Processus d’édification d’un quartier indigène

Processus d’édification d’un quartier indigène

La Médina dans la presqu’île du Cap vert

 Dans ce chapitre, il s’agit de placer notre étude dans son contexte général. Il est question de voir l’ensemble des événements liés à notre problématique. D’abord, il paraît important de voir le site de la Médina. Il n’existe pratiquement pas de documents concernant les aspects physiques avant 1914. Ainsi pour l’étudier, nous allons l’intégrer dans la presqu’île du Cap vert. La Médina se situe au nord de la ville de Dakar telle une basse plaine. Appelée communément « Tilène » à cause de la présence massive des chacals, elle fut anciennement occupée par les lébous. Ces derniers avaient déjà effectué un exode vers la ville pour ne consacrer cet espace qu’à l’agriculture. Au moment où la ville naissait, la Médina était quasiment vide d’hommes. 

Les aspects géographiques de la presqu’île du cap vert 

En 1444, Denis Dias arriva en vue de la presqu’île et l’appela : Cap Vert. Puis en 1750, Michel Adanson établit le premier croquis du Cap Vert où apparaît Dakar. D’origine volcanique, elle correspond aux ères tertiaires et quaternaires et occupe une position de carrefour entre les continents africain, américain et européen. La presqu’île du Cap Vert dépasse 17° ouest de Greenwich atteignant même 17°16 à la pointe des Almadies. On peut proposer comme limite une ligne partant de Kayar où une fosse maritime prolonge la coupure jusque sous l’océan, passant par le lac Tanma, la région de Pout et enfin par la vallée de la Somone. Elle englobe la commune de Dakar créèe depuis 1887, après celle de Gorée, de Saint louis et de Rufisque. Dakar se situe dans la partie occidentale de la presqu’île. Actuellement, Limitée du nord au sud par l’océan et à l’est par la Banlieue en l’occurrence les villes de Pikine et de Guédiawaye, elle correspond à quatorze pour cent du territoire régional vaste de 550 Km2, environ 0,28 pour cent du territoire national. C’est au niveau de la tête de la presqu’île du Cap Vert que se trouve Dakar qui est un ensemble de plateaux constitués par deux systémes volcaniques d’âges différents séparés par une plaine basse, le tout s’inclinant vers l’est-nord-est. Cette presqu’île est composée de quatre régions naturelles. La plus connue des Dakarois est le Plateau sur lequel est bâtie la ville, plus au delá d’une ligne qui passe par la plage de Soumbédioune et la pointe de Bel air se trouve une région déprimée formée de sables dunaires mobiles, au nord-ouest de cette dépression le terrain remonte pour former un nouveau plateau composé uniquement de roches volcaniques, c’est le Plateau de Ouakam et à partir de Sébikhotane tout le secteur sud-est de la presqu’île est composée de roches gréseuses, d’origine fluvio-marine. Généralement, elle est soumise alternativement à l’action des alizés et à celle de la mousson. Ce climat a constitué un atout majeur dans l’implantation française et plutard dans les migrations intérieures. B- La communauté léboue La communauté léboue est reconnue comme étant la première à s’installer dans la presqu’île du Cap Vert notamment sur le Plateau adossé à l’océan. Ce groupe migratoire s’est déplacé plusieurs fois avant de se fixer dans la région de Dakar. L’étude de ce groupe est très déterminante dans la mesure qu’il constitue une grande partie de la population déplacée vers la Médina. 1-Les origines Selon la tradition orale, les lébous seraient venus du Fouta Toro, carrefour où se sont croisés les peuples de la Sénégambie et dernier point connu où ils auraient formé des groupements ethniques détachés des groupements peuls et des groupements toucouleurs50. Cette période coïncide avec l’islamisation du Fouta où la plupart des peuples hostiles à l’islam ont migré vers le sud. Au cours de leur exode, les lébous seraient passés par le Djolof, le Diander, puis les villages de Kounoune, Rufisque et Bargny. Plusieurs hypothèses concernent leur installation à Dakar. Daboro (B.) affirme que c’est vers 1750 que le village de Dakar fut habité par les lébous. Tandis que Duchemin fait remonter l’installation des lébous sur la presqu’île entre 1580 et 1617 après avoir chassé les occupants mandingues plus au sud dans le Sine Saloum et la Gambie. Mais leur immigration vers Dakar fut lente et beaucoup ne fréquentèrent la presqu’île que de façon saisonnière pour les cultures d’hyvernage où la pêche avant de s’y fixer52. De même, le fond lébou qui peuplait seul la presqu’île est considéré comme résultant d’un brassage entre les gens du nord du Sénégal, wolofs pécheurs du fleuve et les séréres de la petite côte et enfin on devenait lébou en s’installant dans la presqu’île53. Ils occupèrent les dunes de la côte orientale et furent désignés sous le nom de « Bègnes », sable blanc en wolof, c’est la partie comprise entre le cimetière de Bel air et la route de Hann. Ceux qui occupèrent la côte occidentale fondèrent les villages de Yoff, Ouakam et Ngor, il s’agit des «Soumbadiounes ». Ces deux groupes comportaient elles-mêmes des sous groupes. 

Organisation du groupe lébou 

Sous la conduite de leur chef Dial Diop, ils résolurent d’en finir avec les exactions des « tiédos » du Damel55 et de s’affranchir de la puissance cayorienne56. Cette dernière avait une main mise sur Dakar à cause des premiers traités signés avant l’occupation coloniale. D’après Mamadou Diouf, il s’agit d’une rupture térritoriale très importante dont l’origine fut la révolte des marabouts du Njambour et leur défaite face aux autorités traditionnelles sous le régne du Damel Amary Ngoné Ndélla57. Ainsi, le Cayor renonçait à ses droits au profit du groupe lébou. C’est à la fin du 18ème siècle, que « la République léboue » fut créée. Même si cette notion de « République » est reniée par certains auteurs en l’occurrence Anfreville de la Salle. Il s’agissait d’une monarchie théocratique basée sur une dynastie héréditaire : un système de droit qui reposait sur le coran58. Le gouvernement du nouvel Etat lébou était constitué de plusieurs personnalités qui jouaient chacune un rôle précis : Un chef suprême et ministre de la guerre ou Serigne Un ministre de l’intérieur ou Ndeye dji rew Un ministre de l’agriculture, du domaine et des finances ou Diaraf Un sous secrétaire d’état à la guerre et chef de police ou saltigué Une grande assemblée ou corps législatif ou les diambour y Ndakarou Les notables ou délégués de villages ou diambour y pintche Les corps des jeunes lébous ferégnes Ndakarou.59 Cette organisation très élaborée, touchait tous les domaines de la société. Ensuite, les rôles politiques étaient détenus par des familles c’est-à-dire les titres leur appartenaient, de manière à éviter tout heurt et à parfaire la cohésion sociale. Ce gouvernement continue d’exister jusqu’à présent, même si son rôle est devenu symbolique. Mais le personnage du « grand serigne » mérite qu’on s’y attarde. En effet, les « serigne ndakarou » ont été rarement des lébous « purs », le plus souvent leur ascendance paternelle était étrangère. En effet, ils portaient souvent des patronymes étrangers tels que « Diol » ou « kane » du Fouta Toro c’est-à-dire d’origine « toucouleure » et même « peul »60. Seules leurs mères étaient issues d’une des plus anciennes familles léboues en général du groupe Soumbadioume ou du groupe Bégne61. Cet état de fait a conduit plus tard à l’existence de deux grands « serignes » de Dakar. En effet, pour la majorité des lébous, il doit appartenir à la famille de Dial Diop, le premier « serigne ». Pour d’autres, l’appartenance familiale n’est pas importante. Il faut dire que ce groupe a connu plusieurs brassages avec l’arrivée des étrangers dans la ville.

Table des matières

Introduction générale
Revue critique de la littérature
Les sources archivistiques
Ouvrages, mémoires et articles
Première partie : Les conditions d’émergence de la Médina
Chapitre I : La Médina dans la presqu’île du Cap vert
A-Les aspects géographiques de la presqu’île du cap vert
B-La communauté léboue
1) Les origines
2) Organisation du groupe lébou
C-Le port, signe précurseur de la ville
Chapitre II : La Médina de Dakar, une logique coloniale ?
A -Dakar, avant l’occupation française
B –La fondation de la ville
D-Dakar, capitale politique
Chapitre III : Le refoulement de la communauté indigène vers le site de « tilène » en 1914
A-Les prémices du refoulement
1) Le bilan sanitaire de Dakar avant 1914
2) L’épidémie de peste de 1914-1915
3) L’administration face à la peste
4) La perception de la maladie dans le groupe autochtone
B –Le refoulement des indigènes
1) Les soulévements contre les incinérations et le déplacement forcé
2) La sauvegarde des droits des indigènes
Deuxième partie : L’aménagement de la Médina ou l’héritage colonial
Chapitre I : Les travaux d’aménagement
A La configuration de la Médina
B Les projets d’urgence
Chapitre II : La commission de Médina de 1917 à 1919
A Structure et Fonctionnement
B Les objectifs de la commission
C Les réalisations
Conclusion
Annexes

 

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