Détection des résidus d’antibiotiques dans les
viandes de bovins
Formation des résidus d’antibiotiques dans les organismes des animaux de production
En pharmacocinétique, un médicament administré à un organisme va subir en général 4 étapes de transferts successifs que sont l’absorption, la distribution, les biotransformations et l’élimination. L’absorption est le passage de la substance active à travers les membranes biologiques du site d’absorption vers le sang et la circulation systémique. Une fois dans le sang, les molécules du médicament soit se fixent à des protéines plasmatiques transporteuses (albumines, globulines, lipoprotéines) et distribuée dans tout l’organisme, soit restent libre dans le sang. La fraction libre est celle qui diffuse dans les organes et se fixe aux tissus. A cette étape, les principes actifs dont l’affinité aux tissus est la plus importante (possibilités de liaisons avec les protéines tissulaires) laisseront le plus de résidus dans l’organisme (Lüllmann et al., 1998). 10 Au sein des tissus de l’organisme, en particulier ceux du foie (organe très riche en enzymes de biotransformation), les molécules subissent des réactions d’oxydation, d’hydroxylation, d’hydrolyse et de réduction. A la suite de ces réactions, les molécules sont soit inactivées et conduites vers les sites d’élimination (reins et élimination urinaire), soit transformées en d’autres métabolites parfois plus actifs que la molécule mère (Lüllmann et al., 1998). Et dans ce dernier cas, on observera la persistance de la substance ou de son métabolite dans les tissus de l’animal et dans les produits issus de cet animal (viandes, lait, œufs…). Ainsi, quelle que soit la nature de l’antibiotique administré, le risque de retrouver des résidus dans les tissus (viandes) et les produits d’excrétion (lait, œufs) est présent. La suppression totale de ces substances en production animale n’étant pas envisageable dans les conditions actuelles compte tenu des impératifs de rendements, il a été fixé pour chaque médicament un seuil au-delà duquel la quantité de résidus présents dans un aliment présente un danger direct pour le consommateur. C’est la «limite maximale de résidus», noté LMR.
La limite maximale de résidus (LMR)
On désigne par limite maximale de résidus « la teneur maximale en résidus, résultant de l’utilisation d’un médicament vétérinaire (exprimé en mg/kg ou en μg/kg sur la base du poids frais), que la Communauté peut accepter comme légalement autorisée ou qui est reconnue comme acceptable dans ou sur des denrées alimentaires» (Règlement CEE 2377 /90). Cette limite se base sur des études scientifiques permettant de définir le type et la quantité de résidus considérés comme ne présentant pas de risques d’ordre toxicologique pour la santé humaine (Doses Sans Effets ou DSE), et les possibilités d’élimination par l’organisme humain (Doses éliminables ou Doses Journalièrement Admises notées DJA). C’est donc la concentration maximale en résidus ne présentant aucun risque sanitaire pour le consommateur et qui ne doit pas être dépassée dans ou sur les denrées alimentaires (Laurentie et Sanders, 2002). Il existe une LMR pour la plupart des antibiotiques utilisés en médecine vétérinaire, pour chaque denrée d’origine animale et pour chaque espèce (Annexes I et III du Règlement 2377 /90). En général, pour des espèces voisines, les LMR des espèces majeures peuvent être extrapolées aux espèces mineures (exemple des LMR lait de bovin et LMR lait de chèvre) (Laurentie et Sanders, 2002). Il est également à noter que les résidus présentent des taux de toxicité variables et le classement des médicaments dont ils dérivent va des substances ne nécessitant pas de LMR (Bacitracine, Alfacalcidol, 2-Pyrolidone) aux 11 substances interdites en production animale (Chloramphénicol, Dimétridazole, Métronidazole, Nitrofuranes, Daspone). Cependant, bien que très importants, les LMR ne sont pas directement utilisables sur le terrain par les professionnels (vétérinaires et éleveurs). On a donc défini un temps au bout duquel la quantité de résidus présents dans les tissus d’un animal, par suite des processus d’élimination physiologiques, devient inférieure à la LMR après la dernière administration du médicament. Ce temps est appelé «temps d’attente » ou « délai avant abattage » et définit la « durée pendant laquelle l’animal traité ne doit pas être abattu ou les denrées alimentaires produites par l’animal traité (lait, œufs, miel) ne peuvent être commercialisées en vue de la consommation humaine » (Directive CEE 81 /851). Au Sénégal, des investigations de terrains montrent que les tétracyclines et les sulfamides sont les plus utilisés en production animale, avec un pourcentage de 29,27% de non-respect des délais d’attente dans la filière avicole (Biagui et al, 2004). 5- Toxicité des résidus d’antibiotiques Les résidus étant le plus souvent présents en quantités très faibles, de l’ordre du microgramme (µg) comme l’indiquent les LMR, leur toxicité semble corrélée à une exposition chronique (consommation de denrées contaminées sur de longues périodes) (Jeon et al, 2008). Et lorsque cette toxicité s’exprime, elle peut engendrer chez le consommateur des problèmes de santé d’ordre allergiques et cancérigènes d’une part, et la possibilité de sélection de bactéries résistantes aux antibiotiques d’autre part. Les réactions allergiques de type III caractérisées par des réactions de type fièvre induite, un syndrome « maladie du sérum » ainsi que par la possibilité de rash érythémateux, sont les plus fréquentes dans les cas d’exposition aux résidus (Nisha, 2008). Et ce sont surtout les résidus de pénicilline qui sont indexés (les acides pénicilloïque, pénicillénique, pénalmaldique, pénicillényls et les pénicillamines) (Demoly et al., 2000). Le risque cancérigène quant à lui semble être associé aux résidus issus de deux familles d’antibiotiques principalement : les nitrofuranes et les nitroimidazoles. En effet, les résidus provenant des réactions de nitro-réduction de ces antibiotiques sont fortement électrophiles et donc capables de réagir avec l’ADN (Stoltz, 2008). D’où l’apparition des effets mutagènes et carcinogènes (tumeurs). Pour éviter ces risques, les nitrofuranes sont aujourd’hui interdits en production animale dans de nombreux pays, dont tous ceux de l’Union Européenne depuis 1993 (Règlement CEE 2901/93). Un autre antibiotique, le chloramphénicol, également interdit en élevage dans de nombreux pays, est incriminé dans l’apparition d’une forme d’anémie aplasique non-dose dépendante et irréversible, dite idiosyncratique chez l’homme (Milhaud, 1985). La sélection de germes résistants aux antibiotiques constitue pour sa part un véritable problème de santé publique, car ce phénomène réduit considérablement les possibilités thérapeutiques. Les résidus d’antibiotiques entraineraient une sélection des souches bactériennes résistantes dans le tractus gastro-intestinal des consommateurs (Cerniglia et Kotarski, 2005). Des études menées à l’aide de systèmes de cultures bactériennes continues in vitro (Chemostats) imitant les conditions dans le tractus gastro-intestinal humain, avec des doses croissantes de tétracyclines ont ainsi montré qu’à la dose équivalente de 2.5mg/kg de poids corporel, la proportion d’E.coli résistants passait de 20 à plus de 50% dans les 24 heures suivant l’exposition et à plus de 60% dans les 48 heures (FAO/OMS, 1999). La transmission par la voie alimentaire de souches présélectionnées chez l’animal et dans les denrées contenant les résidus a aussi été évoquée par certaines études, de même que la possibilité d’échange des plasmides de résistance entre les bactéries d’origine alimentaires et les bactéries du tube digestif de l’homme (Klein, 1999 ; Van Den Bogaard, 2002). La présence des résidus d’antibiotiques dans les denrées pose donc un véritable problème de santé. D’où la nécessité d’instaurer des plans de surveillance et de contrôle des denrées alimentaires d’origine animale (DAOA). Des méthodes de leur détection, en usage chez les professionnels (service d’inspections, industriels, chercheurs) existent à cet effet et sont sans cesse améliorées pour les rendre plus fiables.
Méthodes de détection des résidus d’antibiotiques dans les DAOA
Ces méthodes peuvent être regroupées en deux catégories que sont les tests de dépistage et les tests de confirmation.
Les tests de dépistages
Ils sont surtout qualitatifs, et les échantillons contrôlés positifs sont ceux contenant des résidus même à des teneurs inférieures aux LMR. Parmi les tests de dépistage, on distingue les tests biologiques et les tests physico-chimiques.
Les tests biologiques
Les tests biologiques sont basés sur la croissance ou l’inhibition d’une culture bactérienne. En présence de résidus dans la denrée, les germes sont inhibés tandis qu’en absence de résidus la croissance est effective. Les germes les plus souvent utilisés dans ces tests sont ceux des genres Bacillus (Bacillus subtilis et Bacillus stearothermophilus var calidolactis) et Micrococcus (Micrococcus luteus). Ces bactéries présentent en effet l’avantage d’être sensible à une large gamme de familles d’antibiotiques telles que les Macrolides (Spiramycine, Erythromycine), les Aminosides (Streptomycine), les Pénicillines (Pénicilline G) et les Tétracyclines (Fabre et al, 2004). Comme inconvénients, ces tests ne permettent pas de connaitre ni les teneurs, ni la nature exacte de la molécule présente dans les échantillons analysés. Elles sont de ce fait suivies généralement par des tests de confirmation. On peut citer dans cette catégorie de tests la méthode officielle des quatre (4) boites, la méthode des trois boites, et leurs variantes améliorées sous forme de kits plus rapides et mieux adaptés aux échantillons de masses (Delvotest®, Copan Test®, Charm FarmTest®, Premi®Test, ValioT101®). Cas du Premi®Test Le Premi®Test est un test basé sur l’inhibition de la croissance du Bacillus stearothermophilus inclus dans de la gélose nutritive. Cette bactérie est sensible à de nombreuses familles d’antibiotiques et aux sulfamides. Popelka et al (2005) ont montré, lors d’études de validation de la méthode sur de la volaille que les limites de détection du Premi®Test sont égales ou supérieures aux LMRs pour la plupart des antibiotiques (macrolides, tétracyclines, sulfamides), avec les limites de détection les plus basses pour les β-lactamines (Tableau 4). Depuis 2006, elle est reconnue comme une méthode officielle dans de nombreux pays comme la France (DGAL/SDRRCC/N2006- 8240) et est validée par l’Agence Française de Normalisation (AFNOR, 2006). C’est ce test que nous avons également choisi pour l’analyse de nos échantillons dans la partie expérimentale de notre étude.
INTRODUCTION |