Philosophie et science dans l’empirie logique de cercle de vienne
A TRAVERS LES TEXTES: SCIENCE ET NON-SCIENCE DANS LA CONCEPTION SCIENTIFIQUE DU MONDE
Parler de la délimitation de la science et de la non-science dans la conception scientifique du monde équivaut à la distinction que les membres du Cercle de Vienne font entre la science et la métaphysique à travers leurs textes respectifs dans le Manifeste. D’une manière plus détaillée, elle renvoie à la démarcation Carnapienne entre le sens et le non-sens, à la distinction chez SCHLICK entre le communicable et le non communicable, mais aussi à l’opposition que fait HANS HAHN de la philosophie tournée vers le monde et celle détournée du monde, ainsi qu’à la division établie par NEURATH entre les énoncés protocolaires et les énoncés non-protocolaires. A cet effet, il requiert que nous partions des textes même des principaux tenants de la conception scientifique du monde que sont CARNAP, SCHLICK, HAHN et NEURATH. Ainsi, comme nous l’avons déjà souligné, ils ont chacun à leur tour rédigé un article dans le Manifeste dont le dénominateur commun porte entre autres sur le rejet de la métaphysique, l’élaboration d’une science unitaire, la redéfinition de la philosophie. Bref sur tout ce qui est relatif au fondement de la science empirique ainsi qu’à l’établissement d’une science unitaire basée sur le modèle de la physique. Cet intérêt voué à l’expérience s’explique du fait que le climat dans lequel la conception scientifique du monde du cercle viennois a vu le jour est marqué par deux tendances philosophiques: l’essor et la diffusion de la pensée métaphysique et la prise de conscience de l’existence et du rôle de l’esprit des Lumières et de la recherche antimétaphysique. 10 Entre ces deux tendances, c’est la dernière, (celle adoptée par la conception scientifique du monde) qui s’est le plus développée. Ceci, parce que d’abord, elle est caractérisée par un mépris de la spéculation et par son orientation vers l’expérience; ensuite, elle est largement partagée par beaucoup de disciplines de la science expérimentale; et enfin, elle est diffusée un peu partout dans le monde avec des représentants illustres tels que RUSSELL en Angleterre, JAMES aux Etas unis, mais également, REICHENBACH à Berlin, et le mouvement du Cercle de Vienne à Vienne. L’esprit antimétaphysique est acquis à Vienne grâce à la confluence positive de plusieurs évènements historiques tels que le libéralisme, les Lumières, l’empirisme etc. A cet égard, Vienne devient le lieu propice où se propage l’instruction scientifique déterminée par l’adoption de l’empirisme et une attitude antimétaphysique. C’est dans ces périodes de croissance intellectuelles que voit le jour celui que PHILIPPE FRANK nomme «le vrai maître du Cercle de Vienne» 4 :ERNST MACH qui, avec BOLTZMANN, BRENTANO et BOLZANO, s’assigneront pour tâche d’assainir la science empirique à travers la physique et la logique, et éliminer de la connaissance la pensée métaphysique. Notre dessein ici, est de montrer que non seulement l’avènement de la conception scientifique du monde est le produit d’évènements historiques et d’influences liées à la science empirique tels que le positivisme et l’empirisme, les fondements, buts et méthodes de la science empirique, la logistique et son application au réel, l’axiomatique etc.; mais aussi de dégager à travers les textes, le dénominateur commun entre ses membres qui n’est rien d’autre que la recherche d’une science unitaire délivrée de toutes notions fantomatiques de la métaphysique au moyen de la logique symbolique.
CARNAP «Le dépassement de la métaphysique par l’analyse logique du langage»
Dans un article intitulé «Le combat positiviste de CARNAP» , QUINE écrit: «Lorsqu’on parle du Cercle de Vienne ou du positivisme logique, on pense surtout à CARNAP.» .En effet, ces mots nous renseignent sur l’importance et la portée que ce dernier a exercées au sein du mouvement du Cercle de Vienne dans la mesure où, il est l’une des trois figures dominantes du Cercle8 , et sans doute le plus influent. Le texte que nous nous proposons d’étudier ici est subdivisé en sept parties, accompagnées de quatre remarques. Ce texte s’inscrit dans le contexte global de remise en cause de la scientificité de la métaphysique; autrement dit, il s’agit du dépassement de la métaphysique et de la question de son statut. Mais pourquoi dépasser la métaphysique et qu’est ce que cela signifie chez CARNAP? Quel est le statut de la métaphysique à telles enseignes que son élimination finie par être un véritable « slogan » pour les positivistes logiques du Cercle de Vienne? Ecris en 1929, ce texte annonce la fin de la tradition métaphysique en prenant pour cible un autre texte de dépassement publié dans la même année: celui de HEIDEGGER, Was ist Metaphysik? Autrement dit, selon ANTONIA SOULEZ: «Le texte heideggérien choisi pour cible illustre, quant à lui, «toute» la métaphysique passée et présente, qu’il s’agit pour CARNAP de «dépasser», parce que sa vacuité cognitive fait obstacle à la claire communication du savoir.» 9 De ce point de vue, le but de CARNAP est non seulement d’éliminer par le moyen de l’analyse logique la métaphysique dans la sphère de la connaissance, mais également de corriger une interprétation erronée d’un dépassement heideggérien de la métaphysique en ce sens que son langage déborde les règles de la communicabilité. De ce fait, le débat est centré sur le statut de la métaphysique, et avec lui, la prétention de son langage à exprimer un contenu cognitif. Ainsi il s’agit selon ANTONIA SOULEZ, de «dépasser» le «dépassement», d’une manière qui ne permette plus d’en conserver le mouvement pour mieux faire renaître la métaphysique de ses cendres.» 10En d’autres termes, rompre avec cette attitude constante d’un dépassement ou d’une élimination de la métaphysique qui, à chaque fois depuis l’antiquité préserve la forme du dépassé à savoir la métaphysique. A partir de là, ce qui est ici visé par CARNAP est d’une part le langage défectueux des énoncés de HEIDEGGER, et à travers sa métaphysique, toute métaphysique antérieure et postérieure, et d’autre part le fait que la métaphysique revendique un statut légitime dans la science. En un mot, il s’agit d’en finir une bonne fois pour toute avec la problématique de la fin de la métaphysique. Le problème est donc un problème de langage, c’est-à-dire la manière dont nous utilisons les mots et les règles d’une langue déterminée. De ce fait, on ne saurait dépasser la métaphysique en ignorant ses énoncés; c’est un tout qui forme un système dont l’un ne peut être examiné sans l’autre. Donc CARNAP et ses amis du Cercle de Vienne ne séparent pas le langage de la métaphysique avec le système métaphysique; les deux sont un ensemble complémentaire qui forme une discipline bien définie. A défaut d’une telle attitude, on risque de tomber dans l’illusion où nous mènent souvent les métaphysiciens et qui consiste à communiquer l’incommunicable, autrement dit à associer la forme de ses énoncés et leurs contenus suivant un style qui empêcherait de les distinguer. Ainsi, l’on voit l’intérêt pour CARNAP de s’occuper à la fois de la structure du langage et du contenu cognitif de la métaphysique. Ceci, en effet pour dissuader ces « artistes » du verbe que sont les métaphysiciens qui utilisent souvent le langage à des fins trompeuses. C’est pourquoi, CARNAP accorde à la logique une place essentielle dans cette lutte contre la métaphysique, dans la mesure où, c’est dans les cadres de la logique que sont définies les règles qui régissent un langage correct et satisfaisant. C’est aussi grâce à la logique que l’on peut aboutir à un dépassement, voire à la disparition pure et simple de la métaphysique. Mais surtout c’est avec la méthode de l’analyse logique que les énoncés métaphysiques sont démasqués et rejetés hors de la sphère du sens.
INTRODUCTION GENERALE |