis sont rapidement généralisées à l’ensemble des boucles cortico-thalamocorticale (cf. Figure n°2). 11 20 Les dynamiques de déclenchement (à partir d’un foyer cortical) et de propagation des DPO chez les rats WAG/Rij (rats ayant spontanément des absences).
Figure n°2 : Déclenchement focal cortical des DPO (Chipaux M. et Charpier S., 2013) C’est d’ailleurs ce que démontrent les investigations récentes réalisées chez l’homme : – Une électroencéphalographie en « haute résolution » a montré chez des patients atteints d’EAE une implication du lobe frontal dans les processus dynamiques de genèse des DPO ; – Une spectroscopie proche de l’infrarouge (Near-infrared spectroscopy : NIRS), a mis en évidence en période pré-critique une augmentation de l’oxygénation frontale dans les 10 secondes qui précèdent les crises ; – Une IRM fonctionnelle a révélé soit une diminution du métabolisme en frontal et en temporo-pariétal de façon concomitante aux décharges, soit une activation frontale orbitale/médiale et pariétale, débutant plusieurs secondes avant le début des crises. (8 ; 21) Ces données électroencéphalographiques et imageriales permettent donc de faire évoluer le concept d’épilepsie d’emblée généralisée, vers le concept d’épilepsie focale avec généralisation secondaire, tout au moins pour ce qui est de l’EAE.
Rôle du thalamus dans la « théorie corticale »
Le déclenchement initial des DPO au sein des noyaux thalamiques au cours d’une absence n’est prouvé par aucune investigation. Ce sont les expériences physiologiques et pharmacologiques réalisées dans divers modèles animaux, Genetic Absence Epilepsy Rats from Strasbourg (GAERS : un modèle animal génétique qui possède une grande homologie avec la pathologie humaine), qui confirment ce fait. S’il est maintenant reconnu qu’au niveau cortical il existe un foyer épileptogénique, le thalamus n’aurait alors qu’un rôle de généralisation de la décharge produite au niveau cortical. Ainsi, les neurones thalamo-corticaux, lors d’une crise d’absence, auraient une activité rythmique sans effet ictogénique, mais qui participerait au maintien des oscillations paroxystiques synchrones dans les boucles cortico-thalamo-corticales lors des DPO.
INTRODUCTION |