RAPPORT JURIDIQUE 2001
Le présent rapport porte sur un large éventail de questions dont le Tribunal canadien des droits de la personne, la Cour fédérale du Canada, la Cour suprême du Canada et divers tribunaux d’archives et administratifs ont été saisis. Son seul objet est de passer en revue les récentes décisions qui ont été rendues concernant la Loi canadienne sur les droits de la personne , les répercussions de la Charte canadienne des droits et libertés sur les questions d’égalité, ainsi que les autres lois relatives aux droits de la personne. Le rapport ne constitue aucunement un avis juridique sur les sujets abordés et ne représente pas nécessairement les vues de la Commission. Dans un premier temps, le rapport examine les décisions rendues par le Tribunal à l’égard des plaintes entendues. Ces affaires sont classées suivant les principaux motifs de discrimination allégués dans chaque cas. L’une d’entre elles concerne l’incidence de la limite de 30 semaines applicable aux prestations spéciales (maladie, maternité et responsabilités parentales) payables en vertu du Régime d’assurance-emploi. Le Tribunal a invoqué l’absence d’éléments de preuve démontrant la nécessité raisonnable de la limite de 30 semaines pour conclure que celle-ci défavorisait une plaignante qui était tombée malade pendant sa grossesse. Par contre, dans une autre affaire concernant les plaintes de femmes dont la période de chômage involontaire coïncidait avec leur grossesse, le Tribunal a confirmé la validité d’une limite applicable au cumul des prestations ordinaires et des prestations spéciales prévues par le Régime d’assurance-emploi.
L’importance des éléments de preuve (tant directs que circonstanciels) dans l’établissement d’une preuve prima facie de discrimination de même que la nécessité pour la défenderesse de justifier par une explication raisonnable sa décision de ne pas embaucher quelqu’un sont examinées en détail dans une autre décision qui repose sur les circonstances particulières de l’affaire considérée plutôt que sur l’incidence discriminatoire des dispositions législatives. Dans une autre décision , le Tribunal s’est intéressé à l’obligation faite aux étudiants ayant une déficience d’inclure certaines subventions dans leur revenu personnel en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu. Il a examiné, du point de vue de l’intérêt public, la question des subventions spéciales accordées aux étudiants ayant une déficience, et a étudié à fond les dispositions prévues à cet égard dans la Loi de l’impôt sur le revenu et leurs conséquences réelles sur le plaignant en l’espèce. Le Tribunal a confirmé finalement la validité de la règle fiscale dont il est question. Trois autres décisions viennent illustrer le principe voulant qu’un employeur prenne des mesures d’adaptation raisonnables pour tenir compte des besoins spéciaux d’un employé handicapé sans qu’il en résulte pour l’employeur une contrainte excessive.
La première concerne un employé aux prises avec des problèmes de stress et de dépression ; la deuxième examine les procédures et normes que les Forces armées canadiennes appliquent aux militaires atteints de troubles coronariens ; la troisième porte sur un cas d’absentéisme prolongé attribuable à un accident du travail. Une autre décision du Tribunal reconnaît l’alcoolisme comme une déficience tout en jugeant , suivant les faits de l’espèce, que cette dépendance est sans rapport avec le refus d’embaucher quelqu’un. Dans une autre affaire, le Tribunal a examiné en détail les politiques du Service correctionnel du Canada (SCC) applicables aux transsexuels, particulièrement celles qui leur refusent l’accès à une chirurgie de changement de sexe et qui exigent le placement des détenus transsexuels au stade préopératoire en fonction de leur sexe biologique. Dans une décision mûrement arrêtée, le Tribunal a fait ressortir les éléments des politiques du SCC qui sont discriminatoires à l’égard du sexe et de la déficience. Diverses affaires où l’on allègue une discrimination raciale ou fondée sur l’origine ethnique ou nationale donnent un aperçu des questions de preuve se rapportant à l’établissement d’une preuve prima facie, des questions entourant la preuve d’une discrimination systémique, du recours aux témoins experts, des représailles et de l’évaluation de la crédibilité des témoins.
L’établissement d’une preuve prima facie est également le pivot de la décision rendue dans le cas de discrimination fondée sur l’âge qui est examiné dans le présent rapport. Il s’agit d’une autre décision concernant les politiques et procédures des Forces armées (qui ont trait cette fois-ci aux promotions d’un grade à l’autre). Une importante décision du Tribunal concernant la transmission de messages haineux par téléphone vient compléter cette section du rapport . Cette décision soulève la question essentielle de savoir si les messages transmis de façon répétée par Internet entrent dans le champ d’application du terme « téléphone » utilisé au paragraphe 13(1) de la LCDP. À l’appui de sa réponse affirmative à cette question, le Tribunal a examiné en détail des arrêts antérieurs de la Cour suprême qui concernent la propagande haineuse et l’objet fondamental de la législation en matière des droits de la personne. De même, après avoir évalué les restrictions que ferait peser sur la liberté d’expression le fait de sanctionner la communication de messages haineux, le Tribunal a conclu que les limites imposées par le paragraphe 13(1) sont raisonnables et que leur justification pouvait se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique (au sens où l’entend l’article 1 de la Charte canadienne des droits et libertés). Diverses questions sont passées en revue dans les sections portant sur les ordonnances interlocutoires du Tribunal et les questions procédurales.
Les décisions examinées traitent, entre autres, de l’applicabilité de la Loi sur la preuve au Canada (témoins experts) , des règles régissant l’accès aux dossiers médicaux , des conséquences du retrait d’une partie avant l’audience , de l’application de la LCDP à la Chambre des communes , de l’incidence du jugement Bell (concernant l’impartialité et l’indépendance du Tribunal) sur d’autres audiences , de l’application de la LCDP aux Premières nations et de questions relatives à la communication de documents avant l’instruction. Le présent rapport passe également en revue les décisions que la Cour fédérale a rendues à l’égard des obligations et pouvoirs légaux de la Commission. Lorsqu’elle accepte une plainte, mène une enquête et décide de renvoyer ou non une affaire à un Tribunal, la Commission est tenue de respecter les normes de l’équité procédurale appropriées à ses fonctions administratives. Les affaires évoquées dans cette section couvrent les divers aspects de l’équité et de la conduite raisonnable dont la Commission doit faire preuve lorsqu’elle traite des plaintes. Elles donnent une bonne idée des types de problèmes susceptibles d’apparaître et des décisions judiciaires qui sont prises pour les régler. La Cour fédérale procède également au contrôle judiciaire des décisions du Tribunal des droits de la personne.
Cette section du rapport examine, entre autres décisions récentes, l’arrêt Bell, notoirement connu, qui avait mis en doute l’indépendance et l’impartialité du Tribunal. La Cour d’appel fédérale a depuis infirmé cette décision de la Cour fédérale (Section de première instance), levant ainsi les difficultés qui avaient retardé l’ensemble du processus de règlement des plaintes. Il y a, parmi les autres affaires examinées, un cas où les nouvelles qualités requises des membres du Tribunal sont contestées (au motif que cette règle impliquait une partialité ), un autre où l’applicabilité de la LCDP à la Chambre des communes est mise en question , ainsi que différents cas concernant la procédure impartiale, des questions de fait et de droit et des demandes de suspension de l’instance. Un arrêt de la Cour fédérale confirmant une décision du Tribunal sur l’interprétation à donner de l’expression « même établissement » revêt une importance particulière pour les questions d’équité salariale. La portée et le sens de ce terme sont essentiels pour déterminer les groupes de référence devant servir à établir des comparaisons entre les travailleurs en vue de l’application de l’article 11 de la LCDP.