INTERDITS ALIMENTAIRES ET CHANCEMENTS NUTRITIONNELS
Alimentation et Economie
L’approche économique de l’alimentation fait référence aux accès physiques, à la disponibilité, à la qualité et la stabilité des produits alimentaires aux populations pour pouvoir prétendre à une certaine sécurité. Au Sénégal, des quatre dimensions que comporte la sécurité alimentaire, seul l’accès physique ne pose pas problème. Les changements notés dans l’alimentation des sénégalais ont des conséquences sur le pouvoir d’achat des populations, mais également des effets négatifs sur l’économie nationale. L’urbanisation rapide s’accompagnant généralement d’un passage d’un milieu social à un autre, mais aussi l’adoption de nouveaux styles alimentaires ont bouleversé le mode de vie traditionnel. En effet, les sénégalais ont incorporé des produits alimentaires dont ils ne peuvent pas être autosuffisants, ce qui fait que l’économie nationale est extravertie. La quasi-totalité des denrées alimentaires de première nécessité proviennent hors du pays. La consommation alimentaire des sénégalais est caractérisée par la forte présence du riz (plus de 15% des dépenses). Pour amortir la dépendance extérieure du riz, l’Etat avait encouragé la production du riz dans certaines localités telles que la vallée du fleuve, la Casamance, et les régions centrales. Mais cette production ne couvre pas les besoins nationaux, le TAS du riz est de 39% (Dia, Sylla, 2010). Le Sénégal est obligé d’importer le riz de certains pays asiatiques (Thaïlande….). Et ce riz est plus prisé par les populations que celui produit localement, car il est parfumé, et par conséquent plus conforme aux mets sénégalais. Après le riz, nous pouvons citer le sucre dont beaucoup de sénégalais raffolent et que la production de la compagnie sucrière sénégalaise (CSS) est insuffisante pour la population, ce qui pousse à son importation. Il en est de même pour les huiles végétales dont l’offre de la SUNEOR est inférieure à la demande, vu que le TAS des huiles végétales est de 35% (Dia, Sylla, 2010), montrant ainsi une faiblesse de la production nationale d’huile d’arachide. La sécurité alimentaire au Sénégal est précaire, puisque le pays a un taux global de dépendance des importations assez colossal. Ce taux varie sur les dix dernières années (2001- 2010) entre 22% à 47% avec une moyenne sur les dix ans de 37% (Dia, Sylla, 2010). En témoigne la figure I qui décrit les tendances du TDI de quelques céréales. La dépendance du pays en blé est des plus fortes, elle est de 100%. Le riz décortiqué a un taux de dépendance toujours en augmentation, à l’exception de l’année 2005, où nous avons constaté une baisse due à une hausse de la production. Le maïs connait un taux de dépendance des importations en constante baisse depuis 2002. Avec la mise en place en 2003 du programme spécial de diversification des cultures par l’Etat, le pays a connu un accroissement très important de production. Le TDI du mil est presque nul étant donné que le 5 Sénégal n’utilise généralement que sa propre production intérieure pour satisfaire ses besoins en cette céréale traditionnelle (Dia, Sylla, 2010).
Rôle symbolique des aliments
Les populations sénégalaises donnent un sens important aux aliments, elles les associent à tous les actes de la vie. En effet que ce soit dans les pratiques quotidiennes ou dans le domaine religieux, il existe une certaine valeur attribuée aux aliments.
Dans l’Islam
Dans le Coran, il est bien mis en évidence les aliments licites et illicites.« illicites ont été déclarés pour vous la chair de la bête morte, le sang, la chair du porc et ce qui a été consacré à un autre qu’Allah, la chair de la bête étouffée, de la bête tombée sous des coups, de la bête morte d’une chute ou d’un coup de corne , la chair de ce qui a été égorgé devant les pierres dressées » (Sourate V, Verset 3-4) L’alcool et les boissons fermentées La chair de porc La chair d’animaux tués sans le rituel. En effet selon les enseignements du prophète Mohamed (PSL), celui qui égorge une bête, doit se tourner vers la Kaaba c’est-à-dire vers l’est et prononcer le nom d’Allah avant d’égorger La chair d’animaux tués, consacrée aux dieux ou aux esprits La chair du cheval et des animaux de défense Le cheval est surtout considéré comme une monture. Mais les avis divergent selon les écoles. Le phacochère et le sanglier Dans les « Hadith », ces animaux sont cités comme étant prohibés. Il en est de même pour les animaux qui ont des défenses et les fauves. Le phacochère et le sanglier sont assimilés au porc par les Sénégalais. Au Sénégal, l’Islam se particularise car pour commémorer certaines fêtes religieuses telles que la Tabaski (fête du sacrifice d’Abraham), la Korité (fête marquant la fin du ramadan), la Tamkharite (nouvel an musulman), des repas collectifs sont préparés et distribués. Par exemple le jour de la korité, de grande quantité de « lakh » (bouillie faite avec des grains de farine de mil plus du lait caillé sucré et aromatisé) est préparée, une partie est consommée par la famille et le reste est distribué entre parents, amis, voisins. L’Achouan ou Tamkharite est une fête marquée par des interdits alimentaires traditionnels car durant cette nuit il faut se gaver de couscous pour être lourd et faire partie de gens qui ne mourront pas pendant l’année en cours sinon lors de la pesée si l’individu est de poids léger il aura affaire 7 avec l’ange de la mort et n’assistera pas à la prochaine fête. Au cours de ce nouvel an musulman beaucoup de pratiques tournaient au tour de la préparation du couscous, en effet c’était l’occasion pour les hommes d’un même arbre à palabre, d’une même mosquée par exemple de cotiser une certaine somme destinée à l’achat d’un bœuf qu’ils vont se partager. Durant cette fête, les mamans doivent éviter que les petits enfants en mangeant le couscous se barbouillent, car ça va engendrer des boutons sur la figure. Pendant le mois de ramanda, une bru doit honorer ses beaux-parents en leur offrant des mets copieux pour la rupture du jeune. A travers cet acte l’épouse manifeste son attachement à la famille de son mari. La religion musulmane recommande à ses fidèles de s’acquitter d’un don d’aliment aux plus pauvres. Pour baptiser un enfant musulman, il est recommandé au huitième jour précédent sa naissance de sacrifier un mouton tel que recommandé par le Coran, mais également de préparer le « lakh » pour le petit déjeuner. Chez certains mandingues en plus du mouton il faut sacrifier un coq. Pour les funérailles d’un musulman également, la valeur symbolique des aliments tels que les biscuits, les bonbons se font sentir. Après l’enterrement du défunt, les parents procèdent à la distribution de ces aliments à l’assistance. Ainsi, au troisième jour du décès, les parents après avoir fait le récital de coran distribuent du « lakh », et des « nakha » (des boulettes de grains de farine de mil cuits à la vapeur, puis moulus et sucrés) pour l’offrande. En effet, l’offrande est justifiée par le fait que les gens à qui sont offerts ces aliments, vont formuler des prières à l’endroit du défunt. Ces offrandes peuvent être répétées au huitième et quarantième jour du défunt sous terre, mais aussi aux jours commémoratifs du décès (anniversaires). Il arrive souvent que les plats préférés du mort soient préparés, une partie est donnée à une personne âgée, et le reste consommé par la famille et ceci durant les huit jours qui ont suivi la disparition.
Dans le catholicisme
Les catholiques accordent au vin et au pain une certaine valeur symbolique. En effet « le corps du Christ » est absorbé sous forme d’hostie au moment de la communion et garantit aux disciples une vie éternelle. Chez les catholiques aussi, la célébration de certaines fêtes rime avec réjouissance, ainsi le jour du vendredi saint, du « ngalak » est offert aux amis et voisins musulmans, cet aliment est fait à partir de grains très fins de farine de mil cuits à la vapeur que l’on mélange 8 avec une crème sucrée obtenue avec de la pâte d’arachide et de fruits du pain de singe. Ce partage d’aliments renforce les liens entre les communautés.
Dans l’animisme
Malgré l’adoption des populations aux religions monothéistes, il reste quelques poches de pratiquants des religions ancestrales, surtout en Casamance chez les diolas. Et ces religions se caractérisaient par un gout prononcé des offrandes et des sacrifices. Dans les sanctuaires étaient offerts des aliments tels que le riz, le mil, du lait caillé, du vin de palme, des animaux égorgés qui constituait la nourriture des divinités. Et c’est à travers ces offrandes et sacrifices que ces dieux exhaussaient les vœux. Certains féticheurs réclament à leurs clients une bouteille de vin pour pouvoir entrer en communication avec les ancêtres ou le surnaturel.
Introduction Générale |